Epuisé, il n’y avait pas d’autre mot. C’est avec grand plaisir que le prêtre c’était accordé une pause, alors que le groupe faisait escale sur un territoire aussi mystérieux que propice aux frissons. Il s’était allongé quelques instants, après avoir inspecté les exilés de Waasi. Depuis qu’ils avaient rejoint ce clan déchiré, le vieux mâle et Tadewi avaient redoublés d’efforts afin de soigner les plaies les plus graves dans un premier temps, puis désinfecter les égratignures. Bien entendu, certains lions devaient être surveillés de près, leurs contusions étant parfois en contact avec le sol poussiéreux. A cet effet, des courts moments de répit étaient nécessaires, laissant aux guérisseurs le temps de nettoyer ces excoriations. Le pèlerin n’avait jamais été autant sollicité, si bien qu’il commençait à prendre le rythme et s’adapter à l’allure imposée tantôt par les diverses blessures, tantôt par la reine déchue et son compagnon. Néanmoins, son corps atteignait ses limites, bien que l’aîné n’en laissait rien paraitre, allant parfois jusqu’à occuper son esprit de prières. Sha’Haar, dans sa grande miséricorde, lui accordait la grâce d’effacer ses douleurs pendant le voyage. Mais une fois à l’arrêt, les muscles du vieux lion se tendaient. Heureusement pour lui, Hex avait conservé un fagot de plantes, dans lequel Ceset piocha une herbe aux vertus antalgiques. Durant ce long voyage qui les avaient séparés de la terre des lions, le pèlerin c’était forcé à ingurgiter quelques souris, au prix d’efforts douloureux et de fortes nausées, sous les rires cruel du Mauvais Œil qui se plaisait à le torturer. Le Mal n’était pas mort, le Mal ne mourait jamais…

Allongé sur un lit de mousse, le croyant inspecta le lieu. L’humidité y était très présente et il comprit bien vite que cela jouait sur ses articulations. Puis, son regard se posa sur Kozmotis, alors occupé à scruter les environs. Si, autrefois, Ceset était méfiant, il ne doutait plus de la bonne volonté du Général. Celui-ci se donnait beaucoup de mal pour garder une cohésion entre les exilés. Ces derniers ne semblaient d’ailleurs pas mécontents d’avoir un meneur assuré et droit dans ses pattes. Ils avaient aussi Waasi, dont la fatigue était lisible sur le visage malgré sa volonté de rester forte. Ils étaient tous épuisés.

- Tadewi, Waban, Ceset, venez avec moi je vous prie.

La voix du guerrier des tempêtes résonna dans la plaine marécageuse. Quand l’ordre parvint à ses oreilles, le blanchissant se leva, son dos craquant vertèbre par vertèbre au même titre que ses talons. Malgré sa fatigue, le guérisseur fit de son mieux pour garder un air digne et se dirigea vers celui qui l’avait interpelé. Le reste de la troupe na tarda pas à suivre. Il s’assit ensuite aux côtés de la reine brisée et son ami, les dévisageant tous deux de son habituel rictus dubitatif.

- Le marécage trace la frontière entre la Terre des Lions et les autres territoires, où les exilés ne chercheront pas à nous retrouver; mais il baigne également au pied de la montagne où nous pourrions chercher refuge dans la partie la plus éloignée. Qu'en pensez-vous ?



Avec tout ça, il en avait presque oublié le danger sous-jacent que représentaient les bandits créchant sur Outland…mais cela n’avait guère d’importance, à présent. Ceset avait juré allégeance et devait accomplir son devoir quitte à y perdre la vie. De toute façon, si les griffes de leurs ennemis ne l’emporteraient pas, c’est le Mal qui ferait son œuvre, et celle-ci était déjà bien avancée.

- Le groupe a besoin de repos, c'est indéniable, reprit Kozmotis, et nous devons trouver un moyen de traverser le marécage... Un petit groupe devrait s'y rendre et se séparer pour couvrir plus de terrain.

- Quelqu’un doit surveiller les blessés durant notre absence. Déclara le vieux mâle. Je propose des rondes régulières assurées par binômes. Cela permettrait à l’équipe précédente de se reposer pendant qu’une autre assure les recherches.

Il n’avait aucune formation militaire. A vrai dire, il était même surpris qu’on lui demande son avis sur un tel sujet. Aussi donna-t-il la solution qui lui semblait la plus vraisemblable. Après tout, c’est ainsi que les tours de garde étaient exécutés, dans son temple. Son regard passa du général à la lionne de feu, puis sur ses compagnons.

Waban prit la suite de son camarade. En effet, Tadewi, lors de leur voyage, avait mentionné les talents des lions du vent pour le crapahutage. Autrefois, si ce don ne représentait pas de réelle utilité, les Dieux avaient miraculeusement œuvrés, car à présent, le géant et sa cousine pourraient mettre leurs capacités au-devant de la scène ! Le vieux eu un sourire. Ou du moins, une torsion plus ou moins visible sur ses babines. Le Destin faisait si bien les choses ! Néanmoins, aussi expérimenté qu’il l’était, l’enfant du vent ne manquerait pas de recevoir les avertissements du prêtre.

Ce fut au tour de Waasi de s’exprimer. Bien que nerveuse, la reine déchue parvint à poser sa voix. Le vieux lion se retrouva donc chargé de la surveillance des exilés. Ce choix paraissait raisonnable et évident. Vu son état, Ceset était à peine capable de marcher plus d’un mètre sans être tiraillé de douleurs. Il lui faudrait remédier médicalement au problème avant d’entreprendre tout autre soin. La souffrance avait un réel don pour déconcentrer. Aussi le pèlerin s’armerait du lièvre sauteur pour l’assister dans les médications.

Le Général en profita pour donner les précisions de leur mission. Ces paroles furent dures. Mais hélas, il n’y avait pas d’autre solution…ils devaient redoubler de prudence. A tout prix !

Sans grande surprise –et au bonheur de l’aîné–, Tadewi reçu les nouvelles directives avec enthousiasme. Comme il était plaisant de la voir ainsi, après toutes ces périodes de doute ! Le lion des tempêtes invita la femelle à débuter leur excursion. A vrai dire, ils étaient déjà prêts à partir. Le prêtre se leva péniblement, ne pouvant se retenir de faire quelques pas derrière le groupe de chercheurs.

- Soyez prudent surtout !

Il s’inquiétait bien plus qu’il ne voulait l’admettre. Cela se sentait dans son intonation malgré son air nonchalant.