L’adolescence… Il marquait la fin d’une période et le commencement d’une autre. Je ne parlais pas de la mienne, terminée depuis bien longtemps mais de celle de mes enfants. Désormais âgés de deux ans, ils prenaient de plus en plus leur indépendance, à mon plus grand désarroi. J’étais heureuse de les voir grandir mais je me rendais compte que j’avais aimé m’occuper d’eux tout au long de la journée, de les voir se chamailler dans mes pattes et d’entendre leurs rires résonner un peu partout. Cette période était finie et je devais accepter de laisser mes enfants prendre leur envol. Ils étaient désormais assez grands pour se gérer seuls mais ils pourraient toujours compter sur moi. Ils vivaient toujours sur Prideland mais je les voyais moins régulièrement, chacun ayant décidé de prendre un peu de distance.

Enfin, cela me laissais beaucoup plus de temps libre et il y en a une qui n’avait pas attendu longtemps avant de sauter sur l’occasion. Ma jumelle m’avait ainsi proposé une partie de chasse et bien que réticente face à cette activité, j’avais accepté. Je n’étais pas aussi douée qu’elle et j’avais plusieurs fois fait fuir notre proie. Shana en avait souris et n’avait pas manqué cette occasion de me charrier mais je le prenais de bon cœur. A force de persévérance, nous avions fini par réussir notre entreprise en attrapant une antilope. J’avais cependant laissé ma sœur rentrer seule avec notre butin tandis que je prenais la direction de l’Etang. Cette chasse m’avait donné soif et l’Etang était le lieu le plus proche.

Quelques minutes de marche et l’objet de ma convoitise fut soudain dans mon champ de vision. Plus que quelques pas et je pourrais étancher ma soif. Sauf que cela ne se passa pas comme je l’avais prévu.

UKARIMU !

A l’entente de mon nom, je tournais la tête en direction de la voix qui m’avait hélée. Il s’agissait d’une femelle lycaon et je ne mis pas longtemps à la reconnaitre. Elle avait terriblement grandie depuis notre dernière discussion et était désormais une adulte. Enfin, à l’entendre m’appeler ainsi, j’arborais un sourire en me disant qu’elle avait toujours autant d’enthousiasme que dans mon souvenir.

Yetsa avait quitté son rocher et m’avait désormais rejoint, un grand sourire sur le visage. Son plaisir non dissimulé de me revoir accentua mon propre sourire tandis que j’écoutais la suite.

Ukarimu, je suis contente de te revoir. Je t’attendais justement, ça faisait longtemps qu’on c’était pas vue et… Enfin… Voilà.

La joie de la retrouver mua pendant quelques instants en surprise. Elle m’attendait ? Pourquoi donc ? Bien que j’étais ravie de retrouver une amie, nous n’avions pas plus parler que cela depuis mon retour de voyage. C’était une chose qui me désolait mais mon temps avait été accaparé par quatre adorables boules de poils qui aujourd’hui étaient devenues des adolescents. Le temps avait passé sans que je puisse de nouveau discuter avec la jeune canidé et je me demandais ce qui la poussait à m’attendre de la sorte. Enfin, je le saurais bien assez tôt et repris un large sourire avant de lui répondre.

Bonjour Yetsa. En effet, ça faisait longtemps et je suis heureuse de voir que tu es en pleine forme !

Durant ces dernières années, je l’avais aperçue de loin voire même croisée mais jamais nous n’avions reparlé comme cette fois où je l’avais percuté par mégarde. Je me demandais donc bien pourquoi elle m’attendait de la sorte et ne tardais pas à le lui demander.

Tu m’attendais, dis-tu ? Aurais-tu besoin de mon aide ?

En effet, je n’étais pas sans avoir remarqué que Yetsa passait de moins en moins de temps -pour ne pas dire plus du tout – près du Rocher ces derniers jours. J’en ignorais la raison mais il me semblait qu’elle n’était pas seule dans ce cas et que son grand-père d’adoption avait quitté les lieux également. Souhaitait-elle rester près de Fleck et avait-elle besoin de faire passer un message à quelqu’un ? Je ne le savais pas mais c’est dans cette optique que je lui avais poser ma dernière question.

J’étais loin de me douter que j’étais à des kilomètres de la vérité…

La jeune canidé semblait heureuse de voir que je me souvenais d’elle mais comment aurait-il pu en être autrement ? Bien que nous n’ayons eu qu’une seule vraie discussion, elle avait laissé une marque indélébile dans mon esprit.

Heu ba non. Enfin pas de l’aide dans ce sens-là, mais déjà je voulais prendre de tes nouvelles parce qu’au final on s’est souvent croisée mais c’est tout.

Surprise par sa réponse négative, je me questionnais sur ce qu’elle pouvait bien me cacher. Il était en effet plutôt étrange qu’elle veuille juste me demander de mes nouvelles. Mais enfin bon, c’était ce que faisaient les amies non ? Quoi qu’il en soit, je ne me faisait pas prier pour lui répondre.

Effectivement, quatre lionceaux ça prend du temps, commençais-je avec un rire franc. Ils me comblent de bonheur et je suis fière de les voir grandir et s’épanouir jour après jour. Ils seront de très bons éléments pour le clan lorsqu’ils auront trouvé leur voie, j’en suis certaine. J’ai aussi pu renouer un lien fort avec ma jumelle depuis mon retour et je n’ai jamais été aussi heureuse.

Ma vie n’avait pas toujours été rose et il y avait eu des moments pendant lesquels j’avais douté que cela puisse s’arranger un jour. J’avais eu tort et aujourd’hui, je revivrais exactement les mêmes épreuves si c’était pour en arriver où j’en étais maintenant.

Et toi, comment vas-tu ? Les Kukosa ont-ils bien veillés sur toi ?

J’avais hésité à employé le terme qui correspondait aux esprits pour la lycaonne, n’étant pas certaine de l’avoir bien mémorisé. Elle laissa ma question de côté pour m’en poser d’autres.

Non en faites il y a deux choses que je dois te demander. Ba déjà je voulais savoir comment c’était les montagnes du Nord ? Si tu y as été finalement ? J’ose pas y aller. J’ai déjà été poser une patte à la frontière avec le désert, mais j’ai pas essayé les montagnes du Nord encore.

Je savais qu’il y avait autre chose et j’arborais un sourire face à son aveu. Elle était donc curieuse de savoir si mon voyage m’avait bien mené au Royaume du Nord. Je lui avais confié que c’était mon rêve d’y aller et elle voulait savoir si je l’avais réalisé. Me replongeant dans mes souvenirs, je me rappelais très bien de la sensation de froid qui m’avait mordue jusqu’aux os mais du bonheur que cela m’avait procuré de découvrir ces paysages recouverts de blanc. Les images étaient encore très nettes dans mon esprit et je n’eu aucun mal à répondre à Yetsa.

J’y ai eu très froid et je n’ai pas pu y rester aussi longtemps que je l’aurais voulu. Mais malgré ça, le Royaume du Nord est le plus beau territoire que j’ai eu l’occasion de visiter. C’était bien plus beau que ce que j’avais pu imaginer. Tout y est blanc, calme et si … magique. J’y ai également fait de jolies rencontres et la plus belle est sans aucun doute l’ancienne princesse des lieux.

Je me souvenais aussi de ses mots et de la mise en garde que j’avais cru y déceler. Je n’avais rien entendu concernant les Nordiques mais je me posais des questions sur ce qu’elle avait vécu de son côté depuis notre rencontre.

Je me demande ce qu’elle devient…

J’avais murmuré ces paroles et ignorais si ma jeune amie les avait entendues. Je me reprenais bien vite et chassais mes interrogations pour reprendre.

En tout cas, si tu en as l’occasion, n’hésite pas à t’y rendre à ton tour. J’ai essayé mais les mots que j’ai utilisé ne sont pas à la hauteur de ce que j’ai ressenti à découvrir le Nord et la neige qui le recouvre entièrement.

Je le pensais vraiment. Mes mots étaient pâles face à ce que l’on ressentait la première fois que l’on mettait les pattes dans la neige. Pâles face à la sensation qui vous prenait lorsque vous pouviez voir le monde d’en haut. Pâles face à l’idée qui vous prenait que si vous tendiez la patte, vous pourriez toucher le ciel. C’était vraiment quelque chose à expérimenter par soi-même.

Et puis la deuxième question c’est juste pour savoir une chose… Enfin, je te le demanderais après.

Mes oreilles tiquèrent face au changement de ton de mon interlocutrice. Et à bien la regarder, il n’y avait pas que ça qui avait changé chez la lycaonne. Son attitude entière n’était plus la même. Intriguée par ce qui pouvait lui faire perdre sa bonne humeur si rapidement, je lui prêtais toute mon attention. Sentant qu’il s’agissait de quelque chose d’important pour elle, je m’asseyais et c’est avec le plus grand sérieux que je parlais.

Je t’écoute, Yetsa. Qu’y a-t-il ?

Ayant répondu à la question de mon bien être, je terminais en lui retournant la politesse. J’utilisais même le terme spécifique aux esprits dans les croyances de la jeune adulte mais je n’obtint pas de réponse. Mon amie tachetée semblait être préoccupée par un autre sujet et celui-ci fut rapidement abordé. Je parlais du Nord avec plaisir et conseillais même à Yetsa d’aller y faire un tour un de ces jours.

Oh, je vois… ça à l’air vraiment très beau là-bas ! Et tu parlais d’une ancienne princesse ? Pourquoi ancienne ?

Il était vrai que la chose pouvait paraitre étonnante et je comprenais pourquoi elle cherchait à en savoir plus. Je tentais de me souvenir de ce que l’on m’avait expliqué et en fit de même à mon tour, ne gardant que les grandes lignes pour ne pas me perdre et la perdre aussi dans des explications floues.

Eh bien, cette lionne était princesse lorsque son père était roi. Malheureusement, il ne faisait pas l’unanimité des siens et ses décisions n’ont pas plu à tout le monde. Une révolte a commencée à voir le jour et elle a finie par éclater. Ce jour-là, le souverain a abdiqué, faisant de la future reine une princesse déchue et depuis, se sont les Nokosis qui dirigent les Nordiques.

Cette histoire m’avait été racontée par l’une des lionnes blanches. Elle m’en avait raconté d’autres, ce qui avait fait son bonheur mais lorsqu’elle m’avait parlé de celle-là, j’avais bien senti son amertume. J’avais deviné qu’elle regrettait la monarchie mais elle n’avait pour autant jamais dénigré les Nokosis. Enfin, elle m’avait fait découvrir une nouvelle façon de gouverner et à l’époque, c’était tout ce qui m’importait.

Tandis que je m’asseyais tout en donnant mon entière attention à Yetsa, la jeune canidé ne tarda pas à en faire de même. Son regard fuya le mien et je fronçais les sourcils. Était-ce donc si grave ?

Tu sais… J’ai beaucoup d’estime pour toi, même si on se parle pas souvent… Et il y a une chose que j’aimerais savoir. Une seule chose. Par rapport à tout ce qu’il c’est passé récemment. Est-ce que… Est-ce que tu sais ce qu’il s’est passé vis-à-vis d’Outland ? Je veux dire… Tous les détails qui a fait qu’ils en sont arrivés là ? Et je parle pas de leur propre querelles hein…

Elle n’avait pas croisé une seule fois mon regard pendant qu’elle parlait. Si elle l’avait fait, elle aurait pu voir à quel point ses premiers mots m’avaient touchés. Et la confusion que les suivants avaient fait naitre en moi. Mes connaissances sur les derniers évènements d’Outland étaient les mêmes que pour tout le monde à vrai dire. Un incendie avait malheureusement tué la reine Tahani et le prince héritier, Tadji. Cela avait eu pour conséquence de faire de la princesse survivante la nouvelle reine. Le malheur avait continué de s’abattre sur le royaume d’Outland quand Hourasi était revenu réclamer le trône qu’il estimait être le sien. Ses troupes, plus nombreuses et plus en forme que les outlanders avaient remportées la victoire, bien que leur chef trouva la mort durant cette guerre. Les survivants avaient dû fuir et c’est comme cela que la famille d’Ishana était arrivée sur Prideland.

Une simple succession de malheureux évènements. Mais était-ce vraiment le cas ? Yetsa ne serait pas si mal à l’aise et n’aurait pas utilisé ces mots précis pour poser sa question. Savait-elle quelque chose que j’ignorais ? En attendant de l’apprendre, je commençais par lui répondre.

Je sais qu’il y a eu un incendie puis une guerre qui a conduit à la défaite de la reine Waasi et des siens. Ils ont été amenés à fuir pour ne pas mourir mais ont dû être séparés car seule la famille rouge à été recueillie sur Prideland.

En y réfléchissant bien, il était tout de même étrange qu’Hourasi ait eu vent aussi rapidement de l’incendie qui avait ravagé le Champ Herbeux et tué la reine et son fils. Certes, cela se voyait de loin mais comment avait-il pu attaquer seulement quelques heures après la tragédie ? Soit il s’agissait d’un malheureux hasard, soit… soit il savait ce qui allait se produire. Troublée par mes pensées et face au doute que les questions de la lycaonne commençaient à insinuer en moi, je cherchais à en savoir plus.

Mais tes mots commencent à me faire douter de ce qu’il s’est réellement passé… En saurais-tu plus ?

Si tel était le cas, que pouvait être cette information ? Je ne pouvais qu’attendre et espérer qu’elle n’était pas aussi grave que ce que la situation commençait à me faire croire.

Tandis que j’expliquais ce que je savais, je vis la canidé froncer ses sourcils. Il y avait bel et bien quelque chose que j’ignorais et que la tachetée me cachait. Désireuse de découvrir ce que c’était, je le demandais directement à Yetsa.

Ils n’ont pas été séparés. Enfin, si, mais pas grâce au hasard… La lionne rouge est la seule à avoir eut l’autorisation de rester ici. Quand à la reine Waasi et aux siens… Ils ont été refusé par la reine Awena.

Je croyais être dans un cauchemar. Il ne pouvait en être autrement. La douce et juste Awena que je connaissais et à qui j’avais accordé ma confiance ainsi que ma loyauté ne pouvait avoir pris une telle décision. C’était impensable. Et pourtant, à voir l’attitude de Yetsa, il était plus que probable que se soit la vérité.

Papy, mes oncles et moi, sommes partis vivre ailleurs. Jioni est venue avec nous. La reine et la princesse ont… Fait des choses qui ne sont pas belles à entendre Uka’… Outre le fait qu’elles ont… Piétiné les paroles de papy malgré tout ce qu’il à pu faire pour Prideland, elles ont… Trahit Outland.

Déjà abasourdie, je fus plus que choquée par ces nouvelles paroles. Awena n’était donc pas seule à avoir mal agi, Ahva était elle aussi impliquée…
Je ne comprenais pas comment elles avaient pu agir de la sorte. Fleck était pourtant un symbole de Prideland et après tout ce qu’il avait sacrifié pour se consacrer à Prideland, comment avaient-elles pu agir ainsi envers lui ?

Ahva est partie avec deux autres lions pour aller assouvir une vengeance. Et pour ce faire, ils se sont alliés avec un lion du nom de Soto. Un lion qui a failli tuer mon grand père d’ailleurs. Ahva a… Conclu un marché avec lui. Fermer les yeux quand à l’attaque d’Outland. Ne pas venir en aide aux Outlanders, les laisser se faire massacrer sans bouger la moindre griffe… Et les refuser sur Prideland quand ils en avaient le plus besoin. Et Awena… Awena n’a rien fait, elle a soutenu son choix…

La douche que ces mots me procurèrent n’était pas froide non, elle était glacée. Comment… Comment pouvait-on seulement agir de telle manière ? Elles qui avaient pourtant reçu la meilleure des éducations, comment avaient-elles pu en arriver là ? Je ne comprenais pas et restais bouche-bée pendant de longues minutes. Longues minutes pendant lesquelles je retraçais l’histoire récente en incluant les informations que venaient de me donner Yetsa.

Ahva était partie avec deux lions – son frère Sadaka et sa belle-sœur Taali – après la mort de Kuzali. C’était donc pour la venger elle. Pour cela, elle s’était alliée avec le dénommé Soto qui était actuellement le chef des Outlanders. Savait-elle qu’il comptait prendre la place d’Hourasi ? Enfin, l’important n’était pas là. Elle avait donc accepté son aide pour sa vengeance avec comme contrepartie de ne pas intervenir dans la guerre d’Outland.

J’avais toujours cru que si Prideland n’était pas intervenue dans le conflit entre les partisans d’Hourasi et ceux de Waasi, c’était parce que le temps que nous arrivions, il serait déjà trop tard. Mais il n’en était rien. Ahva le savait et Awena aussi. Et elles avaient décidé de laisser faire. Elles avaient volontairement brisé l’alliance entre Prideland et Outland, bafouant leur honneur et le notre par la même occasion et aujourd’hui, toutes ces morts qui auraient pu être évitées pesaient sur leurs consciences. Et tout ça pour quoi ? Pour s’engager dans la voie de la vengeance.

Je savais à quel point la perte d’un être cher faisait mal mais je savais aussi qu’il ne fallait pas emprunter cette voie au risque de se perdre. Et les deux lionnes du soleil l’avaient expérimenté.

Et ce n’était pas tout. Elles avaient délibérément refusé d’héberger Waasi et les siens après leur défaite. Eux qui ne demandaient qu’un endroit où se reposer et du soutien, leur déception avait due être immense et elle était sans doute comparable à celle qui me prenait en ce moment.

J’étais complétement perdue. Je ne savais pas quoi faire ni quoi dire. Comment réagir après une telle révélation ?

Je ne savais rien de tout cela… La reine et sa sœur n’avaient pas à agir de la sorte. Elles qui sont des filles de la lumière, elles ont agi dans l’ombre et pas en bien. Sache que je ne cautionne pas ce qu’elles ont fait alors pour ce que ça vaut, je suis désolée que l’on t’ait déçue, Yetsa.

C’était à mon tour de baisser les oreilles à la façon d’une enfant qui aurait fait une bêtise. Deux questions me traversèrent alors l’esprit : Tan était-il au courant de cela ? Non, impossible. Jamais il n’aurait laissé faire une chose pareille. S’il ne le savait pas, alors en tant que Bras-droit de la reine, il devait être informé. La deuxième des questions, je la posais à Yetsa, quand bien même je me doutais de la réponse.

La famille rouge est-elle au courant de cette partie de l’histoire ?

Certainement que non car pour les avoir légèrement côtoyés, jamais ils n’auraient acceptés de vivre sur Prideland en sachant que leurs amis et anciens camarades de clans se retrouvaient à errer sur la Terre des Lions.

Malgré la gravité des faits dont elle venait de m’informer, un doux sourire vint étirer les babines de Yetsa. Je ne pouvais que supposer que son origine venait de mes excuses et j’étais – dans la mesure du possible au vu de la situation – contente qu’elle le prenne comme ça. Elle voulut prendre la parole suite à cela mais je la devançais en lui parlant de la famille rouge que nous avions accueilli sur nos terres et en lui demandant s’ils étaient au courant.

Heu… Ba en faites non. Enfin, je sais pas s’ils le savent. Je n’ai pas eu l’occasion de les rencontrer pour le moment. Entre le départ du rocher, l’aménagement de notre nouveau lieu de vie… j’ai pas eu beaucoup d’occasion de croiser de nouveaux lions.

C’était assez logique en soi mais je regrettais de ne pas être sûre de ce fait. Là encore, je ne pouvais que supposer qu’ils n’étaient pas au courant. Parce que si je me mettais à leur place, je sais que j’aurais refusé de vivre sur Prideland alors que le reste de mon clan et une partie de ma famille pour certains d’entre eux ne pouvaient avoir ce droit. J’avais vaguement côtoyé Ishana lorsque j’avais retrouvé son frère blessé et que j’avais envoyé ma fille la chercher pour qu’elle soigne le lion rouge mais je n’avais pas eu beaucoup plus d’interactions avec la lionne de feu. Pareil pour ses enfants. Et à leur place, je préférerais savoir. Il allait donc falloir que quelqu’un leur apprenne.

Et t’excuses pas pour les bêtises des princesses, Ukarimu. Ce sont elles qui l’ont déçue. Pas toi. Et… les excuses devraient-être pour les Outlanders surtout. Enfin. Les anciens Outlanders. Plus qu’à moi. Ou peut-être à Papy aussi. Oui. Surtout à Papy.

J’étais d’accord avec elle mais je n’avais pas d’anciens Outlanders sous la patte pour aller leur formuler mes excuses. A part la famille d’Ishana. Et celle-ci n’était même pas au courant alors ils ne comprendraient même pas pourquoi je leur demandais pardon. En revanche, mon amie lycaon était là et elle aussi méritait des excuses selon moi. C’est pourquoi j’expliquais plus en détails mes pensées.

Oui, Fleck mérite des excuses. Elles ne changeront sûrement rien à la situation mais si j’ignore ce qu’il a pu faire exactement pour le royaume, je sais qu’il en a fait énormément et que la paix n’aurait sans doute pas été possible sans lui. Alors je suis désolée qu’il soit traité de la sorte aujourd’hui. Et je suis désolée qu’elles t’aient tant déçue, toi qui les admirais pourtant. Et pour finir, je suis désolée que vous ayez dû quitter le Rocher.

Même si je n’étais pas personnellement impliquée dans cette histoire, je me sentais coupable en tant que Pridelander. Même si je ne le dirigeais pas, c’était mon royaume qui avait refusé d’aider Waasi et les siens alors qu’ils en avaient besoin. C’était mon royaume qui avait les pattes tâchées du sang des outlanders que nous avions laissé mourir en intervenant pas dans le conflit qui les avaient opposés aux partisans d’Hourasi. C’était mon royaume qui avait perdu son honneur. Et en tout cela, je me sentais mal vis-à-vis de tout ceux que nous avions bafoués et déçus.

Dis… Si tu n’étais pas au courant, cela veut dire que les autres pridelanders ne le sont pas aussi, n’est-ce pas ? … Et… Tu vas faire quoi ?

Effectivement, aucun bruit n’avait couru à ce sujet alors il était fort probable que personne n’était au courant à part la reine et sa sœur. Quant à ce que je comptais faire, c’était on ne peut plus simple. Il fallait que j’en parle avec mon compagnon. Il était après tout le bras-droit d’Awena et je refusais de croire qu’il ait pu cautionner un tel acte. Et s’il n’était pas au courant, il devait l’être. Lui, ainsi que la majordome Chayà. Ils représentaient tous les deux le pouvoir et j’étais quasiment certaine que l’un comme l’autre étaient loin des valeurs représentées par les actes horribles perpétrés dans l’ombre par les lionnes du Soleil.

Je ne crois pas que les autres pridelanders soient au courant de cela. En tout cas, je n’en avais entendu aucun écho avant que tu ne m’en parles. Je ne peux que supposer mais il est fort probable qu’Awena et Ahva aient gardé ça secret. Quant à ce que je compte faire, je vais en parler avec mon compagnon pour commencer. Tan Diel est le bras-droit d’Awena et jamais il n’aurait accepté d’être associé à ce qu’elles ont fait. Je vais donc l’informer de la situation et ensuite, il faudra que nous ayons une discussion avec la reine. Elle va devoir informer son peuple de ses actions ainsi que celles de sa sœur. Cela fait, elle va voir la confiance du peuple en elle ébranlée et des doutes seront soulevés quant à sa faculté à gouverner de manière droite et juste. Une période sombre attend Prideland mais c’est ce qu’il faut faire si elle veut pouvoir se racheter auprès des siens pour débuter puis auprès de nos anciens alliés. Ils ne méritent pas le traitement que notre royaume leur a infligé et nous nous devons de réparer cette erreur.

C’était grâce aux anciens outlanders que nous avions pu gagner la guerre contre les Nyeusis et nous leur devions donc la paix sur Prideland. En aucun cas ils n’auraient dû faire face au refus d’asile et si je ne savais pas encore comment nous pourrions regagner leur respect et leur confiance, il fallait que l’on essaye.

Mon regard désolé quelques minutes plus tôt s’était transformé et brûlait désormais de détermination. Je refusais de vivre sous la gouvernance d’Awena si elle continuait à marcher sur le chemin sombre qu’elle avait emprunter avec cette histoire alors je comptais bien lui ouvrir les yeux et lui faire comprendre qu’elle devait changer tout cela. Peu importe si j’allais la voir moi-même ou si je faisais ça en utilisant Tan Diel, qui aurait sans doute plus de poids au regard du rang qu’il occupait.

Je me sentais salie par ce que la Reine et la princesse avaient fait et je ne pouvais m’empêcher de formuler des excuses. Pour Yetsa. Pour Fleck. Et pour toute leur meute. Dire qu’ils avaient été obligés de quitter leur lieu de vie pour un autre à cause de cette histoire. C’était affligeant.

Tu n’y es pour rien. Et je suis sûre maintenant, que si tu l’avais su, tu aurais été de ceux à tout faire pour changer les choses. Enfin… Après… Si c’est trop tard pour certain, ce n’est peut-être pas trop tard pour les autres. Je les ai vus, les exilés, il y a quelques temps… Enfin, j’en ai vu un.

Oh ça oui. Je n’étais pas douée pour la chasse mais – sans être une experte – j’étais meilleure dans le domaine du combat. J’avais été obligée d’apprendre les bases lorsque j’étais partie en voyage à l’aube de ma vie adulte et en bon camarade à l’époque, Tan avait accepté de me donner quelques leçons lui aussi. J’aurais donc certainement mis mes crocs et me griffes à contribution si on me l’avait demandé. Ou mon esprit si cela avait permis d’éviter le combat. Bref comme elle le disait, j’aurais tout fait pour changer les choses si j’avais su.

S’il te plait, Ukarimu… Ne laisse personne dire que Fleck les a abandonner. Ne laisse personne dire qu’il a fui devant les problèmes, d’accord ?... Papy était là, il voulait aider, conseiller, faire avancer les choses. Mais ce sont elles qui n’ont pas voulu de lui, ce sont elles qui l’ont abandonné…

Je poussais un soupir, me demandant encore une fois comment elles avaient pu en arriver là. Si je ne pouvais plus rien faire pour ce qui tenait du passé, j’avais encore la possibilité d’influer sur le futur. Et c’est bien ce que je comptais faire. Quittant ma position assise, je m’approchais de mon amie jusqu’à pouvoir poser une patte sur son épaule. Fixant mon regard dans le sien, c’est avec la plus grande détermination que je lui répondais.

Je te le promet Yetsa. Je veillerais à ce qu’elles ne lui fasse pas plus de mal qu’elles n’en ont déjà fait.

A Fleck ou à n’importe qui d’ailleurs. Leurs choix avaient déjà causé trop de mal et il ne fallait pas que cela continue. Maintenant que je savais, je devais en informer les figures du pouvoir. Chayà mais aussi et surtout Tan Diel. Je ne pourrais pas lui cacher et n’en avais absolument pas l’intention de toute manière. Cette conversation ne serait pas des plus joyeuses mais elle était plus que nécessaire. Oh ça oui.