OS
J'avais peur, trop peur. Ce que j'avais vu la veille m'avait traumatisé, retourné. Khassim avait été tué, me prouvant à moi et mes idéaux que la vie était aussi fragile qu'une branche d'arbre du Désert. Voulais-je toujours être guerrière après ça ? Non. Je ne voulais pas avoir à planter mes crocs dans une gorge de lion, aussi impur était-il. Je n'avais pas passer le moindre temps avec ma famille. Je n'avais pas non plus reparlé à Lahira de la scène qu'elle m'avait caché. Je n'en avais pas la force. Je m'étais engouffrée dans un coin du Mur de Roche et n'y avait pas bouger jusqu'à ce que j'entende des bruits de pas. Je me ratatinai sur moi même, posant mes coussinets roses sur mes yeux, les cicatrices de ma rencontre avec Daren n'était plus totalement apparente mais elles me faisaient toujours souffrir. Je sentis alors un froid me transpercer, une ombre me refroidir le pelage. Je levai la tête et vit une vielle lionne dorée me faire face. Shauku. Une lionne du clan. Elle m'attrapa par la peau du cou et me posa sur le sol sans trop de délicatesse. Shauku grogna et leva les yeux au ciel avant de dire de sa voix rauque :
« Tu n'es pas entrain de fêter la Purge avec les autres ? »
Je lui répondis par un grognement, je n'étais pas d'humeur loquasse. J'avais fais des cauchemars toute la nuit et ce n'était pas une vielle loque qui allait venir m'importuner ! Soudain, un bâton me tomba sur la tête, je poussai un couinement et reculai. Sur ce bâton était accroché des herbes séchées aux senteurs multiples et prononcées. Je regardai Shauku et soupirai, que me voulait-elle.
« Ne fais pas comme si tu ne m'entendais pas, tu es trop jeune pour être sourde et trop peu plaintive pour être malade !
« Peut-être que vous connaissez quelque chose à la maladie ? »
« Et oui petit lézard ! Je suis guérisseuse »
Elle attrapa son bout de bois et me tapota le crâne avec en souriant. Je cherchai à l'attraper avec mes pattes avant et tombai à la renverse. Shauku rit un instant avant de s'engouffrer dans une sorte de cavité crée par un arbre, curieuse, je la suivis, aux aguets. Finalement, elle s'arrêta :
« Tu n'as pas aimé la mise à mort n'est-ce pas ? Tu sais qu'en temps que guerrière tu seras obligée de tuer ? Tu sais que les jangowas sont... »
« Je sais bien ! »
« Et en temps que fille de l'Impératrice, tu seras en première ligne » me dit-elle avec un air grave « Ou alors tu feras comme ces pauvres lionnes inutiles, tu porteras des lionceaux pour le clan et personne ne te reconnaîtra.
« Pourquoi êtes-vous aussi dure ? »
Je m'étais levée, en colère, que voulait-elle dire à la fin ? Pourquoi diable s'acharnait-elle sur moi ? Je plantai mes griffes dans le sol, contrariée quand la lionne attrapa une fleur verte et me la tendit, avant de m'ordonner avec un air sec :
« Mâche-moi ça. J'en ai besoin. »
Sans même réfléchir, je m’exécutai, broyant la fleur avec mes petits crocs. Soudain, j'entendis des grognements de douleur. Un lion ou plutôt une lionne arrivait. Son ventre était enflé et de nombreuses plaies ornaient son pelage. Mais Shauku restait de mabre face à ce spectacle et me fit simplement signe de me pousser pour laisser place à la lionne. Celle-ci se laissa tomber sur les flancs et je la regardai, confuse. Elle était essoufflée et blessée. Shauku me fit signe de m'approcher et dit simplement :
« Tu vas m'aider. »
« Quoi ? Mais pourquoi moi ? »
Shauku colla alors son museau au mien, les crocs sortis :
« Il y en a qui tue au nom d'une Dune de Sable, et il y en a qui sauve des vies au nom des habitants de cette même Dune. Que préfères-tu être ? »
Je regardai dans le vague un instant avant de poser mes yeux sur elle, sérieuse, mâchant toujours la plante. Je m'approchai de Shauku et recrachai le jus, les yeux brillants :
« J'en fais quoi ? » j'étais décidée, je voulais aider. Pour une fois, j'avais un but concret, quelque chose qui me donnait une détermination sans faille. Je m'approchai de la lionne blessée et zieutai dans la direction de la guérisseuse qui me sourit. Elle attrapa le jus dans sa patte et avança vers la lionne avant d'étaler le jus sur les plaies.
« Reprends d'autres fleurs et mâche-les avant d'appliquer le jus sur les plaies. Cela désinfectera. »
Je m’exécutai sans perdre de temps, mastiquant avec application. Je me mis alors à étaler le jus avec soin. La lionne soufflait comme un buffle, elle allait sans doute mettre bas. Elle poussa alors un grand rugissement :
« Il arrive ! »
J'aurais bien été naïve de demander de qui elle parlait. Shauku soupira, visiblement, la situation était grave, et j'étais assez intelligente pour m'en rendre compte de moi même. La lionne dorée me regarda :
« Tu vas m'assister pour la mise bas. De toute façon, tu n'as pas le choix, je ne pourrai pas soigner et ses plaies et la gérer. »
Je hochai la tête tout en continuant d'appliquer les soins à la lionne. Puis Shauku attrapa un bâtonnet et le posa près de la lionne. Celle-ci s'en saisit et commença à le mordre de tous ses crocs. Ses griffes se plantèrent dans le sable fin et un grognement rauque sortit de sa bouche. Je regardai la guérisseuse, confuse. Celle-ci me dit simplement :
« Poste-toi à l'arrière train de la lionne, tu intercepteras le nourrisson lorsqu'il sortira. »
J'étais abasourdie, moi, aider une lionne à mettre bas ? Réellement, je ne pus retenir un rire, jusqu'au moment où la guérisseuse m'asséna une puissante baffe, en feulant. Je me rattrapai en grognant. Shauku gronda :
« Cette lionne risque de mourir. Au moins, nous pouvons sauver le petit. »
J'étais choquée que la femelle dise une telle chose face à la femelle blessée, mais celle-ci n'écouta que d'une oreille, elle luttait avec la mort et la vie, d'un côté pour ne pas trépasser, de l'autre pour donner la vie. Je m'approchai de la lionne blessée et dit :
« Nous ne pouvons pas nous contenter de sauver le petit. Nous devons aider à refermer ces plaies... On pourrait essayer avec une imposante quantité de jus... Ou encore avec autre chose comme.... » mon regard se posa sur des toiles d'araignées épaisses et apparemment résistantes. J'en saisis une « Comme ça ! »
Shauku sourit, visiblement j'avais vu juste, elle se posta à l'arrière train de la lionne tandis que je tentai de me dépatouiller avec les toiles pour créer une surface lisse et épaisse. Je posai ensuite les fils sur les plaies imbibées de jus et tassai le tout pour arrêter les saignements. Finalement, trois lionceaux sortirent, mais la lionne n'avait plus la force de les lécher, d'ailleurs, elle ne respirait plus, malgré tout mes efforts pour rester en vie. Je baissai la tête et me laissai tomber sur le corps meurtri de la lionne. Shauku quant à elle, tâchait d'inspecter tous les petits mais seul un respirait encore. Je restai immobile, sur le corps de la lionne quand la vielle féline me fit signe de venir, un air serein sur le visage. Je m'approchai faiblement. Un lionceau gris couinait faiblement dans les pattes de Shauku qui me regardait tendrement. Je zieutai dans la direction de la femelle avec un air d'incompréhension sur le visage. Je réalisai que le ventre de la guérisseuse était plat, cependant, les mamelles de la lionne étaient gonflée, elle avait sans doute perdu son lionceau récemment, elle pourrait donc s'en occuper. Je peinai à comprendre ce qui venait d'arriver. Je m'approchai de la guérisseuse et la regardai, confuse. Ce que je venais de vivre, ce mélange d'adrénaline causé par la responsabilité de la vie de mon prochain. Tout semblait clair.
« Tu as de grandes capacités, Hiari, fille de l'Impératrice. Et surtout, tu as une détermination qui est très utile à une guérisseuse. »
Je regardai Shauku, incrédule. Elle n'avait pas dit ça, n'est ce pas ? C'était la première fois qu'une inconnue la complimentait. Je battis des cils avant d'agiter les oreilles confuse. Shauku me regarda avant de dire :
« Je ne te parle pas comme ça pour te brosser dans le sens du poil pour me faire bien voir par ta mère. Je le fais parce que je vois quelque chose en toi qui pourrait me servir. Et qui pourrait servir aux Jangowas. »
Je me retins de sourire, heureuse, mais aussi en pleine réflexion. Que devais-je répondre ? Attendait-elle un discours pour appuyer son propos ? Je me contentai de baisser la tête noblement, gênée. J'esquissai un sourire mais elle me stoppa :
« Je ne dis pas qu'un jour tu seras meilleure que moi, tu n'y arriveras jamais sans mon aide de toute façon. Et puis, il faut être réaliste, tu ne parviendras pas à servir le clan de tes griffes à cause de ta santé fragile. Mais ta tête et tes pattes, elles, peuvent être utiles au clan. »
J'étais légèrement heurtée par ces mots qui discréditaient mes griffes, mais autre chose m'intriguait, comment savait-elle pour ma santé fragile ? Cela ce voyait tant que cela ? Je grimaçai, complexée.
« Mais c'est grâce à l'insistance que tu as montré pour sauver cette lionne que je sais que tu es un bon élément. Et ta tête fonctionne, tu as eu l'idée de stopper le saignement de toi-même, sans que je te dise quoi que ce soit. Tu as une chance de servir ta mère et les jangowas. Mais es-tu prête à ravaler ta fierté pour le bien de ton peuple ? »
Je regardai la guérisseuse, à la fois vexée et flattée. Je ne comprenais pas pourquoi essayait-elle de me prouver que je ne servirais à rien autrement. Mais avant que je dise quoi que ce soit, elle ajouta :
« A moins que tu sois comme les idiots de notre clan à croire que seul les griffes servent... Personnellement, je trouve que ça en a tout l'air... »
Je plantai mes griffes dans le sol avant de dire, en colère.
« Quelle genre de lionne êtes vous pour discréditer ceux qui se battent corps et âme pour sauver notre honneur. Croyez-vous que les autres sont mieux que nous ? A toujours se baser sur ses acquis, on ne se rend pas compte que nos piliers se fragilisent lorsqu'on n'acquiert pas d'avantage de savoir et de haine ! Nos frères jangowas qui se battent chaque jour pour le Grand Désert le purifient chaque jour en éloignant les indésirables de notre Terre ! En discréditant vos frères ! Vous vous discréditez vous même et devenez un indésirable ! Et puis mes griffes marchent très bien ! Je pourrais être une guerrière si je le voulais ! Vous croyez que briser mes rêves me donnera envie de vous aider ? Vous n'êtes qu'une vielle lionne méchante ! »crachai-je, les larmes aux yeux.
Je lui tournai le dos pour partir lorsque quelque chose attrapa ma queue, m'empêchant de bouger. En effet, Shauku avait ma queue dans ses coussinets. Je lui feulai au visage, des larmes coulant sur mes joues. La vielle lionne me fixait de ses yeux bruns, un air sérieux sur le visage. Je la regardai en grognant. La vielle m'attrapa par la peau du cou et me ramena au centre de sa tanière, elle me dit avec un air contrarié :
« Tu aurais dû continuer, cela devenait intéressant. Tu vois, ta tête marche ! » dit-elle avec un râle moqueur. Elle me donna un coup de patte amusé. J'étais décontenancée, je ne savais plus sur quel patte danser. Soudain, le lionceau se mit à piailler, réclamant sa pitance. Shauku s'allongea pour que le petit se nourrisse cependant, je ne bougeai pas, j'étais trop occupé à regarder la scène, perplexe. J'essuyai mes larmes, puis m'approchai de la lionne, doucement, le lionceau couinait si fort que je me demandais comment une chose si petite petite pouvait couiner autant ! Shauku sourit et dit :
« Il va bien lui falloir un nom à ce lionceau, vu que notre amie est morte. » Elle désigna la lionne, je me souvins alors de qui elle était, c'était une jangowas que j'avais vu à la Purge, une partisane de Maman. Je ne me souvenais plus de son nom, mais cela n'était guère important maintenant. Je réfléchissais :
« Upya. Renouveau. »
J'étais plus calme, plus posée, je regardai le lionceau et m'approchai de la guérisseuse. J'avais réfléchis mais ne savais pas comment formuler :
« Vous... Vous pensez toujours que j'en ai les capacités ? Pour... Devenir votre élève ? »
« Ne me force pas à me répéter. C'est agaçant. Oui, je le pense. Mais tu vas devoir me le prouver. Si comme je le dis, tu mets ton ego de côté. »
Je regardai dans le vague un instant, pensant à mon père, qui riait, nous disant que nous serions de fiers guerrier. Mais aussi Maman qui me disait qu'elle m'aimerait toujours. Et puis je voyais ce petit. Je n'allais pas le laisser tout seul avec Shauku. Je n'allais pas l'abandonner comme... Je secouai la tête, puis levai le museau, j'avais déjà pris ma décision de toute manière, je me dirigeai vers la sortie, puis m'arrêtai, ne faisant plus le moindre mouvement, avant même qu'elle dise quoi que ce soit, je dis, les crocs serrés.
« Je servirai les Jangowas comme je l'entends... Avec toutes les cartes que j'ai en patte. Je ne laisserai pas ma santé m'empêcher de faire mon travail... De guérisseuse. »
Le visage de l'aînée s'éclaircit, s'adoucit, sans doute heureuse de ne plus subir la solitude. Elle dit simplement :
« Tu as vu Upya, il semblait que ce soit bel est bien une aire nouvelle. »
Enfin, j'avais choisis mon destin.
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