Une pâle lumière éclairait la grotte dans laquelle Sungura et Késhia dormaient. Du moins, c'est ce que la princesse déchue essayait de faire depuis un long moment : dormir. Son vieux père n'avait pas tardé à s'endormir par fatigue, tandis qu'elle, petit oiseau perdu dans les ténèbres, contemplait les étoiles, au bord de la caverne, les pensées entremêlées de souvenirs et d'inquiétudes. Le grondement des geysers, loin de l'embêter, continuait de chanter pour les Sources Chaudes, ne cessant son activité pour rien au monde. Au bout d'une dizaine de minutes, la lionne gris-bleu poussa un petit soupir ennuyé. Décidément, la nuit ne désirait pas lui porter conseil. Trop de choses préoccupaient son esprit, l'irritaient, le plongeaient dans une tourmente sans fin. Par dépit, elle se redressa et sortit de son antre, jetant un dernier regard à son père avant quoique ce soit, séduite par l'idée d'une petite balade nocturne. Peut-être que se dégourdir les pattes l'aiderait à se changer les idées ? Autant ça que rien.

Les Sources Chaudes apportèrent leur lot de chaleur au pelage de Sungura. Malgré la nuit et le froid qui était censé se déverser sur les montagnes, elle n'en ressentait pas la température, protégée par son éternel lieu de vie. Pourtant, elle n'avait pas peur de s'aventurer dans la neige. Elle avait un peu froid, certes, mais elle y était habituée depuis toujours.
Alors, elle commença à s'éloigner des Sources Chaudes. Le froid et le silence gagnèrent petit à petit son être. Apaisée par le silence, elle ferma quelques instants les yeux. Ça lui faisait du bien de marcher et de s'ouvrir aux paysages nocturnes de son territoire. Elle ne pensait plus vraiment à ses soucis, à sa crainte d'être abandonnée et rejetée par les siens, à cette peur de ne pas pouvoir sauver ceux qui l'aimaient de l'ombre des Nyeusis. Le dernier débat Nordique ne l'avait pas vraiment rendu plus populaire qu'elle ne l'était déjà. Une nausée lui vint au souvenir de tous ces regards hostiles et accusateurs qu'on lui lançait, à sa prise de parole.
Des bruits, semblables à ceux des pas de course, attirèrent vivement l'attention de la demi-Nordique qui se retourna, le cœur battant et les oreilles dressées, étonnée qu'il y ait encore de l'agitation près des Sources Chaudes à cette heure-là de la nuit. Des cailloux voltigèrent et s'écrasèrent non loin d'elle.

« Qu'est-ce que ? ... » lâcha-t-elle, haussant un léger sourcil perplexe.

Et là. Une masse sombre s'écrasa à son tour dans la neige, soufflant bruyamment de colère. Elle écarquilla les yeux, se détournant de ses pensées pour faire face à cet étranger qui venait troubler les Sources Chaudes avec sa brusquerie et sa colère inattendue.
Le temps de la surprise passé, elle s'approcha, dressée sur ses pattes en cas d'attaque, plissant les yeux pour reconnaître l'individu. Ça semblait être un lion … Menashshesh ? Oui, c'était lui. Difficile de s'en rendre compte d'un premier coup d'oeil à cause de la nuit.

« Menahshshesh ? Que t'arrive-t-il ? » lui lança-t-elle, trottinant vers lui, prête à agir si son ami se trouvait avoir des ennuis.

Il semblait assez remonté. Elle ne l'avait jamais vu comme ça. Il respirait bruyamment, comme pour évacuer sa rage. La fille de Késhia eut peur que cette colère soit finalement dirigée vers elle, pour une raison qu'elle ignorait.

« Je peux t'aider ? » lui demanda-t-elle finalement, un peu inquiète, s'arrêtant à quelques pas du corps de Menash'.

Malgré la rage qui l'envahissait, Menashshesh parvint à repérer Sungura près de lui et lui fit un signe de patte, l'air de lui dire qu'il voulait qu'elle reste auprès de lui. N'y voyant aucun inconvénient, la femelle gris-bleu s'assit, se penchant légèrement sur lui, alors que la sentinelle levait la tête vers elle, les yeux grands ouverts.

« Isaï est mort ... » souffla-t-il.

Elle n'avait pas oublié les noms des parents de Menashshesh : celui de son père était Isaï. Son inquiétude laissa place à la peine, sensible aux émotions douloureuses de son ami. Elle ne savait pas trop comment le rassurer, le consoler, lui dire que tout irait bien … elle était presque honteuse de ne pas avoir appris la mort de son père avant. La mort, les proches … elle ne préférait pas y penser. Depuis la mort de Suki, elle ne voulait plus songer à la définition de ce mot démoniaque, tant elle redoutait de devoir subir la souffrance qu'elle avait éprouvée jadis. Menashshesh continuait de parler, et elle l'écoutait, parce qu'elle voyait bien qu'il ne se sentait pas bien et qu'il était désespéré. C'était son ami d'enfance, en quelque sorte son protecteur … elle ne pouvait pas le laisser comme ça.

« Je suis une mauvaise sentinelle … un mauvais guerrier blanc … les traditions Nordiques ne sont pas respectées. Honte à moi … Je n'ai pas pu te rendre ce qui te revient de droit. Je te demande pardon. » lui dit-il.

Touchée par les propos du guerrier blanc, elle ne put s'empêcher de s'abaisser à sa hauteur, mêlant son pelage gris bleu à celui crème et blanc de son ami. La voilà qui était blottie contre lui, plus pour lui signaler son soutien et son affection que pour autre chose. Elle était peinée de savoir que Menashshesh continuait de songer à elle alors qu'il venait de perdre son père. Elle déposa une lèche sur le crâne du lion.
Il n'avait pas à s'en vouloir. Tout seul, il ne pouvait pas changer la mentalité du Nord et le gouvernement Nordique. Il aurait fallu que tous les Nordiques se dressent devant les Nokosis pour que quelque chose change, malheureusement les Lions du Nord semblaient se complaire dans ce nouveau règne qui leur permettait d'accéder au pouvoir comme ils le souhaitaient, par le simple talent de l'élocution. Sungura détestait Nhormero mais encore plus elle-même parce qu'elle était incapable de protéger sa famille, de conserver les valeurs de ses ancêtres et de reprendre l'héritage qu'on lui avait volé injustement. Chaque fois qu'elle voyait les Nokosis s'adresser au peuple, elle avait l'impression de trahir ceux qui l'aimaient et qui ne désiraient qu'une chose : le retour de la princesse sur le trône. Il fallait croire qu'elle n'était peut-être pas aussi digne de son père que cela … Son cœur se serra devant l'évidence. Pour autant, elle préférait ne pas dire à voix haute ce qu'elle pensait à cet instant d'elle-même, tant cela lui coûtait de l'admettre. Menashshesh ne devait pas le savoir. Il devait continuer à croire en un avenir meilleur, même si ce serait sans elle.

« Ne t'en fais pas … » lui glissa-t-elle à l'oreille, bienveillante. « Tu n'as rien à te reprocher. Tu ne peux pas changer le Nord à toi seul, tu sais. Tous les Nordiques doivent réagir. »

L'union faisait la force et c'est ce qui avait permis aux Nokosis de se dresser devant son père jadis, à leurs côtés les Nordiques révoltés. Peut-être qu'un jour, le Mont Blanc serait témoin d'une nouvelle révolution, mais pour cela, il fallait que les Nordiques réagissent, et osent se rebeller contre ce qui était contraire à leurs valeurs. En attendant …

« En tout cas, toutes mes condoléances pour ton père … Je suis vraiment désolée pour toi. Si tu as besoin de réconfort, sache que je suis là. »

Son action sembla fonctionner : Menashshsesh sourit à la princesse lorsqu'elle se colla à lui. Elle était contente de pouvoir le faire sourire en dépit de l'actualité du Nord. A son tour, Sungura sourit au félin et plongea son regard bleuté dans le sien. Désireuse de lui transmettre tout son soutien et son affection par le contact visuel. Son père lui avait déjà prouvé par le passé que les gestes pouvaient largement remplacer les mots dans certaines situations où il ne fallait plus réfléchir, juste aimer la personne en face de soi.
Le guerrier blanc reprit :

« Je te remercie. Faut que tu passes à la grotte au moins voir ma mère et ma sœur. »

Elle hocha la tête. Bien, elle le ferait ! Basmath et Dina avaient bien besoin de réconfort depuis la disparition du père de Menashshesh. La princesse déchue serait ravie de leur en apporter, elle-même connaissait la vive douleur du deuil et savait que le réconfort et l'optimiste pouvaient apaiser la perte. Quand elle remarqua la grimace de Menash. Tiens ? Pourquoi grimaçait-il ? Elle cligna des yeux avant de l'interroger du regard. Sa remarque sur sa mère et sa sœur semblait contrarier son ami, mais elle n'avait pas la moindre idée du pourquoi. Menashshesh ne tarda pas à s'expliquer, visiblement embarrassé.

« Ma mère risquerait de te casser les pattes pour me trouver une compagne … ou de te faire une proposition. »

Les yeux ronds, Sungura le dévisagea sans savoir quoi répondre. A vrai dire, elle ne s'y était pas attendue. Menashshesh et elle ? L'idée lui paraissait aussi impossible que soudaine. Enfin … Menashshesh demeurait un mâle avec d'énormes qualités et un certain charme, elle ne le niait pas mais … eh bien, disons que la fille de Késhia ne se sentait pas troublée par lui. Elle se doutait bien que son ami devait sûrement plaisanter ou parler avec légèreté, mais il en restait qu'elle était perturbée par la vision d'un tel couple. Pour elle, Menashshesh était un grand ami et le resterait. Elle ne voyait pas d'autre évolution dans leur relation, même après plusieurs années de vie commune.

« Ne t'en fais pas, ça finira par lui passer. Ça me dérangerait que tu trouves une compagne aussi vite, je n'aurais plus personne pour me protéger après ! » soupira-t-elle sur un ton faussement contrarié, avant de lâcher un léger petit rire amusé.

Si Menashshesh désirait rester célibataire, qui était-elle pour s'y opposer ou pour influencer sa mère ? Son père ne la forcerait jamais à s'unir avec un autre lion, quelle que soit la raison.

« Comment imagines-tu ta vie dès à présent ? Tu te vois protéger les frontières du Nord pour toujours sans jamais connaître l'amour ? » s'enquit Sungura, intriguée.

Elle resta collée contre lui, leurs pelages s'entremêlant légèrement et empêchant les deux Nordiques de souffrir de la température de la nuit. Sungura le remarquait, Menashshesh semblait aller de mieux en mieux maintenant qu'elle était là pour lui changer les idées. Quant à elle, elle aimait bien parler avec ses amis : cela lui permettait d'oublier son quotidien qu'elle cherchait à fuir tout le temps. Avec Akshaya, Menashshesh et Yuki, les montagnes du nord semblaient ne craindre aucune tempête.

Sensible aux remarques et aux questionnements de la princesse, le lion plongea ses yeux parés d'or dans les siens. Elle frémit en sentant sa patte se poser sur la sienne, comme en réponse au soutien qu'elle lui avait clairement donné la minute précédente. D'une voix douce, il lui promit :

« Je suis tes griffes et tes crocs. Ton protecteur et j'ai juré devant les Nordiques et devant les esprits que je te protégerai au péril de ma vie. Je te servirais jusqu'à que ma ronde sera terminée pour courir dans les étoiles auprès des ancêtres. »

Elle sourit légèrement, encore touchée par la promesse de son ami et le fait qu'elle ait autant d'importance pour lui. Encore une fois, ça prouvait bien qu'il l'aimait car elle n'avait rien fait dans sa vie pour mériter cette affection si ce n'est être née fille de Késhia, monarque détesté des Nokosis et aimé du peuple. Néanmoins, elle n'aimait pas parler de la mort, alors ne parlons même pas du fait que ce soit son ami qui le fasse. Enfin ! Il était loin d'être vieux et elle n'était pas pourchassée par des monstres effroyables. Pas la peine de penser déjà aux étoiles ! Son compagnon de galère posa sa tête sur son épaule et continua :

« Je me voie encore, le problème je commence à me dire. Que je devrais passer le cap de l'amour, plus les lunes passent, plus j'ai la sensation d'être seul … très seul … mais qui aimerait une sentinelle comme moi ? Qui aime son peuple et aussi ... »

Honnêtement … Elle aurait bien aimé lire dans l'avenir et ainsi connaître le nom de cette future prétendante, histoire de chasser les doutes de Menashshesh. Elle le savait plein de qualités, et de sang-pur. Il avait toutes les caractéristiques possibles pour devenir un compagnon incroyable. Une Nordique finirait bien par s'intéresser à lui, en tout cas elle le lui souhaitait sincèrement. Qui sait ! Le poids de sa tête sur son épaule s'allégea et elle se surprit à croiser encore le regard de Menashshesh. Elle hocha doucement la tête, l'air confiant.

« Ne t'en fais pas. Tu as encore du temps devant toi avant de songer à fonder une famille. Tu finiras bien par croiser la route de l'élue de ton cœur. Et puis, tu sais quoi ? Tu n'auras même pas besoin de la chercher, ni de t'en soucier, parce que ton cœur saura la reconnaître lors de votre première rencontre. »

Dit ainsi, elle paraissait presque romantique la gamine, sauf qu'elle croyait vraiment en ce qu'elle disait. C'était sûrement grâce à la clairvoyance du cœur de son père qu'il avait pu différencier sa mère des autres lionnes de son entourage. Pourquoi serait-ce différent pour Menashshesh ?
Quant à la fille de Késhia … Elle n'y avait jamais songé, trop occupée avec ses histoires de trône et de peuple à délivrer pour se soucier d'un quelconque quotidien avec un compagnon. Loin d'être pressée, la femelle gris-bleu se faisait confiance et savait que chaque chose arriverait au moment voulu et qu'elle n'avait pas à s'inquiéter du destin que ses ancêtres lui réservaient. Son amour à elle serait pur et véritable, et non pas orchestré à cause de la pression sociale du royaume.

« Tu sais, si tu te sens faiblir en ce moment … tu pourrais essayer de négocier une petite pause avec tes collègues. Comme ça, tu pourras profiter un peu de ton clan et ainsi peut-être te construire une relation naissante avec une Nordique. Non ? »

Bon, s'il se trouvait une Nordique à chérir ça réduirait leurs moments ensembles mais bon, du moment que Menashshesh était heureux ! Sungura ne pouvait pas lui retirer ça. Se voulant de bonne humeur, la demi-Nordique considéra son camarade. Approuverait-il ses conseils ?

Dans l'attente, Sungura sentit la langue de Menashshesh lui lécher le long de la joue. Le lion blanc sourit. La fille de Suki se mit à ronronner et lui sourit à son tour, soulagée de le voir reprendre des couleurs après avoir contenu autant de colère en lui. Elle jeta un regard autour d'eux, là où les ténèbres rendaient toute contemplation du paysage impossible. Saurait-il rentrer chez lui sans se perdre ? La femelle bleue s'en posa la question, consciente que le temps continuait de s'écouler malgré leur conversation mêlant frustration à tendresse. Elle entendit le mâle faire une réflexion s'il venait à se trouver une compagne.

« Mmh tu me verras plus trop alors si jamais j'ai une compagne. »

Ah bah c'est gentil, merci ..., songea la féline aux prunelles bleues, ne sachant si elle devait rire ou s'inquiéter de sa remarque. Il serait à ce point aimant ? Au point de négliger tous ses proches ? Et elle ? Eh bien ! Elle ne s'était pas attendue à cela.
Menashshesh, en attendant, se mit à se coiffer la crinière. Il réagit finalement à la proposition de la princesse, qui était de faire une petite pause le temps de reprendre en patte sa vie sentimentale. N'y avait-il vraiment jamais songé, à cette fameuse pause ? Aucun lion ne pouvait se tuer à la tâche aussi longtemps. Il fallait soit être suicidaire, soit passionné de son travail. Elle saluait son courage et son dévouement pour le Nord. Peut-être devrait-elle davantage s'inspirer de lui et renforcer sa présence auprès des groupes de chasse.

« Je prendrais quelques jours de repos … Tu as bien raison de me le rappeler que je devrais me reposer avant que je ne tombe malade ou d'épuisements. »

Sungura frotta son museau contre la crinière de son ami, amusée. Au moins il acceptait d'écouter ses conseils et de renoncer à son serment et ses obligations de Nordique. Le fils de Basmath afficha un grand sourire et considéra la fille de Késhia, la remerciant sincèrement.

« Merci Sungura, vraiment merci pour tout. Tu es une véritable amie.
▬ Je t'en prie Menashshesh, il faut bien que je te rende des services de temps en temps. Merci à toi de veiller constamment sur moi. »

Au final, peut-être n'était-il pas le prince charmant que ses ancêtres lui avaient destiné. Elle ne voyait pas Menashshesh comme un possible compagnon. Il était bien plus. A ses yeux, il remplaçait presque son frère, Choyo, qui lui n'était jamais revenu la voir depuis son départ. Pour elle il demeurait un second grand-frère en qui elle pouvait faire confiance et espérer du soutien. Elle espérait néanmoins que son ami ne l'oublierait pas ou ne la rejetterait pas quand il commencerait à fréquenter une autre lionne. Cela briserait le cœur tendre de la demi-Nordique qui chérissait plus que tout au monde son entourage proche. N'est-ce pas ?

« As-tu besoin que je te raccompagne à ta caverne ? Il commence à se faire tard. On pourra rediscuter de tout ça demain matin, si tu veux. » lui proposa-t-elle, gentiment.

Menashshesh saisit la patte de la princesse entre les deux siennes et plongea son regard doré dans le sien bleuté. Sungura l'avouait, la pelisse Nordique de son ami était bien plus efficace que la sienne. Sa patte, moins fournie en poils que celles du lion blanc, se réchauffa davantage grâce à elles. La fille de Késhia hocha légèrement la tête, le remerciant. Il lui sourit davantage, confirmant par la gestuelle les dires de sa cadette. Il relâcha sa patte bleue et jeta un regard en direction des geysers agités.

« Oui, rentrons. Si tu veux, aller viens on y va. » conclut-il.

Il se redressa, imité par Sungura qui s'ébrouait au passage. La nuit semblait déjà bien entamée mais s'ils se dépêchaient, ils auraient sûrement une petite chance de dormir les heures qu'il faut pour passer une bonne journée le lendemain. La femelle gris-bleu fit signe à Menashshesh de s'engager sur le chemin et c'est ce qu'il fit. Avait-elle peur de représailles sur le chemin du retour ? D'un partisan de Nhormero qui, voyant là sa chance d'en finir avec la royauté, s'en prendrait à elle dans un coin isolé ? Non. Elle se faisait des idées. Les deux félins parcoururent des mètres et des mètres, laissant les minutes s'écouler comme si rien ne les arrêtait alors et parvinrent finalement à atteindre la caverne du garde-frontière. Sungura le salua amicalement puis, dans un léger bâillement, fit volte-face et revint sur ses pas. En direction de la caverne de Késhia.

Contemplant les taches lumineuses qui constellaient encore le ciel bleu sombre, la jeune lionne ne vit pas les minutes passer et encore moins la distance se réduire entre elle et les Sources Chaudes. Au loin, le hurlement des geysers qui semblait la rappeler à l'ordre. La demi-Nordique s'empressa de retourner dans cette grotte qu'elle avait abandonnée au profit d'un ami en détresse, avant de s'accouder contre une paroi. Elle chercha du regard le corps de son père. Ce dernier dormait encore, la queue autour des pattes. Elle lâcha un léger sourire attendri puis ferma les yeux, la tête entre les pattes avant.

Bientôt, la fatigue l'emporta sur son esprit et elle sombra dans les ténèbres illusoires d'un long sommeil mérité.