La saison sèche était à nouveau de retour sur la Terre des Lions, au grand dam des Mositus qui n'avaient toujours pas trouvés d'abri. Cette chaleur, au beau milieu de la savane, Vukia la connaissait bien. La vieille lionne retrouvait les désagréables sensations d'une fourrure chauffant sous un soleil de plomb. Celles qu'elle avait connu du temps où le clan avait vécu sur la Lande des Sans-Terre. Sous l'astre du jour qui les frappait sans pitié, les Mositus avait trouvé un peu de répit à l'ombre d'un petit bosquet. Cette chaleur presque insupportable semblait avoir eu le bénéfice de calmer les ardeurs de la petite Makosa, la fille adoptive de Vukia, d'ordinaire débordante d'énergie. Mais aujourd'hui, le lionceau se tenait incroyablement tranquille auprès d'Hatima, où elle avait visiblement trouvé conversation intéressante.

C'était l'occasion idéale pour Vukia de lever sa surveillance de la petite pour aller faire un tour en retrait, la laissant sous bonne garde du vieux lion. La sombre femelle s'était donc un peu éloignée du groupe. Malgré son âge, Vukia tenait toujours son rôle de guerrier en avant. Ce petit tour en solitaire lui permettra de surveiller les alentours et de s'assurer qu'aucune menace ne planait sur le clan exilé.

Visible de loin à cause de son sombre pelage, heureusement qu'elle ne chassait pas, car ça ne serait pas une grande réussite. Néanmoins, la vieille lionne avait tous ses sens en alerte, et avançait avec assurance. Le soleil tapait cruellement sur son pelage, mais contrairement à la jeune génération de Mositus, elle avait déjà connu une telle vie. Elle avait survécu au désert, elle avait vécu un certain temps dans la savane, avec l'aide d'Hofu cela dit. Son retour dans cette vie avait ravivé en elle les souvenirs de son temps au côté du lion qu'elle avait aimé.

- Qui va là ?! rugit soudainement la vieille lionne.

Elle s'était figée, les oreilles plaquées en arrière, les griffes dehors, la queue agitée, ses yeux verts scrutant la direction où elle avait perçu la présence d'un inconnu. Son odorat ne l'avait pas trompé. Il y avait là l'effluve d'un autre félin qui lui était inconnu. Qui qu'il soit, il était, aux yeux de la lionne, trop près du clan au repos.

Elle baissa les yeux. Parce que l'inconnu était allongé au sol, sur l'herbe sèche de la savane. Son pelage gris éblouissait sous les rayons du soleil. Sur le coup, devant un tel pelage, la vieille lionne s'était braquée en songeant à un Jangowas. Mais les Jangowas n'étaient pas aussi blanc. Pas à son souvenir en tout cas. Ils étaient plus couleur de sable, et une telle couleur lui aurait été presque invisible dans ce tapis jauni par la saison sèche. Qui plus est, il n'en portait pas l'immonde odeur du souffle chaud désertique. Autre particularité, ce lion n'avait pas la taille d'un Jangowa. Il était bien trop imposant. Son pelage était également plus épais, du moins, le paraissait. Enfin, ce n'était pas un Jangowa, certes, mais il restait un inconnu malgré tout. Au départ, la Mositu le prit même pour une femelle, à cause de cette absence de crinière, mais une nouvelle effluve lui avait confirmé l'identité d'un mâle bien portant.

Vukia ne s'en approcha pas. Observant le lion, sans réellement prendre en compte le fait qu'il était accompagné par des lionceaux. Pourtant, elle était plus apte à comprendre la vie de famille maintenant qu'elle avait Makosa sur les pattes. Vukia se contenta donc d'évaluer la situation, la carrure du mâle, les petits entre ses pattes, et la distance qu'il y avait malgré tout entre eux et son clan d'exilé. La queue toujours agitée de la vieille lionne prouvait toujours sa nervosité vis-à-vis de cela, mais elle redressa un peu les oreilles sans lâcher le lion au pelage clair de ses yeux d'émeraude.

- Vous êtes Pridelander ? demanda t-elle finalement.

Après tout, elle n'était pas chez elle ici. Tout comme à l'époque où les Mositus vivaient sur la Lande des Sans-Terre, ils n'étaient pas non plus chez eux sur ce royaume. C'était pourquoi ils ne devraient pas trop s'y attarder, même s'ils avaient eu la générosité du roi Kumpa pour leur permettre ces escales. De ce fait, il ne serait pas correct pour la vieille Mositu de rugir après un lion si ce dernier était en réalité un Pridelander. Elle ne s'en rendit compte que maintenant et elle craignait de ce fait d'avoir commis une erreur. En effet, ce lion paraissait bien paisible avec sa progéniture qu'il devait sûrement être du coin pour paraître ainsi. Elle ne pouvait en être certaine, mais après avoir déjà vécu aux côtés de Pridelanders, elle savait qu'ils pouvaient avoir des teintes de pelages très différentes. Ce lion avait plus du Nordique qu'autre chose et pourtant il semblait vivre ici. M'enfin, ce royaume était tout aussi bien parcouru de voyageurs également. Elle-même, pendant un temps, avait voyagé dans ce royaume quand elle avait perdu la trace des siens. Donc finalement, elle pouvait s'attendre à tout.

Ce lion a tout intérêt à ne pas sous-estimer la Mositu devant lui sous prétexte qu’elle était âgée. Vukia n’était peut-être plus aussi souple et rapide qu’avant, mais l’effluve du temps ne lui avait perdre ni sa force, ni son savoir. Et la taille du lion d’apparence nordique pour elle n’allait pas l’empêcher de se mettre à l’offensive. Vukia ne reculait devant aucun danger, même insurmontable, si c’était pour protéger les siens. Mais heureusement, le félin sans crinière ne lui parut pas vraiment menaçant au bout du compte. Dans sa jeunesse, Vukia avait toujours eu du mal à discerner les dangers des âmes inoffensives. Elle s’était toujours contentée d’attaquer le premier qui approchait trop près. L’âge lui avait donné plus de raison, de patience et de réflexion. Elle était devenue un modèle pour les plus jeunes de son clan. Une source de sagesse, de connaissance et de puissance.

Le mâle nia son appartenance au royaume de Prideland. Plus encore, il annonça à la femelle qu’il était de Freeland. Vukia s’interrogea. Elle aurait pu s’attendre à un éventuel voyageur, ou un exilé rebelle à la limite. Mais pas d’un lion d’un autre royaume qui venait dans la savane de Prideland pour siester avec sa progéniture. Vu comme ça, ça lui paraissait assez étrange. Vukia cessa de remuer la queue, mais restait sur ses gardes concernant les alentours. Qu’importait que son clan soit à l’abri ici ou non, son rôle en son sein ne changeait pas pour autant. La protection du clan ne baissait derrière aucune frontière. Même dans un royaume en paix, la traîtrise pouvait exister. Et puis, les dangers ne venaient pas que des lions, mais pouvait être causé par tout un panel d’animaux.

- Freelander ? répéta la vieille lionne, et que faites-vous sur Prideland dans ce cas ?

Et ne pouvait-il pas vivre avec sa famille ? Que ce soit chez lui ou chez elle ? Vukia était assez indifférente à ce genre d’histoire et ne reprochait finalement rien au lion argenté. En posant ce genre de question, elle assurait juste les arrières de son clan en s’informant sur les intentions de cet inconnu. Aussi n’eut-elle pas vraiment de réaction à la réponse du semi-nordique, mise à part jeter un coup d’œil aux lionceaux qu’il avait entre ses pattes. Elle se disait alors qu’il manquait la mère dans tout ça. La compagne du lion sans crinière, mais ne s’interrogea pas d’avantage sur le sujet, jugeant cela inutile.

C’est alors que le mâle reprit la parole, devinant le ressentit de la femelle non loin de lui. Vukia dressa une oreille attentive à ses mots. Tendue n’était peut-être pas le terme le plus approprié aux yeux de la femelle. Elle se considérait juste vigilante et trouvait cela parfaitement normal. Elle considéra un temps le lion gris en silence.

- L’absence de votre crinière n’éveille rien en moi.

C’était la première fois qu’elle rencontrait un lion mâle qui n’avait pas de crinière et ça ne lui faisait pas tellement d’effet. Mais cet inconnu n’évoquait pas cela sans raison. Pour supposer une chose pareille, il avait sans doute connaissance des malheurs du clan Mositu. En lien avec les Jangowas sans nul doute. Mais tous les lions des sables que la sombre lionne avait affrontés avaient une crinière. Faible, certes, mais présente tout de même. A part les lionnes bien sûr.

- Je suppose que vous faites allusions aux Jangowas ? Tout le monde est au courant pour notre conflit avec eux. Et je devine que tout le monde doit se douter que mon clan ne les porte pas dans son cœur. Alors ce n’est un secret pour personne. Oui, je les hais. Pour tout le mal qu’ils ont fait à mon clan. Mais je n’ai aucune raison de les associer à votre absence de crinière. Vous êtes simplement le premier lion sans crinière que je vois dans ma vie. A vrai dire, au premier coup d’œil, vous ressemblez surtout à un Nordique. Je n’en ai jamais vu non plus mais je sais qu’ils ont une couleur très claire.

Ces derniers temps, la couleur du pelage ne voulait plus dire grand-chose avec tous les mélanges qui se faisaient. Un lion sombre n’était pas forcément Mositu tout comme un clair n’était pas forcément un Nordique ou un Jangowa. Il était vrai que certains clans ne se distinguaient que par ça mais d’autres comme les Freelanders, les Outlanders ou les Pridelanders, pouvaient avoir tout un panel varié de couleur de pelage. En entendant parler le lion sans crinière, une question vint alors à l'esprit de la lionne sans arrière pensée :

- Seriez-vous issu de ces deux clans… ? demanda la femelle sombre.

Même si le lion devant elle avait du sang Jangowa en lui, Vukia avait appris récemment à ne pas en vouloir aux métis. Sinon, elle serait contrainte de voir Makosa d’un autre œil, vu qu’elle en voulait aux Lamasus d’avoir chassé son clan. Et la petite était autant Lamasus que Mositu. A croire que les lions couleur soleil étaient tous arrogants et égocentriques. Enfin bref. Le lion argenté se présenta finalement. Il avait raison. On en oubliait les politesses ! Vukia pouvait se permettre de l’imiter maintenant qu’elle savait le mâle sans danger. Ou du moins, en apparence. Elle se tenait toujours prêt à réagir en cas de coup en traître. Les lionceaux présents n’excusaient rien.

- Vukia, répondit-elle alors, enchantée.

La réponse était sans doute évidente aux yeux du mâle gris mais Vukia parvenait difficilement à imaginer un mélange entre des lions des sables et des lions des neiges. Ils étaient tellement différents, que ce soit caractère, physique ou milieu naturel. C'était à se demander comment ce genre d'union était possible. Elle avait beau se creuser la tête mais il semblerait que le dénommé Banguko soit le premier métis nordique/jangowa qu'elle rencontrait. En effet, le félin répondit par affirmation aux doutes de la vieille lionne, lui informant même qu'il avait grandi dans le clan nordique. A en voir son pelage, c'est vrai qu'il avait sûrement eu plus de chance de survivre au froid qu'au chaud et surtout au sale caractère des lions des sables.

- Je ne suis jamais allé dans le nord, fit la femelle à titre informatif.

Et elle n'avait pas la curiosité, ni l'imbécillité de s'y rendre. A chacun son territoire. Elle s'en était cependant déjà approché, lorsque son clan avait été exilé sur la lande des Sans-Terre. Elle y avait même rencontré une panthère des neiges qui rêvait du monde des basses terres. La féline sombre avait réussit à convaincre la panthère imprudente que ce n'était pas une bonne idée pour elle de quitter les monts. Pour Vukia, rien ne valait sa jungle bien aimée. Mais manque de chance, c'était toujours ce que le destin refusait à son clan. Est-ce que les Mositus auront la paix un jour ? Pourquoi fallait-il que le clan le plus pacifique de la Terre des Lions soit également le plus persécuté ?

- Je suis la cheffe des guerriers, répondit la Mositu, peu nombreux dans mon clan mais ces derniers temps, certains commencent enfin à comprendre l'intérêt de savoir se battre.

Il n'avait jamais été dans la nature des lions sombres de combattre, d'où leur inexpérience et le fait que ce n'était que très récemment que certains jeunes commençaient à s'y intéressé un peu plus. Vu l'état du clan, ça en devenait essentiel. Mais Vukia ne connaissait rien des autres clans de la Terre des Lions. Aussi, elle ignorait si l'idée était plus commune chez les Freelanders. Banguko ne parlait qu'en son nom, et non en celui de Freelander, du coup, elle ne savait pas si elle devait faire le lien ou non. Mais d'après les dire du lion clair, il semblait bien que la vie de ce dernier ai été une épreuve et l'avait obligé à savoir se battre pour survivre en ce monde.

- Plus un royaume est en paix, moins il ne sentira la nécessité de connaître la guerre, répondit la femelle.

Elle était bien placé pour le savoir, venant du clan le plus pacifiste de cette contrée. Ayant toujours vécu cachés dans les jungles, les Mositus, n'avaient jamais eu à faire la guerre et préféraient généralement fuir en cas de soucis. Ce n'était pas un avantage aux yeux de la guerrière. Ca ne l'avait pas été aux yeux de sa mère. Même si cette dernière avait vécu alors que le clan était encore en paix au sein de l'Oasis Oubliée, celle-ci avait toujours eu dans la tête qu'il était important d'avoir de fines griffes au sein du groupe. Faute d'en avoir à l'époque, elle s'était toujours durement entraîné et y avait entraîné sa fille. Aujourd'hui, il y a un peu plus de combattant au sein du clan, mais ça ne valait pas encore ceux des autres royaumes, et Vukia faisait de son mieux pour initier à son tour Makosa, sa fille adoptive, à l'art de la guerre.

Vukia finit par s'asseoir, sans approcher un pas du lion argenté. Ce geste prouvait qu'elle avait gagné en confiance envers lui. Assez pour relâcher sa garde en ne prenant plus de position défensive, mais pas assez non plus pour s'approcher ou ne plus être attentive à ce qui se passait autour d'elle. En effet, tout en écoutant et tout en parlant, ses oreilles bougeaient au rythme des sons environnants et de temps en temps, elle risquait des regards vers les siens au loin.

- Voilà qui est curieux, répondit-elle aux inquiétudes du semi-nordique, j'ignorais le célèbre royaume de Prideland si...négligeant.

Et pourtant, elle avait passer un certain temps dans ce royaume. Pas assez pour bien le connaître cela dit, surtout que son désir à l'époque était d'en sortir rapidement. Mais les ouïes-dire battaient la mesure et Prideland était plutôt connu pour être prospère et sûr. A cela, on s'attendait généralement à une défense irréprochable. Enfin, d'un autre côté, Vukia s'en moquait un peu en vérité. Cela pouvait paraître égoïste, surtout venant d'une femelle sage comme elle, mais pourtant la vieille lionne considérait les siens avant tout le monde. Son clan était son monde. Sa vie. Et rien d'autre ne valait la peine d'être défendu. Selon elle, c'était à chacun ses problèmes. Si elle arrivait à protéger les siens, c'était déjà pas mal.

Banguko avait raison sur un point : Vukia avait mentionné la première qu'un royaume en paix avait plus de chance d'être constitué d'oisifs que de guerriers à l'affût. Mais de tout ce qu'elle croyait de Prideland, elle pensait que cette terre avait un minimum de prestance. Mais il semblerait que le prestige soit en réalité sa seule et inutile qualité. Quand à la dernière grande guerre, il faisait sûrement référence aux Nyeusis, dont Vukia ne connaissait que de nom car à l'époque, son clan faisait face à un tout autre ennemi. La richesse de Prideland et sa paix enviable risquait de toute évidence d'attiser de nouvelles convoitises, que ce soit dans peu ou fort longtemps. Les Nyeusis n'étaient sûrement pas les seuls lions qui seront désireux de s'approprier cette terre et pour cela, sera prit d'assaut la moindre faiblesse visible. Si les Pridelanders se reposaient trop sur leurs lauriers, ça risquerait de leur coûter cher. Au moins le semi-nordique et la Mositu étaient d'accord sur un point : ne pas s'occuper d'affaire qui ne les concernaient pas. Ce qui poussa la lionne à de nouveau interroger le mâle clair :

- Si vous tenez tant que ça à eux, pourquoi les laisser dans un royaume à risque auquel vous n'avez visiblement pas confiance ?

C'était comme ça que Vukia avait été élevé par sa mère : pour la guerre. En gros. Disons plutôt pour la protection des siens. Depuis tout petit, se battre était la chose primordiale que sa mère lui enseignait, lui apprenant qu'elles vivaient dans un clan trop pacifiste qui avait besoin d'âmes guerrières en son sein. Donc oui, Vukia considérait plus ou moins son clan comme sa famille, pour qui elle donnerait sans hésiter sa vie pour sauver l'un des siens. Outre la survie de son clan, elle faisait aussi survivre les idées de sa défunte mère et sentait en elle qu'elle lui faisait honneur en perpétuant ce rôle.

Le lion gris avoua que sa compagne était capricieuse, de vouloir rester sur Prideland. Vukia hocha la tête. Dans un sens, elle pouvait comprendre les pensées de la lionne inconnue. Si cette dernière était Pridelanders, on ne pouvait lui demander aussi impunément de quitter sa terre natale. Malgré les risques existants, c'était difficile. Vukia le savait, elle avait risqué sa vie pour reprendre une oasis perdue dans le désert et cernée d'un clan ennemi. Aller se battre pour reprendre ce paradis perdu avait été la plus grosse erreur de sa vie et ça lui avait coûté cher. Elle y avait perdu sa mère. Cependant, son errance suivante lui avait permit de se rapprocher intimement d'Hofu. Alors...Avait-il fallu ce mal pour ce bien ? Etant donné qu'elle avait perdu Hofu par la suite, peut-être aurait-elle aimé ne jamais le connaître, et ne pas souffrir ainsi de son absence.

- C'est ainsi que la vie est conçue, répondit-elle en y songeant, notre seul but de protéger ceux qui nous sont chers. Voilà le vrai cycle perpétuel. C'est pourquoi il nous faut se battre continuellement, nous autant que les générations passées et futures.

Vukia considéra un instant le lion gris. Elle ne pouvait pas lui donner tort. Beaucoup de Mositus n'approuvaient pas encore cette idée d'apprendre à se battre. Sur des générations, ils n'ont jamais cessé de fuir, de se cacher et de tout faire pour vivre en paix dans leur coin. Ce n'était pas forcément un mal quand on pouvait effectivement vivre en paix, à l'écart des autres. Mais seulement voilà, la vie en était autrement et par deux fois déjà les lions sombres ont perdu leur foyer. Mais ils n'avaient pas la nature agressive des Jangowas, ni la prestance des Pridelanders, ou l'isolement des Nordiques. En fait, les Mositus était sûrement le clan qui avait le plus besoin de savoir se battre. Quelle ironie du sort.

- C'est en cela que mon clan change, lentement mais sûrement, répondit la féline avec un petit espoir, les derniers événements récents ont poussé les premiers à se dire qu'il était bon d'être guerrier dans la vie.

Triste à dire que l'expérience était encore le meilleur moyen de convaincre quelqu'un. C'était toujours pareil : ça agissait trop tard, après coup. Mais bon, au moins, ça se préparait pour le suivant du coup. En cela, la lionne avait de l'espoir pour son clan car de plus en plus de jeunes, Makosa la première, commençaient à être attirés par l'art du combat et la vieille lionne se portait toujours volontaire pour les former. Elle était probablement l'une des seules à avoir l'expérience adéquate pour ça. Elle n'était pas cheffe des guerriers pour rien.

Vukia esquissa un sourire aux paroles du lion gris. Il trouvait la situation positive avec cet enseignement du combat, même si, selon Vukia, ce n'était pas encore suffisant et que les recrues restaient très limitées. Il semblerait que Banguko ait déjà déceler chez la lionne son expérience et son talent redoutable pour se battre. Il n'avait pas tort. Quand on provoquait Vukia, il fallait le faire en connaissance de ce qui allait se passer ensuite. S'assurer d'être assez fort. Même encore maintenant, malgré son âge, elle restait un adversaire à ne pas sous-estimer. Et grâce à son expérience, la Mositu pouvait, d'un simple coup d'oeil, se rendre compte aussi que Banguko était aussi un guerrier aguerri. Il en avait autant le physique que la façon de penser.

Soudain, Vukia dressa ses yeux verts vers le lointain. Quelque chose approchait. Elle se leva immédiatement, sur ses gardes, ses larges muscles se tendant sous sa chair. C'était une Pridelander. La Mositu coucha les oreilles contre sa nuque en l'observant approcher. Elle répondit cependant à son hochement de tête en guise de salut avant de se rendre compte que la femelle venait pour Banguko. Apparemment, le temps n'était plus à la conversation et il devait prendre congé. La vieille lionne redressa les oreilles en direction du mâle qui reprit la parole avec son dernier petit entre les pattes. Elle se détendit à nouveau.

- De même, répondit-elle, prenez soin de vous et de vos proches.

Elle l'observa alors qu'il prit le lionceau et s'en alla dans les terres baignées de lumière crépusculaires et resta là un moment à observer sa silhouette se mouvant dans ce paysage changeant au rythme de la course du soleil qui filait vers l'horizon. Après quoi, elle fit volte-face à son tour et repartie là d'où elle était venue, auprès des siens, de sa famille, de Makosa...