Cela faisait quelques temps que certaines jeunes mâles étaient revenus de l'Exil et la petite Lahira désirait ardemment parler à l'un d'eux. Entendre parler ci et là des épreuves c'était bien mais la petite lionne avait bien envie de parler directement à un revenu d'exil afin d'avoir un meilleur avis. Après tout, ils ressortaient tout juste de cette épreuve, ils devaient bien avoir encore plein d'anecdotes en tête, non ? Malheureusement la petite femelle n'avait aucune idée d'à qui elle pourrait adresser la parole. Certains, elle préférait les éviter complètement, comme Hanska par exemple, il était bien trop ronchon et l'enverrais sûrement rouler plus loin.

C'est en déambulant au sein des Jangowas arrêtés près de quelques faibles coins ombrageux que Lahira avait finit par voir Hassun plus loin. Frère de leur marraine, il était tout de même plus abordable que son frère et puis... D'une certaine manière, il était un peu proche de la famille, non ? En fin de compte elle ne l'avait jamais connu puisqu'elle était née quand il avait quitté le Clan pour l'Exil. Ils n'avaient jamais échangé un mot mais la fille de l'Impératrice décida que cela devait changer aujourd'hui. S'armant de détermination et surtout, trop curieuse, elle commença à courir dans la direction d'Hassun qui était un peu plus loin que la plupart des adultes couchés.

« Monsieur Hassun ! »

Lança t-elle tandis qu'elle ralentissait son allure, braquant ses prunelles dorées dans la direction du jeune mâle. Il était assez impressionnant tout de même et il ressemblait à Wema, physiquement en tout cas, elle doutait de retrouver en lui la délicatesse de la vieille lionne.

« Bonjour je suis Lahira, l'une des filles d'Hatasa. » Se présenta t-elle. Peut-être savait-il qui elle était mais ainsi, c'était fixé, tant pis. Arrêtée non loin de lui, elle le détailla un peu, profitant d'être proche de sa personne pour constater un peu mieux de quoi il avait l'air. « Vous avez du temps pour moi ? J'ai des questions. »

Clair et simple, maintenant, il fallait espérer qu'il ne la repousse pas.

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Hassun venait de terminer un entraînement assez intéressant avec Skaro – maintenant qu’il était adulte, revenu triomphant de l’exil, le lion gris aurait pu se la couler douce jusqu’à la fin de sa vie comme de nombreux lions ici. Mais non, il avait pris l’oryx par les cornes et était allé voir l’un des assassins ayant traqué Hatari jusqu’à la mort de ce dernier. Ils étaient peu nombreux à bien vouloir s’entraîner avec un lion fraîchement revenu de l’exil mais le lion gris comptait sur Skaro pour ne pas le ménager. Et il a été à la hauteur de ses attentes malgré son âge qui commençait à le pousser davantage vers le désert et ses grandes dunes.

Entraînement terminer ne rimait pas avec lambiner ceci dit. Hassun n’avait pas perdu de temps pour se remettre de ses émotions et marchait maintenant d’un bon pas, évitant les membres du clan au possible, désireux d’aller se concentrer ailleurs sans admirer ces larves navrantes. Mais ses oreilles pivotèrent légèrement alors qu’il se faisait interpeller par une voix qu’il ne connaissait pas bien. « Monsieur Hassun » ? Qui pouvait bien l’appeler ainsi ?

Il n’eût pas le temps de tourner la tête pour voir d’où elle provenait qu’une petite frimousse se posa devant lui. Si sa voix ne lui était pas familière, il avait pris le temps de connaître son visage. Un petit sourire vint se figer sur ses babines quand elle se présenta. Fille d’Hatasa. Elle avait déjà compris qu’il ne valait mieux pas qu’elle se revendique fille de Wivu. Rien qu’une enfant et voilà qu’elle devait déjà porter la honte d’avoir un traître et un lâche pour père.

« Je t’écoute. Si tu veux bien, nous allons continuer à marcher. »

S’il avait du temps pour elle, il en avait aussi pour ses exercices et marcher en faisait parti. Il ne fallait jamais flancher et toujours forger ses pattes à affronter le Grand Désert.

Un sentiment de satisfaction envahit alors le petit corps de Lahira quand il lui accorda la discussion. C'était déjà un très grand pas à ses yeux car elle savait pertinemment que d'autres adultes auraient eu tendance à repousser un lionceau, elle avait d'ailleurs déjà eu affaire à ça. Des mâles adultes un peu trop présomptueux qui n'avaient guère envie de "perdre leur temps" avec une gamine. Dans tous les cas, elle hocha la tête doucement.

- Oui, bien sûr. Fit la fille de l'Impératrice en observant l'allure d'Hassun pour se caler dessus, elle devait faire plus de pas mais ce n'était pas bien grave à ses yeux.

Marcher ne l'avait jamais dérangé et la petite lionne avait de toute manière tendance à s'éloigner souvent du campement Jangowa afin de voir ce qu'il se tramait aux alentours et pour cela, la marche était de mise. Quand elle fut adaptée à l'allure du fils de Wema, Lahira leva un peu la tête et se tint bien droite, le menton un peu haut et l'air presque noble. Elle tenait à avoir de l'allure, comme sa génitrice.

- Tu me parles de ton Exil ? Je me demande ce que tu as pu voir, durant un an.

Laissa t-elle alors échapper, l'air plutôt curieux tandis qu'elle avait levé la tête vers le jeune adulte pour l'observer un peu. Une année, seul, en tête à tête avec le désert. Ce n'était pas rien mais ce n'était pas tout non plus, cela pouvait cependant permettre de voir et de vivre des choses que, bloqué au sein du Clan, on aurait pu laisser passer. Avait-il approché les frontières ? Wema lui avait conté un peu les autres territoires, les autres Clans et elle se demandait si Hassun avait pu voir autre chose que le sable et les dunes. Elle avait des informations de sa nounou mais les compléter avec celles d'un autre, c'était toujours bon à prendre ! Et même s'il n'avait pas vu d'autres coins que le désert, Lahira restait très intéressée et intriguée parce que Hassun avait vécu.

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Un petit sourire étira les babines d’Hassun alors qu’il regardait la fille d’Hatasa du coin de l’oeil. Cela lui donnait une impression de déjà-vu et il savait parfaitement d’où cela lui provenait. Lui même avait du s’adapter à un rythme de marche sévère et maintenu de la part de sa sœur Kaya, mais il avait toujours tenu bon et avait finit par obtenir l’amour de sa sœur. Enfin, c’était ça en quelque sorte. Plus que de la tolérance, une certaine complicité.

Néanmoins, Lahira arborait une espèce de fierté personnelle de par sa posture qu’Hassun n’avait jamais réellement pris soin d’avoir. Probablement que c’était le côté « fille de l’Impératrice » qui ressortait bien qu’au fond ce titre ne signifie pas grand-chose aux yeux des Jangowas. L’hérédité était quelque chose de profondément stupide.

La curiosité des plus jeunes avait quelque chose de compréhensible – il avait eût la même étant plus jeune mais n’avait jamais pu réellement la satisfaire. Un petit rire secouant ses épaules, il réfléchit à la réponse qu’il allait lui donner avant de déclarer :

« Eh bien j’ai vu le Grand Désert sous de nombreux angles. Les terres riches des lions gras de Prideland, hébergeant ces immondes Mositus, et les Montagnes du Nord avec ses lions tous aussi bourrés de graisse. »

Se doutant que cela ne ferait qu’éveiller un peu plus la curiosité de la petite plutôt que de la dégoûter, un sourire en coin Hassun pencha légèrement la tête vers Lahira, laissant son regard doré couler vers elle :

« Qu’est ce que tu veux savoir exactement ? »

Lahira pencha un peu sa tête de côté devant le rire d'Hassun et elle se questionna un instant : qu'est-ce qui l'amusait ainsi ? Sa curiosité, sa démarche, autre chose ? Un souvenir remonté dans son esprit ? La petite lionne cessa d'y songer quand il prit la parole afin d'amorcer une réponse générale. Après tout, la fille d'Hatasa n'avait pas été bien précise dans sa demande. Elle hocha doucement la tête, les sourcils froncés, toute attentive.... Des Mositus sur Pridelands ?! Elle écarquilla légèrement ses yeux, l'air surprise. On lui avait pourtant dit que les lions sombres étaient plutôt dans la jungle... Même si au fond, elle n'avait aucune idée de à quoi cela pouvait ressembler, une jungle.

- Wema m'a parlé des terres d'au delà du Grand Désert et elle m'a dit que c'était vraiment très différent. Tss, ça ne m'étonne pas qu'ils soient gras, elle m'a dit qu'ils n'avaient pas besoin de chercher autant que nous la nourriture.

Siffla la petite vipère des sables, l'air de hautement dénigrer ces étrangers dont elle ne connaissait rien. A quoi bon ? Ils était naturellement inférieurs aux Jangowas. D'un côté, cela lui donnait tout de même encore plus envie de voir à quoi ils ressemblaient et comment ils vivaient, ce devait être sûrement ridicule.

- Hm... Tu as parlé à un étranger ? Tu sais un peu comment ils vivent ? Mais d'ailleurs, que font les Mositus là-bas, tu sais ? Ils sont beaucoup ? Je pensais que les Jangowas en avaient exterminé une bonne partie mais... Enfin, ça fait longtemps, ils ont eut le temps d'avoir des bébés.

Demanda la petite curieuse tout en répondant à certaines interrogations elle-même. L'air neutre mais le regard tout de même brillant. Sa soif de savoir ne s'étanchait jamais, sa curiosité n'avait pas de bornes et elle pourrait sûrement profiter d'Hassun pour confirmer les paroles de Wema mais aussi aller un peu plus loin. Présentement, les Mositus l'interrogeaient, que faisaient-ils donc là-bas ?

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« Ils n’ont pas besoin de chercher tout court, leur territoire pullule de proies. Ils n’ont qu’à ouvrir la bouche et s’empiffrer vulgairement. »

La haine d’Hassun pour les étrangers ne ferait que s’accroître avec le temps. Son exil lui avait permis de voir la vérité en face et il tentait de l’inculquer aux plus jeunes. Si cela pouvait leur faire prendre conscience que leurs petits fessiers ne devaient pas tranquillement se reposer en attendant que la vie leur passe sous le museau, alors c’était bénéfique. Mais il ne démordrait pas de son objectif premier qu’il avait vu se fixer dès son retour de l’exil. Non, dès qu’il quitta Prideland ! Il lança un regard neutre à la fille d’Hatasa tandis qu’il consentit à lui raconter ce qu’il avait vu :

« J’ai vu une lionne brune. Elle s’est faite passée pour une simple voyageuse mais j’en ai vu bien d’autres par la suite. Cette sale petite vermine a cru pouvoir me berner. Ils prolifèrent tels des nuisibles. Nous n’avons rien exterminé du tout, nous nous sommes contentés de laisser ces monstruosités se reproduire et se retrouver à nos portes. »

Il aurait aimé achever cette lionne brune dès sa première rencontre mais cela ne lui aurait valu que des ennuis et un gros manque d’information. Bien évidemment il y avait encore beaucoup d’inconnues dans cette histoire, notamment l’une qui restait en suspens à travers l’une des question de Lahira à laquelle il ne sut pas répondre :

« Je ne sais pas ce qu’ils font là bas et je m’en fiche royalement – ils se planquent dans les pattes des Pridelanders, c’en est lamentable. La seule chose qui m’importe c’est leur mort prochaine. »

Et il espérait y participer. Il espérait aussi que l’Impératrice, la mère de la petite qui ne cessait de déborder de curiosité, le suive sur ce terrain là. Affichant un faible sourire l’espace d’une seconde ou deux, le jeune adulte enchaîna :

« Je me doute que ta soif d’apprendre ne s’arrête pas là. Je t’écoute. »

« Le respect pour les Jangowas n’existe plus. Pas plus que la crainte. »

Et ça il l’avait vu non seulement avec les Pridelanders, les Mositus et également avec ses espèces de choses blanches que sont les Nordiques. D’ailleurs, à ce sujet, Hassun ne manqua pas de reprendre les informations que Lahira tentait de résumer. Il était impossible de tout dire en une seule phrase et Hassun doutait même que cela soit possible en une seule journée. Tant de ressenti, tant d’amertume, tant de difficultés. Mais il ne s’en plaignait pas. Il réalisait juste.

« Je n’ai pas seulement vu des Mositus et des Pridelanders, j’ai vu des Nordiques aussi. Tout aussi pathétique que le reste. Ils sont à l’image de leur Montagne, grands, gros et blanc. »

Hassun ne fut pas sourds aux autres questionnements de la jeune fille d’Hatasa bien qu’il se demandât comment on pouvait déborder d’autant de curiosité et être aussi avide des détails à cet âge-là. Hassun ne se souvenait pas d’une telle soif d’apprendre en étant lionceau. Ou peut-être que si, mais de manière inconsciente.

« S’ils dépassent légèrement les Jangowas en taille, c’est la seule catégorie où ils le font. Les Pridelanders ne sont que des tâches orange au milieu de leur petite savane. Ils sont plus épais et sincèrement je doute que ce ne soit que des muscles. »

Il acheva sa phrase avec un sourire en coin, dévoilant quelques crocs et un petit rire moqueur. Il dénigrait chacun des clans, chacun des lions qui n’étaient pas Jangowas et au final il y prenait un malin plaisir. Mais cela ne le rendait pas heureux pour autant puisqu’il se rappelait sans cesse des affronts qu’il avait subi. Mais le sujet changea bien vite ce qui fit baisser la tête d’Hassun vers Lahira, un regard surpris sur le visage. L’aînée hein ? Un mince sourire étira le visage habituellement neutre d’Hassun. Cela lui rappelait le comportement de sa sœur avec lui ou encore de lui-même avec ses nièces et son neveu. Laissant cette nostalgie soudaine, il décida de lui répondre en tout franchise, énonçant ce qu’il avait trouvé de plus dur dans l’exil :

« Tes frères doivent se préparer à être tout seuls. L’exil ce n’est pas seulement prouver au désert que nous sommes assez fort pour survivre et rester parmi les Jangowas. C’est aussi une année complète de solitude. Pas de famille, pas d’amis, pas de dialogue. »

Et seul le Désert savait à quel point cette année pouvait se révéler longue et éprouvante.

Si Hassun se contenta de hocher la tête et de continuer sa marche, il s’arrêta bien vite lorsque la fille d’Hatasa lui posa une question qui, à première vue, semblait délicate. Devait-il répondre à cela ? Il laissa son regard vagabonder sur les dunes avant de finalement reporter son attention sur Lahira, prenant la décision de s’assoir quelques minutes :

« Prétendre le contraire serait autant une forme d’arrogance que de stupidité. C’était aussi bizarre que pénible. Ne pas pouvoir parler à qui que ce soit reste supportable, mais ne pas avoir de nouvelles, ne pas savoir comment certains se portent, c’est … Difficile. »

Finalement il se redressa pour reprendre sa marche. Il avait avoué que l’exil n’était en rien une partie de plaisir, rien de nouveau en soi, mais il pouvait aussi affirmer que rentrer avait été l’un de ses plus grands soulagements même s’il avait appris la faiblesse de sa mère face à l’âge. Il pensait sincèrement qu’elle s’en remettrait rapidement. Il finit par conclure :

« Mais après tout, c’est ce qui forge les lions qui subissent l’exil. Ils sont mis à l’épreuve par tous les moyens. Et même si nous devenons plus fort, cela nous permet d’apprendre que tout seul, nous ne valons pas grand-chose. Un lion, quel qu’il soit, ne peut accomplir de grandes choses sans l’aide des autres. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit faible, bien au contraire. Savoir s’entourer est une forme de force et d’intelligence. C’est bien pour cela que je compte sur ta mère pour faire ce qu’il faut vis-à-vis de ces pourritures de sang d’encre. »

La fille d’Hatasa avait cet éclat qui faisait d’elle une future Jangowas prometteuse, pas comme certains autres enfants ou lions déjà bien connus du clan. Hassun avait hâte de la voir grandir et de constater ses efforts et ses progrès – ne doutant pas un seul instant de leur existence. Aussi, quand elle le remercia et s’exprima quant à son avenir au sein du clan, un bref sourire étira les babines du lion gris, persuadé de la véracité des propos de cette enfant. De plus, il fut flatté de la considération qu’elle semblait avoir pour lui. Elle représentait cette génération sur laquelle reposaient absolument tous les espoirs du lion gris – sur laquelle reposaient enfin les valeurs des véritables Jangowas.

Cependant, il ne suffisait pas de simples mots, les actes avaient une grande place dans ce projet de redorer le blason des lions du désert. Cela ne serait bien évidemment pas une tâche aisée et le lion gris en prenait conscience à chaque nouvelle rencontre ou échange. Aussi, lorsque la petite lionne s’apprêta à partir, le lion ne dit rien, se contenta d’un hochement de tête. Ce n’est qu’après, lorsque Lahira fut plus éloignée qu’il murmura pour lui-même :

« Nous verrons bien ce que le Désert te réserve comme brillant avenir, petite lionne. »

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