Il était temps. Ahva avait su ravaler sa colère, apaiser sa rancœur et bien qu’aujourd’hui demeurait une certaine peur, elle était décidée à briser ce silence qui les avait trop longtemps enchainées. Intuition ou folie, elle pensait trouver son frère parmi les hautes herbes dorées. Pour les descendants des Lions du Soleil, ce lieu avait toujours eu une résonance particulière. C’était ici que Kuzali leur avait confié de sentir chez elle, son véritable chez elle. Eux n’avaient jamais connu ces terres de légende mais par les récits de leur mère, ils leur avaient semblé avoir foulé ces terres mythiques. Mais ce n’était pas pour la beauté des lieux qu’Ahva était ici.

Le Soleil terminait lentement sa course dans les cieux, il se coucherait bientôt pour laisser place à la nuit et l’obscurité mais avant de les quitter, même par ses rayons rosés, ils continuaient d’éclairer ses enfants. Traversant les herbes dorées, la lionne rejoignait la plus haute colline de ces lieux pour en avoir une vue d’ensemble bien qu’une tâche noire dans un paysage si lumineux soit difficilement passable. Dans son ascension, la lionne laissait place aux songes. Que lui dirait-elle, par où commencer ? Son cœur tambourinait dans sa poitrine, elle était anxieuse.

Alors qu’elle atteignait le sommet de la colline, la jeune princesse fit face à l’ombre imposante du Prince du Soleil. Sadaka irradiait par les rayons solaires. C’était sa meilleure lumière. Elle retint un soupir puis s’avança doucement jusqu’au atteindre son tapis d’herbe et s’assit, silencieuse. C’était étrange de se retrouver tous les deux après toute cette histoire, ils n’avaient jamais été seuls depuis la mort de Kuzali. Avant que le silence ne devienne trop lourd, Ahva brisa la glace :

« Je pensais te trouver ici. Chayà m’a confié que tu ne te couchais jamais sans avoir dit au revoir au Soleil et je me disais que c’était le lieu propice. »

Ce n’était pas faux, il n’y avait pas meilleur lieu pour observer le départ de l’astre. Toute cette colline semblait lui être dédiée, comme si chaque parcelle de terre était faite pour briller sous ses rayons. Sans encore oser affronter le regard de son frère, elle lui demanda :

« Comment vont tes blessures ? »

Durant leur affrontement avec le Nyeusis, Sadaka avait subi de nombreuses attaques faisant l’objet d’une fureur sans précédent de la part de son oncle. Le démon l’avait salement amoché et le guerrier avait écopé de nombreuses cicatrices, son visage en particulier. De ce point de vue, Ahva avait été particulièrement chanceuse puisque seul son poitrail gardait les souvenirs ancrés de ce combat mais elle n’avait pas honte de ces cicatrices, c’était même une fierté pour elle. Enfin, derrière cette jouissance pérenne d’avoir mis tué l’assassin de sa mère, Ahva conservait une énième douleur, celle d’avoir perdu son frère, son héros mais elle était la seule à blâmer, c’était elle qui l’avait rejeté. La rejetterait-il à son tour alors qu’elle venait demander son pardon ? Les rancœurs avaient été réelles et saisissante mais aveuglée par sa rage, Ahva n’avait pas réalisé qu’elle avait tourné le dos à celui dont elle avait été la seule alliée et qu’elle aussi lui avait causé du chagrin.

Le regard dirigé vers l’astre solaire, Ahva demeurait en proie à la crainte mais la chaleur du soleil semblait la réconfortait. C’était comme un message, celui de ne pas avoir peur d’ouvrir son cœur et de chercher le pardon.

Ahva écoutait son frère, comprenant les mots silencieux qu’il lui disait. Ce n’était pas de leur blessure au combat qu’il avait le plus pâti mais bien des blessures internes, celles de leur cœur. Longtemps inconsidérées, leurs plaies avaient pourtant été les mêmes mais Sadaka guérissait peu à peu. Et elle, où en était-elle dans son processus de guérison ? Son chemin se faisait petit à petit. Ahva avait cessé d’être en colère. Une fois la mort de sa mère vengée, son départ avait été plus facile à accepter. Bien sûr elle continuait de lui manquer amèrement mais la fille du Soleil pouvait maintenant faire son chemin vers l’avant. Toutefois, tout n’était pas aussi simple. Dans sa colère, Ahva avait commis bien des erreurs dont celle de négliger ses proches et en avait blessé beaucoup d’entre eux.

Doucement, Sadaka lui retourna sa propre question. Rien n’était plus banale que pareille interrogation mais en de pareilles circonstances, la réponse devenait plus complexe et surtout source de plus grandes vérités. Elle mit un petit temps à répondre.

« Les blessures cicatrisent, certaines ont mis plus de temps que d’autre. »

Lui avait-elle pardonné ? Oui. Mais elle ne savait comment lui dire les choses, elle l’avait tant accusé alors qu’il souffrait autant qu’elle. Elle regrettait son comportement, sa peine lui avait voilé le regard mais le jour où elle avait vu Sadaka sombré dans l’eau rougeâtre aux pattes du Nyeusis, la brume s’était évaporé. Ils avaient besoin l’un de l’autre, c’était une certitude et s’il avait beau l’avoir déçu de ses agissements, l’amour persistait.

La princesse soupira doucement. C’était à elle de lui dire les choses, Sadaka n’oserait probablement pas tenter quoi que ce soit tant qu’elle ne lui aurait pas ouvert son cœur. Son geste de secourir son frère au dépend de sa propre vie avait été particulièrement parlant de ses vœux secrets mais là les actes ne suffisaient pas et les mots devaient être dis. Elle seule avait commencé cette bataille aussi était-ce à elle d’y mettre un terme. Elle était fatiguée de tout cela, ce froid persistant avec son frère lui semblait être la dernière chose à réglée pour enfin aller de l’avant car eux ennemis, ce n’était pas dans le courant naturel des choses.
Ahva ne savait jamais trop comment aborder ces sujets sensibles mais impulsive comme elle était, son cœur ne tardait jamais à prendre le relais sur sa raison et les mots coulaient de source, comme une évidence.

« Je suis désolée. » lui dit-elle enfin. « Désolée d’avoir réagi comme je l’ai fait, de t’avoir ainsi pointé de la griffe et surtout de t’avoir tourné le dos. J’ai été odieuse à un point que tu ne méritais pas. »

Ahva était mal à l’aise, non pas de sa confession mais de dire tout haut ce qu’elle n’avait réalisé que trop tard. Elle grattait nerveusement la terre, ne sachant ce que lui dirait son frère et surtout s’il accepterait ses excuses. Ahva avait grandi, elle était devenue une belle adulte mais surtout une guerrière accomplie, celle qu’on pensait indépendante et seule maître de son âme mais en cet instant, à demander ainsi pardon à son frère, elle se sentait redevenir l’enfant qui ne souhaitait que voir la patte tendue de son idole.

Elle l’écoutait sans mot dire, dressant péniblement son regard vers le sien. Lui avait été conscient de sa peine et ne l’avait jamais blâmé pour tandis qu’Ahva s’était laissé aveuglé par sa rage. Il lui confessait ses fautes ajoutant même qu’il avait mérité tout ce qui lui était arrivé. Ahva secoua lentement sa tête signe de négation.

« Tu as tes tords il est vrai mais tout ceci n’était pas mérité. En tant que famille nous aurions dû t’épauler. J’aurais dû t’épauler. »

Et là était son plus grand regret. Ahva n’avait pas de mauvais fond mais le comportement qu’elle avait eu à l’égard de son frère lui avait été jusque-là inconnu. Jamais elle ne se serait cru si odieuse. Elle ne sentait pas tant le blâme dans ses paroles mais plutôt une explication à leur éloignement. Oui, tous deux avaient souffert mais en solitaire. Pourtant en de pareilles circonstances, la famille était le meilleur remède mais la disparition soudaine de Kuzali avait fragilisé cet ensemble pourtant si radieux. Sensible à l’air penaud de sa sœur, Sadaka lui offrit un coup d’épaule taquin ce qui la fit sourire. Alors ils étaient réconciliés ? Elle s’abreuva de son regard étincelant, dernier vestige de leur mère. C’en était presque douloureux mais Ahva pouvait percevoir cette même chaleur réconfortante qui s’en échappait et ce simple regard la rassurait. Doucement, il s’approcha d’elle et passa sa grosse patte autour de sa tête, la poussant à venir se blottir contre lui. Ahva ne se fit pas prier et vint se loger presque férocité dans l’étreinte chaleureuse de son frère. Cela lui rappelait tant de souvenirs. Elle soupira d’aise, heureuse de le retrouver.

Là enfin, il lui dit ces quelques mots dont elle avait besoin. La gamine était pardonnée. Son rire s’étouffa dans l’épaisse crinière du lion. Cette dernière guerre était enfin finie, l’ultime conflit qui lui rongeait le cœur n’était plus. L’émotion la gagnait mais Ahva réfutait cette faiblesse. Elle ne voulait pas pleurer, elle s’était promis de devenir un roc mais l’étreinte de son frère la rendait tout chose, comme si un instant la jeune Ahva refessait surface. Elle ravala ses larmes et renifla.

« Tu m’as manqué grand-frère. »

Elle glissa sa tête dans son cou puis soupira. Ahva demeura ainsi quelque temps, refusant l’idée de mettre un terme à ce doux moment et se délectant de cette sensation agréable qui la berçait. Elle ne s’était jamais sentie autant en sécurité que dans les pattes de son frère et après tous les récents événement, Ahva avait besoin de cet instant où laissant derrière elle son nouveau soi, elle s’accordait le privilège de redevenir une enfant qui cherchait du réconfort. C’était lui son remède, son héros. Dans son dos, les derniers rayons du soleil chauffaient son poil ambré d’une lumière resplendissante. Ahva savait que c’était leur mère qui prenait part à leur accolade. La famille était enfin réunie. Elle sourit doucement avant de s’éloigner, le regard de nouveau doux et prospère.

D’un nouveau regard, elle observait les cicatrices parsemant le visage de son aîné. Il ressemblait à un vrai guerrier et si cela en effrayait certains, Ahva était presque fière de ce respect imposé bien qu’elle était sensible à la peine qu’il avait dû sentir lorsque les coups avaient sévi sa chair. La mort de Mopango avait laissé bien des traces sur leurs corps mais au moins les avait-elle réunies. La rancœur étant passée et la mauvaise page tournée, Ahva s’enquérait de la santé de sa belle-sœur chère à son cœur :

« Comment va Taali ? Elle a cessé de boiter ? »

La Fille du Soleil n’oublierait jamais la loyauté dont avait fait preuve l’ancienne Mositus mais autant qu’elle lui était reconnaissante de ce soutien sans faille, elle regrettait de n’avoir pu la protéger davantage. Sûrement Sadaka éprouvait-il ce même regret mais plus encore.

A l’évocation de sa compagne, le visage de Sadaka devint toute de suite plus doux et apaisé. A dire vrai, Ahva avait toujours soupçonné quelque chose entre les deux lions mais un écart s’était creusé à l’âge adulte entre le frère et la sœur et l’officialisation de cette relation était passé plutôt inaperçu puisque placé dans l’ombre des enfants qu’ils avaient eu. Elle songea à cela, se disant qu’elle avait manqué beaucoup de chose mais c’était surtout son frère qui les lui avait cachés. Il était père maintenant. C’était presque tout drôle mais Ahva se plaisait à découvrir cette nouvelle facette de son frère.

Ainsi il lui confia que l’ancienne Mositus boitait toujours mais que ce n’était plus qu’une question de temps. Ahva paraissait soulagée, la santé de sa belle-sœur était une réelle préoccupation. Elle l’aimait beaucoup. Le grand guerrier ajouta que l’arrivée de sa famille avait ravivé le cœur meurtri de la jolie lionne. La princesse s’était aperçue de son regard éteint à son arrivée sur Prideland mais aveuglée par la colère, elle avait tout simplement mis ça sur le compte des récents événements et de leur déménagement forcé. Il lui parla de cette petite flamme qu’il avait vu mourir dans les yeux de sa compagne puis de sa sœur. Ahva dressa un regard peiné vers son frère. Elle n’avait soupçonné l’étendu des coups qu’il avait endurés. Comme pour le réconforter, elle lui dit :

« L’arrivée de sa famille doit être une réelle bénédiction pour elle. Ça va l’aider à guérir, j’en suis sûre. Et puis, ça veut aussi dire que tu vas enfin rencontrer ta belle-famille ! »

Elle lui lançait un regard taquin suite à ses derniers mots. Elle ignorait si Sadaka les avait déjà rencontrés, elle ignorait beaucoup de chose à vrai dire mais le fossé ne demandait plus qu’à être rempli et tous deux étaient animés par ce même désir de se retrouver. Elle lui souriait, heureuse et légère. Sadaka n’avait plus à s’inquiéter de sa petite flamme désormais, Ahva avait su la retrouver et son sourire en témoignait. Elle avait changé mais lui aussi. C’était comme se redécouvrir une seconde fois.

Plus douce, elle ajouta :

« Ta compagne, c’est une vraie perle rare. Je n’oublierai jamais pourquoi elle a été blessée. »

Taali n’avait pas été forcé de les accompagner, aucun devoir de vengeance ne pesait sur elle et pourtant elle était venue, elle s’était battue à leurs côtés et en avait payé le prix. Une douceur couplée d’un grand courage. La princesse était heureuse que son frère ait construit sa nouvelle vie à ses côtés. Elle était bonne pour lui, bonne pour l’unité de la famille. Taali leur apportait beaucoup et sans doute ne le savait-elle-même pas.

Mais alors qu’Ahva se laissait baigner dans ce doux ressenti, son frère lui parla soudainement de Soto. Elle l’observa, surprise et interdite tandis que son cœur commençait à battre à une cadence plus élevée. Pourquoi est-ce qu’il parlait de Soto, savait-il quelque chose ? Oh non probablement pas, Ahva n’avait parlé à personne de leur pacte ou du moins à un nombre de lion très restreint. Elle hésitait, cherchant les intentions de son frère derrière cette question mais à l’évidence il n’y avait aucun piège et Sadaka lui souriait simplement. Réalisant que seul son comportement était inquiétant, Ahva soupira et calma ses états d’âmes. Il cherchait juste à comprendre pourquoi sa sœur s’était tournée vers lui en pareil moment.

« Soto ? Hmm on dit que l’ennemi de ton ennemi est ton ami non ? Je pensais qu’il pourrait nous aider, il n’a jamais porté Mopango dans son cœur et puis je ne me suis pas trompée il nous a été très utile. »

Son regard était devenu plus sérieux mais celui de son frère, teinté d’une si grande douceur, la troublait. Elle se sentait comme prise au piège de son secret qui ne demandait qu’à éclater mais lequel, celui de son pacte secret ou celui de ses sentiments inavouables ? Même elle ne les comprenait pas. Un jour elle le détestait et priait pour qu’il tombe sous le coup de ses propos manigances puis le lendemain, elle espérait le voir près de la frontière. Mais à quoi bon, dès qu’ils se voyaient ils ne pouvaient s’empêcher de se hurler dessus. La seule discussion convenable remontait à leur enfance mais même-là, Soto s’était en quelque sorte servit d’elle pour retrouver son chemin.

« Je sais que tu ne cautionnais pas cette alliance, je te l’ai même imposé soyons honnête mais au moins a-t-elle été concluante. La mort de Mopango m’a véritablement soulagé, autant pour la mémoire de maman que pour moi-même. J’en avais besoin, je voulais qu’il paye. »

Il n’avait pas encore parlé de ce qu’il s’était passé là-bas, la troupe de lion s’était contenté de rentré sous le poids de leurs coups et blessures mais ce n’était qu’un souvenir très vague pour la lionne. Ahva avait passé la plupart du voyage de retour inconsciente et son frère l’avait porté jusqu’au foyer. Non loin de la frontière, près de la Lande, Ahva avait émergé de ses songes un bref instant. Le monde qui l’entourait était alors flou, elle avait eu peur mais contre son visage elle avait senti l’odeur rassurante de son frère. Elle s’était alors rendormie, apaisée.

Elle dressa un regard vers ce dernier, consciente que cet événement l’avait changé. Ahva s’était approché des noirceurs de ce bas monde et perdue dans sa colère elle s’y était plu. Cela avait réveillé quelque chose en elle mais oublié la satisfaction de l’instant, sa haine avait presque menacé de l’y perdre. Elle avait découvert un autre elle, une lionne froide et détachée de tout si ce n’était son objectif. Elle avait blessé beaucoup de ses proches sans même sourciller. Cette Ahva là, bien que plus forte et sans peur l’effrayait. Elle ne se reconnaissait pas là-dedans. Heureusement, la mort de Mopango semblait y avoir mis un terme. Elle avait retrouvé le Soleil bien que quelque part, l’ombre persistait dans son cœur. Peut-être était-ce ça finalement voir l’envers du décor, se rendre compte que rien n’était blanc ni noir et que tout, elle comprit, avait ses nuances.

« Tu sais, j’ai vraiment eu peur quand tu es tombé dans la rivière avec lui … j’ai cru que j’allais te perdre. »

Elle s’approcha de lui et malgré son émoi palpable, lui bouscula gentiment l’épaule comme pour lui signifier qu’elle était heureuse que le pire ne se soit produit. Peut-être était-ce même cette peur de le perdre qui l’avait ramené vers le Soleil. Elle soupira brièvement avant que ses babines ne s’étendent dans un sourire.

« Enfin, tout cela est derrière nous désormais. Je suis heureuse que cette histoire soit terminée et puis, je t’ai retrouvée. »

Et c’était là la plus belle des récompenses.

Il lui confiait son pareil engouement tandis que les deux lions regardaient, sourire aux babines. Qu’il était bon de se retrouver. Néanmoins malgré tout ce temps passé Sadaka n’avait pas perdu la patte quand il était question de déchiffrer les mots silencieux de sa jeune sœur. Soucieux des drames que le mensonge avait occasionné, Sadaka lui rappelait son devoir d’honnêteté envers sa famille. Ahva dressa un regard presque las. Elle avait toujours prôné cette même conduite et son franc parler avait même parfois choqué pourtant il disait vrai, la lionne ne lui avait pas tout dit. Si l’époque du pacte conclu Ahva avait pu compter sur son frère, elle se serait empressée d’aller quémander ses conseils mais en cette heure de décision, elle avait été seule et confrontée à son désir de vengeance.

La voix rassurante, Sadaka lui affirmait qu’il ne l’accablerait pas. Vraiment ? Ahva se permettait d’en douter. Elle l’observait, indécise. Elle ne voulait pas le perdre à nouveau en risquant son incompréhension. Awena avait très mal réagi. Kumpa lui, plus rationnel et accablé de chagrin, avait choisi d’écouter sa fille. Cela l’avait presque surprise mais également touché qu’il prenne en considération les mots de sa dernière. Aussi doux que dans ses souvenirs, Sadaka l’encourageait à parler et la princesse ne put lui résister bien longtemps.

« Tu as toujours eu l’œil pour voir mes tracas. » soupirait la lionne.

Son regard s’assombrit, songeant à la manière dont elle pouvait amener les choses.

« Il y avait une contrepartie à l’aide de Soto, tu te doutes bien qu’il n’aurait pas risqué sa peau sans assurance. Hourasi va bientôt marcher sur Outland pour récupérer son trône accompagné de ses partisans et de quelques Kulishas. Tahani ne se laissera probablement pas défaire sans se battre, elle sera tentéZ de demander l’aide de Prideland et c’est là que j’interviens. A la demande de Soto, j’ai parlé avec le roi pour convenir que nous n’interviendrons pas. Cette bataille n’est pas la nôtre et quand bien même Tahani demeure son amie, elle n’est plus notre alliée. Voilà longtemps qu’Outland sommeille et demeure sourd aux appels des Gardiens. Pourquoi risquer la vie de nos guerriers pour ce combat ? J’ai convenu avec Soto d’une nouvelle alliance, Prideland ne sera pas un problème et eux non plus, la paix demeurera et ils enverront un gardien. »

Les temps changeaient et il fallait s’adapter avec eux. Cette alliance avec Tahani appartenait aux anciens temps et les nouvelles générations ne l’avaient pas choisie. Depuis qu’Ahva était née, elle n’avait jamais entendu d’une quelconque mesure royale bénéfique. La reine ne s’était battue que pour conserver sa couronne mais rien n’avait changé. Changer d’alliance était un pari risqué mais Ahva pensait avec certitude que les Outlanders ne se retourneraient pas contre eux. L’armée de Prideland était la plus vaste et la mieux entretenu, Hourasi ne se risquerait pas à les provoquer alors que ses guerriers étaient affaiblis, seul le trône de son père l’intéressait. Qu’aurait dit Kuzali de tout cela ? Sûrement n’aurait-elle pas approuvé mais elle n’était plus et c’était justement pour cette raison qu’Ahva avait été amené à conclure de cette alliance. Elle ne regrettait pas d’avoir vengé sa mère et n’avait pas oublié cette partie de leur famille qui demeurait là-bas.

« Pour ce qui est d’Ishana, je me suis assurée de sa sécurité ainsi que celle de sa famille. »

Cette mise en garde avait été ferme et Soto l’avait entendu. Sa confiance en l’exilé était loin d’être totale mais la princesse pourrait également compter sur Vita pour tenir sa sœur à l’écart des combats. Les portes de Prideland lui seront ouvertes.

Son secret enfin avoué, Ahva dressa son regard ambré vers celui de son frère. Elle n’avait plus de culpabilité et assumait son choix. Bien sûr, le sort des partisans de Tahani continuait de l’inquiéter, elle espérait qu’il ferait le choix de la vie et abandonnerait le combat pour prêter allégeance au nouveau roi et quant à la reine c’était bien triste mais Ahva n’en sourcillait pas plus que ça. Sa soi-disante marraine n’avait jamais rien fait pour eux, pas même lorsque la princesse avait été agressé sur ses terres. Ahva n’avait pas oublié son laxisme ni même l’amertume qu’elle avait toujours tenu à sa mère depuis la mort de Samekh. Ajouté à cela la sourde oreille dont elle fait preuve face à la demande des Gardiens, Ahva avait développé une certaine rancune. Tahani ne leur apportait plus rien. Méritait-elle la mort pour autant ? Bien sûr que non mais c’était leur aide qu’elle lui refusait. Comme elle l’avait affirmé devant Sadaka, ce n’était pas leur combat. Mais lui alors, qu’en pensait-il ?

« Voilà, tu sais tout. Souhaites-tu m’accabler pour ce que j’ai fait ? »

Cette décision avait été difficile à prendre mais il était trop tard pour revenir en arrière. Ahva n’avait qu’une parole et le jour de l’assaut arrivait plus vite qu’ils ne le pensaient. Les dés étaient déjà lancés.

Balançant toutes ses craintes d’un revers de la patte, Sadaka se mit doucement à rire. Surprise, elle dressa son regard ambré vers le sien. Sa réponse lui arracha un sourire et elle se retint de rire à son tour. Non effectivement, Sadaka n’était pas le mieux placer pour lui reprocher ses manigances mais ce fut davantage le développement de ses propos qui retint son attention. D’un regard plus mature que celui qu’elle avait connu, Sadaka couvait la scène de nuance mais avec objectivité. Ni bon ni méchant, disait-il, Ahva en était arrivée à la même conclusion et cela la confortait que cet avis soit partagé. Il y avait tant de nuance autours d’eux que les catégoriser dans des cases si étroites reflétait une mince ouverture d’esprit. Il fallait voir plus grand.

Sa seule crainte était pour Ishana et malgré l’assurance que la princesse avait fait porté à sa sécurité, Sadaka connaissait tout aussi bien la rouge qu’elle mais surtout la guerre. Ishana ne pourrait se résoudre à voir sa famille attaquée sans les défendre mais un nouvel élément était entré en jeu et Ahva espérait que la nouvelle conscience maternelle de la lionne l’aiderait à faire le bon choix.

« Elle est devenue mère tu sais, de quatre lionceaux. Je connais son dévouement pour sa tante mais elle ne risquerait pas de laisser ses enfants seuls et puis Vita ne la laisserait jamais pâlir de cette guerre, il fera tout pour la protéger. »

Ishana pouvait être têtue et s’engager dans cette bataille malgré les risques toutefois, plus fort encore que son dévouement, l’amour de Vita la sauverait. Il ne laisserait jamais quiconque lui faire de mal et dans cette conviction, Ahva lui faisait une confiance aveugle mais pas que. Vita était devenu cher à son cœur et ses conseils avaient pris une grande place dans son cœur. Quelque part, il l’avait aidé à s’émanciper des règles et a trouvé sa propre voie ainsi que sa propre conscience. Paria pour beaucoup mais ami irremplaçable pour la princesse. Si elle savait l’amertume que portait Sadaka à son égard … mais il n’était le seul dans son viseur.

Bien plus paternel dans son attitude depuis la naissance de ses enfants, Sadaka semblait la réprimander quant à l’implication constante de l’exilé dans la vie de sa sœur. Elle l’observait, presque interdite. C’était également son souhait, celui de la raison mais quelque chose la ramenait toujours vers lui.

« Je l’espère aussi. Seul notre marché nous relie encore et une fois la bataille achevée, nous n’aurons plus de compte à nous rendre. »

Son regard alla de Sadaka à l’étendue d’herbes dorées. Serait-ce vraiment la fin ? Elle n’avait eu de cesse de revenir vers lui et même sa trahison d’antan ne l’avait pas empêcher d’aller quérir son aide. Il lui avait semblé être l’infiltré parfait mais peut-être avait-elle eu aussi envie de ce prétexte pour le revoir. Pourraient-ils conserver une relation neutre une fois l’orage passé ? Son seule et unique souvenir chaleureux en présence de l’exilé remontait à leur tendre enfance et pourtant elle n’avait su s’en défaire. Ahva le savait, il avait été son premier amour et peut-être était-ce pour cela qu’elle n’arrivait pas à l’évincer de ses pensées. Il avait été le seul. Judicieusement, la lionne n’avait rien promis à son frère car elle n’avait aucune certitude à ce sujet. L’amour lui était un champ de bataille bien plus effrayant que la réalité. Elle ne s’était jamais trop posée de questions à ce sujet mais tout autour d’elle, ses amis ayant grandis à ses côtés avaient formé une famille à leur tour. Cette solitude ne semblait trop lui peser, Ahva avait bien d’autres préoccupations en tête mais était-ce la seule raison ou refusait-elle de grandir et prendre ses responsabilités ? Changeant de sujet bien que l’image de l’exile lui demeurait en tête, elle lui dit avec chaleur :

« Je sais que tes enfants ont grandi et que le temps passe avant même que l’on ne s’en rende compte mais avec toutes ces histoires et ma rancœur, je n’ai toujours pas eu l’occasion de te féliciter. Devenir parent change-t-il vraiment nos perspectives ? »

Autant qu’elle était heureuse pour son frère, Ahva était curieuse de savoir. Les deux amants avaient eu de magnifiques enfants et si elle avait eu l’occasion de faire leur connaissance, elle n’avait même recueilli le ressenti du père. Sadaka père … elle en aurait presque ri si tant de temps ne s’était pas écoulé. Il était loin le temps où les deux enfants rêvaient côte à côte dans la savane.

Allongée aux côtes de son frère adoré, l’étendue des collines dorées devant eux, Ahva écoutait avec un plaisir non dissimulé son frère lui parler de la paternité et de sa nouvelle vie. Elle était heureuse de l’avoir retrouvé et même si tout ce temps elle avait eu conscience de combien il lui manquait, elle avait sous-estimé ce bonheur qu’était celui d’être de nouveau à ses côtés. Ils étaient plus fort ensemble, plus beaux et grands. Elle ne doutait pas que Kuzali devait être heureuse de les voir ainsi.

Toutefois contrairement à ce qu’elle pensait, le récit de Sadaka n’était pas tout rose et enchanté. A vrai dire, il était ancré dans la réalité et non les espérances. Trop égoïste dans sa rancune, elle n’avait su voir toutes les difficultés qu’il avait rencontré en cours de route et surtout, elle n’avait pas réalisé que la grossesse de Taali était autant liée à son aventure chez les exilés.

« Tu as fait ce que tu pensais être le mieux. Ça nous arrive à tous de faire des erreurs mais le principal c’est la finalité, aujourd’hui Taali va bien et tes enfants se portent à merveille. »

Elle lui sourit, souhaitant le réconforter tant son récit tremblait encore de sensibilité. Tous connaissaient les erreurs de Sadaka et leurs conséquences mais il n’y avait nul besoin de les rappeler et aujourd’hui, Ahva préférait se concentrer sur les bonnes choses. Toutefois, ce récit authentique que lui livrait son aîné ouvrait la porte à une autre partie de l’histoire sur laquelle Ahva ne l’avait jamais interrogé mais dont les questions s’étaient accumulé. Sa seule interrogation avait été porté par la haine et la douleur de la perte d’un proche mais aujourd’hui, dans cette discussion simple et à cœur ouvert, elle voulait savoir.

« Comment c’était chez les exilés ? »

Elle ne visait pas particulièrement la personne de Mopango bien ceci était entendu de manière implicite mais elle voyait plus large, c’était sur un tout qu’elle le questionnait. Sumu lui avait déjà confié quelques détails mais jamais elle s’attardait trop et puis Ahva ne voulait pas la pousser. Non, c’était la perception de son frère qu’elle souhaitait et il n’y avait là aucune rechercher de blasphème ou autre, c’était simplement la curiosité de la lionne qui s’exprimait.

Malgré une certaine réticence dans le regard, Sadaka consentait à lui délivrer son récit. La lionne avait conscience que ce qu’elle lui demandait n’avait rien d’évident mais sa curiosité était trop grande. L’œil vif et les oreilles attentives, elle l’écoutait lui narrer la vie parmi les exilés et ce qu’elle apprit d’une certaine façon la réjouit. Ils n’étaient que des lions tout comme eux simplement guidés par un esprit malveillant. Ahva l’écoutait sagement sans l’interrompre dans son récit mais elle ne pouvait s’empêcher de penser que beaucoup leur peignait un portrait bien sombre alors qu’ils n’en étaient rien. Toutefois, la grande différence était effectivement cette notion de loyauté que pointait Sadaka. Un chef pour diriger mais des esprits singuliers. Finalement, elle les imaginait davantage comme Soto : présent par intérêts mais imprévisibles quant à l’avenir. Plus las, Sadaka lui confiait que ces lions n’aimaient plus et par cette différence, il avait été faible parmi eux. L’amour une faiblesse, vraiment ? Ahva n’entendait pas à ce que ce sentiment si fort et beau capitule devant la haine pourtant, ces deux sentiments bien que distincts n’étaient qu’à une frontière l’un de l’autre. Ahva avait aimé sa mère avec férocité et passion, un amour pur et sincère mais lorsqu’on la lui avait enlevé, cet amour était devenu haine et colère. Un seul instant avait suffi. Sombrer dans ce chemin était plutôt simple mais en revenir était une autre histoire.

Malgré leurs camps évidemment opposés, Sadaka semblait éprouver une certaine empathie pour ces lions qui ne faisaient que lutter pour survire avec leurs pauvres moyens. Ahva ne lui en tenait pas rigueur bien au contraire. Il lui parla de son cousin Gizani, fils de Mopango et Ekua. La lionne tiltait de l’oreille, comme interpelée. A vrai dire, elle en savait bien plus qu’il ne le pensait. Evoquant l’enfant de sa première union, Sumu, le lion ébène ajout que celle que l’on contait stérile avait su perpétuer la lignée de lions bien vils. Autant qu’il soupirait presque honteux de son jugement, Ahva égarait son regard elle aussi. Elle avait toujours eu connaissance de l’ascendance de Sumu mais cela ne l’avait pas empêcher d’aller vers elle. Pourquoi la cantonner à l’histoire de deux lions alors qu’elle n’avait aps encore eu l’occasion de raconter la sienne ? Ahva était contre ces préjugés et peut-être par pu esprit de contradiction, elle avait toujours été avenante envers les parias. Vita pour commencer … elle s’était dressée contre les siens à leur première rencontre pour le protéger mais n’avait jamais regretter son choix. Quant à Sumu, elle l’avait appréhendé sans préjugés et aujourd’hui, les deux lionnes se considéraient comme amies et malgré tout ce qu’elle pouvait entendre dire, Ahva chérissait cette union et appréciait considérablement la fille de la Vipère. Elle soupira avant de se lancer :

« On ne peut pas juger un lion parce qu’il est le fils de quelqu’un, tu le sais mieux que quiconque. Je n’ai jamais connu ton cousin mais Sumu je la connais et le l’apprécie. C’est une amie pour moi malgré son ascendance, ça n’a jamais compté. »

Sur ces dernières paroles, elle lui adressait ce sourire dont elle avait le secret, rappelant au lion qu’elle l’avait également appréhendé en se fichant éperdument de l’identité de son père. Lui-même désireux de se rattraper, Sadaka reprit en ajoutant que l’union du Nyeusis et de la Vipère ressortait d’avantage d’un accord contractuel mais que leur enfant, à défaut d’un père présent, avait pu bénéficier de l’amour d’une mère. Ahva songeait aux paroles de la princesse déchue et de son amertume face à cette situation. Un beau-père menaçant et colérique, une mère soumise qui finalement avait presque laissé sa fille se faire humilier pour plaire à son aimé. Sumu ne s’était guère étendu à ce sujet mais du peu qu’elle lui avait donné, Ahva avait su entrevoir sa peine. Le grand lion ébène concluait simplement que la mort de Mopango n’avait pas seulement soulagée une poignée de Pridelanders. Elle hocha de la tête, consciente que leur acte avait été une réjouissance pour beaucoup. D’un rire jaune, il mentionna le nom de Soto en précisant que c’était bien pour cela qu’il les avait aidé. Très sensible au nom de l’exilé, la princesse dressa immédiatement son regard vers le lion. Mi-las mi-rieur, il lui confiait que le lion doré n’était pas non plus du genre tendre mais qu’il n’avait pas besoin de lui rappeler. Ahva sourit telle une enfant qui une fois de plus était prise sur le fait d’une bêtise qu’elle ne savait corriger. Sadaka avait raison, il n’y avait nul besoin de lui rappeler tout cela car Ahva était bien celle qui avait le plus subi de la part de Soto et pourtant … elle revenait sans cesse, presque désireuse d’échanger avec fougue et colère dans un duel qu’aucun des deux ne remportaient jamais vraiment. Ils étaient comme chien et chat mais eux au moins savaient se tenir à distance. Pas Ahva. Quelque chose la rappelait sans cesse.

Endossant sans mal son habit de grand-frère protecteur, Sadaka la mettait en garde. Il ne le nommait pas directement mais Ahva savait bien que ses paroles visaient l’exilé. Ses paroles la touchèrent, tant parce qu’il évoquait leur mère que parce qu’il lui rappelait son amour. Soudain, sa phrase demeura en suspend et son souffle s’accéléra. Princesse de mon …. Ahva sentit également son cœur bondir. Elle savait que quelque chose n’allait pas, que princesse n’était pas le terme qu’il avait coutume d’employer et sa spontanéité ainsi que son regard subitement déconfit lui brisa le cœur. Elle savait combien ce sobriquet avait été cher aux cœurs de Kuzali et Sadaka, elle n’avait jamais gracié quiconque d’une telle marque d’affection et lui pareil. Répondant à l’appel de son cœur, Ahva plongea contre le poitrail de son frère et l’étreignit avec fougue pour finalement se lover contre son torse protecteur et rassurant. L’émotion du lion l’avait gagné et ils n’avaient pas besoin de mot pour se comprendre. Se réunir était une chose, le réaliser en était une autre. Il lui semblait qu’ils avaient tant de chose à se dire et à rattraper. Dépassant parfois le rôle d’un frère, Sadaka la sermonnait à l’image d’un père et si les remontrances pouvaient déplaire à certain, Ahva se souvenait simplement de tous ces conseils qu’il lui avait prodigué et surtout, que ceux-ci n’avaient jamais été que par amour et inquiétude. Émotive et bien décidée à ne plus rien lui cacher, Ahva avoua à demi-mot sans quitter l’abri réconfortant de son torse :

« Je sais qu’il est mauvais, qu’il n’agit que par intérêt et qu’il est loin d’être fiable mais quelque chose me ramène toujours vers lui… »

Ses mots demeuraient en suspens, comme si elle craignait de lui révéler toute la vérité mais il était trop tard pour faire marche arrière.

« Je vais te confier un secret Sadaka mais tu ne le répète à personne, d’accord ? » Bien heureuse d’être cachée dans l’ombre de son frère, la lionne sentait le rouge lui monter aux joues. « Il est mon premier amour. »

C’était la première fois qu’elle le disait à voix haute et surtout qu’elle l’assumait. Ahva sentait son cœur s’emballer. Qu’il ne lui demande pas pourquoi, elle ne saurait y trouver réponse. Soto avait toujours été odieux avec elle, il lui avait menti, tendu un piège même et l’avait cogné sans état d’âme pourtant demeurait toujours dans l’esprit de la princesse l’image du lionceau qu’elle avait rencontré. Les souvenirs d’enfance étaient souvent enjolivés et gardés précieusement dans une partie de la mémoire. Elle l’avait idéalisé avant d’être confronté à la réalité mais même aujourd’hui, elle ne pouvait le regarder sans sentir une étrange sensation l’éprendre. Ils étaient deux adultes mais persistaient à se disputer comme des enfants même si l’enjeu était parfois l’avenir d’un royaume.

« Je sais que tu ne vas pas cautionner, moi-même je ne cautionne mais je n’y peux rien c’est comme ça. J’essaye de prendre mes distances mais c’est difficile. Je te jure que j’essaye. » clamait-elle pour sa défense. Ahva était adulte aujourd’hui, censé être pleine de raison mais seule aux côtés de son frère, elle redevenait toujours cette enfant. Peut-être appréciait-elle cette situation au final. Plus douce, elle ajouta : « Mais tu m’as prévenu, tu as fait ton rôle et tu ne me perdras pas comme on a perdu maman. Je serai toujours là à tes côtés et jamais plus je ne partirai. »

C’était dur d’évoquer la mort de Kuzali mais c’était une tragédie qu’elle avait appris à accepter et Ahva avançait de nouveau seulement, elle n’avançait plus seule. Ils seraient ensemble désormais et autant qu’elle pouvait compter sur lui, Sadaka pouvait compter sur elle. La simple délivrance de son secret le plus gardé était une preuve de confiance absolue. Ensemble, plus de secret, c’était promis.