Loin du combat qui faisait rage, Shasta déambulait avec Akoda sur la plaine. Les deux hyènes passaient désormais le plus clair de leur temps ensemble, dénigrant le niveau de leurs camarades. En effet, rares étaient ceux capables de rivaliser avec ces deux guerriers. Les bienfaits de leurs nombreux entrainements étaient désormais visibles. Le mâle était devenu résistant aux coups, avait gagné en force. De son côté, le corps de la femelle s’était asséché, laissant entrevoir sa puissante musculature, bien que sa nature lourde prédominait toujours.

Au même titre que leur expérience, les combattants avaient vu leur relation s’affiner. L’animosité qu’ils cultivaient l’un pour l’autre avait mûrit, laissant place à quelque chose de bien plus constructif : Une amitié. Certes, ils étaient toujours brutaux, n’hésitaient pas à faire usage de la force pour résoudre leurs différends, mais cela était dans leur sang. La violence faisait d’eux ce qu’ils étaient.

Pour Shasta, cette fraternité naissante annonçait un grand changement. Savoir qu’elle avait un adversaire à sa taille, qui n’hésitait jamais à lui tenir tête, éveillait en elle un certain contentement. En d’autre terme, Akoda était le seul mâle pour lequel elle avait de la considération. De toute évidence, il n’était pas comme les autres. ILS n’étaient pas comme les autres.

Leur balade était silencieuse. Ils avaient parcouru le territoire, s’arrêtant à un point d’eau afin d’y étancher leur soif. Les hyénidés avaient pris leur tour de garde, patrouillant ainsi sur la terre sèche mais ô combien réconfortante du domaine des hyènes. Soudain, Les oreilles de Shasta captèrent des avertissements. Non loin de là, une sentinelle venait de donner l’alerte.

Aussitôt, la femelle adressa un regard résolu à son acolyte, avant de foncer en direction de l’appel. Des lions ? Non ! Ils n’avaient pas osé ! Si des intrus avaient pénétré les frontières, ils allaient le payer de leur vie !

Les guerriers purent distinguer au loin les clandestins. Il s’agissait d’un lion massif et d’un… Shasta n’avait jamais vu un tel animal. Mais peu importe. Pour avoir foulé leurs terres, il allait mourir aussi.

La femelle déboula sur le champ de bataille, sur lequel s’entretuaient plusieurs espèces, dont quelques hyènes.

- J’me charge du gros ! Lança-t-elle à Akoda tandis qu’elle fondait sur ladite victime. Cette dernière put sentir le corps de la géante lui percuter lourdement le flanc et ses crocs se planter dans son encolure. Elle secoua violemment la tête, dans l’espoir de lui décrocher un morceau de chair. Elle se foutait éperdument du reste du monde, ni des raisons qui avaient pu pousser les félins à s’aventurer ici. Ils avaient blessé des congénères, souillé le territoire de leurs pattes dégueulasses et de leur sang. De ce fait, ils avaient signé leur arrêt de mort. Du coin de l’œil, le bourrin observait les agissements de son confrère guerrier.

Shasta continuait de déchirer frénétiquement l’encolure du félin. De son côté, Akoda redoublait d'effort. Les charognards avaient oublié la maitrise d’eux-mêmes…leur unique but, à présent, était de détruire les envahisseurs. Coûte que coûte !

Soudain, l’animal au pelage de suie se roula dans la boue, se débattant pour échapper au guerrier. Il parvint à se libérer de son étreinte, fuyant comme la raclure qu’il était à travers les terres volcaniques. Merde ! Il allait falloir inspecter minutieusement le territoire. Histoire de vérifier que le liard avait bien quitté les lieux.

Ce fut au tour du freelander de lutter pour sa survie. Il bifurqua soudainement. Une violente douleur se fit alors sentir dans le dos de la géante, qui, surprise, lâcha la chair de l’argenté.

- ARRRRRRrrrrrrrRRGHhhhhh !!!!

La complainte du monstre se perpétua en écho entre les montagnes. Ce sans crinière s'était servit d'elle pour parer l'attaque de ses congénères, avant de prendre ses pattes à son cou ! D'un bond, la grosse se délivra des crocs de ses alliés, distribua un violant coup de patte à chacun. Elle se lança à la poursuite de l’intrus, les babines retroussées. Si elle n’avait pas été aussi concentrée sur sa cible, elle aurait été surprise par sa vitesse ! Le paysage désolé défilait à toute allure tandis que la tâche blanche gagnait du terrain.

- BARRE-TOI ENFOIRÉ ! Hurla Shasta, la bave aux lèvres.

Essoufflée, elle ralenti, pour finalement s’arrêter. Son regard fixa le point fantomatique qui rapetissait à l’horizon.

La guerrière opéra un volte-face rageur, regagna au petit trot le lieu du combat. Elle s’approcha des deux fauteurs de troubles, se jeta sauvagement sur le plus proche.

- Foutu abruti !

Sous le regard de ses acolytes, elle roua le malheureux de coups de crocs, de coups de pattes, le roulant dans la glaise sans ménagement.

Quand elle eut corrigé le malotru, la brute adressa un regard assassin à son autre "agresseur". Ses yeux fous allaient d’une hyène à l’autre. Elle mourait d'envie de les massacrer, de leur infliger les souffrances qu'elle réservait au semi nordique. Hélas, cela était proscrit.

- Bande d'inutiles ! Pas étonnant qu'on soit envahi si vous n'êtes pas foutus de faire la différence entre un lion et une hyène ! Cracha-t-elle avant de se tourner vers celui qui, en final, était le seul digne d’intérêt. Son poitrail se soulevait au rythme de ses inspirations. Elle était hors d'haleine.

- Pourquoi tu l’as laissé filer ? Demanda-t-elle, sur un ton qui mêlait incompréhension et colère.

- Tu crois que je l'ai fait exprès ?

Bien. Les deux compères étaient dans le même état d’esprit. Shasta laissa échapper un grondement. Le museau d’Akoda en avait pris un sacré coup ! Pas étonnant qu’il soit d’une humeur de crabe…m’enfin, il n’avait pas vraiment besoin de ça.

A priori, le mâle en avait gros après ses partenaires de clan, au même titre que sa comparse. Ces imbéciles étaient décidément doués dans l’art de ne servir à rien ! En même temps, à quoi s’attendre d’autre de la part des mâles ?

Les fautifs balbutièrent des excuses avant de quitter le lieu du combat. La pluie s’intensifia, un roulement de tonnerre se fit entendre au loin.

- Je vais le chercher. Dit le guerrier, joignant le geste à la parole.

Ses pattes s’enfonçaient dans le terrain boueux dans des clipotis mat. La femelle s’empressa de le rejoindre. Il n’était pas prudent de le laisser seul, sans savoir si d’autres clandestins avaient élus domicile sur le territoire. Ce qui était sûr, c’est que nul intrus ne ressortirait d’ici vivant ! Les failles de cette meutes commençaient à apparaitre aux yeux de la hyène…Il fallait corriger ça !