Sayidi patrouillait, comme toujours depuis quelques mois. Avec l’insécurité qui régnait sur la Terre des Lions en ces temps troublés, les Gardiens se trouvaient constamment sollicités, et lui-même n’y réchappait pas. On l’avait chargé de faire la ronde et de surveiller la savane de Prideland, partie la plus vaste du territoire. En vérité, il ne s’y passait pas grand-chose, le principal lieu à problème étant l’étang. Enfin, pas que cela déplaisait au jeune adulte. Il voyait ce travail constant comme un moyen de maintenir son corps en forme : jamais il avait été aussi musclé, et il serait bien le dernier à s’en plaindre. Il se sentait mieux ainsi dans son corps, et plus confiant. Kamwe n’avait pas menti sur ce point. Enfin, Kamwe lui avait-il déjà menti ? Certainement pas. Sayidi haussa les épaules, pour lui-même plus qu’autre chose, avant de reprendre sa marche.

Cependant, alors qu’il faisait sa ronde, une odeur déplaisante lui arriva à la truffe.
Qu’est-ce que … ?
Une hyène, sur Prideland ? N’étaient-elles pas censées rester sur leur territoire, bien sagement ? Sayidi se trouvait confus. Que faire ? Il ne s'y connaissait pas vraiment encore, en politique étrangère. C’était encore quelque chose qu’il avait à apprendre des Gardiens. Malgré tout, le jeune lion se dirigea vers l’effluve, car la situation lui semblait louche et qu’il ne pouvait se permettre de faire des erreurs.

Puis, au détour d’un arbre mort, il la vit : une hyène énorme comme il n’en avait jamais vu. Enfin, ce n’était pas comme s’il avait déjà vu beaucoup de ces bestioles auparavant. Une carcasse s’étendait à côté d’elle.
Hmm. Suspicieux.
Sayidi prit le parti de s’approcher elle, sans être spécialement discret : il avait envie de se faire entendre afin de ne pas la surprendre, même si elle l’avait très certainement déjà repéré à son odeur. Il se devait d’être poli pour faire bonne impression, après tout. Toutefois, il dut ravaler sa crainte lorsqu’il se rapprocha davantage de la créature : c’était vraiment une grosse hyène, avec une grosse mâchoire. Finalement, il décida de s’annoncer oralement et d’aller droit au but, n’ayant pas vraiment de temps à perdre s’il n’y avait pas de problème :

Sayidi : “ Je suis Sayidi, apprenti Gardien. Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? Avez-vous eu l'autorisation de tuer cet animal ? „

À ses mots, il pointa de la queue la carcasse qui gisait à côté de la hyène.

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Sayidi retint sa respiration lorsque la hyène se mit à bouger, ses mouvements empreints de sommeil. Oh. Elle dormait. Il avait réveillé un animal qui dormait. Un frisson parcourut la colonne vertébrale du jeune adulte à cette constatation. Par expérience, avec un Najah exécrable lorsque dérangé de ses rêves, Sayidi savait qu’il risquerait de passer un mauvais quart d’heure, surtout qu'il avait affaire à un animal qui avait l'air de tout, sauf commode.

La hyène grogna alors, faisant sursauter Sayidi. Elle roula ensuite sur le ventre, leva les yeux vers lui. Sayidi déglutit. Il regretta instantanément de l’avoir dérangée, à présent qu’elle le fusillait de son regard perçant.

??? : “ Et toi ? T’as eu l’autorisation pour m’emmerder ? Barre-toi ! „

Sayidi ne savait plus où se mettre. Il regarda autour de lui, comme s'il s'attendait à ce que de l'aide lui tombe dessus. Bien sûr, rien ne se passa. Il avait bien envie de faire exactement ce que cette brute lui disait de faire, de partir aussi loin que possible, mais ce serait faillir à son devoir d’apprenti Gardien. Il décida donc de tenir bon, de prendre sur lui pour faire régner l’ordre. Il ferma un instant les yeux pour se recentrer, avant de déclarer, d’une voix plus tremblante qu’il n’aurait voulu :

Sayidi : “ J-Je ne partirais que quand vous m'aurez répondu honnêtement ! „

Cela devrait garantir une réponse prompte, n'est-ce pas ? Il pourrait alors repartir et continuer sa ronde comme si de rien n'était.

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Sayidi regarda la bête se relever, le cœur battant et la gueule sèche. Tenir le coup. Que dirait Kamwe s'il le voyait ainsi, trembler comme une pauvre feuille malmenée par le vent ? Le jeune adulte voulait que son mentor fût fier, pas qu'il eût honte d'avoir un tel apprenti. Il devait tenir le coup, prouver qu'il pouvait faire mieux. Toutefois, la hyène le sortit rapidement de ses pensées en lui expliquant qu'elle s'était levée de la mauvaise patte. Il voulait bien croire cela, ou plutôt, il croyait bien cela. Après tout, ce n'était pas difficile à comprendre et à voir. Ensuite, elle prit enfin la peine de se présenter.
Shasta, exilée. C'est noté.
L'instinct du jeune lion lui murmurait qu'il aurait très certainement besoin de faire un rapport sur cette hyène aux Gardiens, et il devait l'avouer : pour une fois, il était bien d'accord avec son instinct.

Shasta commença alors à s'approcher de lui, d'un pas lent. Sa gigantesque masse et son expression neutre au point d'être dérangeante qui s'ajoutaient à cela donnaient à son action un mauvais augure. Sayidi tendit les muscles, prêt à bondir, que ce soit pour s'enfuir ou pour riposter à une attaque. Jamais trop prudent.

Shasta : “ Et toi, qu-est-ce tu fais ici, tout seul ? „

La hyène commença alors à lui tourner autour et Sayidi se sentit comme proie, comme pris au piège. Il n'aimait pas du tout la tournure que prenait la situation. Il se campa donc sur ses pattes, par mesure de sécurité, puis bomba le torse, afin de paraître plus imposant. Il douta toutefois de la réussite de son entreprise, car il était mort de peur. Et puis, comme le charognard venait de le faire remarquer, il se trouvait seul dans cette section de la savane. Pas un animal pour lui venir en aide si la situation dégénérait. Il répondit tout de même :

Sayidi : “ J-Je suis chargé de patrouiller le royaume. Rien de plus ... E-Et vous ne m'avez toujours pas dit si vous aviez l’autorisation de tuer cet animal. „

Sa dernière remarque était la remarque de trop, n'est-ce pas ?

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Sayidi écouta la justification de la hyène, qui se révéla être solide, car il ne trouva aucun argument qui pût contrer sa déclaration. Si elle avait trouvé la carcasse ainsi, elle se trouvait parfaitement dans son droit de se repaître de sa chair. Aucune loi n'interdisait cela, au contraire : c'était même plutôt profitable au cycle de la vie.

Toutefois, le jeune lion s'aperçut également de l'accent du charognard, qu'il n'avait pas remarqué jusqu’alors. Avait-il été trop enfermé dans sa peur pour ouvrir les yeux et les oreilles ? Dans tous les cas, il devenait évident qu'elle n'était pas née au sein du clan de Kuruka. Peut-être devrait-il la questionner sur cela ? Il ouvrit la gueule pour le faire, mais fut interrompu lorsqu'elle continua sur sa lancée, précisant qu'elle respectait tout à fait le cycle de la vie. Sayidi se décontracta quelque peu, mais resta tout de même sur ses gardes. Il voulait bien la croire, mais là encore, son instinct lui hurlait de se méfier. Néanmoins, avait-il raison de se méfier ? Ne faisait-il pas de stéréotypie envers les hyènes tout entières ?

Il n'eut cependant pas le temps de réfléchir plus à la question, car Shasta se retrouva devant lui, plantée fermement et le fixant intensément. Sayidi fut absolument englouti par son regard perçant. Il déglutit. Elle lui demanda alors d'un ton suspicieusement calme s'il respectait le cycle de la vie. Il fronça les sourcils à cette question. Pourquoi avait-il l'impression qu'elle lui tendait un piège ? Il recula quelque peu, dans une tentative pour mettre de l'espace entre le charognard et lui-même.

Sayidi : “ J-je ... Oui. Oui, je respecte le cycle de la vie. Pourquoi ? „

La tension dans l'air était palpable.

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Shasta : “ Dans ce cas...tu m’en voudras pas, si je te tue ? „

À peine Sayidi eut-il ouvert la gueule dans une moue mêlant surprise et incompréhension que déjà, il se sentit perdre l'équilibre sous la bourrade de la gigantesque hyène. Heureusement pour lui, son esprit parvint à prendre conscience de la situation aussitôt lorsqu'il se sentit choir, et les réflexes qu'il avait appris lors de sa seule leçon de combat avec Kamwe lui revinrent en tête. Ainsi, lorsque le jeune lion tomba au sol, il profita de son élan pour rouler et se relever d'un bond. Comme lors de ses entraînements, il fut un peu sonné après une telle technique.

Puis la réalisation de ce qu'il venait de se passer, de ce que le charognard lui avait dit, tomba sur Sayidi. Il frissonna, paralysé sur place, comme une proie condamnée. Il tenta un coup d’œil vers la hyène, et son regard de tueur, d'un calme alarmant, rendit aussitôt au jeune lion ses pattes. Il commença à reculer, trébuchant presque, sur ses membres tremblants. Avait-il vraiment entendu ce qu'il avait entendu ? L'expression de la hyène ne s'accordait absolument à ce qu'elle avait annoncé, et cela le rendait confus. Cependant, il le savait, il fallait se la jouer stratégique. Ne pas sombrer dans la panique. Il recula encore quelque peu, cette fois-ci avec des pas bien plus mesurés. Elle l'avait attaqué. Par chance, il s'en était sorti sans blessure, mais ne garantissait que les choses continuaient sur cette voie. Malgré tout, lorsqu'il prit la parole, Sayidi ne put empêcher sa voix de trembler :

Sayidi : “ E-Eh bien. J-je vais me retirer dans ce cas, et vous laissez tranquille. „

Il n'attendit cependant pas de réponse. Aussitôt, le jeune lion fit volte-face avant s'en aller le plus loin possible, le plus vite possible, et cela, sans courir, dans une tentative désespérée pour sauvegarder un peu de sa dignité de prédateur. Alors s'éloignait, Sayidi ne put s'empêcher de se murmurer à lui-même qu'il devrait faire un rapport aux Gardiens sur la présence de cette hyène dangereuse sur la Terre des Lions.

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