Une autre journée avait débuté au sein du Grand Désert et bien qu'elle ressemblait déjà à la précédente, la présence de mes enfants illuminait mes journées qui auraient pu être bien morose s'ils n'avaient pas été là. J'avais détesté ma grossesse mais depuis leur naissance, je savourais chaque instant avec eux. Ils n'avaient que quelques semaines mais ils ne ressemblaient déjà plus aux petites boules de poils qui étaient sorties de mes entrailles et les différences entre eux se faisaient déjà remarquer.

Lahira et Jenkaa étaient sans aucun doute les plus forts de la portée tandis que Hiari et Kumani semblaient avoir une constitution légèrement moins forte. Rien n'était encore sûr chez des lionceaux aussi jeunes mais cela semblait se répercuter sur leurs caractères. Si l'aînée et le benjamin de la fratrie promettaient d'être de fortes têtes, j'avais du mal à définir les deux autres. Beaucoup plus calmes, ils ne montraient pour le moment pas un caractère typique des jangowas mais cela ne changeait rien car je les aimais. Je les aimerais quoi qu'il arrive. Et puis ils avaient encore bien le temps de développer leur personnalité.

Je les regardais s'amuser et se chamailler autour de moi d'un œil bienveillant. J'aimais Wivu de tout mon cœur - même si je ne l'exprimais pas très souvent - mais avec la naissance de mes enfants, j'avais trouvé l'amour avec un grand A. J'ignorais que je pouvais aimer autant mais cet amour était pur et j'étais prête à faire n'importe quoi pour protéger mes enfants. J'étais donc attentive au moindre mouvement et au moindre bruit et rien ne m'échappait. Aussi, lorsqu'une lionne s'approcha de nous, je la remarquais immédiatement.

Son pelage crème et les quelques marquages sombres qui le parcouraient étaient reconnaissables mais c'est son souffle qui l'avait trahie. Depuis l'agression de Sayed, la vieille lionne au regard bleuté avait une respiration rauque qui la gênait particulièrement.

Mes enfants s'étaient arrêtés de jouer et regardaient maintenant la jangowa qui semblait hésitante. Elle s'était en effet stoppée à une distance raisonnable et nous fixait, attendant sûrement une réaction de ma part. Réaction qui d'ailleurs ne tarda pas.

Bonjour Sukuma.

Tout en la saluant, j'hochais doucement la tête pour lui signifier qu'elle pouvait approcher. J'étais désormais mère mais je n'en oubliait pas moins mes devoirs d'impératrice. Alors lorsqu'une lionne comme Sukuma qui ne créait aucune histoire venait me voir, je pensais immédiatement qu'elle désirait s'entretenir avec moi, d'où ma question.

Tu souhaites me parler de quelque chose ?

Bien que je l'avais invitée à approcher, elle resta à distance. Elle ne pouvait pas ne pas m'avoir entendue, j'en déduisais donc que soit elle voulait volontairement laisser un espace raisonnable entre elle et mes enfants et moi, soit elle n'avait plus la force d'avancer à cause de son état.

Bonjour... Hat...

La vieille lionne ne put même pas terminer son salut qu'elle s'écroula, soulevant quelques grains de sable dans sa chute. Je fronçais les sourcils. C'était donc ça, elle n'avait plus la force. Sûrement intrigués par cette lionne maintenant au sol, mes enfants s'approchèrent de Sukuma et je me levais pour en faire de même.

J'étais désormais juste devant elle et mon visage affichait toujours un certain dégoût face à cette faiblesse. Ma queue balayait vivement l'air, signe que je n'appréciais pas le spectacle qu'elle offrait. Je ne pouvais pas accepter un tel comportement. Du sable était certes coincé dans ses poumons et l'empêchait de vivre convenablement mais ce n'était pas une raison pour abandonner. Elle avait déjà survécu plusieurs mois depuis cet incident et elle devrait encore le faire si elle voulait espérer continuer à faire partie du clan. Le Désert était déjà trop infecté par des rats à mon goût pour que j'accepte que les vrais jangowas commencent à décliner à leur tour. Bon, Sukuma avait un caractère atypique mais elle restait une véritable enfant du Désert selon mes critères. Pas comme certains ...

Cela étant, elle ne pouvait pas rester dans cet état. Pas devant mes enfants. Pas quand ils étaient également les enfants de l'Empereur. J'étais persuadée qu'ils seraient amenés à de grandes choses et à un bel avenir. Il était donc impensable qu'ils voient la moindre faiblesse chez les jangowas car ces deux mots n'étaient pas compatibles. J'adoptais alors un ton dur pour m'adresser à la vieille lionne.

Relève toi. Le Désert n'accepte pas les faibles.

Ordre ou menace ? Je n'aurais su le définir moi même. Toujours est-il que j'attendais que Sukuma retrouve assez de dignité pour ne pas rester dans cette position. Si elle échouais, alors se serait son dernier jour au sein du Grand Désert et je n'aurais aucun scrupule à l'abandonner à la mort.

J'attendais mais rien. Pas un mouvement. Pas même au niveau de ses côtes, montrant qu'elle respirait. Elle commençait à me faire peur. Était-elle morte ? Devais-je allais l'annoncer à sa fille ? Ou bien l'apprendrait-elle seule, ne voyant pas la vieille femelle revenir. J'allais éloigner mes enfants de ce funeste spectacle lorsque j'entendis un râle. Il venait sans aucun doute de Sukuma et j'étais rassurée de ne pas avoir à expliquer qu'elle venait de mourir sous nos yeux. Bien que Jangowas, ils étaient encore bien trop jeunes à mes yeux pour avoir affaire à la mort.

Reprenant peu à peu ses esprits, la féline aux marques sombres tâcha d'obéir et elle fit de nombreux efforts pour enfin se tenir debout devant moi.

Voilà qui est bien mi...

Je n'eus même pas le temps de finir de parler que Sukuma s'effondrait de nouveau sur le sable. Elle avait réussi à se relever mais pour à peine quelques secondes. Son corps avait pris le dessus sur son esprit et il avait apparemment décidé de ne plus faire qu'un avec les grains dorés. Elle prit ensuite la parole, du sang s'écoulant de sa bouche pour aller teinter de rouge le sable proche.

Pardonne-moi... Hélas, l'esprit est là mais le corps ne suit plus. Peut-être qu'il s'agit là du sort réservé aux "faibles". Je n'ai peut-être définitivement plus ma place ici. Mais... Je voulais absolument te revoir avant de définitivement partir... Voir... Le résultat de tes efforts... Sache que... Depuis l'échange que nous avions eu un soir, lorsque tu étais encore adolescente... Je t'ai considéré comme ma fille... Et sache que... Je suis fière de toi...

Je lançais un léger rugissement et une lionne ne tarda pas à répondre à mon appel. Je lui adressais la parole tout en désignant mes enfants.

Emmène-les jouer ailleurs. J'aimerais qu'il ne voit pas ça.

Inutile de dire que si il leur arrivait quelque chose, la pauvre lionne crème passerait un très mauvais moment. Tous les cinq ne tardèrent pas à s'éloigner - non sans quelques protestations - et je pu reporter mon attention sur Sukuma.

De quoi était-il question déjà ? De la pardonner ? Ce n'étais pas à moi de faire une telle chose mais au Désert. Elle était son enfant et si elle estimait l'avoir déçu par sa récente faiblesse, c'était à lui qu'elle devait demander pardon.

Tu as survécu dans le Désert depuis quoi, neuf ans ? Très peu de Jangowas en arrivent au même stade que toi. Tu n'es pas faible, tu es différente.

J'aurais voulu être moins douce dans mes paroles mais n'était-elle pas déjà assez affligée comme ça ? Et puis, ces dernières paroles m'avaient touchées, quoi que j'en dise. Je n'étais plus si proche que ça de mes parents et jamais ils ne m'avaient dit qu'ils étaient fiers de moi, pas même lorsque j'étais devenue Impératrice suite à la victoire de Wivu et encore moins lorsque mes enfants étaient nés.

Revenant à mon aînée encore au sol, il allait falloir que je trouve quoi faire ou quoi dire pour qu'elle trouve la force de vivre encore un peu. Son heure était peut-être venue mais j'espérais qu'elle avait suffisamment d'orgueil pour répondre comme je l'espérais à la provocation que j'allais lui lancer.

Tu vas donc laisser Sayed gagner ? Je pensais qu'une véritable fille du Désert aurait pu montrer qu'il était le seul à avoir subi des conséquences néfastes de son geste.

Hors rp:

Son caractère était atypique mais comme je l’espérais, mes paroles l’avaient touchée dans son orgueil. Elle ne tarda d’ailleurs pas à réagir.

Je veux vivre … Je veux vivre … Je veux vivre … Je … Ne veux pas quitter le Désert maintenant. Hatasa … Je t’en prie aide-moi. Les Jangowas sont puissants … Et ils le seront encore plus si ils sont unis, sur la base de piliers dignes de ce nom ! Sois … Toi et ton compagnon … Soyez ces piliers pour tous ! Sois ce pilier … En m’aidant à me relever complètement … Comme … Une vraie fille du Désert.

La première chose à laquelle je pensais c’était qu’une vraie fille du Désert n’avait besoin de personne pour se relever. Cependant, la respiration de Sukuma montrait bien à quel point son état était mauvais. Et après tout ce qu’elle venait de me dire, je ne pouvais pas la laisser. Et puis ce n’était pas comme si elle avait totalement laissé tomber. Son esprit luttait toujours seulement son corps ne répondait plus. Elle en était prisonnière et je frémissais à l’idée d’être un jour à sa place.

Très peu de personnes avaient eu accès à cette partie de ma personnalité mais récemment, Sukuma avait été bien plus présente que ma propre mère. A mes yeux, elle méritait donc que je lui apporte mon aide. Je m’approchais donc de la vieille lionne avant de l’aider à se relever, lui offrant mon épaule en guise de soutien, comme le pilier qu’elle voulait que je sois.

Appuie-toi sur moi.

Même si elle réussissait à se tenir debout et à retourner auprès du clan, elle n’arriverait pas à suivre le rythme de notre marche. Elle avait dépensé beaucoup d’énergie pour refuser de mourir et il faudrait qu’elle récupère avant de pouvoir faire quoi que se soit.

Je vais aller voir Wivu et prétexter quelque chose pour que le Clan reste à l’arrêt pendant quelques jours. Profites-en pour te reposer.

Je ne pourrais pas le faire indéfiniment alors il faudrait qu’elle éloigne la mort aussi loin qu’elle le pourrait. J’espérais qu’elle comprendrait et qu’elle réussirait pour vivre encore quelques temps.

Après bien des difficultés, Sukuma était enfin debout. Ce n’est que lorsqu’elle s’appuya totalement sur moi que je prenais conscience de son état. Son esprit avait beau vouloir continuer le combat, je sentais bien que son corps ne pourrait pas la supporter bien longtemps.

Merci … Mais … Dis-moi … Même si mon esprit veut se relever … Mon corps me dit le contraire … Peut-être … Que le Désert veut … Reprendre un de ses enfants …

Comme je l’avais senti, la situation ne dura pas plus. Les pattes de la vieille lionne se dérobèrent sous l’effort et elle se retrouva une fois de plus au sol. J’attendais qu’elle se relève une nouvelle fois mais elle ne bougea pas. Elle respirait mais ne bougeait pas. Sûrement avait-elle sombrée dans l’inconscience après les nombreux efforts qu’elle avait fourni.

Elle m’avait posé une question mais même si j’avais un avis, elle ne pourrait jamais l’entendre alors à quoi bon lui répondre. J’avais pu voir à quel point ses forces l’avaient abandonné, je n’eus donc pas de problème à porter la femelle aux marques sombres et à la ramener au Clan.

Elle n’en avait plus pour très longtemps, c’était évident. Et les lionnes aux pattes de qui je déposais le corps de Sukuma devaient en avoir conscience elles aussi vu la manière dont elles me regardèrent.

Lorsqu’elle sera réveillée, veillez à ce qu’elle ne s’épuise pas.

Ce n’était pas dans les habitudes des Jangowas de prendre soin de leurs camarades plus faibles mais après ce qu’elle m’avait dit, Sukuma méritait au moins ça. Le regard appuyé que je posais sur ces lionnes était clair, mieux valait pour elles qu’elles suivent mon ordre.

Voilà bien trop longtemps à mon goût que je n’avais pas vu mes enfants et après un dernier regard sur mon aînée, je m’éloignais d’elle pour aller les rejoindre.

Hors RP: