Aujourd’hui, Raksà avait décidé de faire un petit pas en avant. Il essayait de prendre pour habitude de rendre une visite régulière à son grand-père Fleck – c’est celui avec qui il passait le plus de temps depuis la découverte de sa nouvelle famille. Bizarrement et sans trop savoir pourquoi, il ne se sentait pas entièrement à sa place parmi les lions du soleil, jugeant parfois le regard de certains trop étranges.

Escaladant agilement le Rocher de la Fierté, le jeune adolescent parvint sans le moindre mal à trouver le lycaon. Il était souvent allongé à fixer le vide bien que Raksà n’était pas certain qu’il puisse distinguer quoique ce soit. Il n’avait jamais osé lui demander s’il ne voyait que du noir ou si sa vision étaient terriblement floue. De sa voix de jeune garçon, il s’annonça :

« Grand père Fleck, c’est Raksà ! »

D’un pas joyeux il s’approcha de lui et frotta légèrement son museau contre sa joue. Il faisait toujours preuve de délicatesse envers lui, veillant à toujours bien se présenter quand il arrivait et à appuyer sa présence par un contact physique. Probablement qu’il devait le reconnaître bien avant à chaque fois, mais le lion brun s’en fichait, c’était important.

« Dis, tu veux venir te promener avec moi ? »

Très bon garçon, on aurait pu penser qu’il était comme ça avec tout le monde et pourtant l’adolescence faisait que c’était loin d’être le cas. Rares étaient les privilégies qui ne subissaient pas des piques sarcastiques à tout bout de champ. Ah, l’adolescence. Se tenant prêt à l’aider pour se lever ou pour simplement le guider, Raksà se positionna juste à côté de lui, parfaitement parallèle. Le sourire dans la voix, il ajouta :

« T’as peut-être encore pleins de choses à m’apprendre ! »

Il faut dire que Raksà était friand de tout ce que pouvait lui raconter son grand-père.

Cette journée s'annonçait aussi paisible que toutes les autres. Sans doute aussi ennuyeuse aussi... Yetsa était parti se baladait et il me tardait d'entendre le son de ses pas ou celui de mes fils. Ou celui de n'importe qui du moment que je sortais un peu de cette torpeur. Entendons nous bien, je n'avais rien contre le calme, le temps passant, je m'étais mis à l'apprécier bien plus qu'à une époque... Mais trop de calme était... Agaçant. Même pour le vieux tas de poils que je devenais. Heureusement, les Esprit semblèrent entendre ma prière puisque des petits bruits de pattes se firent entendre. Trop doux pour être ceux d'un lion... Sans doute s'agissait-il d'un lionceau.

La petite voix qui s'annonça me donna raison. Un large sourire illumina mon visage tandis que je tournais la tête vers l'origine de la voix. Le jeune Raksà ! Unique fils de Sadaka et Taali, il venait me voir régulièrement. Je pouvais au moins être heureux de ça : les gens ne m'oubliaient pas et les visites étaient régulière. Ça n'avait sans doute l'air de rien pour ceux qui venait mais cela me réchauffait toujours le cœur. On avait toujours si vite fait d'oublier les anciens... Surtout lorsque ceux-ci ne voient pas trois pas devant eux. Le petit avait pour habitude d'annoncer sa présence par un léger contact physique. Un peu comme le faisait mes enfants. La comparaison me fit sourire. Entre le fait qu'il se comporte comme mes fils et qu'il m'appelle grand père, j'allais vraiment finir par croire que nous étions du même sang. D'autant plus que je ne disposais d'aucun élément visuel pour me donner tort ! Enfin... Les liens de sang ne sont pas si importants. Seul compte les liens du cœur. Et avec ce petit, j'aimais à croire qu'un tel lien existait entre nous.

- Bonjour, mon enfant.

Toujours un légers sourires au lèvres, je l'écoutais me proposer une petite balade. Mes oreilles s'agitèrent avec étonnement. Évidement que cela me ferait plaisir de l'accompagner. Mais il était jeune, se balader avec un ancêtre serait peut être quelques peu... Long pour lui.

« T’as peut-être encore pleins de choses à m’apprendre ! »

J'eus un léger rire.

- Hahaha... Oh, Raksà, des choses à t'apprendre, je suis certain que j'en ai ! Mais cela dépend de ce que tu veux entendre.

Après, quelques secondes d'hésitation, je plaçais mes pattes sous mon corps pour me relever, un peu chancelant. Les Esprits me laissaient encore la chance de pouvoir marcher de moi même, autant en profiter. Et pourtant, mon corps n'était plus ce qu'il était. Plus lent, moins agile... Certaines fois, il se montrait même réticent au mouvement. Enfin...

Une fois dressé sur mes pattes, je secouais doucement la tête avant de reprendre en souriant.

- Je serais très heureux de t'accompagner. Si bien sur, ça ne te dérange pas d'aider ton vieux grand père à avancer.

Sur ces mots, je me mis à avancer à tâtons. Tandis que je cherchais quel chemin prendre pour quitter le rocher tout en ménageant mes vieilles pattes, je questionnais le jeune félin.

- Alors mon enfant, y a-t-il une raison précise pour être venu voir l'ancêtre que je suis ? Tu veux apprendre quelque chose en particulier ? Ou bien, tu es venu dans l'espoir d'entendre une nouvelle histoire ?

Ou bien y avait-il quelque chose d'autre derrière cette excuse ? J'avais un peu honte de l'avouer mais je ne savais pas si les petits enfants de Kuzali étaient parvenus à parfaitement s'intégrer au clan. Pour tout dire, j'en doutais. Oh, c'était loin d'être leur faute. Mais entre leurs origines, leur jeune âge et le fait que la vie de clan leur avait été inconnu jusqu'à un certain âge... Et bien... Je ne sais pas.

Prepare for trouble, make it double !


Kit (c) KioDravyc
Anciennement - Papy Fleck

Un sourire étira les babines du jeune lion brun tandis qu’il entendit son grand-père rire. Il resta tout de même attentif, veillant à ce qu’il ne se fasse pas mal, ne tombe pas ou tout autre scénario qui pourrait l’amener à avoir des problèmes.

« Je serais très heureux de t'accompagner. Si bien sur, ça ne te dérange pas d'aider ton vieux grand père à avancer. »
« Tu sais que ça ne me dérange jamais, puis t’es pas aussi vieux que ça ! »

Bien sûr, Raksà n’était pas objectif, le poids des années se voyait déjà sur le corps de Fleck mais il aimait tellement son grand-père que celui qui aurait le malheur de dire ne serait-ce qu’une parole de travers, le regretterait amèrement. Raksà ne serait pas comme son père, un simple témoin de l’histoire, sans bouger une seule griffe et se laissant faire par des bêtes noires. Il agirait lui.

Malgré le fait que le temps était passé et qu’il aurait dû faire son œuvre, l’animosité de Raksà n’avait pas disparue. Pas entièrement en tout cas – il voyait bien que ses parents faisaient des efforts, tentaient d’être plus présents, voulaient sincèrement se faire pardonner et ça il l’acceptait. Mais il voyait aussi les erreurs commises et la gravité de ces dernières. Raksà ne serait pas de celui qui se plonge dans le silence, qui se laisse faire, qui n’agit pas. Il ne serait pas ses parents. Raksà reprit très vite pied avec la réalité et se concentra sur son grand-père :

« Je suis juste à ta droite si tu as besoin d’un appui. »

Son regard restait braqué sur le lycaon, prenant garde où il mettait les pattes et dans quelle direction il avançait. Il n’avait pas vraiment de destination particulière, ce n’était qu’une ballade.

« Alors mon enfant, y a-t-il une raison précise pour être venu voir l'ancêtre que je suis ? Tu veux apprendre quelque chose en particulier ? Ou bien, tu es venu dans l'espoir d'entendre une nouvelle histoire ? »

D’abord surpris par la question du canidé, Raksà ne dis rien mais un sourire revint rapidement orner ses babines quand il entendit le mot « histoire ». Avec entrain il annonça :

« Tu sais que je suis toujours très friand de tes histoires, grand-père ! »

Il réfléchit un instant, ne sachant pas trop quoi demander. Il y avait tant de sujet à aborder et certain pour lesquels il n’était pas encore tout à fait prêt. Si ses sœurs avaient probablement demandé à ce qu’il lui parle de Kuzali plus en détail, ce n’était pas encore le cas de Raksà qui s’était contenté du strict minimum, trop rancunier et jaloux de ne pas pouvoir entendre ces histoires là de la bouche de sa grand-mère. Puis soudain une idée lumineuse lui traversa l’esprit, chassant toutes ses pensées noires :

« Dis grand-père, t’as déjà participé à de grandes batailles ? »

Cela plaisait à Raksà, d’imaginer Fleck en héro de guerre ! Et cerise sur la gâteau, si cela était vrai, il voudrait vraiment tout apprendre de lui.

Un petit sourire s'afficha sur mes babines lorsque Raksà me proposa son aide. C'était adorable de sa part... Mais tant que je pouvais encore marcher sans aide, je comptais bien en profiter. Je restais donc concentré sur mes pattes autant que sur les dires du petits. L'entendre déclarer qu'il appréciait mes histoires me réchauffa le cœur. Au vue de mon état actuel et malgré mes contacts sur Prideland, il ne me restait guère d'autre rôle à porter que celui du vieux grand père qui raconte des histoires aux plus jeunes. Et, quelque part, j'en étais heureux. J'avais toujours rêvé d'être conteur. De faire rêver les autres à travers des histoires, les faire voyager, leur apprendre des choses. Ma vie m'avait mené bien loin de ce sentier qui me plaisait tant... Mais elle m'y avait finalement reconduit. De cela, je pouvais me réjouir.

Mes oreilles s'agitèrent rapidement en entendant la question de Raksà :

« Dis grand-père, t’as déjà participé à de grandes batailles ? »

Je restais silencieux un instant. Sans doute plus que nécessaire, la réponse s'imposant d'elle même.

- Oui. Deux fois en fait. Tu en as peut être entendu parlé d'ailleurs. Il s'agissait des deux batailles de Prideland. Celles contre les Nyeusis.

Une défaite et une victoire. Et aucune d'elle n'était réellement la source de bon souvenir. Ceux qui n'ont pas connu la guerre ou les batailles, ou juste les jeunes rêvant de devenir de grands combattants, voient en elles des moments de force et de majesté. Deux camps, deux puissances brutes qui s'affrontent pour faire valoir leurs droits. La vérité... ressemble bien plus à un bain de sang. Ce n'est pas glorieux, ce n'est pas beau. Et même si on le fait pour une juste cause, ce n'est même pas héroïque. C'est simplement faire son devoir. Nombreux sont les jeunes rêvant de devenir des grands guerriers. Un jour peut être comprendront-ils que personne par la guerre ne devient grand.

Je secouais la tête, chassant de mon esprit ces sombres pensées. Raksà n'avait jamais connu un champ de bataille, et j'espérais pour lui et ceux de son âge, que jamais il n'en connaitrait. Un rire un peu forcé sorti de ma gorge.

- Mais je dois dire que je n'ai jamais rien eu d'un guerrier. Un lycaon parmi les lions, au milieu d'un champ de bataille... Je ne pouvais pas me battre comme tout le monde. Il fallait que je trouve des moyens détournés.

Il y a toujours plusieurs moyen de gagner la guerre après tout.

- Je ne pouvais me servir que de mon agilité, ma rapidité et mon esprit. Une fois, j'ai réussi à coincé un lion qui me poursuivait entre deux rochers. Hehehe... Il fallait voir sa tête. Il ne s'y attendait pas. Gros muscles, petite tête.

Tout en disant ces mots, je pouvais sentir l'herbe de la savane me caresser les pattes. Dire que tout c'était déroulé ici, il n'y avait pas si longtemps. Et pourtant... Tout cela me semblait bien loin à présent. Malgré les derniers malheurs s'étant abattu sur Prideland, le calme avait remplacé les éclats de voix et rugissements des guerres passés. Je poussai un long soupir de contentement, les yeux clos.

- Oh. Et j'avais aussi fabriqué quelque chose pour lancer de grosses pierres sur mes adversaires.

J'avais des fois des idées un peu... particulières étant jeune.

Prepare for trouble, make it double !


Kit (c) KioDravyc
Anciennement - Papy Fleck

Entendre que son grand-père avait participé aux deux batailles contre les Nyeusis donna à Raksà un puissant sentiment de fierté. Il gonfla sa poitrine instinctivement sans même s’en rendre compte – ce n’était pourtant pas lui l’auteur des exploits.

De plus, Fleck éveilla la curiosité de Raksà lorsque ce dernier évoqua sa manière de se battre comme étant bien différente de celle des lions. Curieux et en même temps il se demandait s’il pourrait s’instruire avec des genres de stratagèmes. Après tout la tactique est aussi important dans un combat ! Y aller à l’aveuglette c’était le meilleur moyen de mourir.

« Je ne pouvais me servir que de mon agilité, ma rapidité et mon esprit. Une fois, j'ai réussi à coincé un lion qui me poursuivait entre deux rochers. Hehehe... Il fallait voir sa tête. Il ne s'y attendait pas. Gros muscles, petite tête. »

Le lion brun écarquilla les yeux avant de finalement lâcher un rire. Il en avait presque les larmes aux yeux tellement l’image qu’il venait d’avoir de cette scène le rendait hilare. Il n’aurait jamais penser à faire ça et pourtant cela pouvait s’avérer être une bonne chose pour coincer son ennemi et l’empêcher de vous éviscérer.

« Oh. Et j'avais aussi fabriqué quelque chose pour lancer de grosses pierres sur mes adversaires. »

Cette fois Raksà ne riait plus mais il était complètement captivé par le récit de son grand -père. Marchant toujours à ses côtés il tenta de visualiser la chose mais ne savait pas très bien comment le lycaon avait pu réaliser ce genre d’exploit :

« Comment t’as fais, grand-père ? Je veux tout savoir ! »

L’excitation de Raksà n’avait d’égal que sa curiosité. Il trépignait d’impatience d’en savoir plus et si son grand-père avait pu le voir, il aurait sans doute était à la fois amusé et désabusé du caractère encore enfantin de l’adolescent.

« Mais ça veut dire que tu as vu des Nyeusis… Enfin je veux dire de vrais Nyeusis. Comment sont-ils ? »

La question de Raksà aurait pu faire écho à celle de Sadaka plus jeune mais il voulait surtout savoir à quel point un lion peut être abominable abject et détestable. Il n’éprouvait pas une curiosité d’intérêt comme son père avant lui, il voulait simplement savoir quelle genre de créature avait assassiné sa grand-mère. Il ne portait en lui aucun espoir de voir le bien chez ce genre de personnage. Il ne serait pas son père.

Mon invention à lancer des pierres sembla beaucoup intéressé le petit Raksà. Du moins, c'est ce que je crus déduire en l'entendant stopper son rire. Aaah ? On était un peu plus curieux d'un coup hein ? Comme quoi, le grand père Fleck arrivait à être intéressant avec ses inventions étrange. La question du jeune lion m'arracha un rire. Mmmh... Au fond, peut être que je pourrais lui faire une petite démonstration. .... Pourquoi pas après tout.

- Je peux te montrer si tu veux, mais je vais avoir besoin que tu me trouves de bout de bois assez grand et des cailloux.

Je mimais du mieux que je pouvais la taille des bout de bois nécessaire. Mais je n'étais pas sur sur ce soit très précis. Enfin... Ce n'était pas grave, nous ferions avec de toute manière. Si cela fonctionnait, tant mieux. Sinon tant pis ! Cependant, la seconde question du jeune lion me coupa vite dans mon élan.

« Mais ça veut dire que tu as vu des Nyeusis… Enfin je veux dire de vrais Nyeusis. Comment sont-ils ? »

J'eus un moment de blanc. Je ne pouvais m'empêcher de repenser à Sadaka lorsqu'il déclara cela... Mais j'osais espérer que c'était juste un lien idiot de ma part sinplement dû au fait que Raksà soit son fils. Le jeune avait sans doute dû beaucoup apprendre des erreur de son père et nous pouvions espérer qu'il ne ferait pas les mêmes. ... Non. Il ne les ferait pas. Je lui faisait confiance là dessus. C'était simplement un jeune curieux d'en apprendre plus sur les Nyeusis, comme beaucoup de jeune félins à Prideland. En soit, sa question n'avait rien d'inhabituel.

- C'était... Des lions. C'est peut être ça qui les rendait si effrayant.

Je fis une courte pause, tachant d'étayer mon propos.

- Quand j'étais petit, les monstres des histoires étaient des créatures hideuses et horribles. C'était comme ça que j'arrivais à les reconnaitre. Mais la vie... La vie m'a apprit que les monstres sont comme toi et moi. Et c'est ça qui fait peur. On ne nait pas monstre, on le devient au fil du chemin que l'on choisi. Et ils ont choisi le leur. Le sang, la violence et la luxure pour certain. Un chemin aussi pathétique que haïssable.

Et qu'on ne vienne pas me parler de ceux qui avait pris ce chemin par manque de choix ! Dans la vie, on a toujours le choix. Il est juste parfois plus simple de décider qu'on ne l'a pas.

Je soufflais bruyamment. Je ne comprenais pas... Je n'avais jamais compris comment quelqu'un pouvait choisir de voué sa vie à détruire celle des autres. Enfin... A quoi bon y penser, ce qui était fait, était fait. On ne réécrit pas le passé. Je poussai un soupir, retournant mon attention vers Raksà.

- Mais, hé ! Je suppose que tu espérais une description plus digne d'une histoire épique.

Pendant quelques instants, je pris un air pensifs.

- Ils étaient grands, plus grands que tous les lions que j'ai pu croiser. Avec un pelage sombre comme une nuit sans lune... Aussi noir que leurs âmes tintées de sang. C'était des guerriers, des tueurs. Mais leur compétence ne s'arrêtaient pas au combat. Ils étaient intelligent, vicieux comme des serpents. Bref, le genre de personne dont il vaut mieux se tenir éloigner si tu veux mon avis.

Prepare for trouble, make it double !


Kit (c) KioDravyc
Anciennement - Papy Fleck

« Je peux te montrer si tu veux, mais je vais avoir besoin que tu me trouves de bout de bois assez grand et des cailloux. »
« D’accord, je vais te trouver ça grand-père ! »

Il était enjoué à l’idée de voir ce que le vieux lycaon pourrait bien lui construire. Bien sûr il allait l’aider de son mieux mais la curiosité le dévorait. Il pencha les yeux vers le sol, près à ramasser ce qui semblerait le plus solide à ses yeux. Mais le son de la voix de Fleck retentit bientôt à ses oreilles et il se détourna de sa tâche première pour lui apporter toute son attention.

« Quand j'étais petit, les monstres des histoires étaient des créatures hideuses et horribles. C'était comme ça que j'arrivais à les reconnaître. Mais la vie... La vie m'a apprit que les monstres sont comme toi et moi. Et c'est ça qui fait peur. On ne naît pas monstre, on le devient au fil du chemin que l'on choisi. Et ils ont choisi le leur. Le sang, la violence et la luxure pour certain. Un chemin aussi pathétique que haïssable. »

Les oreilles de Raksà se plaquèrent légèrement contre sa crinière naissante et pendant un instant il se dit que c’était une bonne chose que son grand-père ne puisse pas le voir dans cet état. Il n’avait fait que confirmer ce que l’adolescent pensait déjà. C’est un choix que l’on fait et son père l’avait fait au même titre que son grand-père, son grand-oncle et peu importait encore combien de ces bâtards coulaient dans ses veines.

« Mais, hé ! Je suppose que tu espérais une description plus digne d'une histoire épique. »

Le mâle brun redressa les oreilles. Il n’osa pas interrompre les explications de son grand-père, trop heureux de pouvoir l’entendre parler et raconter ses souvenirs, même si cela ne devait pas être les meilleurs. Il hocha la tête à la dernière phrase de son grand-père bien que ce dernier ne puisse pas voir son approbation. Inspirant profondément il reprit sa recherche en déclarant :

« Merci grand-père, mais tu sais, c’était ta première description que je voulais entendre. »

L’histoire épique il la connaissait bien sûr, même si Fleck la racontait mieux que n’importe qui d’autres. Il ramassa quelques morceaux de bois qu’il jugea favorable à la construction de la catapulte et fit rouler quelques pierres. Il lâcha sans cérémonie :

« Parce que ça veut dire qu’il a eu le choix lui aussi. »

Pas besoin de préciser de qui Raksà parlait, Fleck était loin d’être un idiot et il savait que le lycaon comprendrait aussitôt. Décidant qu’il était grand temps de changer de sujet et de passer à quelque chose de bien plus amusant, Raksà déclara avec l’imaptience d’un lionceau :

« J’ai trouvé le bois et les cailloux, grand-père, c’est quoi la suite ? »

Raksà semblait plus que ravi d’expérimenter mon étrange invention. Et bien ! Voilà qui faisait plaisir ! Qui sait ? Peut être que cela lui serait utile un jour. Je n'avais aucune idée de comment ou de pourquoi, mais la vie est parfois si... excentrique et imprévisible. Par ailleurs, il semblait également satisfait de ma première description des Nyeusis. Mais mon sourire, qui venait de s’agrandir, s'effaça bientôt en entendant.

« Parce que ça veut dire qu’il a eu le choix lui aussi. »

Je restais silencieux pendant un moment. Puis avec un soupir, je lui répondis.

- Nous avons tous le choix, Raksà. Nous avons toujours le choix.

Je secouais la tête avec lassitude. Je ne souhaitais pas vraiment continuer sur ce sujet. Nous étions ici pour passer du bon temps ensemble, pas pour titiller de vieilles plaies. Heureusement, le jeune lion semblait partager mon avis puisqu'il redirigea rapidement la conversation :

« J’ai trouvé le bois et les cailloux, grand-père, c’est quoi la suite ? »

Avec un petit rire, je repris vite contenance.

- C'est très simple. Prend deux morceau de bois et croise-les au sol comme ça.

Se faisant je mimais le geste en croisant mes pattes antérieur devant mon museau.

- Une fois que c'est fait, le bout de bois du dessus doit avoir l'une de ses extrémités qui touche le sol alors que l’autre est en l'air. Ensuite, pose un caillou sur l'extrémité au sol et appuie de toutes tes forces de l'autre côté.

Pour appuyer mon propos, je reposais lourdement mes pattes avant sur le sol alors que je parlais. Comme si c'était moi qui lançais le caillou.

- Maintenant que tu as la théorie, la pratique !

J'avais beau m'être assis, j'avais l'impression de sentir mes pattes trépigner d'excitation. Un peu comme un enfant qui attend un cadeau. Cette... chose, me rappelait bien des souvenirs. Et, quelque part, je crois bien que j'étais heureux de les partager. Surtout avec Raksà, dont l'entrain était très communicatif.

Prepare for trouble, make it double !


Kit (c) KioDravyc
Anciennement - Papy Fleck

Alors ainsi cette excuse pathétique qui disait que la personne n’avait pas le choix ne semblait guère tenir la route. Raksà approuvait les propos de son grand-père bien que cela entretienne une certaine rancœur de sa part envers tous ceux qui avait proféré autant de mensonges dans sa vie. Le lycaon l’avait probablement senti et Raksà fut désolé d’avoir probablement ravivé de mauvais souvenirs à ce dernier.

Attentif, le lion brun suivait chaque instructions de son grand-père avec une très grande attention. Il hochait plusieurs fois la tête bien que son aisance soit mise à l’épreuve. Il râla plusieurs fois parce que les bouts de bois ne voulaient pas tenir en place, roulant dans toutes les directions, c’était un véritable casse tête.

Il visualisa à nouveau les gestes de son grand-père, n’osant pas lui demander de répéter la manœuvre et arriva finalement à faire tenir la chose. Oui c’était deux pauvres malheureux bouts de bois mais Raksà n’y connaissait absolument rien. Néanmoins, un petit sourire satisfait étira ses babines quand il finit par poser la pierre :

« J’ai mis le caillou en place. T’es sûr que je dois frapper aussi fort ? »

Il ne mettait pas la parole de son grand-père en doute et malgré tout il ne se fit pas prier pour reproduire le geste, laissant sa patte s’abattre sur l’arme de siège afin d’en propulser la munition. Le coup parti tout de suite sous les yeux ébahis de Raksà qui ne put que grandement sourire :

« AÏE ! »

Ses yeux s’écarquillèrent et il retint péniblement un rire – un petit animal passait par là et avait reçu le projectile. Heureusement que ce dernier n’était pas bien gros, la petite chose n’aurait sûrement qu’une douleur légère pendant la journée. Étouffant un gloussement, le mâle brun réussit à articuler :

« Désolé, je vous avais pas vu. »

Des grognements s’élevèrent mais la victime de l’agression finit par rejoindre son terrier. Cette fois Raksà laissa sa bonne humeur s’exprimer, son rire résonnant légèrement. Il ne se fit pas prier pour exprimer directement sa joie avec le lycaon, le gratifiant au passage d’un coup de museau :

« C’est absolument génial, grand-père ! Tu imagines ce que ça pourrait faire si c’était beaucoup plus gros ? Avec la force des éléphants par exemple ? »

Oui bon Raksà s’emballait peut-être un peu beaucoup mais c’était quelque chose d’envisageable ! Ces… Catapultes, fabriquées à grande échelle pourraient se révéler comme étant un atout majeur en cas de guerre. C’était peut-être l’âme de guerrier qui parlait & bien évidemment le lion brun ne souhait pas voir le sang couler, mais c’était à garder dans un coin de sa tête.

« Tu as d’autres inventions comme ça dis ? »

Raksà semblait hésiter un peu au début, aussi fis-je de grand hochement de tête, histoire de le rassurer et de l'encourager par la même occasion. Avec un grand rire, j'ajoutais :

- Allons ! Aie un peu confiance en ton grand père mon garçon, il sait qu'il est un peu sénile, mais il sait faire fonctionner ses inventions tout de même !

Heureusement, le jeune lion n'hésita pas plus longtemps. Bientôt, il me sembla entendre le son d'une balle qui filait à travers l'air. Mes oreilles s'agitèrent. Joli bruit. Raksà avait du faire un parfait lancé. Si parfait qu'il atteins une cible sans que ce soit voulu. Alors que l'adolescent s'excusait platement, je faisais de mon mieux pour ne pas fondre en larme de rire. Après des grognement, sans doute ceux de la pauvre créature qui avait servit de piste d’atterrissage au caillou, j'entendis le félin rire et je me laissais moi même aller. Je sentis alors un coup de museau sur mon épaule.

« C’est absolument génial, grand-père ! Tu imagines ce que ça pourrait faire si c’était beaucoup plus gros ? Avec la force des éléphants par exemple ? »

Ah ça ! Cela serait une redoutable arme de défense ! Cependant, il y avait peu de chance que quelqu'un s'en serve. La plupart des guerriers, surtout les lions, semblaient davantage intéressé par les combat au corps à corps, exprimant toute la puissance et la fureur des guerriers. Ils ne privilégiaient pas vraiment l'efficacité de mon point de vue... M'enfin, la guerre, ce n'était pas mon domaine. Et si j'avais fait cette "découverte" durant un combat, je n'étais pas sur de vouloir la voir devenir une arme de destruction massive. Ceci dit, je n'en fis pas part à Raksà qui continuait :

« Tu as d’autres inventions comme ça dis ? »

Je ne pus réprimer un rire.

- Je crains que non. En mon jeune temps j'ai bien souvent utilisé mon environnement à mon avantage. Me servant des lianes de la jungle pour faire des croche patte ou des tronc d'arbre creux comme cachette, je restais assez souvent coincé dedans d'ailleurs... Mais nombreux sont ceux à l'avoir fait avant moi.

Je fis une courte pause, pensif, avant de hausser les épaules et de reprendre.

- Mais tu sais quoi ? Je suis sure que toi aussi tu peux inventer des choses comme ça, même mieux ! N'oublie pas. Il suffit de te servir de ta tête !

Sur ces moment, je tapotais mon propre crâne avec ma patte. A vrai dire, peu importe la raison, mieux valait savoir se servir de sa tête dans la vie de tout les jours même sans avoir à inventer quoi que ce soit.

- Qui sait, peut être même que tu pourrais même trouver le moyen de créer des choses extraordinaire. Comme... Je sais pas moi... Comme quelque chose qui permettrait de voler comme les oiseaux par exemple !

Oui, je m'emportais sans doute un peu... Mais il fallait avouer que ce serait fantastique ! J'eus de nouveau un léger rire. Après tout, on pouvait toujours le rêver. Il faut bien des rêveurs pour rendre le monde meilleur.

Prepare for trouble, make it double !


Kit (c) KioDravyc
Anciennement - Papy Fleck

Dommage se dit Raksà, lorsque son grand-père lui confia n’avoir pas d’autres inventions de ce genre à lui faire découvrir. Néanmoins il écouta religieusement les diverses stratégies qu’avait mis à l’œuvre le lycaon pour se débarrasser de ses ennemis. Il les notait toutes dans un coin de sa tête, jurant de les mettre en application dès qu’il en aurait l’occasion. En entraînement bien évidemment.

Les temps de guerre pouvaient bien attendre encore quelques années – ils pouvaient bien attendre tout court de toute façon, même si Raksà n’hésiterait pas un seul instant à se lancer dans une bataille si c’était pour défendre les siens et ses convictions. Peut-être que Sahàsi accepterait de mettre en œuvre les diverses astuces de Fleck ! Il penserait à demander à sa jumelle à l’occasion, bien que cette dernière n’est pas dû apprécier l’épisode crocodile, elle n’était jamais en reste quand il s’agissait de faire les 400 coups avec lui.

« J’essaierai d’être aussi ingénieux que toi, grand-père ! »

Raksà était désireux de le rendre fier, lui probablement plus que les autres parce qu’au fond, c’était celui avec qui il avait le plus d’affinité. Beaucoup pourraient trouver cela étranger puisqu’ils n’appartiennent pas à la même espèce, mais Raksà lui, il voyait bien au-delà de tout cela et se dit qu’il aurait probablement été perdu sans le vieux lycaon.

Son grand-père croyait en lui et cela le motivait encore plus – il parviendrait aux objectifs qu’ils s’étaient fixés même si l’idée de voler n’en faisait pas réellement parti, il ne put que rire avec le lycaon à cette pensée.

« Si je ne réussis pas à voler, je réussirai à faire autre chose ! »

Il se montrait optimiste et au fond c’était tout ce qui importait. Raksà jeta un coup d’oeil derrière lui, constant qu’ils s’étaient bien éloignés du Rocher malgré leur rythme de marche plutôt modéré. Une pensée lui traversa l’esprit et il jeta un coup d’oeil à son grand-père. Non sans une pointe de déception dans la voix il finit par déclarer :

« Nous devrions peut-être rentrer, non ? Chesmo et Ohanko vont se demander où j’ai bien pu t’entraîner cette fois ! »

Et il n’avait pas réellement envie de se faire remonter les bretelles, surtout après avoir passé un bon moment comme celui-ci.

« En tout cas, merci grand-père ! C’était génial. »

Je n'en attendais pas moins du jeune Raksà. Je savais qu'il ne manquerait pas d'ingéniosité dans le futur. Il fallait juste se souvenir de la règle la plus importante : on pense avec sa tête, pas ses muscles. Comme le disait le vieux lion lui même, s'il n'apprenait pas à voler il trouverait autre chose. Il y avait encore tellement de chose à inventer, à découvrir dans ce monde après tout. Pourquoi se brider à une seule idée ?

« Nous devrions peut-être rentrer, non ? Chesmu et Ohanko vont se demander où j’ai bien pu t’entraîner cette fois ! »

J'eus un léger rire. Chesmu ne s'en inquièterait pas, Ohanko en revanche... Mieux valait ne pas mettre à l'épreuve la patience de mon fils, surtout avec les lions même aussi agréable et attachent que Raksà. Je répondis, un sourire aux babiness.

- Tu as raison, rentrons.

Et sur ces mots, je fis brusquement demi-tour, remontant notre piste en me servant de mon odorat.

« En tout cas, merci grand-père ! C’était génial. »

Je hochais la tête avec entrain.

- Ça l'était oui, mais merci à toi ! Surtout, n'hésite pas à revenir me voir. Tes visites me font toujours très plaisir.

Les visites en général me faisait plaisir. C'était peut être égoïste de voir les chose ainsi mais au moins, je n'avais pas l'impression de simplement m'effacer que ce soit à cause de mon âge ou de ma cécité. Mais les visites de Raksà était toujours particulière. C'était un lion, j'étais un lycaon... Et pourtant passer du temps avec lui me donnait l'impression que je passais du temps avec un de mes petits enfants. Au début, le surnom "grand-père" ressemblait davantage à un jeu, plus maintenant. Maintenant, il renvoyait à quelque chose de réel, de tangible. Peu importe à quel point cela pouvait sembler étrange.

Prepare for trouble, make it double !


Kit (c) KioDravyc
Anciennement - Papy Fleck