Ateyo avait quitté le repère tôt dans la matinée après avoir reçu le signalement d'une présence non-désirée aux frontières. Les autres Gardiens s'avéraient êtres occupés et le blond avait naturellement proposé de s'y rendre afin de vérifier les lieux et éventuellement faire déguerpir ledit lion. Mettant en avant l'urgence de la situation, Ateyo pu donc se débarrasser de la proximité de Fleck afin d'entreprendre sa mission. Ainsi, il avait filé dans la Savane, galopant rapidement, endurant et fort. Il avait avalé les kilomètres en quelques heures, prenant tout de même soin de ne pas trop se fatiguer afin de parer à toutes les éventualités : il ne fallait pas qu'il soit trop épuisé si jamais un affrontement en découlait.

Il avait alors ralentit son allure aux frontières entre Prideland et le Territoire des Hyènes, humant la trace du lion. L'amnésique ne connaissait pas le moins du monde cette odeur. Les traces, par ailleurs, s'aventurait sur le territoire des rieuses, intriguant alors Ateyo qui, jetant un regard circulaire autour de lui, décida de s'y aventurer. Il marcha longuement, se faisant discret malgré sa carrure massive et sa haute taille. Ateyo était assurément le plus grand lion de Prideland et le blond n'avait pas rencontré beaucoup de lions capables de se vanter de faire sa taille. Quoique Sadaka, le fils de feu Kuzali, était particulièrement haut et massif, lui aussi.

Sans s'en rendre compte, Ateyo se retrouva bien vite enrobé par une légère brume, les petits os avaient cessé de craquer sous ses larges pattes et l'odeur n'était plus aussi nauséabonde. Bien au contraire, de l'herbe fraîche se faisait sentir sur ses coussinets roses et Ateyo fronça légèrement les sourcils, à l'arrêt, essayant de percer la fine brume de ses prunelles azurées. Où était-il donc ? Le blond s'était peu aventuré sur la Terre des Lions et, à vrai dire, ce lieu lui était bien inconnu ! Il fit alors volte-face, plissant ses mirettes, cherchant sa route.

« Il y a t-il quelqu'un ? » Fit-il d'une voix forte et soutenue, cherchant une éventuelle présence.

Finalement il continua d'avancer, désireux d'au moins sortir de la brume.

La brume. Encore et toujours, de plus en plus duveteuse, de plus en plus dense. Ce lieu était-il maudit ? A n’en point douter ! Le lion maousse arpentait la montagne depuis plusieurs heures. Que faisait-il ici ? Nul n’aurait pu le dire…même pas lui !

Perdu dans ses rêvasseries quotidiennes, Nzige slalomait entre les rochers noirs couverts de lichen. Ces derniers tranchaient l’épaisse couche de brumaille comme des griffes entaillaient la chair. Par ailleurs, cette vapeur blanchâtre pouvait-elle souffrir ? Voilà une question qui titilla la réflexion du drôle de gus. Hélas, les digressions pouvaient s’avérer être de cruelles ennemies en ce lieu. Comme des sirènes, elles happaient leurs proies, emprisonnant ces dernières dans l’aveuglement de leurs pensées. A leur réveil, les victimes étaient désorientées, quand elles n’étaient pas déjà mortes…

Et c’est ce qui arriva.

Surprit pas l’envol de quelques vautours, non loin de lui, le félin haleta de surprise avant de reculer. Une de ses puissantes pattes se retrouva coincée dans une flaque d’eau croupie.

- Oh non !

Tirant pour se libérer du piège invisible, le Freelander fut transit d’effroi quand la réalité imposa son injuste vision : Il était seul dans la montagne. Et probablement trop loin du clan pour espérer appeler à l’aide. Le brouillard ferait tout ce qu’il peut pour étouffer ses cris, de toute façon.

Après moult efforts, la branche qui le retenait dans le marais céda brutalement. Son prisonnier fut projeté au sol. Haletant, il se remit debout et fila au galop. Hors de question de rester ici plus longtemps !

- Il y a-t-il quelqu'un ?

Le grand lion cessa immédiatement sa course. Devenait-il fou ou avait-il bien entendu le timbre d’une voix ? Il s’approcha de la source à pas feutrés, sa patte mouillée l’accommodant fortement. L’humidité de l’air perlait sa fourrure hirsute tandis qu’il se rapprochait d’un petit précipice au bas duquel, presque effacé par la nébulosité opaline, se tenait un lion. Curieux, le Freelander se pencha pour mieux distinguer l’inconnu. Qui était-il ? Et surtout : Que pouvait-il bien faire ici ?!

L’individu possédait un pelage de couleur crème. Sa crinière, plus claire, lui donnait des airs de fantôme au beau milieu de ce paysage mélancolique. L’espion sentit la corniche se dérober sous son poids. Des graviers commençaient à dégringoler la pente. Avant d’avoir pu réagir, le félin glissa. Il entama un roulé-boulé pathétique avant de s’étaler disgracieusement devant l’étranger. Se relevant avec une assurance mal simulée, il s’ébroua avant d’engager la discutions, comme si de rien n'était, tout sourire.

- Bonjour ! Pardonnez-moi pour toute cette agitation. Je ne vous ai pas fait peur au moins ? Non parce que…si c’est le cas, je suis vraiment désolé. Ça fait des heures que je suis ici sans repères et je commençais sérieusement à m’inquiéter. Cet endroit est effrayant, vraiment !

C’est donc la patte arrière trempée et la crinière pleine de poussière que Nzige entama le premier contact. Cela était très plaisant de rencontrer un semblable dans ces lieux !

Ateyo bondit sur ses pattes à l'entente du chaos produit par un petit éboulement, position de défense, bien campé sur ses appuis, le grand lion s'apprêtait à se défendre coûte que coûte. Il plissa un peu plus ses prunelles azurées et aperçut alors une massive forme rouler le long d'une pente jusqu'à ses larges pattes. Ateyo rouvrit un peu ses yeux, un sourcil arqué. Le Gardien comprit bien vite que ce n'était pas une attaque, c'était bien trop... maladroit ? Ateyo eut un léger sourire en coin, le sourire charmant devant l'attitude du lion aux yeux émeraude.

« Bonjour. » Fit-il tout d'abord de sa voix légère et douce.

Alors un autre lion perdu ? Ateyo eut un petit soupire intérieur, il aurait aimé tomber sur un être s'y connaissant afin de sortir de là rapidement mais que voulez-vous, la vie ne nous offrait pas tout sur un plateau doré. Le blond secoua légèrement sa tête de gauche à droite afin de signifier qu'il n'avait pas été effrayé ; non, il avait plutôt cru à une attaque. Il avait été prêt à se défendre mais qu'importe ! Ce lion-là paraissait plutôt sympathique. Pas doué, mais sympathique.

« Ce n'est en effet pas fort rassurant. Mais dîtes-moi, vous n'avez pas été blessé durant votre incroyable chute ? »

Disant cela, Ateyo tournait autour de son interlocuteur, l'inspectant lui-même afin de vérifier son état, ses sombres sourcils un peu froncés. L'amnésique releva finalement la tête, souriant à nouveau, un sourire presque délicat, contrastant avec sa silhouette massive.

« Je suis aussi perdu que vous mais peut-être qu'à deux nous aurons plus de chance ? Qu'en dîtes-vous... Hm, quel est vôtre nom d'ailleurs ? Pour ma part je me prénomme Ateyo, enchanté. »

- Ce n'est en effet pas fort rassurant. Mais dîtes-moi, vous n'avez pas été blessé durant votre incroyable chute ?

Le lion au pelage clair entreprit de vérifier par lui-même, tournant lentement autour de son homologue doré, les sourcils légèrement froncés. Nzige put alors étudier son bienfaiteur. C’était un beau spécimen, dans tous les sens du terme. Le plus marquant était ses yeux, de couleur émeraude. Ils se mariaient avec élégance au milieu de sa fourrure beige. L’allure de l’étranger, forte et altière, témoignait d’une classe sociale favorable. Sans doute un guerrier ou un membre d’une famille royale ?

- Oh, ne vous en faites donc pas pour ça ! J’ai la chance d’avoir une solide constitution. Fit le drôle de lion en haussant les épaules. Son compère le regarda de nouveau, un léger sourire aux babines.

- Je suis aussi perdu que vous mais peut-être qu'à deux nous aurons plus de chance ? Qu'en dîtes-vous... Hm, quel est votre nom d'ailleurs ? Pour ma part je me prénomme Ateyo, enchanté.

Intimidé par le charme et la prestance du grand prédateur, Nzige dû réfléchir avant de répondre.

- Oh, erm, enchanté ! Moi, c’est Nzige. Je me ferais un plaisir de vous escorter à travers ces montagnes. Après tout, deux paires d’yeux valent mieux qu’une dans ce genre d’endroit…Il haussa un de ses sourcils épais. ...Mais au fait, si cela n’est pas trop indiscret, où allez-vous donc ? Ces montagnes sont un endroit hostile, rare sont ceux qui y pénètrent sans but.

Quelle ironie. Quel avait été son but, à lui ? Il s’était juste perdu, voilà tout. Ateyo avait sans doute, lui aussi, commit l’imprudence de réfléchir sans voir où le menait ses pattes

Ateyo observa paisiblement le lion face à lui, patient, le laissant tout à ses réflexions sans sourciller une fois. Il ne se détacha pas de son doux sourire et écouta donc le dénommé Nzige avec attention, hochant légèrement la tête. A deux, ils seraient plus à mêmes de veiller, se défendre et dénicher enfin une sortie. Ateyo ne souhaitait pas s'attarder trop longtemps dans les environs, disparaître en ce moment trop longtemps serait bien mauvais pour lui. Surtout qu'il était censé être toujours sur Prideland, que se passerait-il si l'on se rendait compte qu'il n'y était plus ? Le blond observa un peu les alentours puis reposa ses prunelles azurées sur Nzige.

« Je n'allais nul part, j'étais à la recherche d'un fauteur de trouble de Prideland. Je suis Gardien, mon devoir est donc de préserver la Terre des Lions. »

Expliqua Ateyo en gonflant un peu le poitrail, l’œil fier et le sourire charmant. De toute manière, Freeland était également gardé par les Gardiens, non ? Qu'il soit jusqu'ici pour mettre la patte sur le fameux hors-la-loi ne serait pas trop étrange et de toute manière, s'il devait se justifier, il n'aurait qu'à mentionner Nzige, parfait alibi et surtout, véritable alibi.

« Mais j'ai perdu sa trace dans la brume... Vous n'avez aperçu personne d'autre que moi, je présume ? » Demanda t-il, un infime espoir en son sein. Le ramener au repère, ce hors-la-loi, lui permettrait également de justifier son éloignement. De toute manière, cela n'était guère de sa faute s'il avait eu le malheur de se perdre dans ces fichues montagnes, au milieu de cette brume épaisse, à couper à la griffe. L'air ici était bien différent des autres endroit, plus humide et plus étouffant, sûrement. Dans tous les cas, tenter de retrouver ici le lion malfaiteur ne serait pas une tâche bien aisée et Ateyo songeait qu'il n'y passerait assurément pas fort longtemps, sûrement aurait-il l'occasion de lui mettre la patte dessus une autre fois.

Ainsi donc, l’hirsute félidé avait affaire à un gardien ! Au cours de son existence, Nzige n’en avait rencontré que très peu. Cela dit, le lion vouait un profond respect envers ces gardiens de la paix. Il se trouva donc honoré de pouvoir être utile à l’un d’entre eux.

Quid de ce fameux fauteur de trouble ? Le freelander était bien décidé à aider Ateyo dans sa mission. Les malfrats n’avaient pas leur place sur son territoire ! Il se creusa la tête, se remémorant, avec peine, ce qui aurait pu trahir la présence d’un quelconque intrus dans les montagnes. L’air devenait épais et étouffant, si bien que la présence d’un allié était désormais capitale.

- Hum, voyons voir. Commença-t-il, portant son regard émeraude sur ce qui, auparavant, lui faisait office de promontoire. Tout à l’heure, il m’a semblé entendre un craquement de branche, lequel eut effrayé une bande de vautours. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’étais perdu. Qui plus est, j’avais la désagréable impression d’être suivi. Cela pourrait-être une piste ?

Le grand mâle observa la côte rocailleuse et humide. Dans leur chute, les pierres qui formaient autrefois la paroi offraient des prises stables pour les félins. Ils pourraient ainsi gravir la falaise affaissée et partir en quête d’indices.

- Nous pourrions retourner là-haut. Ce hors la loi y est sans doute encore. Qu’en pensez-vous ?

Il se tourna vers le blond, attendant son approbation.

Ateyo écouta les dires de Nzige d'une oreille attentive sans pour autant fixer son regard sur le Freelander, préférant scruter la brume et tenter de percer son obscurité. A vrai dire l'idée d'être si loin du Repère ne lui plaisait guère, il était partagé entre le devoir de mettre la patte sur ledit malfrat et le besoin de retourner sur Pridelands auprès des autres Gardiens. Soupirant intérieurement, le blondinet reposa ses prunelles azurées sur son camarade d'infortune et lui sourit doucement.

« Cela pourrait en être une, je n'ai de toute manière pas beaucoup de temps à perdre, autant saisir cette piste. » Répliqua Ateyo en redressant un peu son corps massif, levant le nez vers la côte rocailleuse. Un peu d'escalade semblait en vu, n'est-ce pas ? Ateyo n'en avait pas peur, il était après tout athlète et ne faisait pas parti des Gardiens pour rien. Lorsque les prunelles verdoyantes de Nzige se tournèrent vers lui, le beige y répondit d'un léger hochement de tête avant de s'avancer vers la côte, l'étudiant avec soin, les yeux plissés. Il n'avait guère envie de se blesser ou de voir son comparse l'être, mieux valait être prudent.

« Hm... Par-ici... »

Ateyo débuta l'ascencion après avoir soigneusement choisit son passage, échappant ses griffes de leurs fourreaux afin de s'accrocher au mieux. Sa musculature se banda sous sa peau tandis qu'il avançait doucement mais sûrement, analysant les différentes prises.

« Faîtes bien attention l'ami ! » Lança t-il au Freelanders dans un sourire charmant.

[Vraiment désolé pour cet affreux retard !]

- Faîtes bien attention l'ami ! Lança le gardien, alors qu’il engagea la montée. Il prit le temps d’examiner les possibles prises, s’élevant doucement sur la pente rocailleuse, le freelander à sa suite. Ce dernier faisait de son mieux pour ne pas tomber à nouveau. Nzige était accoutumé à l’escalade. Il était même plutôt doué pour cela ! Jioni, la voyageuse qu’il avait rencontrée, quelques mois auparavant, pouvait en témoigner. Cela dit, le lion doré ne s’attarda pas sur l’inspection des prises, et grimpa la colline terreuse avec la grâce d’un buffle estropié.

- Vous en faites donc pas ! Je me débrouille, comme un pro !

Il ne fallut que quelques minutes aux grands lions pour atteindre le palier. Le citoyen des Terres Libres s’ébroua, faisant voler cailloux et mottes de terre emprisonnées dans sa crinière lors de l’ascension.

- Que fait-on, à présent ? Demanda-t-il en chuchotant.

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