Etrangement, elle n'aurait jamais imaginé retrouver son ancien abri. Pourtant, elle en était heureuse. Sur ces terres qu'elle connaissait du bout des griffes, Lakini se sentait en sécurité. D'ailleurs, elle y avait passé le plus clair de son temps ces derniers temps, notamment après l'accident du fleuve, elle avait eu besoin de calme et de repos. Kibaki et Bawa l'avait emmenée jusqu'à cette cache de sûreté et ils y vivaient depuis lors.

Et la guépard compta énormément sur son ami royal pour se remettre de ses péripéties. Chose qu'elle n'aurait jamais fait quelques années plutôt, mais que dire ? Les temps changent et les résolutions aussi. Vivre dans la faim et la peur constante de ne pas voir un nouveau jour se lever peut avoir des répercussions notables sur la façon de voir les choses. Et même si, quand son état le permit de nouveau, Lakini se réjouissait de pouvoir d'aider à leur vie, elle appréciait et acceptait, parfois, que son compagnon chasse seul pour eux deux.

C'était un de ces jours, d'ailleurs. Le guépard était parti depuis un moment, Lakini attendait son retour, se prélassant dans l'ombre de la tanière. Chose qu'elle n'avait pas pu faire depuis un trop long moment. Bawa n'était pas là, aujourd'hui. Depuis que Kibaki avait rejoint leurs rangs, il laissait une distance entre lui et les félins. Lakini s'était inquiétée un instant qu'il ne se sente rejeté mais l'oiseau l'avait rassurée qu'il ne faisait que leur donner un peu d'intimité. Il devait survoler le pays verdoyant, vivre sa vie tranquillement. Lui aussi avait besoin d'un peu de calme, de détente. Après tout, il avait veillé sur Lakini pendant plusieurs saisons, si la douce féline avait un nouveau gardien, réellement capable de la protéger, il n'allait pas cracher dessus ! Ce qu'il voulait, c'était qu'elle soit heureuse et en sécurité ! La présence de Kibaki semblait lui apporter ces deux élements si naturellement... Il n'avait rien à redire du félin royal !
Elle somnolait tranquillement, ses flancs détendus montaient et descendaient doucement au rythme de sa respiration. Sa queue balayait le sol par habitude, mais le geste était si délicat que ce n'était qu'une caresse dans son sommeil. Quand une vibration de pas allongés et rapides traversa la terre et parvint à son oreille. Elle ouvrit un oeil paresseusement et s'étira, elle connaissait ce son. Elle releva la tête pour regarder vers l'entrée de leur abri et sourit quand la silhouette de Kibaki se dessina dans la lumière.

"Le diner est servi!" Annonça-t-il, satisfait, en laissant tomber un lièvre fraichement chassé.

"Oh, bonne chasse, je vois!" Répondit-elle avec une sourire, alors qu'elle se réveillait entièrement. Un baillement l'interrompit un instant, puis elle reprit. "Bawa ne reviendra pas avant la nuit, il m'a dit de ne pas l'attendre." Elle eut un nouveau sourire, et ajouta, d'un air un peu espiègle: "Nous avons du temps devant nous."

De bonne humeur, Lakini laissa un petit gazouillement de rire s'échapper avant de se lever pour sortir de la tanière. Il faisait bien chaud, à son goût, qu'elle avait préféré rester à l'ombre de la terre. Le fumet du lièvre était trop tentant, après tout. Elle passa tout près du guépard qui s'était étalé devant l'abri, brûlant le trop plein d'énergie qu'il ressentait souvent quand il revenait de la chasse. Un sourire adressé, la guépard se recoucha au soleil, clignant un peu des yeux, la patte effleurant la carcasse.

Alors qu'elle prenait tranquillement un morceau de viande, Kibaki se redressa légèrement, proposant de possibles activités avant la fin du jour. Lakini n'était pas spécialement fatiguée, mais n'avait pas spécialement envie de bouger, peut-être encore dans les traces de sa sieste précédente, elle sourit tout de même. Elle aimait ce surnom que lui donnait Kibaki, aussi étrange que ça puisse paraitre. Ca lui rappelait sa vie en famille, le temps s'était écoulé depuis.. La guépard fit rouler sa queue et s'étira après avoir pris son content de lièvre. Il restait une bonne moitié de l'animal. Elle le poussa gentiment vers son compagnon qui proposait une dernière activité, plus curieuse de sa part que les autres :

"Ou discuter, tout simplement ?"

Lakini pencha la tête sur le côté, intriguée, mais répondit en souriant :

"De quoi voudrais-tu parler ?"

Elle savait le guépard royal incroyablement bavard et enclin à divaguer rapidement sur tous les sujets possibles et imaginables mais percevait aujourd'hui une direction différente.. Comme si la discussion qu'elle venait d'engager s'annonçait plus soutenue que d'habitude. Et bien, pourquoi pas ? Elle ne se sentait de bouger aujourd'hui, de toute façon... Trop chaud, elle trouvait. Pour se justifier, elle aurait pu invoquer la randonnée en Pays Verdoyant de l'autre jour, qui l'avait épuisée malgré sa volonté et son bon temps passé. Mais elle s'en abstint, préférant le subtil message de son accord à la discussion et attendant posement la suite des évenements.

Décidement, Kibaki était incertain, c'était plutôt rare. La guépard le regarda avec un sourire amusé tandis qu'il tentait de trier ses pensées. Mais en même temps, elle se mit à réfléchir. Parler, oui, ils en avaient besoin. Cela faisait un moment qu'ils vivaient désormais ensemble et pourtant, ils n'avaient pas encore rattraper le temps perdu. Et encore moins éclairer l'avenir. Qu'allaient-ils faire à présent ? Après tout, Lakini allait beaucoup mieux qu'à son accident, et c'était surtout grâce à Kibaki.

D'ailleurs, le guépard face à elle semblait avoir les mêmes interrogations, mais il s'embrouillait. Après une première expérimentation verbale, il lui fit signe d'attendre encore un peu. La guépard lui accorda volontier ce temps, elle-même se mit à réfléchir. Mais qu'elle ne sait pas précisement ce que veux savoir Kibaki, elle ne savait pas quoi répondre.
Bien sûr, elle avait elle-même des questions, dans ses souvenirs, Kibaki était relativement proche de sa fratrie, il lui en avait parlé à l'époque. Mais à présent, comme elle, il semblait être seul. Sans doute une des raisons qui l'avaient poussé à rester, même après qu'elle aille bien mieux. Et elle lui en était malgré tout reconnaissante. Elle espérait seulement qu'il ne souffrait pas de sa décision, elle s'en voudrait tellement si c'était le cas.

Et finalement, le guépard royal arriva à aligner ses interrogations, avec plus ou moins d'éloquence. Le sujet était important et méritait en effet d'être soulever. Lakini caressa le sol de sa queue et la rabatta doucement contre ses flancs..

"Oh.. Euh, je t'avoue, je n'y avait pas trop songé... Quand on a décidé de revenir sur le Pays Verdoyant, c'était notamment parce que je ne peux pas vraiment ailleurs, mais aussi par affection. C'est là où je suis née, où j'ai vécu -ou plutôt survécu- toute ma vie. Et puis..." Elle avait commencé d'une voix calme et régulière, se remémorant ses discussions avec Bawa sur leur retour. Mais à présent, elle s'était tut, et sa queue, involontairement, s'était mise à frémir légèrement. Elle était un peu embarassée par ce qu'elle voulait dire.. Mais finalement, elle reprit, d'une voix plus modulée, sa sincérité prenant le dessus :

"... Tu t'en es peut-être rendu compte, ou Bawa t'en a certainement parlé, mais ma famille n'est plus avec moi depuis longtemps... J'avais espéré qu'ils reviennent mais au final... Je sais qu'ils ne reviendraient pas." Une pause, elle ferma les yeux et rabattit sa patte contre son poitrail, tremblante. Après tout ce temps, la mort de Jivu était toujours vive dans son esprit et douloureuse dans son coeur. Elle ne savait pas si elle arriverait à en parler, même à Kibaki.
Elle expira un long souffle et rouvrit les yeux, mais elle ne regardait plus le guépard royal, fixant le sol :

"La seule chose que je voulais en revenant ici, c'était retrouver quelqu'un que je connaissais... Quelqu'un.." Elle hésita un instant, sa queue frémit de plus belle, trahissant sa gêne. "Quelqu'un.. Quelqu'un que j'aimais.." Finit-elle par avouer, un sourire embarrassé se dessinant malgré elle sur ses babines alors qu'elle continuait d'observer la poussière entre les brins d'herbes devant elle.

Pourtant, ils vivaient depuis un certain temps ensemble, à présent. Pourquoi l'exprimer verbalement était-il aussi gênant pour elle ? Peut-être parce qu'elle ne l'avait jamais dit, quand bien même cela devenait évident au fil des jours...
Il n'y avait qu'une chose dont elle se souvenait avec vibrance et clarté de son accident. Quand Kibaki l'avait sorti de l'eau, il lui avait promis. Il lui avait promis de ne jamais la laisser seule. Et ça, c'était la plus belle promesse qu'il pouvait lui faire. Et pour une fois, elle se laissait à lui faire la plus grande des confiances. Parce qu'il était celui qu'elle ne voulait pas voir partir.

La chance me souris sous les traits de Lakini. Loin de ce révéler impatience malgré la curiosité d’on me fait pars son regard, elle m’as laissé le temps nécessaire pour trouver mes mots et apporter le sujet de façon acceptable. Loin d’être digne du grand poète que j’aimerais être, ce prologue reste néanmoins acceptable. Il doit en être de même pour la belle puisqu’elle me répond rapidement. Aussitôt calmé, je m’assois à nouveau. Elle as fait l’effort de m’attendre alors je lui dois bien de cesser de faire les cents pas et lui porter mon attention.

Lakini m’explique qu’elle n’avait pas trop songé à la suite des choses. Je comprends qu’à la base, elle n’avait qu’une simple destination en tête. C’est parfaitement logique. Aussi bien l’attachement qu’elle porte à ce territoire que le fait qu’elle n’avait aucun plan sur le long terme. C’est cela en autre la vie de nomade. Par contre, mes oreilles tillent à la fin plutôt brute de sa réponse. Et puis… Et puis quoi? J’ai l’impression d’être à nouveau un chaton qui attend la suite de l’histoire lorsque le héros est en danger. En tant que conteur, j’adore plonger un auditoire dans le suspens. Mais je n’apprécie pas me faire jouer le même tour. Surtout que l’attitude de Lakini n’annonce rien de bon pou le protagoniste.

Ahhh oui… L’absence de sa famille. Voilà donc la suite de l’histoire. Je baisse légèrement le regard et frotte ma tête contre la sienne dans un geste réconfortant. Mon cœur ce resserre à la voir ainsi trembler. Qu’est-il arrivé au sien pour que le simple fait d’aborder leur départ lui fasse cet effet? La curiosité me ronge mais je ne pipe pas mot. Hors de question de continuer sur ce sujet plus que de raison si c’est pour la blesser. Heureusement elle revient rapidement à elle. À nouveau face à face, je ne peux que déplorer le fait que son regard se targue à fixer le sol. Qui as-t-il? Ais-je mal fait d’avoir voulus parler sérieusement?

Je suis pour parler lorsqu’elle reprend, avouant qu’elle voulait retrouver quelqu’un. Pendant un moment, je pense à ce que Bawa ma dit. Le corbeau n’avait donc pas exagéré? Quoique. Hein, quoi? Attends, j’ai bien entendus là? Quelqu’un qu’elle aimait? Mais attends, je pensais qu’elle parlais de moi pas de… De qui? Il n’y a personne d’autre non? Elle n’a jamais cherché quiconque depuis qu’on est ici. Donc… Je prend prend un semblant d’éternité à comprendre l’évidence. La gueule entrouverte, aucun son n’ose briser le silence qui c’est installé.

Étrange… Mon cœur c’est légèrement emballé tendit que mon cerveau est paralysé. Puis, tout redeviens à la normale. Je respire, incertain du moment précis ou j’ai cessé de la faire. Un sourire finis par prendre place sur mon visage. Les doutes s’envolent tout comme je me lève pour venir me coucher contre son flanc. Comment moi qui m’amuse ainsi à chanter et compter les romances de tout un chacun n’ais-je pas pus prendre connaissance de mes propres sentiments plus tôt? Je lui réponds donc avec tout le sérieux du monde.

-Ah oui? Quelqu’un que tu aimes? Est-ce que je le connais?

Je penche la tête sur le côté, l’air intrigué. Pourtant, je ne lui laisse pas le temps de répondre.

-Tu sais, j’aurais deux-trois choses très importantes à lui dire.

Comprenant désormais la gêne qui était sienne l’instant précédent, je laisse mon regard s’élever pour ce fixer sur les abord cotonneux d’un nuage immaculé.

-D’abord, il faut qu’il soit prêt à partager ta vie. Cela implique aussi bien les moments heureux que les plus difficiles. Tu mérite le bonheur Lakini et sa il faut qu’il le sache. Toi aussi d’ailleurs… Ce type que tu aimes, il est mieux de t’être fidèle sinon je lui casse les pattes… Et puis… Et puis surtout il doit ce rendre compte à quel point il est vraiment, vraiment chanceux. Enfin, c’est ce que je pense… Et c’est ce que je ferais…

Mon regard redescend sur terre pour y retrouver les prunelles noisette de la belle. Mon sourire espiègle est celui que j’offre toujours lors d’une bonne blague. Pourtant, cette fois il jure un peu avec le sérieux de mon regard. Pour finir, je me penche un peu au dessus d’elle, histoire de lui chuchoter une confession à l’oreille. Ces quelques mots, vous ne les retrouverai pas ici. Ils lui sont entièrement destinés à elle et elle seule.

HJ:

Après avoir ouvert son coeur aussi subtilement qu'un barrage en pleine saison des pluies, Lakini fut abasourdie par le silence qui s'ensuivit. N'osant absolument pas relever la tête pour croiser le regard de Kibaki, elle attendit, nerveuse, sa réaction qui, d'ailleurs, ne tarda pas.
Cette fois, contrairement à l'habitude, le contact du félin royal procura un discret frisson à la guépard dont le coeur se mit à battre plus vite.

"Ah oui? Quelqu’un que tu aimes? Est-ce que je le connais?"

Comment ? Ce n'était pas ce qu'elle avait imaginé, la féline releva la tête, instinctivement, pour croiser le le visage intrigué de Kibaki, elle ouvrit la bouche mais il continua, d'un air innocemment anodin :

"Tu sais, j’aurais deux-trois choses très importantes à lui dire." Et il entreprit de nommer ce qu'il considérait comme obligatoire d'un compagnon parfait à ses côtés... Et au fur et à mesure, Lakini compris qu'il s'était joué d'elle à faire l'ignorant de qui elle parlait tantôt. Et au fur et à mesure, elle se mit à sourire, baissant légèrement la tête, elle comprenait aussi ce qu'il lui disait présentement, sous les allures d'une plaisanterie.

Quand il abaissa son regard du ciel pour achever sa confession dans la discretion d'un murmure, Lakini laissa ses yeux se perdre dans les siens. Le bout de sa queue se mit à frémir en même temps que ses oreilles recevaient le secret caché à la vue de tous.
Son sourire s'agrandit légèrement et une simple perle se forma sous sa prunelle. Elle laissa sa tête trouver confort dans la fourrure de Kibaki et d'un murmure, elle répeta les mots du guépard, confessant en écho à sa flamme, la sienne.