Le chasseur, plaqué au sol, suivait du regard sa proie, qui glissait sur le sol avec une habileté surprenante. Le regard du prédateur s'enflamma, furieux de voir son repas lui échapper, une fois encore. Il resta immobile, attendant quelques secondes dans l'espoir qu'il réapparaisse. La faible créature laissa alors sa petite tête triangulaire sortir du sable puis son corps entier. Rapide comme le vent, Jalan bondit, toute griffe dehors, l'échine hérissée, l’œil fou. Mais alors qu'il refermait ses pattes sur le lézard qu'il pourchassait depuis plusieurs bonnes minutes, ce dernier fila, et alla se dissimuler derrière un crâne. Un crâne de lion. Le petit mâle sursauta et leva les yeux, pour se rendre compte qu'il avait marché jusqu'au Jardin des Os. Un frisson d'excitation - ou de peur ? - lui parcouru la colonne vertébrale. Cet endroit était le symbole du massacre des Mositus par les Jangowas, massacre qui avait eu lieu plusieurs années dans le passé, très peu de temps après la victoire de Vako sur Akili et sa prise de pouvoir. Les parents de Jalan lui avaient raconté cette histoire de nombreuses fois, Shekh était un tout jeune guerrier à cette époque et il avait participé à l'affrontement.

Dans le cœur des lions du désert, cet endroit symbolisait le jour de leur triomphe, le jour où ils s'étaient enfin débarrassé de leurs ennemis ancestraux : les Mositus. Même si Jalan n'en avait jamais rencontré, ce nom lui inspirait beaucoup de haine. De ce qu'on racontait, il y avait encore une flopée de lions bruns en vie, ceux ayant refusé d'affronter les Jangowas. Ils avaient trouvé un nouveau territoire, loin des dunes, et ne comptaient sans doute pas revenir. C'était en tous cas ce que pensaient ses parents. Lorsqu'il venait au Jardin des Os, Jalan pouvait imaginer sans mal la rage des combats qui avait du régner, la puissance écrasante des Jangowas face à leurs ridicules adversaires. Malgré la fierté qu'il éprouvait, le lionceau ne pouvait pas s'empêcher de trouver l'endroit un peu lugubre. Tous ces ossements, ce n'était pas très rassurant. Il n'avait pas très envie d'y passer sa journée, pourtant, ce lieu exerçait un curieux magnétisme sur lui. Le lionceau s'assit et regarda autour de lui, ayant complètement oublié le lézard qu'il poursuivait peu de temps auparavant. Que craignait-il après tout ? Les Jangowas étaient les plus grands guerriers de la Terre des Lions, et les prédateurs les plus féroces du désert ! Ce n'était pas quelques vieux os qui allaient l'effrayer !

Le jeune mâle se sentait rassuré par son raisonnement implacable, lorsqu'un bruit sec résonna derrière lui, faisant se hérisser chaque poil de son corps. Il se tourna brusquement, sentant la peur l'envahir; et poussa un grand soupir de soulagement en reconnaissant le lionceau qui s'approchait.

- Wivu, ce n'est que toi...

Il n'avait jamais été aussi heureux de voir son camarade. Il s'agissait d'un enfant de son âge, un petit Jangowas tout aussi teigneux que lui, avec qui il avait déjà joué à quelques reprises. Il savait que c'était un bon ami de Kaya, et cela l'agaçait un peu, sans qu'il sache réellement pourquoi. Pourtant, Wivu lui ressemblait sur beaucoup de point, sans qu'il ne veuille l'admettre. Étaient-ils fait pour devenir ami, ou ennemi ?

- Cet endroit est drôlement glauque, tu trouves pas ? lança Jalan en regardant autour de lui. Tu crois qu'il y a des fantômes ?

Cette idée lui paraissait absurde, les adultes disaient toujours que les fantômes n'existaient pas, mais tout de même... Le Jardin des Os était tellement sinistre, des esprits errants y rôdaient peut-être encore, en quête de vengeance ? Finalement, Jalan n'était pas mécontent de ne pas être seul. Il n'était pas un trouillard, mais ce genre d'histoire donnait froid dans le dos, il fallait le reconnaître.

Avatar signature © Sehkmet

Spoiler:

Jalan ne s'en rendit bien entendu pas compte, mais Wivu ne sembla pas apprécier sa première remarque. Il n'y avait pas de particulières mauvaises intentions dans les mots du lionceau sans crinière, mais il devait admettre ne pas être un grand fan de son interlocuteur. La relation que ce dernier entretenait avec Kaya était la raison de son manque d'enthousiasme, mais il ne l'aurait avoué pour rien au monde. Jalan n'était pas une mauviette, les sentiments, tout ça, c'était pour les filles. Lui, il était un futur guerrier, et sa rivalité avec Wivu s'arrêtait là. Les deux chenapans avaient le même âge, ils partiraient en exil au même moment, et reviendraient également en même temps. L'un des deux ne reviendraient peut-être pas, les dangers du désert étaient imprévisible. Mais si le destin était clément et leur offrait à chacun la possibilité de rentrer au bercail, il faudrait se démarquer, pour impressionner l'autre. Les pensées du jeune félin furent brusquement interrompu, par la réponse de Wivu.

- N'importe quoi ! T'es vraiment bête, les fantômes ça existe pas... Et puis ici c'est pas glauque du tout !

Le petit Jangowas aux yeux rouges secoua la tête, agacé par la réaction de son camarade. Il manquait d'imagination celui là, c'était aberrant ! Evidemment que les fantômes existaient, il y avait une centaine de preuves et d'évidence, qui pour l'heure échappait un peu à Jalan, mais qu'il parviendrait bien à démontrer. Le clan du Désert n'était pas particulièrement superstitieux, mais quelques légendes planaient néanmoins, comme l'idée que le Désert était une sorte de divinité qu'il fallait respecter, sous peine d'être balayé par ce dernier. Avec cette idée en tête, il devait bien y avoir quelques esprits malveillants qui erraient entre les dunes pour accomplir la volonté du Désert. C'était du moins ce qu'imaginait Jalan, surtout après avoir écouté quelques histoires effrayantes que les adultes racontaient pour l'empêcher de s'éloigner du clan en pleine nuit. C'était plutôt efficace, il fallait le reconnaître. Wivu, quant à lui, en plus d'être dénudé d'imagination, semblait déterminé à se moquer du petit mâle sans crinière.

- En fait, c'est que ta peur ! T'es un trouillard ! T'es un trouillareuuuh !

Les oreilles du lionceau se plaquèrent aussitôt contre son crâne, ses yeux lancèrent des éclairs. S'il y avait bien une chose qu'il détestait, c'était qu'on rit de lui. Il se considérait comme un futur grand et puissant guerrier, l'avenir des Jangowas, un digne successeur pour les vétérans. Ainsi, lorsqu'un gamin de son âge venait lui ricaner au museau, cela le mettait hors de lui. Il se souvint de sa dispute avec Kaya, durant laquelle elle l'avait accusé de mentir - à juste titre certes - et de sa réaction, dont il ne pouvait guère se vanter. Il ne comptait pas se rendre ridicule cette fois-ci, il réagirait comme un vrai lion, comme son père le lui avait appris. Rester stoïque, fier, droit, et montrer les crocs pour se défendre. Voilà comment il fallait faire pour être un vrai Jangowas. Le lionceau pris une grande bouffée d'air pour retrouver son sang froid. Lorsqu'il s'énervait, il se mettait à parler d'une voix très aiguë, ce qui était un peu ridicule. Wivu se moquerait sans doute encore plus de lui s'il l'entendait parler ainsi, il devait donc rester maître de lui-même. Devenir un roc, solide et inébranlable. Son rival profita de son silence pour en rajouter une couche, se nourrissant visiblement de l'agacement de Jalan comme de la plus délicieuse des viandes. Quel sale petit fennec il était !

- T'es un trouillard ! Un trouillard ! Un trouillard qui s'fait pipi dessus !

Tâchant d'ignorer cette envie brûlante de crier qui montait en lui, le lionceau ne pu réprimer un rictus qui dévoila ses canines. Il était trop jeune pour comprendre que Wivu se protégeait de sa propre peur en agissant ainsi, il s'agissait d'un mécanisme de défense tout à fait naturel dont il n'avait lui-même pas conscience. Tout ce que Jalan voyait, c'était son rival, en train de se rire de lui, et cela le rendait fou de rage. Le jeune mâle aux prunelles de sang inspira de nouveau profondément, chercha ses mots afin de ne pas aggraver la situation. Il devait répliquer, et correctement. Une fois qu'il fut sûr de lui, ce fut son tour d'esquisser un sourire mauvais. Il regarda autour de lui, les yeux luisants, puis lança :

- Oh je vois... Tu as tellement peur des fantômes que tu fais comme s'ils n'existaient pas ! Pfeuh, quel idiot tu fais ! Pour affronter un ennemi, il faut le voir. Comment compte-tu te défendre si tu ne sais pas où sont les fantômes ?

Satisfait de son raisonnement - un raisonnement sans faille bien entendu - Jalan redressa le menton, affichant un mépris bien visible. Profitant de sa courte victoire, le lionceau ajouta, d'un air nonchalant :

- C'est dommage, je voulais te proposer de partir à la recherche du fantôme d'Akili. Il est sans doute pas très loin, je suis sûr qu'il adore cet endroit ! Mais bon, puisque tu ne veux rien savoir, tant pis, j'irai tout seul...

Il laissa traîner sa phrase et commença à se détourner, comme pour laisser Wivu tout seul. S'il pouvait trouver le fantôme de l'ancien Empereur, cela impressionnerait sans doute le clan entier, et Kaya par la même occasion. Bon, Jalan ne ferait sans doute pas trop le fier face au spectre de ce vieux lion, et si son rival pouvait l'accompagner, il ne dirait pas non. Enfin, il n'était pas prêt de l'avouer ça, oh ça non !


[Encore désolée pour ce monstrueux retard >< J'espère que ma réponse te va !]

Avatar signature © Sehkmet

Spoiler:

Alors qu'il s'éloignait, ou du moins qu'il mimait de s'éloigner, Jalan entendit la respiration de son camarade se coupa brusquement, signe qu'il ne s'attendait pas à une telle réaction. Lorsque le lionceau sans crinière l'avait rembarré, il avait exprimé une certaine surprise par son regard, qui n'avait échappé au concerné. En vrai Jangowas susceptible et arrogant, il n'avait visiblement pas apprécié d'être accusé d'avoir peur. Mais c'était tout à l'avantage de Jalan, qui était ravi de voir que Wivu était tombé dans le panneau. Enfin, le lionceau n'avait pas menti : il espérait bien trouver quelques esprits errants afin d'avoir d'effrayantes et formidables histoires à raconter, et si son rival pouvait l'accompagner, il ne dirait pas non. Ce dernier ne voulait visiblement pas rester en arrière, car il s'élança en poussant un cri :

- Déjà, je n'ai peur de rien ! Sache le ! Et puis même, attends moi !

Les oreilles du mâle aux yeux rouges frémirent de satisfaction. Il était plutôt rassuré, l'idée de vagabonder tout seul entre les ossements du Jardin des Os ne l'enthousiasmait pas énormément, étrangement. Les deux enfants préféraient être accompagné, mais aucun ne l'admettrait devant l'autre. Ils étaient tout deux trop fier, de vrais Jangowas. Wivu ne mis pas longtemps à rattraper Jalan, qui ne s'était de toute manière guère éloigné. Il cacha difficilement son sourire, bien content que son petit piège ait fonctionné, et content d'avoir retourné la situation à son avantage. Son camarade s'arrêta à son côté, faisant voler le sable autour d'eux. Il souriait de nouveau, ce qui n'annonçait rien de bon.

- Ce n'est pas que je crois que tu as raison, les fantômes n'existent pas... Mais seulement, je n'aimerais pas, qu'au cas où ils existent, que tu te fasse manger l'âme par Akili... Faut dire que tu n'es pas vraiment fait pour être guerrier avec ta carrure de fennec, mais t'inquiète pas, maintenant que je suis avec toi tu n'as plus rien à craindre ! Je veillerais à ta sûreté !

Jalan leva les yeux au ciel mais se garda bien de répliquer. Il avait réussi à mettre Wivu de son côté, plus ou moins, ce n'était pas le moment de tout gâcher. Il n'appréciait pas follement son rival, mais il ne voulait pas vivre cette aventure seul, et il n'y avait que lui à porter de patte. Et puis, lorsqu'il aurait trouvé un fantôme, il faudrait bien que quelqu'un témoigne ! Le dicton disait "mieux vaut être seul que mal accompagné", mais pour une fois, Jalan ferait l'inverse. Et puis, Wivu n'était pas son pire ennemi, au fond peut-être finirait-il même par l'apprécier. Le lionceau sans crinière tâcha donc de ne pas se froisser de la remarque de son camarade sur sa carrure. Il savait bien qu'il n'était pas un géant, il était de taille moyenne pour un Jangowas. Plus tard, il grandirait, mais il ne ressemblerait jamais aux Nyeusis, les immenses lions dont on relatait les terribles méfaits, hors du Désert.

- Faut dire que je suis le futur meilleur guerrier de tout les temps donc...

Ce discours lui rappelait bien sûr le sien, et celui de Kaya également. Elle aussi voulait devenir une grande guerrière, la meilleure sans doute. Seulement, il ne pouvait y avoir qu'un seul meilleur, et ce serait Jalan ! C'était du moins ce dont il était persuadé. Il aurait son année d'exil pour s'entraîner, progresser, apprendre à devenir un vrai roc. Evidemment, Wivu aussi allait partir en exil, et il en reviendrait plus fort également. Il allait donc falloir se surpasser. Son rival ayant pris les devants, Jalan fronça les sourcils et accéléra, ne voulant pas se laisser distancer. La chasse aux fantômes, c'était son idée, il était hors de question qu'on lui vole la vedette ! Il allait lancer une remarque désobligeante, lorsque Wivu trébucha sur un os et s'écrasa sur le sol, dans un bras fracassant. Il se retrouva face à un gros crâne, sans doute ayant jadis appartenu à un Mositus, et poussa un hurlement qui glaça le sang de Jalan. Ce dernier sentit son échine se hérisser. Il savait qu'il n'y avait rien d'effrayant, il s'agissait juste de vieux cadavres, mais voir Wivu paniquer lui faisait perdre son sang froid. Il se força à ricaner, tandis que ses yeux exprimaient à quel point il n'était pas à l'aise.

- Eh bah alors, lança-t-il, la voix quelque peu hésitante, un simple crâne te met dans cet état ? T'es sûr que tu deviendras le meilleur guerrier ? J'ai un petit doute là dessus !

Se moquer de son rival le galvanisait, la peur laissait place à l'adrénaline. Il gonfla le poitrail, et repris la marche, sans regarder si Wivu avait eu le temps de se relever. Après tout, ce dernier l'avait bien cherché, à le prendre de haut ! C'était son tour de prendre sa revanche et il ne s'en priverait pas. Jalan fit quelques pas, et déclara, d'un ton supérieur :

- Laisse le vrai futur meilleur guerrier t'apprendre comment on chasse les fantômes ! Je te protégerai des crânes, ne t'en fais... Pas ? le dernier mot de sa phrase mourut dans sa gorge.

Deux mètres devant les lionceaux, le vent s'était mis à souffler, faisant s'élever le sable dans un petit tourbillon qui n'avait rien de rassurant. Jalan croyait percevoir, au centre de cette mini-tempête, une silhouette. La silhouette d'un lion famélique, aux yeux de feu et de sang.

- Akili ? La voix de Jalan n'était qu'un murmure, rendu aiguë par la peur.

Wivu voyait-il la même chose que lui ? Ou était-ce le fruit de son imagination ? Le jeune mâle aurait aimé faire le fier et dire qu'il était sûr de lui, mais il était complètement tétanisé.

Avatar signature © Sehkmet

Spoiler:

Alors que la peur s'insinuait dans le ventre de Jalan tel un serpent vicieux et avide, le lionceau se sentait incapable de bouger, comme paralysé. Ses pattes ne lui obéissait plus, tremblantes, fébriles. Ses yeux, écarquillés et emplis de terreur, refusaient de se fermer. Le petit mâle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais aucun son ne sortit. Dans son esprit, tout semblait figé, mais la panique prenait peu à peu toute la place et bien vite, ses pensées s'agitèrent frénétiquement. Etait-ce réellement Akili ? Avait-il un fantôme sous les yeux ? Si tel était le cas, il fallait fuir, courir sans s'arrêter et sans se retourner, tout faire pour tenter d'échapper à ce spectre terrifiant. Et pourtant, Jalan était toujours immobile. Les secondes filaient et il avait la sensation que cela faisait des heures qu'il était planté là. Wivu se rapprocha enfin, mais sa présence, tout comme sa voix, semblait lointaine.

- Tu rêve mon vieux... Y'a rien...

Malgré ses paroles assurées, il se rapprocha du lionceau sans crinière et se pressa contre lui. En d'autres circonstances, Jalan aurait savouré cette victoire et aurait ri de son rival, mais il n'avait pas vraiment le cœur à ça. Wivu n'était pas rassuré non plus, et cela ne l'aidait pas à se calmer. Lui qui s'était moqué de lui quelques instants auparavant, il faisait moins le fier à présent ! Les deux jeunes mâles étaient dans une mauvaise posture, ils étaient encore loin de se douter à quel point. Jalan sentit son cœur s'arrêter lorsque le petit tourbillon de sable disparut, faisant apparaître clairement la silhouette qu'il avait vu au loin. Il n'y avait pas "rien", comme l'avait prétendu Wivu. Il y avait bien quelque chose, et si ce n'était pas un fantôme, ça se rapprochait en tous cas bien vite d'eux. Mais quelle était donc cette créature ? Jalan voulu reculer, mais ses pattes refusaient toujours de lui obéir. Son camarade poussa un cri, visiblement plus alerte, et conscient du danger.

- Bouge de là Jalan !

Il percuta le lionceau aux yeux rouges, le forçant à rouler plus loin. L'animal venait d'arriver à leur hauteur, et referma ses crocs non loin de leurs oreilles. Cette fois, Jalan le voyait clairement. Ce n'était pas un spectre, mais bien une bestiole. Pas très massive, la fourrure grisâtre parsemée de roux, le museau pointu, de taille moyenne... C'était la description parfaite d'un chacal ! Son père lui en avait parlé quelques fois. Ces créatures vivaient dans le Désert et ne représentaient pas une grande menace en temps normale, pour un lion adulte en tous cas. Elles pouvaient cependant se montrer agressives et dangereuses pour des lionceaux. La voix de Wivu vint interrompre les tumultueuses pensées du jeune mâle, qui n'avait toujours pas réussi à esquisser un mouvement.

- On a que deux choix Jalan... T'as trois secondes pour choisir, soit on se bat, soit on se casse...

Jalan se rendit alors compte qu'il était écrasé par son rival, qui lui avait clairement sauvé la mise en prenant la situation en main. Bien décidé à retrouver son sang froid, le lionceau respira profondément et se mis à réfléchir intelligemment. Ce n'était pas le moment de paniquer, que diable ! Il était en train de vivre une aventure comme il en rêvait depuis si longtemps, il fallait qu'il réagisse, qu'il fasse quelque chose. Jalan se dégagea d'un mouvement d'épaule et se dressa sur ses pattes, à présent sûr de lui. Leur adversaire était plus gros qu'eux mais il n'était visiblement pas un adulte, et les lionceaux étaient deux. Ils pouvaient le vaincre. Le jeune mâle fronça les sourcils et sortit les griffes, avant de déclarer :

- On se bat ! Un guerrier ne fuit pas, hors de question !

La peur envolée, le petit félin se sentait pousser des ailes. Sans doute était-il plus inconscient que courageux, mais il était persuadé de pouvoir venir à bout de cette bestiole. Ce n'était qu'un chacal après tout, rien de bien terrible ! Son père n'en aurait fait qu'une bouchée. Mais Shehk n'était pas là, et il devait se débrouiller seul. Enfin, il y avait Wivu, et cela le rassurait, malgré tout.

- On le prend chacun d'un côté, ça le déstabilisera ! ajouta-t-il en s'improvisant stratège.

Aussitôt, Jalan fonça. Il savait que son camarade le suivrait, au moins pour ne pas perdre la face. Si l'un se battait, l'autre restait, c'était presque une règle tacite. Si Wivu fuyait, le lionceau sans crinière irait raconter à tout le monde comment il fallait lâchement abandonné un frère d'arme en pleine bataille. Cette simple idée suffirait à faire rester son rival, Jalan le savait. Ceci étant dit, le jeune mâle se jeta sur le chacal, toute griffes dehors, en poussant un feulement qu'il espérait terrifiant.

Avatar signature © Sehkmet

Spoiler:

Suivant sans attendre l'élan lancé par le lionceau sans crinière, Wivu se jeta à sa suite, attaquant le chacal de l'autre côté. Jalan s'accrochait désespérément à l'épaule de leur ennemi, tandis que son rival, lui, avait visé le flan. Le prédateur canin poussa un grognement furieux et s'agita frénétiquement pour se débarrasser des deux enfants. Jalan tenta de rester ferme, griffant et mordant la peau et la chair de l'animal sans réelle distinction. Il ne pouvait voir ce qu'il se passait du côté de son camarade, mais lorsqu'il fut forcé de lâcher prise à cause d'un énième violent mouvement de la bête, il remarqua que Wivu était à terre, et dans une mauvaise posture. Le chacal avait visiblement tourné sa haine vers lui et s'apprêtait à le mordre avec une rage non dissimulé. Se remette aussitôt sur ses pattes, le petit mâle jaune fonça bondit et attrapa entre ses crocs la queue du canidé, le faisant pousser un cri de surprise et de douleur. Le chacal se détourna aussitôt de sa cible et pivota vers Jalan, qui n'en menait pas large. Rapidement écrasé par le prédateur, qui cherchait à le mordre, le lionceau agita ses griffes et lui entailla le museau, ralentissant son agression.

Malgré ses efforts, Jalan sentait bien qu'il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme, le chacal était tout de même plus massif et sa fureur était palpable. Sa vision quelque peu brouillé par le sang de sa truffe qui avait giclé rendait ses mouvements plus maladroit, mais il ne tarderait pas à reprendre ses esprits et à planter ses terribles dents dans la chair du jeune félin. Ce dernier regarda autour de lui, cherchant une solution, espérant croiser le regard de Wivu, mais ce dernier était hors de son champ de vision, caché par le chacal. Que faisait-il donc ? Lorsque le lionceau jaune entendit la voix de son rival, le soulagement le traversa de part en part.

- Jalan !... J'arrive !

L'instant suivant, le prédateur canin poussa un grondement et tourna la tête pour voir son nouvel assaillant. Jalan profita de cet instant d'inattention et attrapa l'oreille du chacal entre ses crocs, tirant de toutes ses forces. Il sentit la peau se déchirer sous son attaque et le goût du sang envahit sa gorge. Il cracha le morceau d'oreille qu'il avait arraché, et sentit un poids se retirer de lui. Les efforts combinés des deux lionceaux avaient visiblement porté leur fruit, le canidé couinait et agitait la tête, du sang coulant de son oreille abîmée, de son museau mais également de sa cuisse, que Wivu avait visiblement bien entaillée. Sans demander son reste, le chacal tourna les talons et disparu entre les dunes. Les jeunes lions entendirent ses cris de douleur encore quelques secondes avant qu'il ne reste plus rien de lui, si ce n'est quelques traces rouges dans le sable, qui ne tarderaient pas à s'envoler également. Jalan se redressa, encore sous le choc. Puis, un sourire se dessina sur son visage.

- On... On a réussi ? On a réussi ! Aha ! On l'a eu, ce sale chacal !

En se remettant sur ses pattes, le lionceau constata qu'il avait quelques égratignures mais rien de grave. Le prédateur canin était sans doute affaibli et affamé lorsqu'il avait attaqué les lionceaux. Cela ne diminuait en rien le sentiment de victoire que Jalan ressentait en cet instant. Il avait vaincu un chacal ! Un vrai chacal ! Cette fois ce n'était pas une histoire qu'il avait inventé, c'était vraiment arrivé ! Bon, il avait été aidé par Wivu, certes... Mais c'était tout de même drôlement cool ! Jalan se tourna vers son rival, lui offrant un sourire complice.

- Alors... C'était peut-être pas un fantôme, mais ça valait le coût de rester ici non ?

Wivu était peut-être agaçant, prétentieux, et un peu trop proche de Kaya à son goût, mais il était brave, et cela le lionceau sans crinière ne pouvait le nier. Il était son rival et quelque part, Jalan était content que ce soit lui, et pas un autre. Après tout, être son rival était une place qui se méritait, il fallait avoir des qualités !

Avatar signature © Sehkmet

Spoiler:

Lorsque le regard des deux mâles se croisa, Jalan compris que son ami et lui-même étaient passé très près d'être gravement blessé, voir tuer. Ils en avaient tout deux conscience mais aucun n'aurait voulu l'admettre. La fierté d'avoir réussi à se débarrasser de leur ennemi prenait toutefois le dessus sur la peur qu'ils avaient éprouvé, devenant même de l'excitation. L'adrénaline parcourait encore leur corps, et si le lionceau sans crinière se sentait fébrile, il voyait bien que son rival était dans le même état. L'esprit encore confus, Jalan songeait déjà au récit qu'il allait pouvoir faire. Il dirait à son père qu'il s'était vaillamment battu contre un chacal enragé... Non, deux chacals enragés ! Oui voilà, c'était bien plus impressionnant comme cela. Bon, il préciserait que Wivu était avec lui, mais il tournerait plutôt l'histoire à son avantage, en expliquant qu'il avait sauvé la vie de son rival en se montrant plus brave que lui. C'était un bien meilleur récit comme ça ! Wivu, qui avait également repris contenance, commença à s'éloigner, son sourire habituel sur le museau.

- Ouais, j'l'avais bien dit que les fantômes n’existaient pas !

Le jeune mâle leva les yeux au ciel. Décidément, Wivu était toujours le même ! Alors qu'ils venaient de vivre ensemble une sacrée aventure, voilà que ce dernier ne pensait qu'à le rabaisser. Bon, il était vrai que Jalan réfléchissait également à un moyen de se mettre davantage en avant que lui, mais il avait la décence de garder ses pensées pour lui, ce qui était bien plus respectable ! Enfin, il ne pouvait pas s'attendre à ce que lui et Wivu deviennent tout d'un coup les meilleurs amis du monde, mais il avait espéré qu'ils éprouveraient à présent une sorte de respect mutuel. Il s'était visiblement trompé. Refusant de se laisser faire, Jalan montra les crocs, encore échauffé par leur combat contre le chacal, et s'apprêta à répliquer lorsqu'il vit Wivu s'élancer plus loin, son sourire devenu malicieux. Il faisait exprès ! Il faisait exprès pour l'énerver ! Le lionceau rattrapa son rival en quelques foulées et, alors qu'il allait lancer une tirade cinglante, Wivu déclara :

- Mais j'dois avouer que tu t'es pas mal débrouillé...

La gueule ouverte, Jalan se retrouva sans voix. Son rival venait-il de lui faire un compliment ? Était-ce le signe que les choses avaient changés entre eux ? Non, bien sûr que non. Ils voulaient toujours devenir le meilleur, et cela signifiait surpasser l'autre. Ils seraient toujours en compétition, c'était comme écrit dans leur gène, mais à présent, ils pouvaient avoir de l'estime pour l'autre. En se battant ensemble, ils avaient compris pourquoi ils étaient rivaux. Jalan referma la bouche, et, une lueur étrange dans le regard, hocha la tête doucement, avant de lancer, d'une voix égale :

- Merci. Toi aussi, tu t'es pas mal débrouillé.

Une fois à la hauteur de son camarade, le jeune félin le regarda droit dans les yeux et compris que Wivu pensait la même chose que lui. "Oui je te respecte, on s'est bien amusé, mais dès demain on recommencera à se faire la guerre." Et cela allait parfaitement à Jalan. Dans le Désert, avoir un rival était sans doute plus important qu'avoir des amis. C'était grâce à la compétition que les jeunes Jangowas devenaient plus fort, car ils avaient toujours le désir de se surpasser. Le regard de Jalan se porta ensuite sur le lointain, et il aperçu deux silhouettes qui étaient tournés dans leur direction. Il s'agissait de leur mère respective, qui les appelaient. Il était visiblement temps de rentrer auprès des leurs, et de se rendre célèbre part leur exploit du jour.

- Aller, rentrons. Je compte sur toi pour rendre notre aventure légendaire ! J'ai bien l'intention de raconter à tout le monde comment on a mis une dérouillée à deux chacals enragés et assoiffés de sang !

Le petit lion fit un clin d’œil à son rival, complice de sa légère modification de l'histoire, et s'élança vers les deux lionnes qui attendaient, postés au sommet d'une dune. Le lionceau n'était vraiment pas déçu d'avoir pris des risques ce jour-ci, car il avait désormais une formidable aventure à raconter, et cette fois, elle était réelle !


[Je te propose de conclure ici ! Merci pour ce super RP, je me suis bien amusée ! A la prochaine, cher rival ]

Avatar signature © Sehkmet

Spoiler: