Encore amère de son humiliation subie sur Outland, la jeune princesse se dirigeait d'un pas bien décidé vers le repère des Gardiens. Sa faiblesse lui avait sauté aux yeux autant qu'elle l'avait mortifiée : elle était incapable de se défendre. Cette évidence qui lui avait alors sauté aux yeux avait mis la lionne bien à mal. Elle ne voulait pas être de ceux qui nécessitaient la protection des autres, elle voulait être celle qui les protège, une lionne suffisamment forte pour ne pas trembler devant le danger et être en mesure de protéger ses proches. Si petite Ahva avait aspiré à devenir Gardienne tant ses lions lui imposaient le plus grand et honorable respect, ses aspirations avaient évolués. Une vie autant réglementée n'était pas pour elle, la princesse aimait trop sa « liberté ». Pour autant, cela ne l'empêchait de recevoir un peu d'enseignement si le lourd emploi du temps de ces lions leur permettaient de prêter une oreille à sa requête. C'était dans cette optique que la lionne se rendait vers la caverne lumineuse, pleine de détermination et de soif d'apprendre.

Arrivée devant l'antre, ses pas devinrent hésitants. Si la princesse était réputée pour n'en faire qu'à sa tête, elle tenait néanmoins ces lions en haute estime pour leur serment prêté ainsi que leurs services rendus et n'aurait jamais intenté quoi que ce soit d'irrespectueux aussi se place aux abords de la caverne, soucieuse de ne pas entrer sans autorisation. Penchant la tête vers l'antre, elle remarqua que deux des gardiens étaient présents : Itan et Kamwe. Le premier n'était pas originaire de ces terres aussi ne le connaissait-elle pas vraiment mais sa mère lui avait un jour dit du lion que c'était une personne noble et digne de confiance. Quant à Kamwe, la lionne ne le connaissait également que très peu mais son visage lui avait toujours paru plus renfermé et moins accueillant. Prenant une bouffée d'air pour se donner du courage, Ahva bomba le torse et s'annonça :

« Bonjour, excusez-moi de vous déranger. Gardien Itan, pourrais-je vous parler ? »

Loin de son tempérament habituel, Ahva était un peu nerveuse. Elle avait peur que sa demande soit rejetée mais qui ne tentait rien n'avait rien. Temporisant son anxiété, elle attendit patiemment d'avoir l'attention du mâle pour rependre :

« J'aurais souhaité que vous m’entraîniez. Pas dans le cadre d'un apprenti mais dans le cadre d'un lion d'expérience qui transmet son savoir à une jeune ignorante. » confessa-t-elle la voix droite avant d'ajouter le regard brillant : « Je veux apprendre les bases du combat. »

Lionceau, elle n'avait fait qu'observer les guerriers et rêver de pouvoir un jour se mouvoir avec tant de souplesse et de dextérité qu'eux mais plus grande désormais, le corps plus solide et les muscles endurcis, elle souhaitait développer son potentiel. Plus jamais elle ne vivrait ce traumatisme, plus jamais elle ne se laisserait tomber à terre pour se faire balayer comme un simple grain de poussière. Elle ne voulait pas être la feuille mais la pierre. Elle était prête.

La jeune lionne se retint de grommeler lorsque le sage Gardien lui fit remarquer que ce n’était pas dans les priorités d’une jeune princesse d’apprendre la violence. La voilà une fois de plus prisonnière de ce titre quand bien même elle cherchait à s’en émanciper. Alors qu’elle pensait être déboutée de sa demande, le grand lion lui souris avant d’approfondir ses intentions :

« Mais qu’est ce qui te motive, pourquoi souhaite tu apprendre cela ? »

Alors qu’elle avait le regard tombant sous le poids de la nervosité et de la frustration, la princesse redressa soudainement l’échine pour faire face au lion. Voilà une question à laquelle elle saurait répondre sans paraître empoté !

« Je voudrais être forte, capable de me protéger et de protéger ceux qui me sont chers. Je ne veux pas dépendre des autres, je veux pouvoir compter sur moi-même. »

Son regard luisait de détermination et de volonté. Elle pensait chacun de ses mots et sa conviction en était presque touchante. Ahva n’était pas de ces lionnes qui pourraient se contenter de flâner au soleil toute la journée et de temps à autre, partir chasser pour son clan. Non, ce n’était pas comme ça qu’elle imaginer sa vie. Comment alors ? D’une façon différente. L’unique fois où la princesse avait abordé ce thème avec son jumeau, celui-ci lui avait expressément confié son envie de vieillir aux côtés de ses deux sœurs. Sa fratrie était tout pour elle et elle les aimait plus que tout au monde mais pour autant, Ahva ignorait si elle passerait le restant de ses jours sur Prideland. L’horizon et ses merveilles l’appelaient chaque jour et chaque nuit et si sa malencontreuse rencontre sur Outland avait mis un froid à ses rêves, elle ne les avait pas pour autant brisé. Au contraire, Ahva savait maintenant qu’elle n'était pas prête que pour réaliser ses rêves, elle devait s’endurcir et être capable de se défendre. Ce n’était pas seulement une question d’honneur mais aussi de nécessité.

« Je ne vous demande pas tout votre temps, seulement un peu de votre considération et de votre expérience. »

Elle fixait son regard cyan sans flancher. La princesse était nerveuse par le silence mais quand elle s’exprimait, l’assurance et l’élocution de ses aïeux semblaient l’habiter. Accepterait-il de lui venir en aide ? La jeune lionne ne pouvait demander l’aide de Kumpa, comment un père aussi papa-poule pourrait consentir à lever la patte contre sa fille et à la former au combat ? Il ne voudrait jamais. Quant aux autres guerriers, ce n’était pas suffisant pour Ahva qui recherchait l’excellence, chose qu’elle avait trouvé chez les Gardiens, plus spécifiquement en la personne d’Itan.
Malgré sa grande concentration pour paraître apte à recevoir les enseignements d’un illustre guerrier, le regard ambré de la féline s’orienta doucement vers la marque peinte au milieu de son visage, significative de l’ordre des gardiens. Quelle clarté et brillance… C’était beau, vraiment très beau. Itan avait peut-être l’âge de son père mais, la princesse le trouvait très charmant.

S'extirpant de ses pensées peu adaptée à la situation, la jeune lionne soutenait fermement le regard du guerrier. Allait-il accepter ? Elle l'espérait.

Dans une tournure de phrase bien plus savante qu’elle ne savait faire, le Gardien lui répondit par l’affirmative. Bien que contrôlant ses ardeurs pour ne pas en trop faire, la princesse ne su retenir ses oreilles de pivoter par deux fois. Elle allait enfin s’entraîner à cet art, elle était plus que prêt ! D’un pas déterminé mais également enjoué, la jeune lionne prit la suite du grand lion et découvrit avec une certaine émotion le terrain d’entraînement. Elle l’avait déjà aperçu au plus bas des rochers mais ne s’en était jamais approché, bien trop consciencieuse à l’égard des Gardiens pour leur manquer de respect. Désormais, ce n’était plus une simple fenêtre ouverte entre la végétation mais bel et bien le sable chaud qu’avaient foulé ces lions et qu’elle foulait à son tour.

Prenant place au centre du cercle, Itan se tourna vers la jeune lionne et prit un air grave, comme celui d’un professeur. Ahva se sentait minuscule sous son grand regard perçant mais restait digne, très à l’écoute. Le poids, répartir son poids. Comment faire ? Oh, les quatre pattes. Imitant la posture du guerrier, l’adolescente se campa solidement sur ses pattes, le dos bien droit pour garder un équilibre constant. Sa queue l’aidait beaucoup à tenir debout, c’était comme sentir un prolongement de son corps qui venait ramener droit la barque lorsque celle-ci chavirer sous le vent. Elle frémit lorsqu’Itan sortit les griffes. S’enraciner. Soucieuse de bien faire, la princesse imita le mâle et planta à son tour ses griffes dans la terre durci par les passages incessants des lions. Agitant ses griffes sous terres, la lionne cherchait l’accroche et l’équilibre parfait.

Quand le Gardien lui indiquait que chuter signifiait la plupart du temps la perte du combat, Ahva ne pouvait que se remémorer les événements d’Outland. Ils l’avaient d’abord intimidé puis furieusement, l’avaient plaqué au sol et dès lors, la lionne avait été faite prisonnière de leur poids. L’équilibre, l’accroche, les points faibles des lions… tout ça les deux adolescents les connaissaient, elle s’en rendait compte d’autant plus aujourd’hui et fulminait d’avoir eu un tel désavantage. Il n’y avait rien de noble à battre une lionne qui ne savait rien de ça, surtout à deux.

« La souplesse et la rapidité ? » répéta lentement la jeune lionne comme si elle assimilait ses dires.

Elle avait toujours été plus rapide que son frère, c’était vrai et elle montait mieux aux arbres mais est-ce ces acquis d’enfance lui sauraient être utile ? Selon Itan, oui. Notamment pour l’esquive. Elle plissa le regard quelques instants, songeuse, avant de demander très sérieusement :

« Est-ce ma souplesse et ma rapidité pourront battre la force d’un lion ? »

Mâles et femelles ne se battaient pas avec les mêmes armes. Bien sûr elle connaissait des guerrières redoutables mais tout de même, il était évident qu’elles ne possédaient pas la force ni l’endurance des lions.

Face à elle, le guerrier mimait des mouvements d’esquive. D’abord surprise, Ahva lui prêta rapidement un regard très observateur, prêtant une grande importance à chacun de ses gestes, chaque muscle tendu et le placement de ses pattes. On apprenait beaucoup en observant.

Assimilant l’équilibre, l’encrage au sol et la fluidité des membres, l’adolescente abaissa à son tour son buste et imita les mouvements du lion avec précision bien que sa stabilité n’était pas encore très bonne. Elle vacillait légèrement. Prenant conscience du problème, elle étudia de nouveau les mouvements du mâle et se corrigea, adoptant une meilleure position.

« Comme ça ? » demanda-t-elle très concentrée. À cette simple vue, plus d’un Pridelander aurait été étonné de l’attitude très sérieuse de la princesse réputée des plus casse-cou.

Nouvelle étape, les points faibles. La gorge était une zone stratégique mais où les mâles présentaient l’avantage de la crinière. Dirigeant sa patte contre la princesse pour mieux expliquer ses propos par l’illustration, il lui indiqua une petite zone sous son cou que les lionnes aimaient frapper de leurs crocs. Soudainement, la vue d’Ahva devint aveugle. Sa grande patte posée sur les yeux de la princesse, Itan lui loua l’importance du regard.

Lorsqu’il souleva enfin sa patte et rendu la vue à la lionne, celle-ci hocha vigoureusement de la tête pour lui faire connaître qu’elle avait bien entendu ses mots mais sa mine sérieuse se mua en une expression plus douce lorsque Itan lui sourit. Il était un bon enseignant, tout était très détaillé et illustré. Elle était heureuse d’être venue à lui. Caressant sa nuque, il en vint à poser sa patte sur sa colonne vertébrale. Ahva frémissait, peu habituée à être touchée de la sorte par un mâle adulte. C’était un peu intimidant mais la lionne ne se laissait pas déstabiliser pour autant. Une paralysie ? C’était vraiment un point vital important pensait la lionne. A nouveau, elle hocha vigoureusement de la tête.

« La vue, le dos… très bien, ce sont des zones clefs. »

Elle emmagasinait toutes ces informations dans un petit coin de sa tête, soucieuse de ne pas les oublier. C’était très important. Alors qu’il délaissait sa colonne, Itan lui donna un léger coup de patte dans thorax qui, par réflexe, fit que la lionne contracta le ventre. Une nouvelle zone sensible.

« Ça fait beaucoup de zones à retenir… mais je crois que j’y arriverai ! »

D’abord hésitante quant à cette montagne de nouvelle chose à connaître, Ahva ne se laissait pas abattre et sa détermination semblait inébranlable. Le regard dur tant elle se concentrait, la lionne se remémora chaque conseil du guerrier puis reprit une attitude de défense, répartissant également et solidement son poids sur ses quatre pattes qu’elle encra solidement dans la terre. Elle était plutôt stable. Lançant un regard vers Itan, elle pencha son buste et mima une esquive non sans un sourire.

« Et maintenant ? Après la théorie, c’est la pratique non ? »

Demanda-t-elle d’une voix sage mais dont le regard brûlait d’impatience. Ahva était comme tout autre jeune et semblait parfois brûler les étapes. Itan venait de lui transmettre les bases et sans doute n’étaient-elles pas à elles seules suffisantes pour expérimenter un combat mais fière de ses nouveaux acquis, Aha voulait les mettre à exécution. Sans doute allait-elle se prendre une dérouillée mais elle était là pour apprendre, pas pour gagner.

S’il semblait hésiter le temps d’un instant à passer à la pratique, Itan finit par concevoir l’idée proposée par la jeune lionne et opta pour une position défensive. Un sourire magnifique et narquois étira ses babines tandis qu’il provoquait la lionne pour qu’elle vienne l’attaquer. Réceptive au défi lancé, le regard de la princesse se fit plus perçant, concentré mais intéressé par l’enjeu. Il allait la tester.

Soucieuse des indications précédemment donnée, Ahva prit soin de répartir équitablement son poids sur ses quatre pattes afin de disposer du meilleur équilibre possible. Ses épaules étaient droites, parallèles, tandis que son échine s’abaissait prudemment et que sa croupe se dressait. Fièrement cramponnée dans ses appuis, la lionne s’apprêtait à feuler lorsque, sans attendre une quelconque initiative de la part de son adversaire, le Gardien se mit à se mouvoir habilement autour d’elle. Il sautait, se balançait et exécutait même quelques pirouettes. Etait-ce une parade d’intimidation ? Cela avait eu son effet et l’espace d’un instant, la lionne hésita à attaquer. Tout de même, lever la patte contre un Gardien… mais c’était dans le cadre d’un entraînement et Itan lui avait donner son accord ou du moins l’avait-il mis au défi.

Lassé de ses parades, le grand lion marqua une pause. Une faille. Saisissant l’occasion donnée, la princesse feula comme prise au jeu et s’avança spontanément vers le guerrier pour tenter de lui porter un coup de griffe à la joue mais elle manqua, reculant trop vite tant elle craignait un retour de bâton. Sa vision était trouble et face à elle ce n’était plus Itan mais un lion doré à la crinière noire. Soto. Elle recula précipitamment, en position de défense. Ses souvenirs ne l’avaient pas quitté et Ahva était plus méfiante qu’autrefois, anticipant avant de recevoir quitte à fuir plutôt qu’affronter. Pourtant, elle n’était pas ici prise au piège par un ennemi. C’était un entraînement. Itan était un Gardien, il ne lui voulait aucun mal et au contraire, il était ici pour lui apprendre, faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Elle devait cesser de fuir.

Son regard ambré se métamorphosa. Elle plissa les sourcils, soudainement très sérieuse et avança de quelques pas sur le côté, analysant les placements du mâle. Mimant un pas vers la droite, elle bifurqua soudainement dans la direction opposée et s’élança vers le mâle. Utilisant son pic de vitesse, la lionne s’abaissa au sol pour parer tout coup de patte éventuel puis se redressa au niveau de l’épaule du mâle, portant un léger coup de croc sans trop oser insister mais ses appuis n’étaient plus assez solides et en voulant se retirer par un petit bond d’esquive, la patte arrière de la princesse céda et elle s’écroula au sol. Sa chute n’était pas mauvaise tant elle s’était hâtée de se redresser mais Ahva grondait de son échec. La première leçon, la plus importante : l’équilibre. Secouant son échine pour en déloger les particules de poussières venues s’y loger, la lionne entreprit de tourner autour de instructeur dans un petit trot défiant.

Itan avait l’atout de l’expérience, il savait où poser ses pattes et comment répartir son poids. Son équilibre était parfait. Pour parer cet avantage, la lionne devait miser sur sa vitesse. Doublement concentrée et revancharde face à son échec, la lionne sortir les griffes et gronda. Son attitude était par nature offensive et féroce et la princesse se détachait sûrement de son image de petite fille à papa. Sa posture et son regard farouche l’illuminait d’une nouvelle sorte d’éclat, une lumière plus brute et sauvage. Plus jamais elle ne vivrait une telle humiliation, plus jamais aucun lion ne s’immiscera dans ses songes. Ahva devait prouver au guerrier qu’elle méritait son enseignement et ainsi, pas à pas, elle se construirait une nouvelle armure.

Annonçant sa nouvelle initiative dans un feulement, Ahva accéléra le rythme autours du mâle. Ses pas étaient anormalement rythmés et martelaient puissamment la terre sèche, la lionne tapait du pied et fourvoyait le mâle de son regard ambré. Elle cherchait à capter l’attention d’Itan, le perdre dans ses mouvements désarticulés pour le troubler et lui faire baisser sa garde. Quand elle pensa avoir trouver le moment opportun, Ahva s’élança dans l’angle mort du mâle, plus certaine de ses appuis et tenta de s’accrocher à la croupe du mâle à l’aide de ses griffes. Sa jeunesse lui apportait inévitablement l’arrogance et la spontanéité nécessaire à tenter ce genre de tout pour le tout. Rester maintenant à savoir si la lionne allait se retrouver à manger la poussière sans être parvenu à porter son coup ou non. Itan semblait maîtriser une redoutable esquive.

Fier de son expérience, le guerrier accula tout son poids en direction du sol pour parer l’attaque de la jeune lionne. Déstabilisée, Ahva n’eut d’autre choix de retirer ses griffes pour ne pas être entraîner dans l’initiative du lion et elle se dégagea dans un bond d’alerte. Ses appuis étaient bons et ses pattes s’enracinèrent très vite au sol si bien que la lionne ne flancha pas mais c’en était moins une. La musculature des mâles était un avantage précieux dont elle devait se méfier. Réactif au possible, Itan se redressa bien vite tout en sa dégageant d’un pas maîtrisé. Sans avancer de nouvelle attaque, l’adolescente l’observait silencieusement pour mieux apprendre de ses gestes.

Pivotant soudainement pour se retrouver face à son assaillante tumultueuse, le Gardien grogna et lui indiqua de nouvelles règles. Assez enjouée mais décontenancée face à ce revirement de position, Ahva perdit assez de concentration pour surélever l’un de ses sourcils avec intérêt. Il allait l’attaquer ? Sans attendre, Itan frappa son épaule de sa patte. Prise par surprise, la lionne ne tenta de se dégager que trop tardivement et sous la force du mâle bien que subtilement dosée, son corps céda et tout son poitrail fut balancé vers le sol. Seul l’appui de son arrière-train lui valut de ne pas être envoyé manger la poussière.

Bien requinquée par cette raclée, Ahva se dégagea précipitamment et retrouva ses esprits. Face à elle, le Gardien était de nouveau placé à l’offensive. Il allait bientôt charger. Très vite, elle adapta ses appuis au sol. Ceux-ci semblaient peu à peu lui venir naturellement. Un sang de guerrier coulait dans ses veines et la princesse comptait bien lui faire honneur. Très peu pour la politique, Ahva avait toujours porté plus d’intérêt à la nature même du terrain.

L’entraînement se poursuivit avec méthode mais hargne. Itan continuait de contrôler sa force contre l’adolescente et après avoir l’avoir remarqué, la princesse n’en était que plus déterminée. Elle ne voulait pas qu’il se retienne, elle voulait apprendre. Les deux lions continuèrent ainsi leur danse, l’adolescente pliait souvent sous le poids du mâle mais apprit vite à se dégager souplement. Son corps léger pouvait être un atout face à une telle carrure. Préférant éviter plutôt qu’encaisser tant les coups portés l’atteignaient avec précision, elle développa également ses esquives. Ce jeu était très excitant mais aussi épuisant pourtant aucun ne semblait céder. L’entraînement était palpitant.

Finalement, le dernier coup porté par le mâle combla ses attentes. Assumant le coup en plein visage, Ahva fut projetée au sol. La puissance de ce coup était fidèle à la réputation du guerrier. Elle souffla de l’air chaud contre les grains de poussière tandis que son corps s’affalait. Exténuée, la jeune lionne refusa de se relever et roula sur le dos, observant de ses pupilles dilatées les nuages qui les dominaient puis, sans raison apparente, la princesse se mit à rire. Étonnamment, elle était heureuse. Itan lui avait prodigué de merveilleuses bases en combat et elle songeait à la grande lionne rousse qui lui avait offert de la former. C’était toute une nouvelle péripétie pour elle et la princesse s’y lançait à cœur joie.

Son regard bascula vers le Gardien lorsqu’il s’inquiéta d’elle tout en proposant une révision des règles. Sourire aux babines, la jeune lionne se redressa enfin et fit face à son instructeur, la queue battante. Itan était à son écoute et cela la réjouissait, elle était fière qu’il ait accepté son invitation et se plaisait à ses côtés. Comme tous les Gardiens, elle l’admirait beaucoup et devenait une élève brillante quand il lui enseignait.

« Oui, je peux encaisser. » Répondit-elle sincèrement tout en se rapprochant du lion à la marque turquoise. « Eh bien… je dirais qu’il n’y a rien de mieux que l’entraînement pour apprendre ! Mais tout de même, comment se débarrasser de l’emprise qui me maintien au sol ? »

C’était un point qu’ils n’avaient pas abordé, peut-être trop technique ou extrême mais cette question avait beaucoup d’importance pour la lionne. Attentive à la réponse du mâle, Ahva avait baissé sa garde et semblait inoffensive mais la lionne gardait une vigilance presque inconsciente à ses appuis pour ne pas être surprise à nouveau. Loin de cette méfiance naturelle, son regard était porté vers le Gardien, elle était prête à recevoir son précieux enseignement.

Un sourire aux babines, le Gardien lui répondait avec précision et intérêt. S’aider de ses quatre pattes pour se défendre, labourer le ventre de l’adversaire alors à découvert mais aussi tenter de le défaire en retournant sa position de force contre lui… Très attentive, l’adolescente tentait d’emmagasiner toutes ces informations sans oublier les moindres détails qui eux aussi avaient leur importance. Alors que son regard qui fixait ses pattes avant pour trouver l’équilibre idéal, Ahva eut à peine le temps de retourner son attention vers le Gardien que, déjà, celui-ci fendait sur elle dans un pic de vitesse. Eh ! Déstabilisée et non préparée, la lionne succomba très vite à la force du mâle et se retrouva aisément sur le dos, dominée par l’ombre d’Itan. Autant dire que le guerrier savait la mettre en condition.

Surplombant la lionne de toute sa hauteur, Itan l’avertit qu’elle avait deux minutes pour se dégager sinon elle était considérée comme morte. La lionne frémit, soudainement très concernée et ses pupilles se métamorphosèrent lorsque le grand lion l’intimida d’un grognement sourd dévoilant ses puissantes rangées de crocs. Il était sérieux. L’emprise de ses pattes se fit plus oppressante contre son poitrail et Ahva grogna feula à son tour, tentant de remuer des épaules mais le mâle bloquait ses articulations supérieures. Les pattes. Secouant dans un premier temps son corps telle une diablesse pour tenter de défaire l’emprise du mâle, Ahva se résolu à user de ses pattes et de leurs griffes et bien que réticente à blesser le Gardien, figure absolue de l’héroïsme et du preux guerrier, elle laboura sauvagement son ventre mise à nu de ses pattes arrières, toutes griffes sorties. La mise en situation était réelle et sa hargne l’était tout autant. C’était exactement dans cette position que la lionne s’était vu soumettre aux lions d’Outland et sa colère était telle qu’elle ne se laisserait pas faire une seconde fois.

Tandis que ses pattes labouraient le ventre d’Itan pour tenter de lui faire lâcher prises sous le coup des griffures, son cou alors dégagé lui permettait d’avancer sa tête et ses crocs, empêchant toute offensive vénale du mâle. S’il s’approchait trop, son museau en souffrirait. Ahva semblait en apparence être une jeune lionne inoffensive mais lorsque la condition était proche de la réalité et le danger réel, son regard transformé témoignait de son esprit tout autre et de sa rage de vaincre. Elle était jeune et encore inexpérimentée mais sa soif d’apprendre était grande tout comme sa dévotion. Enchaînant les multiples ripostes, la lionne tâtait également le terrain au niveau de l’équilibre du mâle. Soumise ainsi à lui, Ahva ressentait la contraction de ses muscles mais aussi le poids réparti dans chaque membre. Si Itan flanchait d’un côté, elle le sentirait immédiatement et pourrait saisir cette opportunité pour se défaire de son emprise mais en attendant ce moment fatidique si celui-ci venait ou bien plus simplement si le mâle battait en retraite, la lionne ne tarissait pas d’effort et ses pattes lacéraient le ventre de son adversaire ou appuyaient pour défaire son arrière train en utilisant la gravité. Son dos parfaitement plaqué au sol lui offrait un appui parfait pour concentrer toute sa force dans ses membres inférieures et ainsi tenter de repousser le mâle en poussant férocement son bas ventre.

Combien de temps lui restait-il ? Comment faire flancher le mâle ? Son poitrail était bloqué sous le poids du guerrier mais ses pattes libres de mouvement. Les pattes avant habilement placées sous sa crinière, elle tentait de repousser le mâle tout en combinant avec le soutien de ses pattes arrières qui ne cessaient d’attaquer le ventre du lion. Il finirait bien par céder non ? Ce n’était peut-être qu’un entraînement et loin d’un ennemi, Itan était un précieux allié du clan mais les conditions posées rendaient le jeu réel si bien que la lionne se démenait comme si elle était en présence d’un réel danger de mort. Elle ne voulait pas perdre une seconde fois. Misant le tout pour le tout, Ahva cessa de labourer le bas ventre de son adversaire et plaça ses pattes arrières contre celui-ci, prête à pousser une dernière fois pour le dégager. Le tout s’enchaînant très rapidement, elle avança dangereusement sa gueule vers celle du mâle dans un geste d’intimidation et claqua fermement ses crocs à quelques centimètres à peine de son museau. Profitant alors du naturel défensif du lion qui le pousserait à reculer, elle synchronisa ses quatre membres et utilisant la pression de son dos contre la terre ferme, poussa uniformément dans un ultime effort pour dégager le mâle, misant sur le côté gauche où les appuis d’Itan lui semblait plus prompt à flancher. Est-ce que cela fonctionnerait ?

La stratégie mise en place par la jeune lionne fonctionna et contre toute attente, le Gardien fut renversé au sol. Encore plongée dans l’attitude du combat, Ahva en profita pour s’éclipser en toute hâte et se redressa victorieuse, le torse bombé mais la poitrine haletante sous tant d’effort et d’excitation. Elle était sauve, elle avait réussi le défi du lion. Un sourire satisfait vint peu à peu élargir ses babines puis le rire soudain d’Itan eut raison de la ramener à son naturel jovial. Elle pouffa à son tour, presque nerveusement, encore traversée par quelques onces d’adrénaline qui faisait frémir son corps et abandonna sa position offensive pour se rapprocher du mâle de manière plus détendue.

Le monde autours d’eux qui l’étiquetait comme princesse et précieux joyau de tous n’était plus, seul comptait ce cercle d’entraînement et ce qu’elle y avait réalisé. Elle était Ahva, l’apprentie guerrière. Encore rieur, le Gardien confia qu’elle avait compris la leçon. Petite déjà, la jeune lionne s’était souvent imaginé échangeant des danses endiablées avec les grandes figures qu’étaient ces lions parés de teinture sacrée et la réalité avait comblé ses attentes. Elle lui offrit un regard concluant et brillant de détermination et de confiance. Elle n’oublierait certainement pas cette leçon. Le sourire du guerrier ne fit que confirmer cette pensée.

Sous le coup de la beauté brute qui habitait tous les guerriers, Itan se redressa et plusieurs grains de sable se détachèrent de ses crins pour rouler silencieusement vers le sable mère. La lionne se positionna fièrement ancrée sur ses quatre appuis face au lion et, à ses mots, courba légèrement l’échine devant celui qui avait été son maître d’un jour. Elle était un peu triste de savoir que l’entraînement était terminé tant elle s’était délectée de ce moment mais à défaut de l’esprit, le corps disait stop. Les deux lions étaient essoufflés et continuer n’aurait mené à rien de bon, ce défi dangereux concluait bien suffisamment la séance. Délaissant son caprice enfantin, la lionne lui répondit d’un ton chaleureux mais respectueux :

« Je vous remercie de votre temps et de vos conseils. Je n’oublierai pas votre enseignement et je vais m’entraîner dur. »

Elle lui souriait de manière désinvolte mais l’on pouvait lire la sincérité dans son regard. Ahva songeait également à la guerrière rousse qui bientôt, serait son mentor. Son cœur bondissait sous l’impatience et le désir. Abaissant la tête et exprimant par cela son respect pour le lion, la jeune lionne le salua avant de lui rendre son temps et de retourner au sien, tout aussi sauvage dans un sens mais son attraction était moindre face à l’adrénaline du combat où Ahva avait tant de chose à apprendre et cette quête du savoir l’obsédait, l’adolescente était plus que jamais déterminée à emprunter cette voie.

« Merci, Itan. »

Pour peu, l’on pourrait pu croire que la princesse minaudait. En lui offrant de prodigieuses bases, le Gardien avait férocement entretenu tout l’intérêt que portait la lionne au monde guerrier et son désir s’était affirmé. Elle était prête. Déjà admirative des lions sans maître, elle était maintenant également reconnaissante. Accordant un dernier regard au mâle, elle lui sourit une dernière fois et s’éclipsa du Repère des Gardiens non sans saluer Kamwe dont l’œil ne trainait jamais. Très enjouée, Ahva rejoignit les plateformes et hésitant à s’en aller retrouver sa fratrie, elle se dirigea finalement en direction de la savane et lorsque l’on la héla, la lionne bondit férocement et s’élança fièrement vers l’étendue dorée non sans un rire libre. Elle aurait tout le temps de tous leur raconter ce soir et pour le moment, ses aventures continuaient.

[Merci pour ce RP, c'était top ! A bientôt copain du flood ]