Le soleil brillait d'un désir ardent et la lionne dorée se délectait de sa chaleur. C'était si bon. La vie semblait reprendre son cours et on entendait de nouveau les oiseaux chanter sur Prideland. Se mêlant à la mélodie des volatiles, un miaulement féroce retentit et un éclair orangé s'abattit sur la lionne. Surprise du geste et non préparée, Kuzali bascula sous le poids de sa fille cadette. Elle gronda faiblement avant de contre-attaquer. Le rire des deux lionnes retentit joyeusement et attira même le regard attendri de quelques lionnes présentes. Oui, la misère et ses ténèbres étaient définitivement derrière eux et la nouvelle reine priait pour que ses enfants n'aient jamais à connaître le mal que leurs ascendants avaient eu à combattre.

Sous la demande de la petite lionne, Kuzali accompagna sa fille cadette jusqu'à l'étang. Cette dernière était une vraie pipelette et ne s'arrêter pas de parler, posant des questions sur tout et n'importe quoi. La reine dorée souriait, nostalgique quant à sa propre enfance. Finalement, la mère et la fille atteignirent l'étang et avant même que Kuzali n'ait pu donner ses consignes à Ahva, la princesse hoqueta de surprise en apercevant la compagne de Damu et traîna sa mère en sa direction.

« Regarde maman, tata Asahi elle parle toute seule ! » s'étonna la petite lionne.
« Ahva ! » gronda la reine.

Intimidée par le ton de sa mère, la jeune lionne baissa les oreilles et s'excusa, saluant timidement sa tante. Kuzali soupira et invita sa fille à aller jouer dans l'eau, chose pour laquelle la petite ne se fit pas prier. La reine observa quelques instants sa descendance s'éloigner le regard un peu inquiet puis reporta son attention sur celle devenue sa belle-sœur.

« C'est toujours étonnant, n'est-ce pas ? Sentir ces petits êtres crier leur désir de vie... »

Son regard se fit plus doux, glissant vers le ventre de la lionne. C'était une période fleurissante pour Prideland. Imitant l'ancienne Mositus, Kuzali s'allongea à son tour non sans prendre garde à avoir sa fille à l’œil. Elle se souvenait avoir été bien surprise en apprenant l'idylle entre Asahi et Damu mais cela n'était pas pour lui déplaire. Kuzali était fortement dépaysé dans cette nouvelle vie avec tous ces visages inconnus et la présence de la lionne brune lui donnait quelques repères. Maintenant liées par le mariage, les deux lionnes allaient être amené à passer bien du temps ensemble et Kuzali désirait se faire pardonner son écart lors de leur rencontre car même si tout s'était bien terminée, la lionne n'avait pas été des plus aimables aux premières heures.

« Comment vas-tu Asahi ? » demanda-t-elle d'un ton doux.

La reine observait sa belle-sœur dans un sourire. Une grossesse était quelque chose de formidable mais également de très éprouvant et bien qu'elle en garde de beaux souvenirs, Kuzali ne pouvait nier avoir été délivré d'un lourd présent lors de la naissance de ses petits. Un lionceau dans un ventre c'était une chose mais alors trois... Il fallait la force de les porter. A en juger par la taille du ventre de Asahi, sa portée ne se limiterait pas à un lionceau unique.

« Oh tu risques d'en être libérée plus tôt que tu ne le penses, on dirait que c'est pour bientôt. »

Rêvait-elle ou avait-elle bien vu le ventre de la lionne sursauter ? Ces petits lions semblaient bien dynamique. Son regard passa alors d'Asahi à sa fille benjamine. D'autres lionceaux comme Ahva au Rocher... oh non, ce serait une catastrophe. Kuzali et Kumpa peinaient déjà à contenir l'énergie débordante de la princesse qui s'amusait bien à entraîner son frère dans ses folies alors s'ils se retrouvaient accompagnés de leurs cousins, les nourrices et même les parents n'en auraient pas fini de parcourir Prideland à la recherche de leurs chenapans.

Sur un ton de confidence, la brune lui avoua être inquiète quant à la future naissance. La lionne dorée détacha alors son regard de sa fille pour fixer sa camarade. Quelle mère ne s'inquiétait pour le bon vivre de sa progéniture. Dans un doux sourire, Kuzali lui répondit d'une voix qu'elle voulait rassurante :

« Je comprend tes inquiétudes. Si tu as des questions, je serais heureuse d'y répondre. »

A la naissance de son premier fils, Kuzali n'avait pas été prête. Son enfant était né prématurément et elle avait du commencer le travail seule. Sans la présence de Rono qui avait accouru en sentant la détresse de son amie, sans doute les choses ne seraient-elles pas aussi bien déroulées. Heureusement, la naissance des héritiers s'était passée sans encombre et Kuzali remerciait le Ciel de lui avoir donné de si beaux enfants.

Oh elle en serait plus que ravie, pensait la reine. Ses oreilles trainant de part et d'autre, la petite lionne ne fut pas sourde à ces propos et stoppa son jeu en compagnie d'autres lionceaux pour bondir dans l'eau, éclaboussant sans gêne ceux qui l'entouraient. Tout ce boucan était aussi audible que la joie de la princesse à l'idée de pouvoir jouer de nouveaux amis. Kuzali était un peu gênée du remue ménage que causait sa fille autours d'elle mais elle ne dit, préférant sourire chaleureusement à sa benjamine. Ahva était la joie incarnée et lorsqu'elle n'était pas de mauvaise humeur, elle était aussi douce que les nuages. Kuzali savait qu'elle pouvait compter sur elle pour aimer ses cousins de tout son cœur mais elle craignait également qu'elle ne trouve en eux de nouveaux partenaires dans le crime. Mieux valait-il se méfier avec la princesse...

Reposant son regard sur sa belle-mère, elle écoutait ses craintes d'une oreille attentive. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire tant l'inquiétude de Asahi pour ses lionceaux était touchante.

« Il faut les pousser vers nos mamelles mais ce sont eux qui terminent le travail. Instinctivement, ils vont venir téter le lait. Je te préviens, les premières fois chatouillent. » répondit-elle non sans finir dans un rire franc. « Tu verras, tu seras aussi contente qu'eux lorsqu'ils viendront te libérer de ton lait. »

Et c'était peu dire. Maintenant qu'ils étaient sevrés, Kuzali n'avait plus à les allaiter et avait perdu tout son lait. Bien qu'elle soit heureuse de voir ses grandir, elle savait également que cela avait été la dernière fois où elle pouvait allaiter, elle n'aurait plus de lionceaux à l'avenir mais cela ne la chagrinait pas. Kuzali était comblée de ses quatre enfants mais peut-être cette phase de l'allaitement lui manquerait un peu dans le fond. C'était une telle communion et instant de partage avec les petits.

Nostalgique, elle ajouta dans un beau sourire qui témoignait de son bonheur :

« Le moment où un enfant naît, une mère naît également. Elle n'existe pas avant, la lionne oui mais la mère, jamais. C'est une chose absolument nouvelle qui s'apprend avec ses enfants mais c'est également la plus belle des expériences. »

Asahi pouvait être rôder sur diverses questionnements mais, le plus gros du travail s'apprendrait sur le tas. Néanmoins, elle pouvait compter sur l'aide de Kuzali. Elle était une famille désormais.

Kuzali écoutait les dires de la lionne. Il était vrai qu'en suivant le lion qu'elle aimait, Asahi avait du laisser sa famille derrière elle. La reine ne doutait pas que ce choix fut une décision douloureuse seulement, elle avait quitter sa famille pour une autre, celle qu'elle fonderait avec Damu mais également ceux qui constituer déjà la famille du brun. Il y avait Malkia, Kumpa, Kuzali, Sadaka, Awena, Azaan et Ahva... Tous prendraient soin de la brune et de ses lionceaux. Ses parents n'avaient pas d'inquiétude à avoir.

« Je pense qu'elle serait heureuse mais aussi fière. Non, elle l'est même déjà.» ajouta la lionne dorée dans un sourire.

S'ouvrant quant à ses inquiétudes, l'ancienne Mositus confia également qu'elle craignait le refus d'un des lionceaux ou encore des difficultés éventuelles au moment de l'accouchement.

« Un lionceau ne refusera jamais le lait de sa mère. » répondit-elle avec douceur avant d'ajouter, plus sérieuse : « Je vais te confier une chose que peu de personne savent, Sadaka est né prématurément. Il était faible, si petit et fragile... j'avais peur de le perdre. Mais mon fils avait d'ores et déjà la hargne de vivre. Il s'est battu et je me suis battue avec lui. Aujourd'hui, il dépasse tous les lionceaux de son âge et sa carrure rivalise avec les plus âgés. Si l'un de tes petits est plus faible que les autres, ce n'est pas une calamité. Aide le à rattraper son retard et tout rentrera dans l'ordre. De toute manière, je doute que ce genre de problème t'arrive, ta grossesse se passe à merveille. »

Elle lui sourit de nouveau, déposant à son tour le regard sur le ventre arrondi de la lionne. Il était d'une taille renversante... Kuzali se demandait combien de lionceaux s'y cachaient. Prideland n'avait qu'à bien se tenir, la relève était assurée. Une idée germa dans l'esprit de la lionne et bien qu'hésitante, elle finit par demander :

« Souhaites-tu que je sois présente lorsque le moment arrivera ? »

Le tempérament de la brune avait su charmé la blonde qui se prenait d'affection pour cette première. En vue des liens de mariage qui les unissaient, les deux lionnes allaient être amenée à passer beaucoup de temps ensemble et Kuzali était désireuse de créer une bonne entente entre elles. A vrai dire, Asahi était l'une des seules lionnes au rocher avec qui Kuzali pouvait parler sans gêne et en sa présence, elle se sentait moins seule. Toutes deux avaient été amenées à vivre sur ces terres après avoir suivi le lion qu'elles aimaient mais elles semblaient encore étrangères au clan qui était désormais le leur et cette condition peu ordinaire semblait les rapprocher. Une amie ? Kuzali en aurait sûrement besoin.

Kuzali était touchée des mots de la lionne. Bien qu'il ait une place incontestable au sein des Pridelanders, la lionne dorée savait que certains peinaient encore à accepter Sadaka comme l'un des leurs. Il était fils de Nyeusis et malheureusement, beaucoup s'arrêter à ces gènes. La brune continua ses propos en évoquant la fille aînée du couple royale. Une si petite tête pour une si grande couronne.

« Oh je suis tellement fière de lui. Il est tout mon monde. » répondit-elle, sourire aux babines. « Quant à Awena, c'est surtout son père qui s'occupe de son éducation d'héritière mais je tente de lui apporter également toute mon aide. Elle est encore jeune mais beaucoup d'espoirs reposent sur elles. J'espère simplement qu'elle saura également profiter de la vie comme tout lionceau de son âge. »

Les prérogatives royales pouvaient peser lourds sur la tête d'un enfant et il fallait également laisser le temps à Awena de s'épanouir. Elle était encore jeune et aurait tout le temps d'apprendre. Kuzali était de l'école douce et pensait qu'il fallait également laisser aux enfants le temps de découvrir le monde. C'était une belle façon d'apprendre.

« Si tu savais, je ne sais plus où donner de la tête avec elle, sans compter qu'elle a cette mauvaise manie d’engrainer son frère dans ses aventures... J'ignore où elle trouve toute cette énergie ! »

Bien que légèrement désemparée face à tant d'ardeur, Kuzali ne put que rejoindre le rire de la brune face aux pitreries de sa fille. On ne pouvait nier que la jeune princesse débordait de vie et cela rendait heureuse sa mère. Ils ne s'étaient pas battu pour rien et Prideland semblait renaître de ses cendres.

Finalement, Asahi répondit positivement à la proposition de la reine ce qui fit grandement sourire la lionne dorée.

« Le plaisir est partagée. » répondit la lionne avant d'ajouter quelque peu penaude : « Tu sais, je regrette un peu notre première rencontre. Je ne me suis pas montrée extrêmement coopérative si ce n'était désagréable. Pourtant, je suis heureuse que tu sois là aujourd'hui et que tu sois l'une des nôtres. »

Elle sourit, sincère. Kuzali n'était pas du genre à confier ses sentiments mais lorsqu'il était question de s'excuser, elle s'ouvrait plus facilement. Néanmoins ne souhaitant guère s'attarder sur un tel moment, elle changea complètement de sujet et demanda :

« Avez-vous déjà des idées de noms pour ces petits à venir ? »

Lucide sur sa propre condition, la lionne brune comprenait ce que présageait la grosseur de son ventre. A moins que ses lionceaux naissent avec un gabarit de pré-adolescent, il y en avait plus de deux qui attendaient impatiemment de voir la lumière du jour.

« Ce sont de beaux prénoms. » complimenta la lionne dorée.

Rieuse, la brune lui confia ce qu'aurait été la réaction probable de son père. Kuzali fit écho à son rire mais le fond de ses pensées s'assombrissait. Elle ne pouvait que penser à sa propre famille dans de telles discussions sans pour autant les évoquer. Quelles auraient été les réactions de ses parents et de son frère en apprenant tout le chemin qu'elle avait parcouru, qu'ils étaient respectivement grands-parents et oncle ? Kuzali ne pouvait imaginer son père euphorique à l'idée d'être grand-père. Sa mère peut-être un peu plus et quant à son frère, elle était incapable de le dire. Ils lui manquaient.

Chassant ces idées sombres, la lionne se concentrait sur l'instant présent. Nul besoin de s'infliger telle douleur quand la journée était si belle. Les petits de Damu et Asahi ajouteraient une touche supplémentaire dans le bonheur des Pridelanders mais aussi probablement une grande agitation. Kuzali savait la demi-sœur de Kumpa heureuse dans les bras d'un rebelle et si eux deux se donnaient également aux joies de la parentalité, le Rocher de la Fierté se retrouverait bientôt assailli d'une nouvelle menace : une flopée de lionceaux aguerris. Les adultes n'avaient qu'à bien se tenir.

Évoquant de nouveau le fils aîné de la reine, Asahi lui demanda à rencontrer le lionceau de suie. Kuzali sourit doucement, heureuse de l'enthousiasme que provoquait Sadaka chez la brune. Au moins, certains le considérer d'un regard aussi bienveillant que celui de sa mère.

« Avec plaisir. Il est un peu distant avec les inconnus mais tes origines Mositus le mettront sûrement en confiance. »

Par ces mots, Kuzali faisait référence au pelage sombre de la lionne. S'assimilant davantage à eux qu'aux Pridelanders, Sadaka semblait plus à l'aise en leur compagnie, comme si ton pelage ébène n'était plus une tare mais une normalité. Elle sourit de nouveau à la lionne, touchée de son intérêt pour son premier fils. Se plaisait-il dans cette nouvelle vie ? C'était beaucoup de changement mais sa mère espérait qu'avec le temps, il réaliserait la chance qu'ils avaient. Tout ce qu'elle désirait était son bonheur et sa sécurité, cette expansion de leur famille n'entachait en rien l'amour qu'elle lui portait. Peut-être même Kuzali lui portait plus d'attention qu'avant maintenant qu'elle n'avait plus à gambader de ci et là pour organiser les ressources.

« Te plais-tu chez les Pridelanders ? » demanda finalement la lionne.

Ce n'était la reine qui s'adressait à elle mais la lionne, il n'y avait aucune mauvaise réponse à cette question. Le regard doré de la blonde s'arrêta de nouveau sur sa benjamine qui ne se fatiguait toujours pas de jouer. A quand l'âge de raison...

Kuzali souriait à la lionne brune. C'était une compagne idéale pour Damu, douce et compréhensive. La lionne dorée était heureuse qu'elle fasse partie de sa nouvelle famille et bientôt, ses enfants avec elle.

« Je suis heureuse de l'entendre. N'hésites pas à me trouver si tu as besoin de compagnie, ça me ferait plaisir. »

Oubliée l'aigreur passée et le mauvais commencement, la reine était aujourd'hui persuadée qu'une belle amitié allait naître entre les deux lionnes. Avec douceur la lionne dorée se redressa, portant son regard vers l'étang. La leçon de sa fille aînée devait être terminée, il était temps que la petite famille se retrouve. La voix forte, elle appela la petite princesse qui n'avait cessé de jouer. Oh bien sûr elle du recommencer pour que Ahva daigne sortir de l'eau.

Malgré ses premières réticences à quitter ses compagnons de jeu, Ahva se laissa convaincre par la joie de retrouver son frère et sa sœur. Kuzali passa quelques coups de langues sur son pelage trempée puis se tourna vers la brune.

« Nous allons devoir te laisser, prends soin de toi Asahi. »
« Au revoir tata ! » s'exclama joyeusement Ahva avant de s'abaisser vers son ventre arrondi et de murmurer : « … et vous je vous dis à bientôt. »

Aucun doute là-dessus, la petite princesse prendrait soin de ses cousins et déjà elle s'imaginait jouer avec eux. Ahva espérait de tout cœur qu'ils seraient nombreux. Après un dernier sourire adressé à Asahi, mère et fille quittèrent l'étang en direction du priderock.