Les Mositus étaient entré dans Apeland un mois de cela en arrière, à la recherche d'un nouveau territoire. Mené par Siri, qui malgré son échec lors de l'élection avait décidé de partir de son côté, le groupe progressait à petits pas dans une jungle mystérieuse et oppressante. En avançant entre les arbres immenses, Baradi se souvint de l'Oasis où elle avait passé son enfance, mais ne ressentit aucune nostalgie. Cet endroit ne pouvait être assimiler à ses souvenirs, c'était une terre encore inconnue et pleines de dangers. La jeune lionne n'était pourtant pas une couarde dans l'âme, elle avait entrepris un voyage avec Nsaï quelques mois avant l'élection et en était ressorti changé, adulte. A peine était-elle rentrée qu'elle avait appris que Siri n'avait pas été élu chef et que Kwadja préparait un assaut contre les Jangowas pour récupérer l'Oasis. Baradi avait senti tous ses espoirs de paix s'envoler et avait fait son choix : elle ne se battrait pas contre les lions du désert. La Terre des Lions était secoué par les guerres, de part et d'autre, la Mositus aux yeux verts ne souhaitait pas s'en mêler. Elle avait donc suivi Siri, le cœur un peu serré par ce nouveau départ, mais déterminé. Ils trouveraient un nouveau territoire, elle voulait y croire.

Le choix du meneur s'était donc arrêté sur la Terre des Singes, un endroit immense et regorgeant de secrets, qui pourrait s'avérer intéressant. Baradi ne savait qu'en penser, mais elle faisait confiance au lion brun. Tout en s'éloignant de la lande, elle pensa à Lulah, le vieux Mositus qu'ils laissaient derrière eux. Il avait réussi à retrouver son fils, après des années de recherche et d'interrogations, et avait décidé de passer ses derniers instants à ses côtés, incapable de suivre son clan dans son nouvel exil. Baradi cherchait du réconfort et du soutien dans le regard de Nsaï, son compagnon et plus tendre ami. Durant le voyage qu'ils avaient fait ensemble, ils s'étaient rapprochés et étaient désormais unis par des liens plus puissants que jamais. La féline avait également son père à ses côtés, qui avait vieilli mais qui restait suffisamment solide pour accompagner les siens lors de ce périple. Chezo n'aurait pas pu rester à la lande, sa compagne aurait ainsi perdu la vie pour rien. Moka était morte dans la guerre qui avait opposé Mositus et Jangowas, des années plus tôt, permettant à son cher et tendre de fuir et de guider leur fille vers un avenir meilleur, loin du désert. Une chance leur était aujourd'hui offerte de s'installer quelque part, de recommencer leur vie et d'écrire une nouvelle page de l'histoire de leur clan.

Baradi n'était toutefois pas aussi détendue et confiante qu'elle aurait aimé l'être. Depuis qu'ils étaient entrés dans la jungle, une certaine tension régnait autour d'eux, que la femelle ne pouvait ignorer. Les Mositus avançaient, mais se sentaient épié par des centaines d'yeux, perchés dans les arbres. Les habitants de cette terre ne semblaient pas encore prêt à les accueillir, cela ne faisait aucun doute.

Avatar signature © Sehkmet

Spoiler:

SIRI — CHEF DES MOSITUS

Siri guidait les siens dans l'immensité d'Apeland. Autant portaient-ils tous l'espoir d'un abri, autant la jungle ne se voulait pas accueillante. S'agissait-il d'un présage ? Le chef des Mositus se montrait convainquant, bien qu'il avançait lui-même dans l'obscurité la plus totale. En effet, le territoire était immense : il était quasiment impossible de marquer le moindre repère correct ; les arbres étaient trop semblables. Il ne fallait cependant pas douter d'une quelconque conclusion à l'escapade, bien que plus le temps passait plus les Mositus à l'arrière s'impatientaient.

Le lion brun les entendait, mais ne faisait aucun commentaire. A force, ils tomberaient bien sur quelqu'un qui les remarqueraient. Sur ce fameux clan, les Lamasus, en qui les Pridelanders portaient également bien tout leur espoir. Coupés du monde, voudraient-ils des Mositus, après le passage des Pridelanders ? Siri se doutait bien que la négociation serait rude, mais il ne se doutait pas qu'elle serait sans équivoques.

Ainsi, pour plusieurs heures encore, les Mositus tournèrent en rond. Le silence de la jungle pouvait leur rappeler des souvenirs lointains, mais il ne s'agirait jamais de l'originelle que convoitait Kwadja. Sûrement les autres traîtres étaient-ils morts, en l'instant précis. Et ils l'avaient mérités.

Soudainement, l'atmosphère changea et la tension escalada encore d'un cran. Siri le sentait bien, et il prévint les siens qui s'alertaient petit à petit eux aussi :

— Nous sommes surveillés.

Alors que sa répliqua termina de résoudre les siens à un possible guet-apens, des guerriers lions crèmes surgirent de parts et d'autres, recouverts de peintures rouges étranges jamais vues. Les étrangers étaient postés de manière peu accueillante ; et formaient un mur en forme de demi-cercle devant Siri.

Le Chef des Mositus fit signe aux siens de reculer un peu, bien que les guerriers ne semblaient pour l'instant pas avoir sortis leurs griffes et leurs crocs. L'un des leurs s'avança jusqu'à la hauteur de Siri, il possédait aucune marque particulière par rapport aux autres... S'agissait-il d'une patrouille ?

— Mguu wapotofus* ! Ne bougez plus. Ordonna-t-il.

Siri obéit, et intima les autres à faire de même. Il était maintenant persuadé qu'il s'agissait bien des Lamasus... Comment pouvait-il en être autrement ?

— Nous sommes les Mositus. Nous vivions autrefois ailleurs dans une Oasis, mais nous fûmes chassés de chez nous.

Ces mots étaient encore durs, mais c'était la réalité de la guerre : ils étaient des perdants.

— Nous avons entendu parler de vous. A vrai dire, nous nous attendions à votre visite.

Siri ne répondit pas, surpris. Etaient-ils si bien informés de la chose ? L'échec des Mositus et leur objectif d'asile était-il si connu et évident ? Peut-être avaient-ils traîné autour de la Lande des Sans-Terres pour obtenir autant d'informations... Peut-être les Pridelanders avaient-ils discutés de leur cas... Après tout, Siri lui-même s'était entendu avec eux (contrairement à Kwadja). L'étrange et présumé Lamasus continua :

— Notre grand Roi Assam est bien au courant de vos peines. Il a toujours été réticent à l'arrivée d'autres clans, mais il semble que les temps soient aux exils. Aussi, il vous propose … un contrat.

— Un contrat ? Répéta Siri, curieux et il fallait le dire, nerveux.

Le Lamasus hocha la tête et fixa certains Mositus scrupuleusement avant de reprendre d'une voix forte et officielle :

— Vous pourrez loger dans notre jungle, à quelques conditions.

— Lesquelles ?...

— Tout d'abord, vous ne vivrez que dans le sud de la Jungle des Sages. Vous défendrez nos frontières de toute intrusion à partir de là.

Siri se doutait bien qu'une voie pacifique serait difficile à obtenir, et eux qui avaient fui la violence les voilà contraints de s'incliner devant elle ? Quelle ironie du sort... Le chef se figurait évidemment que cela ferait des protestations. Mais il n'était pas venu pour repartir au Baobab inutilement. Pas maintenant et plus jamais.

— Et ne mêlez pas les sangs : il faut garder le sang des Lamasus intact. Aucune romance ne sera tolérée entre nos deux clans.

— Très bien. Répondit Siri aussitôt. Nous remercions la tolérance dont faire preuve le roi des Lamasus et nous acceptons le contrat.

Pour lui, l'affaire était close. A vrai dire, il se fichait bien des termes : en acceptant l'asile proposé par Assam, sa mission était accomplie. Et les Mositus avaient-ils vraiment le choix ? Ils ne pouvaient pas vagabonder éternellement. De plus, la Jungle des Sages pouvait leur rappeler leur Oasis, ils s'habitueraient vite aux conditions et plus jamais les Mositus seraient persécutés par un peuple comme les Jangowas. La jungle était une muraille formidable, et Siri était persuadé que les siens s'habitueraient vite à cette nouvelle vie sur la Terre Promise. S'ils étaient réellement tous d'accord avec lui ? Cela n'avait pas d'importance, que ceux qui cracheraient sur cette terre s'en aillent s'ils n' étaient pas satisfaits d'avoir enfin trouvé un lieu de repos. La promesse était tenue, la façon lui importait peu.

Spoiler: