Tandis que le soleil grimpait lentement dans le ciel, la petite Tahora escaladait le large et immense tronc du Baobab. Elle se posta sur une branche, le souffle court, un sourire sur les babines, et admirait à présent le levé du jour sur la Lande des Sans Terre. Une vague de fierté la traversa lorsqu'elle remarqua qu'elle s'était hissée à quatre mètres au-dessus du sol. Chaque jour elle arrivait un peu plus haut, branche après branche, déterminée à vaincre la crainte du vide. La première fois avait été la plus difficile, elle avait à peine pu monter de quelques centimètres. Mais elle était restée obstinée et avait continué de s'entraîner le lendemain, parvenant à atteindre la première branche. Elle avait désormais beaucoup moins peur et pouvait rester en hauteur plusieurs minutes sans frémir, sûre d'elle. Elle savait qu'une chute serait mortelle, mais tâchait seulement de ne pas trop y penser. De son perchoir, elle pouvait contempler une bonne partie de la Vallée Abandonnée, mais si elle parvenait à grimper plus haut encore, ce serait la Terre des Lions dans son ensemble qui serait à sa portée. Tahora ne rêvait pas particulièrement de découvrir ces vastes terres, mais son regard était invariablement attiré par le Rocher de la Fierté, qui perçait au loin.

Un jour, la petite féline le sentait au plus profond de son cœur, son clan récupérerait ce qui lui appartenait et que les Nyeusis lui avaient volé : son territoire. La guerre approchait, chaque jour un peu plus, l'enfant en avait conscience et cela faisait naître une excitation croissante dans sa poitrine. Une certaine agitation régnait dans la Lande, du côté des Pridelanders comme du côté des Mositus. Nawapa avait expliqué à ses enfants que les lions bruns avaient choisi leur nouveau chef et que les choses risquaient de changer pour eux aussi, qu'ils allaient essayer de récupérer leur maison. Tahora espérait qu'ils réussiraient, mais son attention était surtout retenue sur la guerre de son propre clan. Kumpa rassemblait ses troupes, cela se sentait, tout le monde brûlait d'impatience. La mère de la fratrie était elle aussi d'humeur électrique, une certaine rage de vaincre brillait dans son regard. Tahora se sentait galvanisée par tant de force et en fermant les yeux, elle s'imaginait, adulte, courant sur la plaine, les griffes frôlant le sol, comme si elle pouvait s'envoler. Un jour elle serait utile pour Prideland, lorsqu'elle aurait cessé d'être une enfant, trop petite et trop fragile pour se battre et chasser. Une puissante détermination l'habitait, elle se sentait prête à gravir des montagnes.

En jetant un coup d’œil en contrebas, Tahora remarqua que la vie reprenait paisiblement son cours au Baobab après une nuit de sommeil pour tous les lions. Les femelles se préparaient visiblement pour partir trouver du gibier et en focalisant son attention sur elles, la petite féline parvint à trouver sa mère. Cela signifiait sûrement que sa fratrie était réveillée, et qu'elle allait donc pouvoir jouer avec eux. Tahora avait l'habitude de se lever tôt et de partir galoper tout autour du Baobab pour s'entraîner dès les premières lueurs de l'aube. Elle finissait toujours en panne d'énergie au petit matin, mais avec la sensation d'avoir convenablement occupé sa journée. En prenant garde à ne pas tomber, elle descendit de son perchoir et rejoignit la terre ferme avec une certaine satisfaction. Elle regarda ensuite autour d'elle et repéra aussitôt la silhouette familière de sa sœur Sahale. Se plaquant aussitôt au sol, Tahora glissa jusqu'à elle et lui sauta dessus en poussant un cri de joie:

- Sœurette ! Je t'ai eu !

Elle planta ses petits crocs dans l'oreille de Sahale et la tira en poussant des petits grognement combatifs. Elle n'avait pas autant d'atome crochu avec sa sœur qu'avec Sora, mais elle s'entendait tout de même bien avec elle, elles trouvaient toujours des bêtises à faire ensemble !

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Le regard pétillant de sa sœur indiquait à Tahora que cette dernière ne lui en voulait pas de cet assaut. Sahale avait un caractère bien trempé, toute la fratrie le savait et leur mère avait parfois du mal à canaliser toute cette énergie. De toute la famille, c'était peut-être elle qui détestait le plus leur père, elle éprouvait envers lui une réelle rancune, on aurait presque pu appeler ça de la haine. Tahora avait décidé, depuis le jour où elle avait appris la vérité, de renier son géniteur. Il ne faisait pas parti de sa vie, il n'en ferait jamais parti. Il ne lui manquait pas, et elle ne voulait pas entendre parler de lui. Il faisait parti du camp ennemi, il était méchant. Peut-être mourrait-il pendant la guerre. D'une certaine manière, elle l'espérait. Ainsi, il disparaîtrait à tout jamais et elle n'aurait plus à s'inquiéter. En effet, depuis leur naissance, les enfants de Nawapa étaient regardé tantôt avec compassion, tantôt avec méfiance. Ils étaient les descendants d'un mauvais lion après tout, et ils avaient des caractéristiques communes avec lui. Tahora et Sora n'avaient pas énormément hérité des traits physiques de leur géniteur, et Nedge n'avait que quelques marques qui rappelaient le Nyeusis. Mais pour Sahale, c'était une autre histoire... Peut-être était-ce pur cela qu'elle le détestait tant.

- T'as bien d'la chance que ce soit toi qui m'attaque alors que j'allais faire des choses importantes, hein ?!

La petite féline grisâtre éclata de rire devant les paroles de sa sœur. Elle avait beau prendre un ton mécontent, son expression montrait qu'elle n'était pas vraiment fâchée. Elle posa sa patte sur le visage de Tahora, dans une piètre tentative d'éloigner l'assaillante, mais cette dernière continuait de mordre l'oreille de sa victime, secoué de hoquets de rire. Des choses importantes à faire ? Mais que pouvait-il y avoir de plus important que de s'amuser ? Certes, Tahora accordait une importance crucial à son entraînement quotidien, mais ce dernier prenait toujours la forme de jeu, même si tout cela était très sérieux pour elle. Les adultes la regardaient encore avec amusement et bienveillance lorsqu'ils la voyaient déambuler dans la Lande, traquant les lézards et sautant sur les cailloux. Pourtant, lorsqu'elle serait devenue la meilleure chasseuse de Prideland, ils comprendraient l'importance de cet entraînement !

- Mais au fait, tu étais où ce matin ?

C'était au tour de Sahale de mordiller l'oreille de sa sœur, qui ne se débattait pas avec beaucoup d'ardeur. L'escalade du matin l'avait quelque peu fatigué, elle comptait préserver ses forces plutôt que de s'agiter tout de suite au risque de se vider de son énergie. Elle risquait d'avoir besoin de cette précieuse denrée au cours de la journée, surtout si elle passait cette dernière en compagnie de Sahale. Sa sœur était tout aussi dynamique qu'elle, comme beaucoup de lionceaux, et les deux félines partageaient bien une chose : l'ambition. Sahale rêvait de devenir une guerrière de renom et Tahora d'être reconnu comme la meilleure chasseuse du clan. Si elle s'entendait en effet d'avantage avec Sora, son frère ne partageait pas la fougue qui l'animait et ce désir ardent de devenir une lionne importante pour Prideland. Il était bien plus calmé et posé, malgré sa volonté de protéger sa fratrie et son clan.

- Je m'entraînais bien sûr, répondit-elle sur le ton de l'évidence. Comment deviendrais-je la meilleure chasseuse si je reste dormir des heures au Baobab ?

Elle repoussa Sahale et se remis sur ses pattes, ses prunelles brillants d'un éclat particulier. Son regard se porta sur l'horizon, là où la Vallée Abandonnée semblait ne pas avoir de fin, et son sourire devint rêveur. Atteindre la frontière que formait l'horizon... Voilà qui était un très bon entraînement pour aujourd'hui ! Elle se tourna vers sa sœur, la queue battant fougueusement l'air :

- Eh dis ! Viens on cours jusque là bas ! Jusqu'à l'horizon ! Je suis sûre que personne n'a fait ça avant ! Les grands arrêteront de nous voir comment des enfants si on fait un truc incroyable !

Cette idée lui paraissait effectivement excellente et Tahora estimait qu'il n'y avait pas un instant à perdre. Elles pouvaient très bien faire l'aller-retour dans la journée, elle en était sûre. Elle trépignait à présent sur ses pattes, attendant la réponse de sa sœur.

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Evidemment, comme Tahora s'y était attendue, Sahale était absolument emballée par cette idée. Les deux petites lionnes n'étaient pas sœurs pour rien ! Dès qu'ils s'agissaient de s'amuser ou de faire des bêtises, elles étaient sur la même longueur d'onde. La féline au pelage sombre faisait d'avantage tourner Nawapa en bourrique, notamment avec sa répartie souvent tranchante, et Tahora n'hésitait pas à s’éclipser, pour son entraînement bien entendu. Sa mère ne parvenait pas à la garder en place plus de quelques heures, et même temps la nuit, elle s'imaginait courant derrière des proies imaginares, ce qui la faisait s'agiter dans tous les sens, dérangeant parfois le reste de sa fratrie. Lorsqu'elle avait un sursaut d'énergie et qu'elle se réveillait, elle n'hésitait pas à aller se promener autour du Baobab, seulement éclairé par la lueur de la lune. Elle n'était pas particulièrement effrayé par l'obscurité, mais elle devait reconnaître qu'elle y voyait quand même sacrément moins quand le soleil ne brillait pas dans les cieux.

- Oh ouais ! Trop cool ton idée ! Qu'est-ce qu'on attend !

Il n'en fallu pas plus pour que Sahale se mette sur ses pattes et s'élance vers la fameuse barrière que formait l'horizon, visiblement bien décidée à commencer l'aventure sans attendre. Tahora ne comptait pas se laisser distancer, mais elle ne pensait pas que se mettre à courir dès le début soit une bonne idée. En réfléchissant un peu, on pouvait facilement deviner que la route jusqu'à l'horizon était tout de même assez longue, cela prendrait au moins quelques heures. Et si Tahora avait de l'endurance, elle n'était pas sûr de pouvoir courir plus de dix minutes sans être essoufflée. Peut-être valait-il mieux marcher au début, et ensuite finir le chemin en courant, pour savourer la victoire ? Enfin, elle avait aussi envie de galoper vers ce nouvel objectif, bien entendu, mais si elle voulait devenir une grande chasseuse plus tard, elle devait également apprendre à se servir de ses méninges et pas uniquement de sa force. Foncer tête baissée n'était pas très productif dans la plupart des cas, ses vaines tentatives pour attraper les lézards le lui avaient montré. Si elle essayait de leur sauter tout seulement dessus, ils perdaient leur queue et s'enfuyaient. Pour attraper un lézard, il fallait être malin. Tahora n'y était pas encore parvenue, mais elle y travaillait.

- LA DERNIÈRE ARRIVÉE DEVRA PRENDRE UN BAIN !

Les oreilles de la petite féline se dressèrent sur son crâne. Avec toutes ses intenses réflexions, elle en avait oublié sa sœur, qui avait déjà filé ! Elle était rapide, et avait déjà pris de l'avance. Tahora se dressa sur ses pattes aussitôt et s'élança à son tour, bien décidée à faire part de ses pensées à Sahale. Après tout, si c'était pour tomber de fatigue au bout de quelques minutes, elles n'arriveraient jamais au bout de leur exploit ! Pour réussir une telle épreuve, elles devaient se montrer plus maligne que les adultes, qui n'avaient, eux, jamais réussi à toucher l'horizon.

- Attends Sahale, attends !

La petite Pridelander fit un effort titanesque pour accélérer et se retrouver à la hauteur de sa sœur, espérant que cette dernière ralentirait à ses paroles. Elle avait seulement couru sur une vingtaine de mètres et son souffle était déjà court. Non décidément, aller jusqu'à l'horizon à ce rythme, ce n'était pas possible ! Elle s'arrêta, les pattes un peu tremblante, le cœur battant la chamade, la respiration haletante. Tahora secoua la tête, essayant difficilement de déglutir pour prendre la parole. Sa propre salive était en train de l'étouffer, mais elle parvint à lâcher quelques mots :

- On doit... Pfff... On doit marcher sinon... Pfff... Sinon on arrivera jamais... Pfff... Jusqu'à l'horizon !

Tandis que son rythme cardiaque se calmait un peu et qu'elle retrouvait son souffle, Tahora sentait que ses idées devenaient plus claires. Elle avait raison de s'être arrêté, leur mère aurait été drôlement fâchée de voir ses filles au bout du rouleau à seulement une centaine de mètre du Baobab. Et puis, ce n'était pas très glorieux.

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Par chance, Sahale s'arrêta enfin de courir et écouta ce que sa sœur avait à lui dire. Elle n'avait pas l'air d'apprécier sa remarque, mais elle acquiesça néanmoins et cessa de courir pour reprendre également son souffle. Une fois n'était pas coutume, mais la petite lionne grise faisait ce qu'on lui disait ! Tahora ne manquerait pas de le dire à leur mère une fois qu'elles seraient de retour au Baobab et qu'elles feraient le récit de leur aventure. Tout le monde serait sans doute impressionner d'apprendre que de si petites lionnes avaient atteint l'horizon, ce n'était pas une mince affaire après tout ! C'est qu'il était loin, cet horizon. Elles avaient parcouru une certaine distance, et il paraissait toujours aussi loin. Peut-être Tahora avait-elle mal évaluer le temps qu'il leur faudrait pour l'atteindre, une journée ne suffirait pas. Enfin, elles pouvaient toujours essayer, elles n'avaient rien à perdre. C'était parfait pour s'entraîner !

- Bon alors, on attends quoi ? Que l'horizon vienne à nous ? T'sais il va pas bouger, on f'rait mieux d'se grouiller !

Le ton pressé de sa sœur ramena Tahora à la réalité et la tira de ses réflexions. Elle semblait incapable d'attendre plus longtemps et sa remarque piqua la petite Pridelander. Cette dernière s'ébroua pour chasser la fatigue et la chaleur. La saison sèche ne durerait pas indéfiniment et bientôt la saison des pluies pointerait le bout de son museau. Ce serait la première qu'elle verrait, et elle avait hâte ! Sa mère lui avait parlé des orages, qui faisaient un bruit fracassant et beaucoup de lumière. Cela devait être à la fois beau et terrifiant, exactement ce qu'elle aimait. Elle avait déjà vu une averse bien sûr, mais jamais de fortes pluies accompagné de tonnerre. La saison sèche était toujours aride et elle avait été longue, cette année, disaient les adultes. Cette fois, ce fut le petit coup de patte de Sahale sur son épaule qui extirpa Tahora de ses rêveries.

- Eh, Taho....regarde là-bas, derrière toi, un peu à droite...voilà, tu l'as vu ?

Elle plissa les yeux et aperçu un mouvement dans les touffes d'herbes que lui montrait sa sœur. Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Ça bougeait vite, ce n'était visiblement pas très gros... Elle le vit plus nettement lorsqu'il changea de cachette. C'était un petit lézard ! La proie qui parvenait encore à échapper aux griffes de la grande chasseuse qu'elle était ! Pas question de la laisser filer cette fois encore, elle allait l'attraper et impressionner Sahale. Le regard toujours fixé sur l'animal, Tahora souffla :

- C'est un lézard. Je vais l'attraper, tu vas voir !

Sans attendre, elle se glissa alors, ventre à terre, vers sa cible, tout en prenant garde à ne faire aucun bruit. Sa queue fouettait l'air avec impatience et ses pupilles dilatées exprimaient toute son excitation. Sa langue passa furtivement sur ses babines et, alors qu'elle calculait la distance qui lui restait encore à parcourir, le lézard bougea sa tête triangulaire dans sa direction. Elle s'immobilisa mais trop tard, le reptile l'avait vu ! Il couru vers une touffe d'herbe, mais Tahora s'élança aussitôt et le captura entre ses pattes. Du moins, le cru-t-elle, car lorsqu'elle rouvrit sa prise, elle constata que seule la queue du lézard avait été prise au piège. Encore un échec !

- Mince ! Il m'échappe toujours, cette saleté de lézard...

Elle souffla, mécontente. Elle n'était pas fière de sa performance, et avait manqué une bonne occasion pour impressionner sa sœur. Tant pis, elle ferait mieux la prochaine fois. En attendant, il fallait se concentrer sur leur objectif initial. Tahora se tourna donc vers Sahale et déclara :

- Alors, on se remet en route ?

Bien décidée à garder sa fierté, la petite femelle entama la marche. L'horizon ne bougerait certes pas, mais la journée avançait, quant à elle, et le temps n'était pas infini. Autant ne pas perdre une seconde !

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Evidemment, Sahale ne semblait pas bien partie pour laissait la petite Pridelander tranquille. Cette dernière ruminait encore son échec et n'avait vraiment pas envie de subir les réflexions de sa sœur, qui avait toujours une remarque piquante à faire. Tahora plaqua ses oreilles contre son crâne lorsque la féline grise pris la parole, d'une voix moqueuse :

- Très jolie prise ma sœur, ah !

La tête rentrée dans les épaules, elle avança en ignorant sa remarque, un air renfrogné sur le visage. Elle songea qu'il fallait vraiment qu'elle lui cloue le bec dès qu'elle en aurait l'occasion, elle devait prendre sa revanche. Le jour où elle réussirait enfin à attraper un lézard, elle l'amènerait à Sahale pour lui montrer qu'elle était une chasseuse talentueuse, et elle n'oserait plus jamais se moquer d'elle alors. La fierté de la jeune lionne était touchée, sa détermination n'en était donc qu'amplifié. Elle comptait bien réaliser son rêve, c'était ce qui la faisait vibrer chaque jour un peu plus, et y entrait désormais une dimension de compétition. Si sa sœur doutait de ses compétences, alors elle ferait le nécessaire pour lui prouver qu'elle avait tord. Heureusement pour elle, Sahale ajouta, comme pour apaiser l'égo de Tahora, qui boudait toujours :

- Mais c'est un lâche ce truc. Il perd sa queue pour se sauver la vie, c'est pas du jeu !

La jeune Pridelander était bien d'accord, mais elle se garda de faire une réflexion, sa fierté toujours piqué au vif. Elle redressa un peu la tête, le menton relevé, et poursuivit sa route, sans ajouter un mot. Les deux enfants marchèrent donc durant quelques minutes, s'éloignant de plus en plus du Baobab, et se rapprochant de l'horizon. Enfin, c'était du moins ce que Tahora espérait, mais elle avait la fâcheuse impression que l'horizon s'éloignait d'elles à chaque pas qu'elles faisaient dans sa direction, ce qui était quelque peu contraignant. Elle commençait à se demander s'il était réellement possible d'atteindre l'horizon, lorsqu'elle remarqua une ombre au-dessus de sa tête. Tahora leva les yeux, et remarqua qu'un gros volatile planait non loin d'elles, tournant en rond d'un air inquiétant. Sahale ne semblait pas rassuré non plus.

- Lui au-dessus il n'a pas l'air très...

Le rapace ne laissa pas la petite féline finir sa phrase et fondit sur elles, en poussant un cri percent. La peur glaça un instant la jeune Pridelander, mais elle se ressaisit bien vite pour bondir. Elles évitèrent de justesse les serres de l'oiseau, cherchant aussitôt un endroit où se réfugier. Sahale tenta de tenir tête au volatile, mais ce dernier était bien trop gros pour elle, cela ne faisait aucun doute. Tahora allait lui venir en aide, lorsque sa sœur tourna la tête vers un arbre solitaire qui trônait dans la lande, et se dirigea vers lui en s'écriant :

- Là-bas Taho, entre les racines de l'arbre !! Viiiiiiiiiiiiiiiiite !

Sans attendre davantage, la lionne s'élança derrière sa sœur, le cœur battant à tout rompre. Elles n'allaient pas tarder à être réduites en charpies si elles ne se dépêchaient pas, et si personne ne leur venait en aide. Elle se jeta sous les racines en grattant fiévreusement la terre pour se créer un passage. Tahora sentit le désespoir la gagner lorsqu'elle vit le rapace essayait de les atteindre à l'aide de ses serres, en poussant des cris terrifiants. La situation se renversa en un instant, avec l'apparition miraculeuse de Nawapa, qui s'attaqua sans une once d'hésitation au volatile, le frappant de ses puissantes pattes. Le soulagement gagna aussitôt Tahora, car elle avait pleinement confiance en sa mère, cette dernière était une guerrière formidable, il n'y avait aucun soucis à se faire. Et en effet, il ne fallut pas longtemps à la grande lionne pour mettre le rapace à terre et le tuer, sous le regard admiratif de sa fille. Nawapa s'attela aussitôt à faire sortir sa progéniture des racines, et les regarda avec inquiétude.

- Il ne vous a pas fait de mal ?

Tahora sentit toute la peur s'évaporer, mais elle était encore tremblante, sous le choc. Elle alla se blottir dans les pattes de sa mère, oubliant toute sa fierté. Elle avait beau être une future grande chasseuse, elle restait une enfant qui venait de vivre une grosse frayeur, et qui avait besoin du réconfort de sa maman. La gorge nouée, elle se contenta de secouer la tête pour répondre à la question qui venait de leur être posé. Une fois qu'elle fut apaisé, elle pu lever les yeux vers Nawapa et lâcha, d'une voix un peu chevrotante :

- T'es la meilleure maman, l'oiseau avait aucune chance contre toi. Plus tard je veux être comme toi, aussi forte.

Elle renifla, retrouvant un peu de sa fierté habituelle, ne voulant pas passer pour une trouillarde devant sa sœur. Elle ne pu s'empêcher de regarder dans le ciel, guettant une nouvelle menace. Tout était cependant redevenu calme, il n'y avait aucun prédateur en vue.

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