Il s’éloignait d’un pas vif et décidé loin du petit groupe. Il ne tourna pas même la tête pour voir si sa mère lui avait, ou non, emboité le pas. Il n’était même pas sur d’avoir envie qu’elle le rejoigne. L’enfant n’était pas triste il était en colère. Il avait pour habitude de se vexer ou de prendre la mouche mais il était rarement gagné par la rage, surtout à un degré tel. Il était dans un état de bouillonnement intense et aurait put tuer quiconque se trouvait sur son passage. Bien évidemment, pour l’instant, il n’était en capacité de tuer personne, ou alors une petite souris à la limite… Cela dit, ça ne l’empêchait pas d’avoir des désirs meurtrier à l’heure qu’il était. Ses pas étaient lourds sur le sol et son regard était plus noir que jamais. Il était énervé contre cette famille qui ne voyait en lui le fils de… rien, ou si, le fils de quelque chose mais quoi donc ? Voilà aussi une des raisons pour lesquels l’enfant était fâché. Si encore il connaissait le fin mot de l’histoire, peut être pourrait-il, alors, passé à autre chose, se faire son propre avis sur cette situation mais là il ne savait rien, rien du tout.

Il se doutait bien que Kuzali ne lui en avait pas parlé pour une raison bien spécifique, et lorsqu’ils étaient allé tout deux se promener elle avait fait de ce fameux père un portrait peu élogieux dans lequel Sadaka avait cru se reconnaitre. Ca n’avait été qu’un quiproquo, un malentendu, mais il avait vite compris que ce mystérieux animal n’était pas le bienvenu dans la vie de Kuzali. Bon, à la rigueur, mais en quoi cela regardait Samekh et sa famille, non, en quoi ça regardait la terre des lions TOUTE ENTIERE. Car oui, tout le monde semblait au courant, tout le monde sauf lui. Ca allait des ses proches aux lions du baobab qui ne pouvaient s’empêcher de le regarder de travers. Il se sentait profondément humilié, à présent il ne pouvait plus faire l’autruche. Il avait essayé d’être calme et compréhensif face à Kuzali - chacun son histoire et ses secrets après tout, mais là ça n’était pas seulement le secret de sa mère c’était une réalité que tous connaissait, de loin ou de près, et dont ils semblaient vouloir l'écarter le plus possible.

Sacrifice, alors Kuzali, quel est ce fameux sacrifice ? Quel est ton histoire et de quelle type d’union suis-je le fruit ? Qui sont ces Nyeusis tant haïs de tous et pourquoi leur suis-je si semblable aux yeux des lions ?

Il se mettait à connecté les pièces du puzzle, petit à petit, la rage au ventre. Une espèce de frénésie intellectuelle le pris, comme si il se posait enfin des questions. Finalement il aurait peut être put s’en rendre compte plus tôt, il aurait vite établi des liens, chercher des pistes, trouver des réponses mais il ne l’avait jamais fait car, tout simplement, il n’en avait jamais eut envie. Il avait envie de croire en Kuzali et c’était tout, pourquoi eut-il fallut qu’elle se taise ? Pourquoi lui avoir fait endurer le lourd silence et les jugements incessants ? Il ne lui en voulait même pas, il était juste… perdu.

Lui qui prêchait l’intellect et la connaissance se voyait alors le dernier au courant. Même ce Tadji de malheur semblait plus renseigner sur les gènes de Sadaka que le principal concerné, ça en était presque risible. Et il fallait qu’il s’en vienne ici, prince roi, pour fanfaronner ses idioties et semer la zizanie dans leur « confort » familial. Le lionceau se mit alors à courir, essayant d’aller loin, le plus loin possible. Il aperçu un arbre et ni une ni deux il était déjà perché en haut, regardant s’éloigner un troupeau de zèbres. Sa … famille ? Etait-ce vraiment ce qu’ils étaient finalement ? Hormis Ishana et Samba le petit ne s’était jamais senti à l’aise, et certainement pas intégré. Avait-il seulement était paisible auprès d’eux ? Non, il l’était uniquement quand sa mère était de passage avec eux, là il était aux anges, mais une fois la lionne partie en excursion il se retrouvait seul face à ces deux grands juges que représentaient les deux vieux mâles, ses deux cauchemars…

Toujours furieux, il se redressa et se mit à rugir - cela ressemblait plus à du miaulement mais il le fallait, il avait besoin d’extérioriser. Vomir tout ce qu’il avait à cracher à la face de ce monde qui le tournait en ridicule, il était la risée de tous. C’était juste… insupportable.

Il ne s’attendait pas à ce que sa mère le rejoigne. Non seulement par ce qu’il venait de quitter une réunion de famille en plein milieu - chose qui était loin d’être polie mais là… - et en plus car elle avait bien vu qu’il était en colère et, généralement, elle préférait le laisser tranquille dans ce genre d’instant. Quoi de plus logique, en rien elle ne devait être désireuse de recevoir les foudres de son fils, c’était tout bonnement naturel, mais cette fois ci la discussion devait avoir lieu semblait-il. Depuis leur retour ils n’avaient plus parlé de ça et Sadaka n’avait pas essayé de creuser plus loin, fallait croire que tout se retournait contre ce fameux secret et que personne n’était désireux de le laisser enfoui dans la pénombre.

La lionne était en bas, lui demandant de descendre, l’air grave. Le petit jeta un oeil en direction de la femelle et se plia aux désirs de sa mère. Ils savaient tout les deux la conversation qu’ils étaient sur le point d’avoir et ça risquait d’être long. Cependant, Sadaka descendait de l’arbre avec une sorte de légèreté. Il avait pleinement conscience que cette discussion allait être rude - il n’imaginait même pas à quel point - mais il savait qu’au moins, après, tout serait dit. Les mensonges disparus et la vérité dans ses pattes il serait enfin apte à comprendre les regards, cette guerre, ces révoltes, Kumpa même, peut être… Oui, il n’en ressortirait que plus fort et c’était, pour le moment, ce qui comptait le plus aux yeux du petit.

Il se posta droit devant sa mère, bomba le torse. Il craignait ce qui allait se produire comme on craint une gifle qui est sur le point d’arriver. Cependant, il était grand maintenant, et, comme il l’avait plus ou moins prouvé, il apprenait à se raisonner face aux informations qu’il pouvait recevoir. Il avait eut du mal à digérer les dires de Kuzali à propos de son père, mais face à l’annonce de son idylle avec Kumpa il avait réussi à prendre sur soit et ça avait ravi la lionne dorée.

Il aurait put s’approcher d’elle, se blottir à ses côtés afin de la soutenir. Il ne le fit pas. Il voulait la voir, fixer ses grands yeux - si similaires aux siens - tout le long, découvrir l’émotion dans son regard et lire entre les lignes. Elle était là, lui en face, ils étaient deux individus qui allait simplement discuter dans le plus grand des calmes. Sadaka ne dirait rien, il allait simplement écouter, tel un disciple prêt à recevoir l’aveux ultime de son maitre. L’ingrédient phare, l’élément clé. Il n’avait jamais questionné sa mère, elle non plus, mais tout leur univers semblait faire en sorte qu’ils en parlent un jour ou l’autre alors qu’eux n’avaient finalement rien demandé.

L’univers était une drôle de chose, comme quoi même dans la plus parfaite des relations les astres qui la parsemaient se voyaient des plus influents. Sans Samekh, sans Tadji, sans les félins aux gros yeux Sadaka n’aurait jamais voulu que Kuzali lui en parle, il n’en avait pas besoin. Mais au fur et à mesure que le temps passait il se voyait confronter à l’autre et à ce que ces rencontres représentaient. Voilà, maintenant l’autre l’avait happé et il se voyait prit dans le tourbillon, pareillement pour sa mère. Il prit une grande inspiration et dit simplement, en guise d’introduction :

« Je suis prêt, je t’écoute. »

Sa mère semblait elle aussi prête. L’était-elle réellement ou n’avait-elle juste plus le choix ? Peu importait, elle se dressait là et les mots commençaient à sortir doucement, comme une sentence. Elle voulait parler du début, il ne disait rien, hors de question de l’interrompre. Ce moment était celui de Kuzali et elle ferait les choses comme elle les sentirait. Elle trouverait le rythme à sa confession, une mélodie à ses mots et une honnêteté morose à son porté. Elle le ferait bien, Sadaka avait foi en sa mère. Bien que la confiance fut ébranlée, il ne pouvait lui en vouloir entièrement, jamais, il l’aimait trop pour ça.

C’était plus qu’eux alors, plus qu’une entité, la terre des lion était dans un crise globale. Il savait ça, dans les grandes lignes cela dit, et il se demandait un peu où elle voulait en venir. Oh oui, Theluji, Rono lui en avait déjà parlé quelques fois et il avait vu dans son regard la tristesse. Il avait perdu un être cher. Nyeusis, on en parlait enfin, donc les fameux monstres qui avaient tout raflé. Ce qui suivit ne ravi pas l’enfant. Kumpa avait été lâche une fois de plus, comment pouvait-elle continuer d’aimer un être qui préfère envoyé quelqu’un d’autre à la potence ? Sadaka avait beau avoir ses soucis avec Samekh il savait que, lui, aurait eut le cran d’interdire à Kuzali d’aller là bas ! Le lionceau bouillonnait de l’intérieur contre ce bellâtre à couronne. Ce qui suivit passa très vite, Sadaka avait plus ou moins compris où sa mère voulait en venir au fur et à mesure que le récit de sa mère prenait forme. Elle avait triché et sauver les rescapés. Elle avait été une héroïne et c’était surtout ça que le petit retenait. Il ne voulait voir en sa mère une menteuse, elle avait simplement été soumise aux caprices d’un lion mauvais et puissant. Elle n’avait put lutter, il avait juste été plus fort. Fils de Nyeusis, ça sonnait mal mais ça sonnait vrai, il n’était pas fâcher contre elle, ni même contre eux. Ils étaient de mauvais lions, et ça tout le monde le savait, non le vrai coupable dans tout ça n’était que Kumpa et ça, il le digérait très mal.

L’enfant ne dit rien pendant un bon moment, elle savait qu’il avait a digérer et lui le prenait ainsi. Après quelques instants il se leva pour venir se blottir contre sa mère. Il avait évité son regard mais avait besoin de la rassurer. Après tout, elle était celle qui tremblait le plus des deux.

« Merci maman… »

Simple et empli de véracité le petit se mit à la câliner doucement. Il ne lui en voulait pas, jamais, il était trop heureux de cette confiance qu’elle lui accordait ainsi que la façon dont, lui, ingérait tout ça. Il n’avait pas envie de pleurer, il ne se sentait même pas frustré de savoir qu’il était le fils du diable. Peut être disait-il ça maintenant car ces fameux Nyeusis restait pour lui des légendes sans visages, des mythes, des contes. Il ne disait pas que sa mère était une menteuse, loin de là, il avait juste du mal à se rendre compte de ce que ces lions dégageaient réellement. Peu importait réellement, il comprenait à présent les airs intrigués, les regards inquiets et surtout la peur qu’il pouvait infliger chez certains, et il voyait à quel point certains lions pouvaient être stupides et dénués de sens et de réflexion. Il se sentait si… léger.

« Merci de me faire confiance et… je sais que tu avais peur mais … je crois réellement que c’est mieux comme ça. » Il daigna enfin offrir à sa mère un regard, regard qu’il agrémenta même d’un sourire paisible. Il inspira un peu, afin de se donner un air un peu grave et prendre le sujet sous un angle un peu différent - et surement inattendu pour Kuzali.

« Cela dit je déteste ce lion que tu dis aimer ! Qui est assez lâche pour faire ce qu’il a fait ? Je sais bien, peut être que sans tout ça je ne serait pas là et la Reine encore à leur merci mais il me dégoûte à l’heure qu’il est et toi aussi tu le sais que c’était mal de sa part, et je suis sûr que c’est pour ça que tu n’as pas prévenu Samekh, tu savais qu’il allait te retenir ! On ne veut pas de mal aux gens qu’on aime, pour moi ce Kumpa ne t’aime pas, il t’a envoyé à la mort ! » Il s’emportait un peu mais en rien il ne blâmait sa mère - si ce n’est de l’aimer encore. Il aurait tant aimé se retrouver en face de ce Prince là, tout de suite, et lui en coller une bonne !

Lui qui espérait l’avoir convaincu avec ses roulements d’épaules et ses sourcils froncés, il s’était fourré la patte dans l’oeil. Sa mère n’en démordait pas, et pas question d’abandonner la romance pour des histoires de… lâcheté ! Non, si sa mère ne voulait pas voir qu’elle avait choisi le dernier des lions avec qui il aurait voulu la voir, lui n’abdiquerait pas sur le fait qu’il aurait dut la retenir. Quelle inconscience. Bien sur, elle avoua à son fils que si elle n’était pas parti, il n’aurait jamais vu la lumière du jour. Soit, elle n’avait pas tout à fait tort sur le point, d’ailleurs, cette partie là était encore assez sombre. Cela dit, il ne releva pas, il ne devait pas être au courant de tous les actes de sa mère, surtout ceux qui n’étaient pas de son âge… Kuzali, dans un réel désir de convertir le lionceau, lui avoua qu’au début elle n’était pas très emballée - normal - et qu’avec le temps lui aussi apprendrais à s’y faire. Il fit la moue. Il n’avait pas du tout envie de changer d’avis. Il soupira un peu puis voulu marcher un peu quand ses pattes se mirent à trembler un peu. Il se sentit faible tout d’un coup. Ne sachant trop ce qu’il lui arrivait il décida de s’allonger un peu. Ses paupières étaient lourdes et il comprit vite ce qu’il se passait.

Ayant fait beaucoup d’effort pour écouter, intégrer et accepter la dure réalité, il se prenait le retour de balle. Son mental prenait le dessus sur son corps et voilà que tout le poids du monde semblait se poser sur ses épaules pour l’écraser peu à peu. Sa tête se posa sur le sol poussiéreux et il déclara, solennel :

« Je vais dormir un peu maman… » Il ne tenait pas à se justifier, il était si fier de sa réaction qu’il ne voulait pas tout gâcher au dernier moment. Celle ci allait comprendre.

Le coeur de l’enfant était gros. Il était à présent conscient de ce qu’il était, d’où il venait. Il était… le fils d’un… A cette pensée il déglutit. Nyeusis. Est-ce que ça faisait alors de lui un de ces grands lions que tous craignaient ? Bien sur qu’on avait peur de lui, tout semblait si évident à présent, comme si le noeud était enfin défait et que tout coulait tout seul. Il eut un petit frisson cependant. Tu vois Tahora, tu n’es pas seule dont le père est… un monstre. Pourquoi, cependant, la jeune lionne tenait tant à le voir mort ? Lui n’envisageait pas ce funeste désir. Kuzali lui avait dit qu’elle avait aimé ce lion, était-il si mauvais ? Si condamnable ? Bien que son corps ne réclame que le répit nécessaire son cerveau réfléchissait et tournait à mille à l’heure.

Les prochains jours seraient longs.

//Fin pour moi //