Mes pas étaient fermes et déterminés. Après tant de temps passer à se cacher, il était temps de sortir sous la lumière du jour et me montrer. L'humiliation était toujours présente et la colère ne s'était pas atténuée avec les semaines mais rien ne changerait en restant dissimulée dans l'ombre. Il fallait se relever et devenir plus fort. La naissance de mon fils était parvenue à apaiser mon cœur et c'était la tête haute que je marchais vers le baobab. J'avais deux rencontres importantes à faire : la première étant celle de Kumpa et la seconde celle de Malkia. Si je souhaitais voir la reine pour prendre officiellement de ses nouvelles, je cherchais aussi le réconfort que sa présence avait su m'apporter. Notre relation était parti d'un mauvais pied mais les choses avaient changé depuis notre séjour chez les Nyeusis. Ce regard que je portais sur elle n'était plus le même. Kumpa serait sûrement enchanté de l'apprendre... Je ne l'avais pas encore revu depuis la libération des prisonniers et il était temps de réparer cet impair. Officiellement une visite de courtoisie mais officieusement, je voulais savoir où avait œuvré le mâle pendant mon absence. Il était impensable que les Nyeusis restent impunis de leur crime.

Ayant franchis les frontières du Baobab, je fus rapidement repéré par un patrouilleur. Réfugiés en compagnie des Mositus, il était normal que les Pridelanders assurent une sécurité permanente autours des deux clans réunis. S'approchant prudemment de moi, le lion m'observait d'un air méfiant

« Mon nom est Kuzali, exilée des Terres du Soleil. Je cherche le prince Kumpa. »

A l'entente de mon nom, son expression changea brutalement et je ne pu cacher ma surprise. D'étranges rumeurs s'étaient donc propagés à mon égard ? Mes sourcils se froncèrent sans trouver le fin mot de l'histoire. Je n'aimais pas vraiment ce genre de choses, d'autant plus lorsque j'en étais la cible. Si cela avait un rapport avec ma pseudo relation avec Mopanga, ma colère serait bien grande à supporter pour ce lion. Néanmoins il n'en fut rien et le garde frontière se plongea dans des excuses confuses, le regard fuyant.

« Je me hâte d'aller prévenir le prince de votre présence ! »

D'un hochement de tête hésitant, je laissa le lion s'éloigner à coup de grandes foulées. Quel comportement étrange... Après un bref soupir, je m'avança un peu plus sur le territoire afin d'éviter à Kumpa un trop grand déplacement.

Le soleil avait d'ores et déjà commencer sa descente vers l'horizon et un vent doux soufflait contre mon pelage. Une jolie teinte orangée colorait la savane et le décor en semblait transformé. L'astre solaire prenait toujours soin de soigner ses entrées comme ses départs. Prenant place sur une petite colline, j'observais la lointaine course du soleil qui saluait la savane de ses derniers rayonnements chaleureux.

Englobée par les rayons majestueux du soleil, la silhouette du prince se dessinait progressivement, devenant plus distincte en mesure de ses foulées. Il semblait pressé et un sourire discret étira un côté de mes babines. Il semblait bien se porter et même... plus adulte. Ses pas se firent moins pressés lorsqu'il arriva enfin à ma hauteur et d'une voix dont le soulagement se faisait sentir, il me salua chaleureusement. Le lion semblait agité et sa confusion était presque attendrissante.

« Allons bon, tu ne pensais pas me revoir ? Je suis pourtant bien de retour. » répondis-je dans un léger sourire.

Quand bien même la souffrance endurée et les nombreuses séquelles psychologiques, j'étais bel et bien rentrée de mon périple. Nous avions bien des choses dont il nous fallait parler mais chaque chose en son temps. Avant d'aborder des sujets plus sérieux comme les Nyeusis et mon désir de revanche, je préférais prendre des nouvelles de Malkia que je n'avais pas revu depuis notre évasion. Bien que j'avais rencontré Kumpa en priorité, nul doute que je reviendrais pour parler avec la reine. Qui l'aurait cru...

« J'ai finalement pu honorer ma promesse... Comment se porte ta mère ? » demandais-je alors, le ton doux.

J'étais heureuse de ne plus voir cette mine abattue sur le visage de mon ami qui semblait aller mieux, comme si un poids lui avait été enlevé. Son malheur avait été l'une des raisons qui m'avaient poussé à partir, je ne pouvais rester aveugle à la détresse de ceux qui m'était cher. Un fin soupir s'échappa d'entre mes crocs tandis que mon regard se portait vers l'horizon teinté de couleur chaude d'été. C'était avec lui que toute cette histoire avait commencé et le revoir signait la fin d'un chapitre sombre et déplorant de mon existence. Peut-être le revoir était ce dont j'avais besoin pour m'aider à tourner la page.

Les paroles du prince me rassuraient car bien que ces images ne nous quitteraient jamais, il fallait se redresser pour combattre et crier vengeance. Leurs atrocités ne seraient pas pardonnés et je comptais sur Malkia pour se dresser face à ces lions noirs et reprendre ce qui était sien et qui bientôt serait l'héritage de son fils.

« Autrefois je pensais ta mère lâche et aujourd'hui je le regrette, c'est une lionne brave et digne de son rang de reine. Qui aurait cru que nous finirions par bien nous entendre... » ajoutais-je avec un petit sourire amusé.

Mon regard se détourna de l'horizon orangée pour contempler le lion doré qui me gratifiait de ses sincères remerciement. L'espoir et l'admiration... suscitais-je vraiment de tels ressentis chez les Pridelanders ? Je n'étais pourtant pas un exemple à suivre... Quand bien j'avais pu accomplir ma promesse faite au prince, nombreux sacrifices avaient été nécessaires. Celui que l'on admirait ne devait-il pas être fier et brave ? Je n'avais rien été de tout cela mais plutôt humiliée et ces nombreuses larmes qui avaient coulés n'étaient que faiblesse. Ils admiraient une lionne que je n'étais pas. Quelles sortes d'images s'étaient-ils fait de moi, celle d'une guerrière brave qui n'avait jamais perdu son mordant pour mener à bien sa mission ? Ils ignoraient à quel état Mopanga m'avait rabaissé... Seules Malkia et les prisonnières connaissaient la triste histoire du Soleil devenu Ombre.

Ne cessant ses honneurs, Kumpa poussa la chose jusqu'à dire que mes exploits étaient clamés. Un rictus amer étira mes traits tandis que je plongeais à nouveau mon regard vers le soleil couchant. Je n'avais pas agis comme un héros mais comme un serpent. D'abord sans scrupule, je m'étais servie de Mopanga pour approcher les Nyeusis et avaient manipuler ses sentiments pour me tenir toujours plus près de mon but. J'avais été infecte... je n'oublierai jamais son regard la nuit où j'avais misérablement échouée à libérer Malkia. Il pouvait y avoir ces histoires où l'on chantait mon nom mais il n'y avait rien à chanter sauf peut-être la blessure profondément encrée dans le cœur d'une lionne.

« Il n'y a rien à clamer, je n'ai fais que tenir une promesse faite à un ami. » me contentais-je de répondre la voix basse.

Bien sur j'étais touchée par la reconnaissance des Pridelanders mais je ne pouvais l'accepter, pas tant que je continuais d'être assommée par la honte. Leur admiration se transformerait tôt ou tard en dégoût lorsqu'ils apprendront l'existence de Sadaka. Après un bref soupir, je repris d'une voix plus assurée :

« Je ne recherchais pas la reconnaissance de tout un peuple. Malkia est désormais auprès des siens et c'est là le primordial. »

La gêne peut-être, je ne souhaitais pas être étiquetée comme quelqu'un que je n'étais pas. La place d'un exilé n'était pas aux cotés du soleil mais aux côtés de l'ombre, nous n'étions pas fait briller mais peut-être cette soudaine reconnaissance pourrait changer leur regard sur ceux qui partageaient mon rang maudit... Exilé n'était qu'un titre, cela ne définissait pas le lion. Samekh, Rumple, Hofu et Hatari... ils n'étaient pas plus mauvais que d'autres lions que j'avais pu connaître et tous subissaient les douleurs de leur exil. C'était de bonnes personnes et ils n'avaient pas à porter le jugement infondé d'autrui. Certains individus étaient condamnés à rester dans l'ombre par l'image que l'on se faisait d'eux mais rien n'était justifié. Il y avait ces héros dont on louait les mérites et ces autres héros masqués que l'on oubliait mais qui apportaient tout autant de bien à la communauté.

« Si les Pridelanders m'admirent, ils devraient aussi admirer une jeune hyène du nom de Makeo. Sans lui rien n'aurait été possible, il m'est venu en aide plus d'une fois... C'est son nom qui doit être clamé, pas le mien. »

Le regard un brin douloureux, j'observais le prince doré avec un faible sourire aux babines. La hyène n'avait pas hésité à se jeter ses griffes sur Mopanga lorsque le Nyeusis m'avait retrouvé après mon évasion... Il n'avait peut-être pas était celui qui avait fait fuir le lion ébène mais il m'avait permis de gagner du temps jusqu'à l'arrivée d'Uhucha. Mon cœur se serra une nouvelle fois en pensant à mon ex-compagnon, qu'était-il devenu ? L'ignorance me faisait souffrir mais j'étais la seule à blâmer. Trop honteuse, j'avais été la seule à soutenir ma décision de partir. Mon cœur et ma raison s'était une fois de plus confronté mais la raison en était sortie victorieuse. Sa présence me manquait mais je pouvais au moins contempler nos souvenirs un sourire aux babines car ils avaient été heureux et sources de bonheur.

A l'annonce du prince, mon regard se fit tendre tandis qu'un doux sourire illuminait mes traits. Ils étaient tous sain et sauf... Cette nouvelle me réjouissait bien que j'aurais préféré apprendre qu'ils avaient d'ores et déjà retrouvé leur famille. Sans doute Kumpa espérait obtenir une alliance de la part des hyènes en leur rendant leurs chiots. Nul doute qu'ils étaient attendus par leurs parents.

« Voir mes amis sourire est ma seule récompense. » répondis-je au prince.

Privée de ma famille, ces derniers représentaient tout ce qu'il me restait et je les chérissais tous autant qu'ils étaient. Ne disait-on pas que les amis étaient notre seconde famille ? Un beau sourire étirait à nouveau les babines du lion et la flamme de l'espoir avait reconquéri son cœur. Les Nyeusis ne sortiraient pas vainqueurs deux fois de la même bataille.

D'un ton signe de grande annonce, Kumpa se fit mystérieux quant au fond du sujet mais ses pensées m'étaient parvenus aussi répondis-je à ce vieux dicton par un plissement des yeux, signe de mon entente.

« Je me doute bien que tu as œuvré pendant mon absence. Bientôt nous ferons tomber les Nyeusis ainsi que leur régime de terreur et en cela tu retrouveras ta terre promise et je pourrais enfin faire la paix avec moi-même. »

Plus que quiconque nous souhaitions leur chute et ce serait avec détermination que nous œuvrons dans ce but. Des tyrans régnaient d'ores et déjà sur la Terre des Lions et ces maîtres de l'Ombre étaient de trop. Le temps de les chasser approchait à grand pas.

« Honores ta promesse comme j'ai honoré la mienne. »

Ma voix était calme mais mon regard brillait de détermination et pourtant sous cette force luisaient des signaux de détresse semblable à des appels au secours. Seule leur mort pourrait apaiser ma colère car tout ce mal qu'il avait occasionner comme mal ne pouvait être pardonné.

« Dis moi, j'aimerais savoir qui tu as rallier à ta cause. » questionnais-je, légèrement intriguée.

Le lion doré avait su rallier bien des lions à sa cause, Prideland n'était plus seul. Il était même étonnant que les Outlanders qui avaient combattus aux côtés des Nyeusis soutiennent désormais le prince. Je ne leur faisais pas vraiment confiance mais ne remettais pas pour autant en doute le choix de Kumpa. Il savait ce qu'il faisait, du moins je l'espérais. Une fois de plus les Nordiques se battraient à nos côtés... étrangement cette nouvelle ne me réjouissait guère. La fibre combative de leur soldats avait d'ores et déjà été prouvé et cela avait même coûté la vie à Theluji. Devraient-ils souffrir de nouvelles pertes pour une bataille qui n'était pas la leur ? Lancé dans sa détermination, Kumpa voulait également s'allier avec les hyènes et les Mositus.

« En leur rendant leurs chiots, nul doute qu'elles te verront d'un autre regard. Ils représentent l'espoir d'une trêve entre hyènes et lions. Quand aux Mositus, ils se sont également réfugier au baobab, la cohabitation a du créer des liens entre les deux clans mais j'ignore si des lions réputés pacifiques rejoindront une guerre qui n'est pas la leur. Ils n'ont rien à gagner, leur terres se trouve dans le désert. »

Si les Mositus devaient se concentrer sur une bataille, c'était bel et bien celle des Jangowas. Ces lions du sable étaient leur ennemis, pas les Nyeusis. Mais peu importe qu'ils soient compter dans les rangs ou non, Kumpa s'était d'ores et déjà assurée une belle suite de combattants.

« Une contre-attaque de cette ampleur doit être longuement réfléchie et préparée, presser l'affrontement n'est pas la solution. »

Quand bien même mon désir de revanche était ardent, il me fallait être patiente. Mon souhait ne serait pas assouvi du jour au lendemain et j'ignorais combien de temps il faudrait attendre.

« Ne t'excuses pas, tu t'es surmené pour créer une alliance d'une ampleur colossale que la Terre des Lions n'avait encore jamais connu. La patience saura récompenser tes efforts. »

Un sourire se dessina sur mes babines tandis que j'observais le lion doré. Il n'avait pas chômé et ses nouveaux alliés en étaient la preuve. Tous ces efforts étaient dignes de ceux d'un Roi et c'était cette particularité qui avait fait que Kumpa avait su comment rallier tous ces lions à sa cause. C'était admirable, les Nyeusis ne s'attendaient certainement pas à cela. Le souvenir d'une rencontre inattendue surgit dans mon esprit et un sourire aux babines, je m'adressa de nouveau au prince, le ton plus enjoué :

« Hum j'y pense, j'ai reçu la visite d'un certains lycaon du nom de Fleck... Tu t'inquiétais donc de mon sort ? » demandais-je un brin amusée avant de continuer d'un air plus sérieux : « Bien que j'ai piqué une légère colère sur le moment, voir mon ami m'a fait le plus grand bien. Ce quotidien aux côtés des lions noirs n'était pas simple aussi voir son sourire était une véritable aubaine. Merci de l'avoir envoyé. »

Ce moment passé avec mon vieil ami m'avait permis de m'évader de ce quotidien sombre mais également d'en apprendre plus sur les peines de cœur du lycaon. Je me demandais s'il avait revu cette Saïka...

Sans le montrer, j'étais touchée par les confessions du lion doré. Je n'aurais jamais songer à l'avoir tant inquiété. Un bref sourire étira mes babines tandis que je dévisageais le lion d'un regard doux. Fleck était très attaché à ses amis et malgré sa force inférieure à celle d'un lion, il savait faire preuve d'une grande bravoure. Loin de le détester, Fleck avait simplement du être inquiet aussi répondis-je au prince que je ne doutais pas de leur futur rapprochement. Ces deux-là avait en commun un grand courage et leurs caractères n'était pas si éloignés, ils en viendraient certainement à s'entendre. Alors que mes pensées s'égaraient vers mon ami de toujours, les récentes paroles du prince m’ôtèrent toutes réflexions ultérieures à l'instant présent. Les yeux ronds, je contemplais le mâle d'un air interdite.

« Je... je ne sais pas quoi dire. » bredouillais-je finalement, le regard fuyant.

C'était tellement inattendue que j'en avais perdu les mots. Une vie plus sereine disait-il... Le serait-elle vraiment ? J'étais une exilée, l'apprentie de Samekh ce lion du feu qui avait tué le Roi mais également une puterelle des Nyeusis, comment pourraient-ils m'accepter ? Quand bien même j'entretenais une relation amicale avec Kumpa, ce n'était pas le cas avec tous les Pridelanders. Jamais un exilé n'aurait bouder une telle offre et pourtant... je n'avais que trop de raisons de refuser.

Un peu gênée, je grattais le sol de mes griffes. Sans doute était-ce la première fois que le prince me voyait retranscrire une telle émotion et j'espérais ne pas faire tomber un mythe mais c'était tellement soudain. Quand bien cela était une proposition alléchante, elle ne me convenait pas. Ma route était déjà tracée et elle était aux côtés de Samekh et sans lui, je n'irais nul part. Notre famille recomposée pouvait sembler atypique pour certains mais elle était très précieuse à mon cœur. Ma place était à leurs côtés.

« Une telle proposition me va droit au cœur, Kumpa. C'est... c'est une aide inespérée et je ne peux être que touchée de ton intention mais je me vois contrainte de refuser. » dis-je la voix franche puis laissant planer un petit silence, je repris : « Je ne peux me résoudre à abandonner Samekh, lui qui a toujours été présent pour moi et m'a aidé à devenir la lionne que je suis aujourd'hui. Nous avons une promesse et seule la mort pourra nous séparer. »

Oui et cette promesse, je ne l'oublierai jamais. Ce lien qui nous unissait était si fort que seule la mort était capable d'y mettre un terme. Les jours passaient et le lion se faisait plus vieux, plus affaibli... le temps le rattrapait. Samekh vivant, rien ne me ferait quitter son ombre. Ce n'était pas la première fois que je choisissais mon mentor dans un terrible dilemme mais peu importe l'enjeu de la chose, ce serait toujours lui. Quand bien même cette idée semblait morbide, je lui avais promis de l'accompagner jusqu'à sa mort et je respecterais cette promesse. Kumpa le savait lui aussi, j'honorais toujours ma parole.

« Après m'être échappée du rocher en compagnie des autres lionnes, je me suis empressée de rejoindre Samekh et nous avons trouvé refuge dans un coin reculée de la Lande avec sa famille qui est désormais la mienne. » Un bref soupire s'échappa d'entre mes crocs, hésitant quelque peu à continuer ma flopée de parole mais il était inutile de cacher le fond de ma pensée à Kumpa. « Bien que vivre dans un clan et non avec des exilés lui serait bénéfique, je ne peux embarquer mon fils dans une telle aventure. Tous connaissent ses origines et je ne pourrais supporter les regards qui lui pèseront. »

C'était la première fois que j'évoquais officiellement mon fils mais Kumpa n'était pas dupe et sa mère avait du le tenir au courant des événement, aussi sombres étaient-ils. J'ignorais si je faisais le bon choix ou non pour mon fils, peut-être aurait-il été préférable d'accepter l'offre du prince mais à l'heure d'aujourd'hui, nous vivions très bien entourés de notre petite communauté. Quand bien même Tamariu m'avait appris que sur ces terres natives les lions noirs étaient loin d'être mal vu, nous n'étions pas ici chez lui mais sur la Terre des Lions et qui disait pelage sombre appelait aux Nyeusis. Quand bien même Sadaka deviendrait un lion à l'opposé de son père, son sombre patrimoine pèserait éternellement sur ses épaules. Qui plus est au contact des Pridelanders, le lionceau ne tarderait pas à comprendre que son père était loin d'être un simple voyageur... J'étais peut-être étouffante mais mon premier désir était de protéger mon fils de ses origines. Il était encore si innocent... Il n'avait pas à supporter la haine des autres, aucun lionceau ne devait avoir à supporter cette lourde tâche.

Mon regard peiné se tourna finalement vers le prince. Sa bonté était louable et quand bien même j'avais écarté son offre, ses paroles resteraient encrées dans ma mémoire. Les portes de Prideland me seront toujours ouvertes... C'était une idée réconfortante. Je soupirais de nouveau, posant sur le prince un regard imprégné de douceur.

« Mais merci, tu es un ami formidable. » murmurais-je en posant délicatement ma patte sur celle du lion.

N'importe quel prince se serait senti offusqué de voir une vulgaire exilée refuser une telle offre mais je connaissais suffisamment Kumpa pour savoir qu'il respecterait ma décision, il était futur roi mais également mon ami après tout.

J'étais rassurée quant à la compréhension du prince, je n'aurais pas aimé le blesser en refusant son offre. Néanmoins, je comprenais avoir omis un détail ou plutôt m'être laissé bercer par mes propres illusions : Kumpa n'était en rien au courant de la naissance de mon lionceau, fils de l'Ombre et de la Lumière. Son étonnement crevait les yeux et je mordillais nerveusement les babines.

« Je ferais tout pour protéger mon fils de ses origines et jamais il ne deviendra comme son père. Je m'en suis fait la promesse. » répondis-je d'un ton aussi déterminé.

J'ignorais encore les événements à venir et quelles sortes de crise il me faudrait gérer mais quelles qu'elles soient, je serais toujours aux côtés de mon fils et je ne serais pas seule. Quand bien même il n'était pas le père du lionceau, je savais pouvoir compter sur Rono. Sadaka était notre précieuse petite chose à tous les deux et jamais je n'aurais d'inquiétude à avoir en confiant mon fils au lion cendré. J'avais une confiance aveugle en Rono qui faisait également partie de ma famille.

Le regard plongé vers l’horizon, je n'avais même pas remarqué la disparition de l'astre solaire qui s'en était allé. C'était un rare moment perdu entre le jour et la nuit où différentes teintes se mêlaient dans les cieux et nous offraient un spectacle resplendissant. Il se serait jamais lassant d'observer les cieux tant leurs diversités étaient grandes.

La voix suave du mâle résonna au creux de mes oreilles et je détourna mon regard pour contempler le sien. Nous semblions plus fort encore qu'avant mon départ, sans doute ce périple -bien que vécu séparément- nous avait rapproché. Un sourire se dessina avec douceur sur mes babines.

« Nous aurons encore bien des discussions et le moment venu, je saurais te retrouver. » Marquant une courte pause, je repris dans un souffle : « Mais pour l'heure, il me faut retourner dans la Lande, mon fils m'attends... »

J'aurais aimé rester quelques temps encore en compagnie du lion doré mais l'envie de revoir Sadaka se faisait trop pressante, je n'aimais pas le savoir loin de moi quand bien même il était entouré de lions de confiance. Délaissant le prince, je mis fin à notre contact et me redressa la tête haute et fière. Tout ce qui avait besoin d'être dit avait été entendu, le reste n'était que secondaire et je me doutais si nous nous aventurions dans ce domaine, la nuit serait tombée depuis bien trop longtemps avant que je ne me décide à quitter le baobab.

« Nous nous reverrons bientôt. » murmurais-je dans un sourire.