Quand bien même tout mon être criait à l'aide, aucun son ne sortait de ma gorge trop embourber par le sang. Un filet rougeâtre s'écoulait de mes babines tandis que mon regard vitreux fixait un point invisible dans le ciel. Si je tâchais de l'ignorer, peut-être la peine s'en irait-elle. Malgré mon désir de lutter, la force de Mopanga était bien trop écrasante et je ne pouvais rien face à lui. Après plusieurs tentatives qui s'étaient toutes écoulées sur un échec cuisant, les coups du lion avait eu raison de mon endurance et j'avais perdu la force nécessaire à la répartie. Voulait-il me tuer ? Je l'ignorais mais si tel était le cas, il en aurait fini depuis longtemps déjà. Son seul désir était de me faire payer ma trahison devenue itérative. Pourtant je ne comprenais pas ses intentions. Il m'avait humilié en m'arrachant mon honneur puis traiter comme une moins que rien pour finalement me passer un tabac. N'avait-il donc pas la moindre once de peine à l'égard de ce qui pouvait naître dans mon ventre ? Sans doute n'y avait-il même pas songé.

Les oreilles bourdonnantes, je n'arrivais pas à entendre distinctement les mots que me crachaient Mopanga mais je pouvais aisément en déduire la nature. Le terme « trahison » revenait souvent... Malgré ma propre peine, j'éprouvais de la pitié pour le lion de suie. N'avait-il donc jamais reçu d'amour ? Quoi qu'ait été son passé, il n'avait pas pu naître ainsi, quelque chose ou quelqu'un devait être responsable de son côté sombre. On ne naissait pas démon, on le devenait. Le seul moyen qu'il avait pour évacuer sa propre colère était la vengeance mais me porter ces coups suffirait-il à taire sa peine ? Je n'avais jamais souhaité en arrivé là, je n'avais pas voulu jouer avec son cœur.

Ma mâchoire se crispa de douleur lorsque les griffes du mâle se plantèrent lentement dans mon échine pour lentement parcourir mon corps dans une manœuvre sadique. Je ravala un sanglot bien que les larmes venaient se mêler au sang. Cette peine qu'il m'infligeait était-elle le reflet de sa propre douleur ? Je grimaça de dégoût lorsque sa langue râpeuse vint lécher le chemin de sang qu'il venait habilement de tracer.

« Ne me touche pas ! » feulais-je tout en me dégageant, puisant alors dans mes dernières forces.

Pendant un instant, je cru déceler un regard blessé qui n'était pas celui du Nyeusis mais du lion qui sommeillait sous cette identité ténébreuse mais sans doute avais-je tort puisque ses coups repartirent de plus belle. Il était énervé et ce plus encore qu'avant. Comme si mon corps se voyait détruire de l'intérieur, je n'eus d'autres choix que de cracher un surplus de sang qui emprisonnait ma gorge. Ce calvaire serait-il bientôt terminé ? S'il souhaitait me tuer qu'il le fasse mais qu'il cesse de jouer ainsi avec ma vie.

Samekh... Rono... Uhucha... où êtes vous ? Une larme perla de long de ma joue ensanglantée.

Samekh a écrit:

N’oublie pas d’indiquer dans ton poste que tu t’es concerté avec le Staff pour ce scéna’ et le fait que tu incarnes les PNJ

Seule la lune était témoin des excès de violence du lion noir et malheureusement, elle ne pouvait m'être d'aucun secours. Mais quand bien même elle ne pouvait être acteur de cette tragédie, sans doute poussa-t-elle le destin puisqu'un ange apparut. Son odeur m'avait été tenue longtemps éloignée et pourtant, je la reconnue dès l'instant où le vent me l'apporta, tel un message d'espoir. Il était enfin là. Un sourire douloureux étira mes babines tandis que des larmes de joies avaient évincées celles de douleurs. Je savais mon calvaire terminé et ce définitivement. J'étais sauvée.

La vue brouillée par mes larmes abondantes, je peinais à distinguer le combat qui se déroulait non loin de là. Uhucha... il était venu. Mais à l'entente du rugissement de Mopanga, mon engouement se métamorphosa en crainte. Quand bien même mon compagnon était un guerrier habile, il n'était pas de taille face à un Nyeusis... Il fallait que ce combat cesse au plus vite ou je perdrais Uhucha. Comme en écho à mon souhait le plus cher en cet instant, le rugissement lointain de Gara retentit. Un cri de ralliement. Notre fuite avait du se faire remarquer et le chef des Nyeusis exigeait la présence de ses compagnons. Redressant péniblement mon buste endolori afin de distinguer les deux lions, mon regard croisa celui de Mopanga et ce qu'il fit me glaça le sang d'effroi : un fin rictus étira ses babines tandis que son regard se déposait sur mon ventre. Il savait... il savait ce qu'il avait engendré et n'avait pourtant pas hésité à me battre jusqu'au sang. Ma haine à son égard n'avait-elle donc aucune limite ? Mon corps ne put se détendre qu'après le départ du lion ébène. Dans un soupir de soulagement, je laissa ma tête retomber sur le sol. Tout était enfin fini.

Les paupières mi-closes, j'attendais que Uhucha me rejoigne à défaut de pouvoir le faire moi-même. Il m'avait tant manqué... le revoir après cette épreuve était un véritable baume au cœur. Avait-il toujours eu cette beauté renversante ou la lune accentuait-il son charme ? Peut-être délirais-je en raison de mes multiples traumatismes mais une chose était certaine : je n'avais jamais été aussi heureuse de le voir.

D'une démarche calme en dépit de la rage qui l'avait animé quelques instants plus tôt, le mâle me rejoignit et à son approche je pus distinguer les blessures qu'il avait contracter et pincement me brûla la poitrine. [HRP : Mopanga étant un Nyeusis et donc un lion puissant, je rajoute quand même qu'il a aussi blessé Uhu' pour que ça soit crédible (;] Alors que je m'attendais à de tendres embrassades, le premier geste qu'eut Uhucha à mon égard fut de poser sa patte sur mon ventre. Il savait... mon regard s'abaissa, honteux. J'avais été déshonorée et par conséquence l'avais également déshonoré. Un éclair de colère anima le regard du lion et j'eus peur de sa prochaine action mais il n'en était rien. Il se contente de glisser sa patte avec douceur le long de mon ventre et s'approchant de mon visage, il le lécha tendrement. J'étouffais un sanglot et puissant dans mes forces restantes, je redressais mon buste afin de pouvoir plonger ma tête dans sa crinière. Toute la pression de ces dernières semaines, ce rôle que j'avais du endossé, mon échec et mon humiliation, tous ces coups que l'on m'avait porté... toutes ces émotions que je m'étais efforcée de contenir finir par me submerger et je me laissa aller à de longs sanglots dans les pattes fortes et protectrices de mon mâle.

« Tu es venu... » finis-je par prononcer entre deux pleurs. « Je suis désolée Uhucha, je suis tellement désolée. J'ai... Je ne voulais pas. J'ai perdu le contrôle. »

Toute ma vie j'avais su avoir le contrôle et tourner les situations à mon avantage mais cette fois-ci, tout avait dérapé et d'actrice j'étais devenue victime. Je lui avais défaut et me sentais indigne de profiter de son réconfort mais juste cette fois-ci j'allais me montrer égoïste. J'avais tellement besoin de sa présence. J'avais réduit au silence son souvenir de mon esprit afin d'accomplir ma mission du mieux qu'il m'était possible de le faire mais désormais loin de la tyrannie des Nyeusis, les souvenirs affluaient et je me souvenais de ô combien Uhucha comptait pour moi. Seulement, je ne méritais pas son amour. J'avais perdu ce droit en m'en rendant indigne.

Il était d'une douceur inégalée et c'était tout ce dont j'avais besoin après cette épreuve. Se couchant à mes côtés, le lion m'offrit protection et tendresse. Lovée contre son buste, nos yeux se rencontrèrent et je perçus colère et amour dans son regard. Qui aurait cru que cette banale aventure deviendrait une telle relation ? Ce jeu dans lequel nous nous étions lancés n'était plus, nos sentiments en témoignaient.

Puis il prononça ces mots que je redoutais tant et la peine traversa mon visage. Quand bien même ma haine était grande, ce n'était pas ce que je souhaitais. Oui je voulais leur mort mais je ne voulais pas Uhucha paye de sa vie la restitution de mon honneur. Mon cœur se serra lorsque je réalisa qu'il m'avait appelé « mon amour ». Ne comprenait-il donc pas qu'il rendait les choses plus difficiles encore qu'elles ne l'étaient déjà ? Je sentais la rage bouillonnante de Uhucha et prenais peur. Ce n'était pas la solution, le mal était fait et rien ne pouvait changer le passé. A nouveau, le mâle susurra son désir de vengeance. La dureté de ses mots était à l'opposé de la douceur avec laquelle il me gâtait.

« Non Uhucha, tu ne le fera pas. » le contredis-je en m'écartant subitement de son étreinte.

Mon cœur se serrait si fort que je pensais pouvoir succomber à cette douleur. Je l'aimais, je le savais désormais et c'était en raison de cet amour que je prenais cette décision. Parce que je l'aimais, je voulais le voir vivre et lui souhaitais tout le bonheur du monde quand bien même je ne pouvais pas être celle qui le lui offrirait. J'avais déshonoré notre amour et cette germe grandissante dans mon ventre me le rappellerai jour après jour. Je connaissais aussi la possessivité maladive du mâle ainsi que son désir de vengeance que lui même avait exprimé. Il ne pouvait les vaincre, pas sans y laisser la vie.

« Séparons-nous. »

Cette décision me brisait le cœur mais c'était la meilleure chose à faire. En dépit de l'amour que je lui portais, je préférais le voir tourner sa haine vers moi plutôt que vers les Nyeusis en allant chercher vengeance. Si notre amour était le prix à payer pour sa vie, ainsi soit-il.

A la manière d'un feu ardent qui nous brûlait la peau, Uhucha s’évinça de notre étreinte. Son visage se tordit d'une expression douloureuse et prestement, ses griffes sortirent de leur cachette comme en signe d'alerte. Je déglutis péniblement, frissonnant à l'entente de son grognement. Il s'était subitement métamorphosé et j'en étais la seule responsable. Bien que différent de Mopanga, son débordement de colère suffit à m'effrayer et j'eus un mouvement de recul. Je n'en pouvais plus de cette peur constante.

« Les choses ont changé, je ne peux pas être avec un lion violent, plus maintenant. » dis-je dans un semblant de reproche.

Malgré mes mots, je savais que Uhucha s'était toujours battu pour me protéger et j'avais toujours accepté cette partie de lui. Quand on aimait quelqu'un, c'était dans sa globalité. Ce n'étaient que des mots pour le pousser loin de moi : il me serait impossible d'affronter le regard du lion quotidiennement en sachant ce que j'avais fait. J'avais autrefois promis à Uhucha de l'aider à faire face à son passé mais comment pourrais-je accomplir ce fait alors que j'étais moi-même brisée ? Je ne pouvais contraindre le mâle à supporter mon déshonneur quand tout ce que j'avais à offrir était un cœur brisé et il méritait tellement plus.

« Le jeu est terminé. »

J'avais intentionnellement employé ce terme de « jeu » pour en revenir à l'origine de notre relation. Je devais lui mentir sur la nature de mes sentiments, lui faire croire que cela avait toujours été mon point de vue. Je ne pouvais pas lui dire mon amour, à quel point sa présence guérissait mes plaies, combien il m'avait manqué. Plutôt que de l'attirer contre moi comme je le souhaitais, je devais le repousser. Je le quittais pour la simple et bonne raison que je pouvais plus être celle qu'il voulait que je sois. Ce qui devait être une mission de sauvetage s'était transformé en véritable cauchemar et il était fort à parier que j'en sortais changé pour toujours. Je ne pouvais plus aider Uhucha, je devais d'abord me reconstruire moi-même.

Mes mots eurent un impact plus grand que je ne l'aurais cru et le lion devint comme fou. Il dévoila ses crocs aiguisées qui luisaient à la lumière de la nuit et son grognement se faisait de plus en plus rauque. Tous les muscles de mon corps se crispèrent, redoutant le pire. Non, il n'oserait jamais... Je fixais le lion d'un regard paniqué. Quelque chose avait changé dans son regard, quelque chose s'était brisé. Ses mots me foudroyèrent le cœur et tout mon être se figea sous l'impact de ce regard que je ne connaissais pas.

Frappant comme la foudre, Uhucha me plaqua violemment au sol et un râle de douleur s'échappa d'entre mes crocs. Son rugissement fut tel que le sang de Mopanga encore frais sur ses crocs me fut craché au visage ce qui déclencha en moi une vive panique. Ma peur était telle que tout mon corps tremblait, comme traversé de spasmes. Un instant, je cru avec ferveur qu'il allait m'arracher la gorge de ses crocs mais il n'en fut rien. Pourtant, cette intention semblait bien fondée. Au lieu de cela, il s'approcha plus près encore pour me murmurer ces mots à l'oreille d'un ton semblable à celui de Mopanga : « Je t'envoie mes respects. » et avant même de comprendre le sens de ces mots, le lion m'asséna un violent coup de patte qui me fit rouler au sol par sa violence. Ma tête s'écrasa lourdement au sol et je gémis de peine. Sous le choc, je n'entendais pas la plainte de mon corps. Seule cette scène qui venait de se dérouler passait en boucle dans mon esprit. Il m'avait frappé...

Comme un prédateur attendant le moment fatidique pour abattre sa proie, le mâle rôdait autours de moi, m’oppressant toujours plus. Je me sentais suffoquer. Redressant péniblement la tête, je pouvais sentir du sang s'écouler des plaies que ses griffes m'avaient infligé en me frappant. Il m'avait frappé...

« Comment as-tu pu... » balbutiais-je sous le choc.

Mon regard peiné et interloqué l’observait à la recherche d'une réponse justifiant son acte mais tout ce que je vis fut cette larme qui coulait de son œil aveugle. Ne pouvait-il donc pas s'exprimer autrement que par la violence ? Je lui avais dis ces mots sans les penser mais je comprenais au combien j'avais eu raison. Je ne pouvais plus l'aimer, pas après ce qu'il avait fait. En écho à sa larme cristalline, des pleurs s'écoulèrent de mes yeux dorés, des pleurs silencieux. Je n'aurais du donner ma confiance à nouveau. Pas pour me faire poignarder dans le dos. Serait-ce ainsi désormais ? Tous ceux en qui j'avais décidé de croire allaient-ils me trahir de la sorte ? Comme j'avais été idiote. Dire qu'autrefois je pensais ne jamais connaître de peine plus grande que la mort de Sheru... Je m'étais trompée. Prenant le dessus sur ma peine, la colère grandit avant de finalement éclater :

« Tu... tu es vraiment le pire, Uhucha ! Je ne t'aurais jamais cru capable de ça, tu ne comprends rien, rien du tout ! » lui crachais-je à la figure, la colère déformant mes traits.

J'avais toujours choisi le douceur pour calmer la folie de mon mâle mais cette fois-ci, c'était trop pour moi.

« Va t'en. Je ne veux plus jamais te voir. » murmurais-je la voix brisée. « DEGAGE ! »

Ce hurlement soudain et toute la haine qu'il exprimait ne me ressemblait pas mais était pourtant bien là. Il était intervenu pour me sauver de la folie de Mopanga, ce même lion qui avait bafoué mon honneur. Il savait que tout ce temps j'avais été retenue captive des Nyeusis et alors qu'il s'était présenté comme mon sauveur, il retournait sa veste pour terminer le travail de mon bourreau. Jamais je n'avais autant été déçue par quelqu'un. Mes quelques larmes se multiplièrent pour laisser place à un torrent de chagrin. Incapable de me redresser pour partir d'ici et loin du lion borgne, je me roula en boule dos au lion afin de ne plus avoir à le regarder. Tout ce que je voulais était qu'il parte...

Les clos yeux, j'étais secouée par mes pleurs incessants. Tout n'était plus que cauchemar et je peinais encore à réaliser. Que me restait-il désormais ? Ce que j'avais pensé être source de bonheur avait pris une teinte si obscure que je ne reconnaissais rien. Tous ces coups que j'avais reçu m'avaient rendu si misérable que mes oreilles bourdonnante me laissaient dans l'ignorance de savoir si le mâle était parti ou non. Peut-être reviendrait-il m'achever après tout je ne savais plus à quoi m'attendre de lui. Mon cœur saignait autant que mes blessures. Mon repos n'avait été que de courte durée et peut-être aurais-je préféré que Uhucha ne vienne jamais me chercher. Cela m'aurait évité toute cette peine supplémentaire qu'il était si dur de supporter.

« J'ai été violée, séquestrée, battue et toi tu... tu me fais ça ? » murmurais-je le visage inondée de larmes.

Ce lion en qui j'avais placé tant de confiance, ce même lion que j'aimais... Comment avait-il pu ? Cette flamme d'espoir qu'il avait su ranimé s'éteignit dans un souffle froid.

Des pas se rapprochèrent et je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir qu'il s'agissait de Uhucha. Ainsi il n'était pas parti... Quelque part, cela me réjouissait. Il n'abandonnait pas si facilement notre relation. De sa patte, il attrapa mon menton et me força à croiser son regard qui était aussi vide que mon cœur. Ses mots me frappèrent en plein visage. Oui, lui aussi pouvait s'interroger comme moi je l'avais fait. Alors que nous nous étions aimés, nous étions aujourd'hui condamnés à nous détruire.

Sa colère étant passée, Uhucha retrouva le contrôle de son corps ainsi que de son esprit et ce fut d'un ton serein qu'il exprima à son tour sa rancœur. Me forçait-il à choisir entre lui et la mort ? C'était cruel. A sa manière si particulière, Uhucha me tendait une dernière fois la patte tout en e confessant indirectement son amour. Je ne savais plus quoi faire... devais-je mentir à nouveau pour le chasser ? Non cela n'avait aboutit à rien mis à part le chagrin et la colère. Si je ne pouvais plus mentir, il ne me restait plus qu'un seul choix. La vérité. Bien qu'hésitante, je finis par lâcher un soupir las. J'étais épuisée de tous ces mensonges.

« Tu sais aussi bien que moi que ce qui était un jeu n'en est plus un depuis longtemps. Nous nous sommes laissés dépasser et le réel s'est mêlé au factice. »

Mon regard sincère se redressa pour rencontrer celui du lion balafré. Sa joue étant encore humide du chemin que s'était frayée cette petite larme bien singulière. Un sourire nostalgique étira mes babines.

« Tu sais, j'ai toujours détester cette façon avec laquelle la colère pouvait te dominer mais quand bien même je ne l'aimais pas, je ne t'ai jamais quitté pour cela. Je ne l'ai pas fait parce que je t'aimais. » lui dis-je d'un ton doux. « Plutôt que de te parler franchement, j'ai cherché à me cacher derrière des excuses. J'ai été lâche et voilà où cela nous a conduit. »

Je ne savais pas vraiment ce que je disais, tout se disait si naturellement. C'était comme vider son sac après une énième querelle et révéler ce qui nous peser tant sur le cœur. Pour la première fois, je m'apprêtais à livrer mon récit de mon vécu chez les Nyeusis.

« Le problème ne vient pas de toi mais de moi. Je ne peux consentir à croiser ton regard jour après jour alors qu'un autre mâle m'a fait sienne. » lui révélais-je le ton amer avant de fermer les paupières sous le coup de la fatigue. « Je suis partie de mon propre chef chez les Nyeusis pour y délivrer la reine retenue captive mais... les choses ne se sont pas déroulés telles que je l'espérais. Tu t'en doutes, ce n'est qu'en charmant l'un des leurs que j'ai pu les infiltrer. C'était ce même lion que tu as chassé quelques instants plus tôt. Il se prénomme Mopanga et il est le père de cet enfant qui grandi en moi. Ce qu'ils m'ont fait, Uhucha... Je ne l'oublierai jamais. Ce lion m'a humilié comme jamais personne ne l'avait fait. Non seulement il m'a arraché ma fierté mais il a également porté atteinte à la tienne.Ils m'ont brisé, Uhucha. Chaque parcelle de mon âme a été piétiné. »

Ouvrant finalement les paupières, je confrontais mon regard à celui du mâle. Il voulait la vérité et bien la voici. Je me livrais à lui sans artifice. Je resta silencieuse quelques instants, observant d'un regard intense ce grand lion à la crinière radieuse. Évidemment que je l'aimais seulement, tout ne se décidé pas avec nos sentiments.

« Je ne pars pas parce que je ne t'aime plus. Je pars parce que je me suis rendu indigne de cet amour. Je ne peux pas t'offrir ce que tu recherches. Comment t'aimer quand je ne m'aime plus moi-même ? »

Non sans me faire violence, je me redressa difficilement et bien que vacillante, je parvins à stabiliser mon corps. Les pattes tremblantes, je m'avança vers le lion non sans lenteur. Mes blessures rendaient chaque mouvement douloureux mais cela ne m'arrêterait pas pour autant. Arrivant à la hauteur du mâle, je leva doucement ma patte avant pour la poser avec tendresse sur la joue humide du lion. Nos souffles se mêlaient dans un nuage de chaleur, sans doute serait-ce la dernière où nous serions unis l'un à l'autre.

« Laisse-moi partir. » murmurais-je le regard doux.

Son regard doux s'éprit de nouvelles larmes qui tombèrent sur mon pelage salie, comme pour expier tout ce mal que je portais. Il pleurait comme un enfant... m'avait-il donc aimer si fort ? Ses mots ne firent qu'étendre ma peine et je secouais la tête de droite à gauche, le regard abattu. Autrefois raison de mon sourire et aujourd'hui cause de mes larmes. Peut-être le regretterais-je un jour mais je ne pouvais revenir sur ma décision. Il était difficile de dire adieu lorsque l'on voulait rester mais le plus terrible était de devoir oublier lorsque l'on aimait.

Incapable de prononcer le moindre mot, Uhucha laissa éclater sa peine, déversant toutes les larmes de son corps. Mon cœur me faisait si mal que j'en venais à souhaiter qu'il cesse de battre. Posant délicatement mon front contre le sien, mes larmes rejoignirent les siennes et nous pleurèrent longuement. Je l'aimais toujours et mes larmes continuaient de crier son nom sans qu'il ne puisse les entendre. Tomber amoureux... tout était dans le premier mot.

On pouvait parler d'un deuil ou d'une maladie mais un chagrin d'amour scellait les mots au bord des lèvres comme si une incompréhensible pudeur devait les retenir, nous empêchant de les communiquer aux autres. Tel était notre cas. Nous nous étions aimés avec passion et nous quittions dans la peine. Les larmes avait beau sécher, la douleur quant à elle demeurait. On n'oubliait jamais vraiment, on le prétendait. Et ça, c'était scandaleusement douloureux. Le bonheur de l'avoir connu ne me ferait jamais oublié le malheur de l'avoir perdu.

Je ne voulais pas l'entendre dire que l'amour était mort et que jamais plus il ne serait heureux. Cela le rendra simplement encore plus malheureux. J'étais moi-même persuadée que plus jamais je n'arriverais à aimer tellement j'étais malheureuse, tellement ma voix avait trembler lorsque Sheru occupait mes pensées. Mais, c'était avant ma rencontre avec Uhucha. Nous avions affrontés nos démons ensemble sur cette longue et épuisante route pour retourner dans les nuages et goûter au paradis des anges. C'était possible d'aimer à nouveau, d'être aimer en retour et d'être heureuse à nouveau. C'était ce que Uhucha m'avait enseigné. Je croyais à son bonheur, il était un lion merveilleux que beaucoup voudrait à leur côté. Il surmonterait cette épreuve tout comme je le ferais.

Ravalant mes larmes, je murmurais au lion ces derniers adieux, conservant les paupières closes pour ne pas avoir à affronter son regard qui me nouait le cœur :

« Un jour, tu vas rencontrer quelqu'un de spécial. Quelqu'un qui peut te rendre faible d'un seul sourire. Quelqu'un qui peut capturer ton âme avec un seul regard de ses yeux magnifiques et d'un seul coup, ton monde va s'incliner sur son axe et pointera vers lui. C'est alors que tu sauras que tu as rencontré ton destin. » Marquant une courte pause, j'ajoutais dans un souffle douloureux : « Et je ne suis pas ce quelqu'un. »

Ma mémoire allait peut-être faner avec le temps et je commencerais alors à oublier sa voix ou ses manières mais je me rappellerai toujours avoir un jour aimé un lion du nom de Uhucha.

Des mots. Des larmes. Des confessions d'un amour sincère. Des regrets. Ne comprenait-il donc pas que je l'avais moi aussi aimé ? Que je l'aimais toujours ? Mes crocs s'entrouvrirent mais je ne dis mots. Cela n'aurait-il pas été égoïste de ma part de lui confirmer mon amour inconditionnelle quand bien même je souhaitais rompre ? A contre cœur, je passa mon amour sous silence. Je devais le laisser partir, quitte à le laisser penser une telle atrocité. Il m'était pourtant insupportable de l'entendre prononcer de telles absurdités. Pourquoi se dénigrait-il autant ? Sa cruauté envers sa propre personne était la pire de toute. Les larmes silencieuses, rescapées de mon long chagrin, continuaient de tracer un ruisseau de peine sur mes joues creuses. Combien de larmes me faudrait-il verser pour noyer mon chagrin ?

Prenant une grande inspiration, le corps du lion sembla chasser toute forme de misère qui l'habitait et il se redressa, fier et droit. Un sourire peiné étira mes babines. Souhaitait-il que cela soit la dernière image que je garde de lui ? J'étouffais un petit rire avant de déposer sur le mâle un regard d'une tendresse sans égale. Fier, droit, arrogant, froid. C'était bel et bien le Uhucha que j'aimais mais qui pensait-il tromper ? Me pensait-il aveugle aux signaux de détresse que m'envoyaient ses yeux ? Ô comme j'avais envie de le serrer contre moi... Je me faisais violence pour contenir ce désir. Je ne devais pas, je ne pouvais plus. En écho à mon souhait, le beau lion vint frotter sa tête contre la mienne d'une douceur si exquise que mes pattes manquèrent de me laisser tomber au sol. Uhucha... j'entrouvris mes crocs pour aspires son odeur, la faire mienne une dernière fois puis sa voix suave retentit, exprimant un désir plus ardent que jamais. Alors même que j'avais été souillée par un autre, il continuait de me vouloir pour lui ? Il était un idiot, un idiot que j'aimais mais dont je devais me séparer.

Nos deux corps se détachèrent et comme pour sceller ce souvenir qui serait notre dernier à partagé ensemble, il déposa une tendre lèche sur mon front. Les paupières closes, je laissais tous nos souvenirs m'envahirent. Je nous revoyais rire ensemble et courir comme deux jeunes enfants dans l'herbe d'une prairie, je me souvenais de ces journées entières passées à se languir de nos retrouvailles, son effluve lointaine qui annonçait son arrivée, ces regards que nous avions échangés, nos tendres accolades... Notre amour serait un trésor de souvenir que je chérirai éternellement.

Une voix lointaine me parvint et mes pupilles se rétractèrent de terreur. Ces mots... je ne les avais pas rêvé. S'engouffrant dans les ténèbres de la nuit, Uhucha s'en allait prendre la direction du priderock en laissant planer sa vendetta tragique.

« UHUCHA ! » hurlais-je, au bord de la crise de larme.

Pourquoi s'entêtait-il à vouloir me venger ? Je lui avais pourtant dit que je ne voulais pas ça, je voulais qu'il vive et non pas qu'il meurt. S'il lui arrivait quelque chose... Non, je ne voulais même pas y songer. A quoi bon avoir fait tout cela et causé tout ce mal si c'était pour le voir partir chercher le sang ? C'était tout ce que j'avais voulu éviter et pourtant... je n'avais pas été capable de l'arrêter. Quand bien même mon seul désir était de le retenir, mon corps ne pouvait plus suivre mes désirs. J'étais trop affaiblie pour arrêter le mâle. J'avais déjà perdu un amour dans la mort, je ne pouvais pas en perdre un deuxième. Accablée par mon impuissance et le combat mortel auquel allait se livrer le mâle, je me laissa tomber à même le sol, brisée par le chagrin et continuais d'appeler le nom du mâle dans un désespoir si grand qu'il transperçait la nuit de mon agonie.

Il était parti. Non, je l'avais laisser partir sans pouvoir le retenir. Mon cœur me faisait si mal que j'en venais à souhaiter qu'il cesse de battre. Mopanga... Ma haine à son égard atteignait son paroxysme. Il m'avait enlevé mon honneur, privé de mon amour et maintenant il allait me le tuer.

« Mais vivre pour moi était le plus beau cadeau d'adieu que tu pouvais me faire. »

Bien que disparut dans la pénombre nocturne, son odeur emplissait encore les lieux et je me laissais aller au deuil de mon amour. Ces mêmes larmes que je pensais épuisées coulaient d'une source inconnue avec abondance. Les yeux clos, je l'imaginais à mes côtés et serrais contre moi cette patte imaginaire qu'était la sienne. Mon cœur me disait qu'il souffrait, le temps que j'allais l'oublier mais la mémoire, elle, me disait qu'elle reviendrait toujours. On ne pouvait oublier quelqu'un que l'on avait aimer. Pas quand cet amour avait été aussi fort que le notre. Mon cœur lui garderait éternellement une place en or dans ce recoin le plus reculé et intime. Je l'avais aimé, d'un amour pur et sincère.

~ OUR LOVE WILL BE UNFORGETTABLE ~