- Matsu...Quoi ?

Le porc-épic secoua frénétiquement son museau. Combien de fois allait-il encore devoir répéter ce nom ? Accroupi devant son petit terrier, chauffé à blanc par le soleil qui frappait la savane de plein fouet, il releva son museau vers le jeune suricate qui le questionnait et reprit :

- Matsukan ! siffla-t-il de sa petite voix aigue, c'est le Chef des zèbres et Ambassadeur des Troupeaux de Prideland. C'est lui qui représente les proies du territoire, même que les lions n'ont pas le droit de le chasser !

Akhet croisa les bras en fixant la bestiole pleine de piquant sur le dos.

- J'ignorais qu'il y avait un tel animal ici, lança t'il.

C'était vrai. Il l'ignorait. Pourquoi, il était né à Prideland, certes, très loin d'ici, aux frontières du territoires, sur les abords des gorges, mais ça restait tout de même Prideland ! Mais la tête enfoui sous terre avec les siens dans ce coin perdu et aride, il ne risquait pas de se tenir au courant de tous ce qui se passait à l'intérieur des terres. Quelle honte ! C'était généralement dans ces moments là qu'il ne regrettait pas d'avoir quitté les siens. Et il avait bien fait encore une fois de les quitter et de venir découvrir ce qui se tramait ici : la possession de Prideland par des lions terrifiants et des hyènes ! Prideland était en danger et tout ceux qui y vivaient aussi, à savoir sa famille bien que le fait de vivre éloigné la préserve encore un peu. Pour le moment. Mais ce n'était pas tout. Ca serait tout de même une catastrophe que Prideland soit anéantit par des bêtes sanglantes. Akhet savait que ces terres appartenaient à des lions plus nobles, même s'ils restaient des prédateurs, c'était toujours mieux que ce qu'il y avait maintenant.

Trop de choses importantes étaient en jeu et envers et contre tous, Akhet était bien décidé à faire en sorte que les choses s'arrangent. Cependant, il ne savait pas comment s'y prendre, ni par où commencer. Hum ! S'il avait raconté ça à sa famille, elle n'aurait cessé de lui dire que c'était de la folie, que c'était impossible, que cela ne servait à rien, une si petite bête comme lui ne pourra jamais changer la face du monde. Mais Akhet avait une volonté de fer. Il voudrait simplement savoir quoi faire exactement. Qu'est ce qu'un être comme lui pouvait faire ? Il fit enquête dans la savane, jusqu'à tomber nez à nez avec ce porc épic devant l'entrée de son terrier. Ce dernier lui disait apparemment que le mieux encore pour bien démarrer était d'aller voir ce chef zèbre qui avait, de ce fait, un certain pouvoir sur la savane. Enfin, façon de parler. Personnellement, Akhet n'était pas convaincu qu'une proie puisse l'aider d'avantage mais après tout, pourquoi pas ? Un zèbre de haut rang, ce n'était peut-être pas rien. C'était décidé, il devait le voir !

- Bon, parfait ! fit le jeune suricate, je vais aller voir ce Matsukan !

- Cela risque d'être un peu difficile, répondit le porc-épic en se triturant les griffes.

- Ah bon ? Et pourquoi ?

- Parce qu'il a quitté Prideland.


Akhet resta un instant silencieux, fixant l'animal. Après quoi, il fronça légèrement les sourcils avant de lâcher, les dents légèrement serrées :

- Tu peux répéter ?

- Il est parti de Prideland.

- Il est partit de Pr...Quoi ?!

- Et tous les troupeaux aussi.

Les yeux de la mangouste s'arrondirent comme des soucoupes. Mais en même temps, ça répondait à beaucoup de chose ! Voilà pourquoi depuis son arrivée dans le coeur de Prideland, Akhet n'avait rencontré aucun troupeau. Lâchant un soupire, il répondit d'un air sarcastique :

- Génial !

- Hum...Il voulait protéger les siens de la folie des nouveaux occupants...expliqua le porc-épic.

- Vraiment super ! Et tu sais OU je pourrais le trouver ??

- Je crois qu'il est partit vers la Lande des Sans-Terres.

- La Lande des Sans-Terres ? C'est quoi encore que cette bête là ?

L'animal à piquant pivota légèrement sur lui même et pointa une griffe dans une direction en répondant :

- Quelques part là bas, vers le nord.

- Vers le nord ? Je vais me retrouver au bout du monde moi ! Quelle lâcheté de fuir comme ça aussi, pourquoi il a fait ça !

- Ben tu sais...Il y en a qui sont fait pour fuir. Et d'autres pour se cacher !

Sur ce, le porc-épic fit volte face et se glissa dans son trou sans demander son reste. Akhet leva un sourcils. Il faisait naturellement partie de ceux qui se cachait. Mais il ne voulait être ni l'un ni l'autre. Il ne faisait pas son fier devant un prédateur mais n'était pas un trouillard pour autant. Son regard d'or se posa sur l'horizon, dans la direction indiquée par l'autre bestiole. Il soupira à nouveau. Un long parcours l'attendait ! Comme s'il n'avait pas déjà fait assez de marche comme ça ! Ce qu'il faudrait, ce serait un moyen de transport efficace et pas trop haut pour qu'il puisse se hisser dessus, genre un phacochère par pur exemple. Enfin bref, pour ne pas perdre de temps, Akhet s'élança à la course contre le soleil vers la ligne d'horizon. Au moins, il était suffisamment rapide et petit pour ne pas trop attirer l'attention, même en passant à proximité du Rocher de la Fierté. Toutefois, il restera naturellement sur ses gardes...




Une patte après l'autre, elle traînait sur cette terre inconnue. Déjà qu'il ne connaissait pas tout Prideland, se retrouver à découvert en ces lieux était d'autant plus perturbant. Il était à bout de souffle. Il avait vidé son énergie à traverser la Terre des Lions pour arriver dans cette vallée délaissée. Rien ici n'évoquait l'abondance qu'avait encore Prideland, pour l'instant. Le moins rassurant étant que les Pridelanders avaient également élu domicile dans les parages. Mais pour l'instant, pas l'ombre d'un troupeau ! Pas d'ombre du tout d'ailleurs et le soleil tapait fort. Il avait eut le temps de se déplacer dans le ciel d'azur et invoquait déjà la future saison sèche. Akhet se redressa et mit sa main en visière au dessus de son regard mais aucune trace d'un troupeau quelconque. Et s'il s'était trompé ? S'il avait prit la mauvaise direction et qu'il était maintenant perdu au milieu de nulle part ? Ah non ! Ce serait trop bête !

Ce n'était pas le désert. Ce n'était pas les gorges arides. Mais il faisait chaud et il n'y avait pas d'ombre qui vive. Il n'y avait pas autant les grandes herbes verdoyantes de Prideland et il n'y avait de trace d'un quelconque animal. Il n'y avait vraiment que lui pour aller se fourrer dans un endroit aussi perdu qu'était la Vallée Abandonnée. En fait, elle portait incroyablement bien son nom. Akhet avait été déterminé à venir ici pour trouver ce zèbre mais il pensait en ce moment même que si un zèbre apparaissait devant ses yeux, il serait sans doute un mirage ! Mais le jeune suricate gardait sa volonté inébranlable. Après tout, ce serait bien idiot de laisser tomber après la traversée qu'il venait d'accomplir. Mais une question venait de lui traverser l'esprit. Comment allait-il trouver le bon zèbre ? Parce que des zèbres, il y en avait à la pelle ! Allait-il devoir demander le nom de tous ceux qu'il allait croiser ?

Ses pattes finirent par s'arrêter sur le sol chaud. En tant normal, la chaleur ne lui faisait pas peur. Quand il faisait trop chaud, il avait l'habitude de ce réfugier avec ses compagnons dans leurs terriers bien frais. Mais depuis qu'il avait quitté les siens, il devait la supporter autrement. Tout seul, c'était difficile de construire des terriers comme il fallait. Enfin bref. Akhet se mit à observer partout autour de lui, scrutant un paysage qui ne changeait jamais. Il soupira, ne voyant rien qui ressemblait de près ou de loin à un zèbre, ou même à un troupeau. Ou même à un tout autre animal. Pas même une petite mouche. Ca lui tentait bien d'ailleurs, une petit mouche. Heureusement qu'il avait prit soin de se remplir la panse en croquant un scarabée dès qu'il en croisait un sur son chemin. Il n'était pas certain d'avoir autant de chance dans cette Lande des Sans-Terre. Il devait également se réjouir de ne pas avoir croisé le moindre prédateur car il était entièrement à découvert ici.

Soudain, alors que Akhet était en train de fixer un point imaginaire sous sa visière improvisée, une ombre s'abattit sur sa petite silhouette, l'épargnant tout à coup du soleil. Ce changement soudain de lumière attira grandement l'attention du suricate qui sentit son coeur se serrer et priait tous les esprits du monde qu'il ne s'agisse pas d'une bête aux grandes dents pointues. Sa tête pivota doucement vers l'arrière. Deux pairs de longues pattes à sabot blanches aux rayures très claires étaient plantés derrière lui. Sur que les lions n'avaient pas de sabots, c'était déjà ça ! Le suricate releva alors le regard vers le ciel, longeant un corps musclé et tout aussi rayé, au poitrail qui se gonflait à bloc à chacune des respiration de la bête. Il suivit ensuite la longue encolure jusqu'à une tête fine qui abaissa son regard vers lui. Et voilà un zèbre ! Vu de tout près comme ça, c'était quand même impressionnant.

-Bonjour, lança alors l'équidé, pardonnez mon intervention quelque peu cavalière, mais ne seriez-vous pas en train de chercher quelque chose ? Serait-ce de l'eau par hasard ?

Akhet se tourna définitivement vers le grand animal à la robe étrangement claire, parce que les zèbres étaient normalement constitués de rayures noirs et non pas crémeuses de la sorte.

- Wow, enfin une autre forme de vie, répliqua la mangouste, et vous avez raison, l'eau est devenu ma principale priorité depuis quelques minutes !

En effet, il y pensait légèrement mais maintenant qu'il en parlait vraiment, il se rendit compte qu'il avait tout de même soif. Il n'avait pas eut tellement d'occasion de s'abreuver depuis qu'il avait pénétrer ces terres.

- Peut-être savez-vous où en trouver ?! ajouta-t-il expressément.

Il regarda le zèbre étendre l'encolure vers le ciel, paraissant encore plus grand. Il scrutait l'horizon. C'était déjà plus facile quand on était aussi haut. Après un instant d'observation, le zèbre étrange baissa la tête vers la mangouste :

-Si c'est bien ce que vous voulez, je viens de trouver notre bonheur, lui dit-il d'un air enthousiaste.

Akhet afficha un sourire.

- Ce n'est pas mon but premier mais j'en ai grand besoin ! lança-t-il, je ne louperais pas cette aubaine.

Etant donné que le zèbre avait parlé de "notre" bonheur, il était évident que lui aussi désirait boire un coup. Peut-être était-il en train de chercher lui aussi lorsqu'il rencontra le suricate. Akhet était pressé de se rafraîchir et s'empressa de demander :

- Alors c'est par où ? Par là ?

Il devinait simplement en se souvenant de la direction des naseaux du zèbre au moment où ce dernier était en quête de point d'eau. Indiquant la direction cité au hasard du doigt et attendant confirmation de l'animal, Akhet se mit en route, marchant à grand pas. Sur le chemin, il redressa ses iris ambré vers l'équidé :

- Dites moi l'ami, faites-vous partit de ces troupeaux qui ont déserté Prideland récemment ?

Après tout, qui sait s'il y avait des zèbres qui vivaient depuis toujours dans ce genre d'endroit désolé, même si c'était peu probable.

- En fait voilà, je cherche un zèbre, un certain Matsukan, alors si jamais vous savez où je pourrais le trouver, ça m'arrangerait vraiment, voyez-vous, je n'ai pas franchement envie de traîné dans un endroit pareil très longtemps, surtout si c'est pour courir après un zèbre !

-Alors c'est par ici, suivez-moi donc jeune ami

Cette façon de parler était assez perturbante. Ce n'était pas tous les jours qu'on s'adressait à Akhet de la sorte. Il n'avait pas beaucoup d'élément de comparaison mais tout de même. Un animal plus grand qu'un autre aurait même plus tendance à tenir son ego face à plus petit plutôt que de grandir le petit à sa hauteur. L'attitude aussi calme du zèbre contrastait beaucoup avec la fougue du suricate qui trouvait l'équidé un peu trop "mou" à son goût. De plus, il parlait avec une telle maturité alors que sa voix paraissait si jeune pour lui. Mais bon, chacun son caractère après tout. Et lorsque l'inconnu entama la marche vers l'endroit où il avait repérer le point d'eau, Akhet s'empressa de le suivre. La démarche de la mangouste était rapide mais les pas trop petits pour rivaliser avec ceux du zèbre. De ce fait, les pas lent de l'équidé et la marche rapide du suricate égalisa tout le monde au même niveau d'avancement. Akhet était maintenant rassuré d'avoir trouvé quelqu'un. Même si c'était ce quelqu'un qui l'avait trouvé. Il se sentait plus en sécurité. Sur le chemin de l'étang, Akhet révéla qu'il cherchait un zèbre, et par n'importe lequel, Matsukan. L'équidé qui marchait à ses côtés lui demanda alors :

-Ah oui ? Et que lui voulez-vous à Matsukan ?

- Ah désolé mon grand ! Mais ça là, j'en parlerais qu'à lui !

Ce n'était pas vraiment un secret, ce qu'il voulait dire au grand Matsukan, mais d'une part, cela ne concernait que le Chef des proies et d'autres part...Akhet prenait plaisir à affamer la curiosité de l'animal ! La mangouste ne perdait jamais une occasion de taquiner les autres, même pour des sujets aussi léger qu'une absence de réponse concrète. Il se disait en cet instant que les zèbres devaient être curieux de nature. L'idée l'amusait encore plus. Il jeta un oeil furtif et malicieux vers le ciel pour guetter la réaction de son interlocuteur. Akher n'était, qui plus est, pas un professionnel de la politesse et des bonnes manières et il connaissait cet équidé que depuis quelques secondes mais ça ne l'empêchait pas de se montrer dès lors familier avec lui. Très vite, les deux animaux à la différence de taille monumentale arrivèrent aux abords d'un petit étang à l'eau claire et fraîche malgré le soleil de plomb. Le zèbre s'adressa à nouveau au suricate avec toujours cette façon si déconcertante pour Akhet :

-Après vous Cher Monsieur.

Akhet leva son regard ambré vers l'inconnu. S'en était beaucoup trop cette fois-ci.

- Oh, merci ! répondit-il avant tout avec entrain, mais s'il vous plaît, vous ne pouvez arrêter de parler comme ça ? C'est...terriblement déstabilisant !

Il restait amical dans ses paroles. Les mots du zèbre lui donnait l'impression de le prendre et de l'écarteler de force pour le faire grandir. Lui, la petite mangouste qui venait d'un coin perdu de Prideland qui n'avait jamais eu à faire dans sa vie à tant d'écart de noblesse ! Il aurait pu s'y attendre venant d'un lion de haut rang, à la limite, mais pas d'un z...! Une petite minute...

que disions-nous ? poursuivit l'inconnu, ah oui, que souhaitez-vous confier à Matsukan de si important pour vous déplacer seul en ce lieu ? Les Mangoustes ont l'habitude d'évoluer en groupe et sont loin d'être nomades si je me souviens bien.

Alors que Akhet s'était interrompu dans sa dernière réflexion, ce fut comme une lueur qui venait de perforer son esprit. Lorsque l'équidé reprit la parole, le jeune suricate le laissa parler tout en profitant de cet instant pour se pencher vers l'eau et se remplir le gosier d'un flot rafraîchissant. Lorsqu'il eut finit, il se redressa en répondant à l'animal :

- C'est exact, mais ce n'est plus mon cas.

Regret ou pas regret d'être partit ? Il y avait une part en lui qui regrettait l'ambiance familial et l'autre part qui lui disait qu'il avait fait le bon choix. Mais c'était surtout son ego qui lui avait permis de vouloir sortir du lot, se différencier de toutes les autres mangoustes dont le groupe entier ne faisait qu'un. Eh bien lui, il était un tout seul et était désireux d'obtenir plus de valeur à lui seul pour rivaliser avec tout un groupe.

- Et vous, reprit-il, vous êtes un zèbre tout seul alors que vous vivez normalement en troupeau !

Cela lui faisait penser que l'animal ne lui avait pas répondu à sa question de s'il venait des troupeaux de Prideland qui avaient déserté les terres. Mais bon, ce n'était qu'un détail désormais. Akhet avait déjà sa réponse. Le zèbre poursuivit alors :

Ca a dû être un voyage éprouvant pour vous.

- Vous n'avez même pas idée ! J'ai déjà pas mal voyagé ne serait-ce que pour me loger sur Prideland. Je ne pensais pas devoir faire un second tour pour débarquer ici dans le but...de VOUS trouver !

Il était fier de sa petite mise en scène. Akhet afficha un sourire de cette même fierté et se tourna vers le zèbre en posant ses mains sur ses hanches, levant à nouveau ses yeux vers le ciel pour capter son regard. Il finit par pointer l'animal du doigt avant de lancer :

- C'est VOUS Matsukan, n'est-ce pas ?

-Vous parler... De quelle manière ? Destabilisant ? Ne suis-je donc pas assez courtois ? Je ne pensais pas que cette appelation vous paraîtrait impolie. Dans ce cas j'en suis désolé.

- Pas assez cour...

Akhet n'en revenait pas. Le zèbre n'arrivait même pas à remarquer sa propre façon de s'adresser aux autres. S'en était presque effrayant. C'était impossible que tous les zèbres s'expriment d'une telle manière. Mais très vite, Akhet ne tarda pas à devenir le pourquoi du comment. Remarquant l'attitude embarrassée de l'équidé, la jeune mangouste ajouta :

- Ben vous l'êtes trop en fait.

Akhet n'avait pas l'habitude qu'on lui parle ainsi. Il n'avait jamais rencontré un animal d'un quelconque statut auparavant et comme il était le fils du couple dominant des suricates dans son ex-chez-lui, il n'avait de toute évidence aucune notion de respect particulier envers quelqu'un de placé haut dans la hiérarchie. De ce fait, le jeune zèbre ne devait pas s'attendre à découvrir un changement d'attitude de la part d'Akhet sous prétexte que ce dernier savait désormais qui il était. Quand il lui annonça que lui aussi se baladait seul à l'encontre des principes d'un animal grégaire, l'équidé lui répondit :

-Bonne répartie. Je me promène aussi seul sans raison apparente.

Sans raison apparente ? Vraiment ? Akhet se doutait qu'un chef comme lui puisse se permettre des balades sans raison apparente. Mais il n'insista pas sur le sujet et passa directement à autre chose. Akhet avoua ensuite qu'il venait de connaître l'identité du zèbre, au grand étonnement de ce dernier qui demeurait néanmoins stoïque.

-En effet, il se pourrait bien, répondit l'équidé.

Ce qui eut pour effet de faire pouffer de rire la petite mangouste qui s'empressa de répliquer :

- C'est même certain !

Il avait deviné le zèbre prit au dépourvu. En même temps, Akhet était doté d'un esprit vif qui le sortait du lot des communes mangoustes. Loin d'être naïf, il fallait se lever tôt pour le tromper. La nature était quand même amusante. Il fallait que ce soit le zèbre aux rayures les plus reconnaissable qui soit élu chef. Akhet était ravi de savoir que désormais, il pourrait le repérer de loin en plein milieu d'un troupeau.

- Comment l'avez-vous deviné ? demanda alors le dénommé Matsukan.

- C'est l'évidence même, répondit le suricate, je crois bien que seul un animal aussi haut placé soit capable de s'exprimer avec autant de...de courtoisie ! Et sans s'en rendre compte en plus !

Akhet afficha un large sourire avant de lâcher un soupire de soulagement :

- Mais je ne vous jette pas la pierre, je ne pouvais pas espérer mieux que le but de ma recherche me trouve en premier ! Je ne me voyais pas parcourir un kilomètre de plus dans ce satané territoire. Ravi de vous rencontrer enfin !

-Alors, comment vous nommez-vous et que me vouliez-vous ? demanda ensuite le zèbre en abaissant sa tête vers la mangouste, mélangeant ainsi leurs iris semblables.

- Eh bien, mon nom est Akhet ! Et si je suis venu vous voir, ce serait par ailleurs pour vous parler de ce qui se passe en ce moment sur Prideland.

Son sourire s'était estompé lorsqu'il avait entamé la deuxième phrase. Après tout, parlé de ce qui se passe à Prideland avec l'invasion était loin d'être joyeux. Le suricate lâcha à nouveau un soupire avant de poursuivre :

- Honnêtement. Mais pourquoi êtes-vous partit ?!

-Humpf, pas spécialement. La richesse de l'esprit ne s'obtient pas avec le rang, ne pas être "haut placé" ne devrait pas être une excuse. En fait, tout le monde devrait se plier à ces règles de courtoisie, il y aurait déjà beaucoup moins de problèmes.

- Hem...

Que répondre à ça ? Si tout le monde parlait comme ce zèbre, déjà, ça serait mortellement agaçant et ennuyeux et ensuite, ce serait probablement un monde d'illusion. L'équidé parlait comme une leçon qu'il récitait. Ce genre de principe noble, on avait du les lui rabâcher toute sa petite jeunesse pour qu'un jour, il puisses succéder à son père.

- Certes...répondit le suricate, sans savoir quoi ajouter de plus.

A vrai dire, il avait également remarqué l'attitude de l'animal, qui semblait s'être vexé de la remarque de la mangouste. Pour quelqu'un de haut placé, c'était un peu normal que d'être frustré lorsqu'une bestiole pas plus haute que trois pommes venait faire la moral sur les protocoles de courtoisie. Mais le zèbre devait ouvrir les yeux. Car c'était belle et bien une excuse, dans ce monde, d'être en haut de la hiérarchie pour pouvoir se permettre de telles expressions. Est-ce que les Rois Lions s'exprimaient ainsi également ? Akhet regarda le zèbre s'ébouriffer la crinière, sans doute sous l'effet de la frustration précédente. Pourtant, lui était le but de la mangouste d'énerver l'animal. Qui plus est, il n'aimerait pas finir sous ses sabots en étant trop insolent alors qu'il était venu juste pour discuter. Mais voilà, comme Matsukan qui ne se rendait pas compte de sa façon de s'adresser aux gens, Akhet ne se rendait pas compte de la sienne. Etre devant un chef ne changeait pas beaucoup son attitude. C'était déjà un miracle qu'il faisait l'effort de vouvoyer l'animal. Enfin, le suricate entama le vif du sujet par une question. Il fallait bien commencer par quelque part. Le zèbre en paraissait déçu mais Akhet n'en prenait pas garde. C'était également un moyen de mieux se renseigner sur le sujet dans le sens où il avait été un petit peu à l'écart de tout ça lorsqu'il était encore chez lui. Les suricates ne bougeaient pas de leur terrier et seuls des messagers entre clans se passaient les informations. Ils pouvaient ainsi informer leur plus lointains voisins avec des messages pas toujours bien détaillés.

-Les Nyeusis ne respectent pas les lois établies et entendues par tous depuis des générations, et ce pour aider le cycle de la vie à se régir dans le bon ordre. Je ne pouvais rien faire en demeurant sur Prideland, et surtout pas faire entendre la voix des proies. Pourchassé sans avoir l'occasion d'excercer mon devoir, il m'aurait été impossible de faire avancer les choses, ce que je tente de faire maintenant.

Une fois de plus, Akhet perçait dans la voix du zèbre, le petit sentiment d'agacement et sentait déjà qu'il commençait à jouer les trouble fête. Mais l'animal poursuivit :

-Me parler de ce qui se passe sur Prideland ? Auriez-vous des informations à me donner ? Y a-t-il de nouveaux faits ?

- De nouveaux faits ? répéta la petite créature, non, toujours les mêmes mais ça ne s'arrange pas.

Akhet s'approcha de la tête du zèbre qui était en train de boire.

- Ecoutez, je sais que vous êtes partit pour protéger les votres à cause de ces gros lions et des hyènes mais comment pensez-vous arranger les choses en restant ici ? Ce n'est pas ici que l'on peut faire entendre la voix des proies.

Le jeune suricate avait abandonné son ton légèrement hautain pour laisser place à une voix pourvu d'inquiétude et peut-être même, un soupçon de supplication très discret.

- En désertant Prideland, le Cycle de la Vie là bas est rompu. Ce territoire va bientôt devenir un véritable désastre ! Je ne comprends pas. Pourquoi ne pas réagir par l'offensive ? Vous êtes des proies, c'est vrai mais c'est pas comme si vous n'aviez rien pour vous défendre ! Vous les zèbres, vous avez des sabots, puis il y a les buffles et leur masse énorme, leurs énormes cornes ! Je ne parle même pas des éléphants. Alors d'accord, ces lions sont coriaces mais ils sont tellement moins nombreux que toutes les proies réunis ! Ce n'est quand même pas impossible de les chasser d'ici et je pense que Prideland mérite qu'on se batte pour lui.

Après ce discours empli de volonté et de courage, le petit suricate se tut. Du courage il en avait. S'il n'était pas aussi petit, il serait probablement aller défier les lions et les hyènes. Malheureusement, son existence se limitait à servir de menu fretin pour les carnivores. Lui qui voyait tout plus grand, voyait les autres proies aussi puissantes que les lions. Akhet s'inquiétait de l'avenir de Prideland et ne pensait pas que la réponse à la solution Nyeusis se trouve perdu dans la Lande des Sans Terres. A part peut-être ce petit espoir, qui résidait dans la conversation qu'il avait avec Matsukan.

Personnellement, pour Akhet, vouvoiement, tutoiement, tout n'était qu'une question d'égalité. Le suricate n'était pas un pro de la politesse mais si on le vouvoyait, il était normal qu'il rende la pareil. Cela n'avait pas beaucoup de rapport avec le statut de son interlocuteur. Si Matsukan avait employé des "tu", la jeune mangouste en aurait fait de même. Pour lui, cela n'avait pas tellement d'importance. Il considérait qu'on pouvait parfaitement respecté un individu sans pour autant le tutoyer. Enfin bref. La réponse du zèbre, pour Akhet, fut extrêmement prévisible. En résumé, le zèbre lui parla d'une sorte de futur apocalyptique à cause des agissements des Nyeusis. Ca, Akhet l'avait tout aussi bien deviner. Il savait que ça allait être un enfer. Mais lorsque le zèbre lui décrivait étape par étape la déchéance de la savane, Akhet écarquilla les yeux. En fait, il ne s'imaginait pas un scénario de fin du monde de ce genre là. Il en avait des frissons rien que d'y penser ! Voilà qui le motivait d'avantage à agir.

... Pour le moment, la meilleure résistance est de laisser ces Nyeusis apprendre la faim jusqu'à ce qu'ils soient prêts à entendre raison concernant le cycle de la vie.

Akhet se ressaissit en entendant les dernières paroles du Chef et pointa son regard dans le sien.

- Et vous croyez que c'est si facile ? Que cette solution est l'évidence même ? Résistance, d'accord, solution : zéro ! Cette idée là ne marchera qu'un temps ! Vous pensez que ces lions et ces hyènes vont y comprendre quelque chose simplement parce qu'ils seront affamés ? N'avez-vous pas envisager une autre possibilité ?? Que les Nyeusis et les hyènes aillent vous chercher ici même ? Oh et puis je suppose qu'ils se contenteront ainsi d'agrandir leur nouveau territoire en gardant Prideland tout en envahissant les territoires voisins en quête de chair fraîche !

Bon sang, quel élan de panique ! Et s'il avait raison dans ce qu'il disait ? Déjà que le zèbre avait parfaitement raison dans son hypothèse en guise de futur atroce pour la Terre des Lions, Akhet était persuadé que son idée à lui était également possible. Tiens ? L'équidé se mit à sourire ? Ce détail n'avait pas échappé à l'oeil habile de la mangouste bien qu'il en ignorait la raison.

-Une nouvelle guerre ravagerait tout sur son passage, surtout entre les proies et les prédateurs. Nous défendons notre famille, au pire un voisin d'un autre troupeau s'il est proche... Mais un affrontement direct entre les deux ? Non, ce serait tout bonnement impossible.

- Rien n'est impossible ! Dans ce genre de situation, il y a toujours à se salir les pattes mais si c'est pour le bien de tout le monde...! On ne mange pas un oeuf sans en casser la coquille !

Akhet n'avait jamais participer au moindre affrontement violent. Mais pour lui, c'était dans les gènes des prédateurs que de s'entredévorer pour des questions de nourriture ou de terres. Les proies étaient tellement plus intelligentes de coopérer et vivre en paix. Matsukan était un pacifiste, normal pour une proie, mais pourtant, en sachant cela, Akhet n'arrivait pas à se faire à l'idée. Ce n'était pas en attendant ici que les choses vont s'améliorer.

-J'aime cette terre, elle est belle et agréable mais ce n'est pas la mienne, pas la notre. La majorité des troupeaux a toujours fait de la sorte, se déplaçant lors des sécheresse ou autres événements problématiques. Nous avons génétiquement été crée pour cela.

- Bah oui. Mais bon, tout le monde ne fonctionne pas comme vous les zèbres.

Notre départ semble cruel mais c'est lui qui protège le cycle de la vie, car lorsque les choses redeviennent à peu près normales, par exemple après un incendie, nous sommes là pour repeupler et réanimer la vie de cette terre molestée.

- Seulement là, c'est bien pire qu'un incendie et ce n'est pas une petite pluie qui fera fuir les Nyeusis. Les choses ne reviendrons pas à la normale toutes seules et personne ne pourra revenir repeupler la terre tant qu'ils seront là. Et puis...Puis je ne parle même pas de ceux qui sont resté et doivent survivre à tout ça !

Nous sommes des migrants bien que ces dernières générations, nous restons beaucoup plus à Prideland, c'est vrai. Mais imaginez si les proies prennent conscience de leur force collective. Elles se soulèveraient au-delà de la logique. Comprenez-vous ?

Akhet manqua de répondre sur le champ comme à son habitude mais il referma la bouche avant d'un son ne puisse en sortir. Il y eut un moment de silence, après quoi, il s'élança à nouveau :

- Mais...Mais c'est pour ça que les proies ont un chef non...? Je veux dire...! Vous ne pouvez pas ne servir qu'à décider ce que les prédateurs vont bouffer ou non ! En tant que chef, ne savez-vous pas gérer les proies en elle même aussi ? Et que dire d'elles d'ailleurs ? Quand elles sont chassées, elles se défendent ou fuient tout naturellement ! Ah et quand bien même ! Qu'est ce qui est le plus important ? La survie de Prideland ou une EVENTUALITE d'une rebellion de proie que vous devriez pouvoir gérer selon vos attributions ??

-Que font les suricates dans ces cas là ?

- Hm ?!

Et plus spécialement le suricate que j'ai devant moi ?

Akhet se figea devant le sourire qui se dessinait sous les naseaux du zèbre aux claires rayures. Le petit animal prit une nouvelle fois le temps de répondre, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Il parut même un peu gêné de sa réponse :

- Nous vous savez, on reste sous terre et on s'occupe de nos affaires...

Mais il redressa la tête avant d'ajouter avec plus d'assurance :

- Mais je considère que ce n'est pas de cette manière non plus qu'on arrange les choses ! J'ai voulu...Enfin j'ai...Je sais bien que la force des miens provient de notre union mais ça ne sert à rien si ce n'est pas pour agir. Moi, je veux simplement faire quelque chose...Même si j'ai autant d'influence qu'un grain de sable dans le désert.

-S'ils s'éparpillent autant, leurs frontières étendues deviendront des failles que les Pridelanders sauront exploiter. Il en a toujours été ainsi. Un territoire de prédateur trop grand le mène à sa perte.

Les Pridelanders...Effectivement, Akhet ne les avait pas oublié ceux-là. Il se demandait bien ce qu'ils étaient devenus, bien qu'il n'en avait jamais rencontré auparavant. L'idée, une fois de plus était bonne, mais le suricate soupçonneux n'était pas forcément convaincu. Il croisa les bras avant de répondre :

- Ca se discute. Ce ne sont pas des adversaires ordinaires. Moi qui pensait déjà impossible que l'on puisse chasser les lions de Prideland ! Mais là en plus par la faute de lions énormes accompagnés de meutes de hyènes.

Mais le zèbre souffla fortement, l'air frustré. Akhet se tut et conserva ses iris dans les siens.

-Le tout est surtout de ne pas agir précipitamment mon jeune, très jeune ami.

Eh oh, la différence d'âge n'était pas des plus grande entre la mangouste et lui ! C'était ce que pensait Akhet en ce moment même bien qu'il n'avait pas trop d'idée sur l'âge de l'animal. Mais l'équidé, bien qu'empli d'une incroyable maturité et d'une indéfinissable sagesse que n'importe quel souverain pourrait envier, avait l'air jeune également. Le suricate s'avança dans cette idée en ayant l'impression qu'un jeune zèbre comme lui, mit trop tôt dans les hauts rangs, n'avait pas vraiment su quoi décider de mieux pour les proies que de quitter le territoire. A vrai dire, la mangouste se demandait si le père du zèbre aurait agit pareil ou non. Comme Akhet gardait le silence sur les derniers mots de Matsukan, ce dernier reprit ses explications. Si seulement il y avait un chef pour chaque type de proie, une sorte de comité, ça arrangerait peut-être cet éventuel problème.

Je ne suis pas mieux qu'un autre attention, seulement j'ai été longuement formé par mon père. Et encore, je ne saisis pas tous les enjeux du cycle de la vie mais au moins je m'y essaye.

- Hum ben...commença Akhet, légèrement embarrassé, vous vous en sortez pas mal...

Ses parents qui étaient les dominants de la troupe de suricate ne lui avaient jamais rien appris sur un rôle de chef. Il s'en moquait pas mal à vrai dire, dans le sens où ses parents ne lui avaient de toutes manières jamais accordé une quelconque attention. C'était probablement différent chez les zèbres, même chez les lions, même chez les hyènes. Un zèbre avait quoi ? Un ou deux petits grand maximum. Un lion pouvait aller jusqu'à quatre. Ces grosses bêtes avaient tout le temps à accorder à leur enfants. Mais quand on était dans un groupe de petites créatures, qui plus est se multipliant comme des lapins, c'était très différent. Il n'y avait pas un regard pour soi, et on devait rapidement apprendre à se débrouiller, à éviter le danger. Une autre raison pour laquelle Akhet était parti.

Lorsqu'il exposa sa façon de voir les choses au zèbre, ce dernier étira un nouveau sourire. Il enchaîna un discours sur la métaphore du suricate, qui l'écoutait dans un silence profond tout en scrutant son reflet dans l'eau claire de l'étang, tellement occupé par la conversation, à la fois par sa fougue et ses sentiments, qu'il en avait perdu la soif. Enfin, elle n'était pas perdue, elle était simplement passé en seconde priorité. Après tout, il n'était pas venu dans cette vallée désolée pour boire un coup. Akhet joignit ses mains dans son dos recouvert de quelques rayures espacées tout en levant son regard d'or vers le zèbre qui l'étonnait de tant de sincérité et toujours autant d'une sagesse exemplaire. Lors du début de sa rencontre avec lui, il n'avait vu qu'un jeune chef qui n'avait pas su trop quoi faire en temps de crise. Mais bien que Matsukan n'avait pas atteint la perfection, il en était celui qui s'en rapprochait le plus. Et avec tout ça, Akhet regrettait presque de s'être montré si dur et arrogant à son égard. Après tout, être chef dans un moment pareil, quelle plaie ça devait être !

-Pridelands n'est pas ma terre, mais je lui porte une certaine affection. Je veux agir mais je dois aussi faire attention à ne pas briser le cycle de la vie. Il faut agir avec plus de discrétion et d'intelligence que ces Nyeusis. Je suis certain que vous seriez un informateur de choix. Quel rôle seriez-vous prêt à jouer pour récupérer votre terre ?

L'attention d'Akhet fut soudain harponner par les mots de l'équidé. Ses grands yeux s'arrondirent comme des soucoupes. Détachant ses mains de derrière son dos, il répondit :

- Le plus efficace ! répliqua t-il avec assurance et sans la moindre hésitation.

Malgré sa réponse rapide, Akhet n'eut pas droit à un retour immédiat de la part du zèbre. Impatient, le petite suricate le scrutait, en attente d'une réponse, les mains sur les hanches. Mais rien ne vint et l'équidé avait l'air perdu dans le monde des pensées. Ce qui n'était qu'un court lap de temps mort paraissait une éternité pour le jeune impulsif qui se décida à tuer cette lenteur de réponse en se penchant sur le rebord de l'étang pour s'abreuver. Cela faisait un bien fou et une fois commencé, il mit un peu de temps à finir car la soif s'était emparé de lui. Le voilà en train de boire avidement cette source de vie. Lorsqu'il eut finit cependant, le zèbre ne semblait pas encore en état de lui trouver quelque chose à dire. Mais au bout d'un moment, il lâcha un soupire, captant l'attention de la mangouste qui en avait assez d'attendre. La patience n'était pas sa vertu première, même s'il en faisait preuve dans des moments délicats, par pure prudence bien sûr.

-Le plus efficace pour le moment, c'est d'être prudent, parce que morts, nous ne serions plus vraiment... Efficaces.

- Ca c'est évident.

Alors il faut recouper les informations, repérer, apprendre de leur mode de vie, essayer de découvrir quels sont leurs problèmes car ils en ont c'est sûr, peut-être même entre eux, dominants comme ils le sont tous. A savoir si dans la précipitation de cette guerre, le leader règne de manière stable et incontestée ou non, sachant que la deuxième version me semble plus crédible. Un roi illégitime a toujours des opposants, plus que ceux légitimes car ils ont l'espoir de prendre sa place, de mieux faire... Sans compter que cet être doit être violent, ce qui engendrera des rébelions qui pourraient bien terminer en guerres intestines.

Akhet écoutait l'équidé avec attention. Il n'avait pas encore eut l'occasion de penser à cette façon d'agir pour faire tomber l'ennemi. Et l'idée n'était pas bête du tout.

- Comme le disait mon père "les plus grands empires ne s'effondrent pas sous les forces extérieures mais bel et bien par une faiblesse qui les mine de l'intérieur" ! déclara le suricate, le doigt en l'air comme s'il récitait une leçon bien apprise.

Un vrai discours de dominant que son paternel tenait en beau rôle. C'était pour cela qui maintenait toujours que l'union faisait la force. Mais quelle force puisque les suricates ne se battaient pas ? Mais il n'avait pas tout à fait tord. Il en fallait beaucoup pour déloger et éparpiller un groupe de mangouste soudé et planqué au fin fond d'un terrier. C'était probablement un peu pareil avec un troupeau de zèbre. Plus ils étaient ensemble, moins les lions avaient de chance d'en avoir un si déjà ils devaient se débrouiller pour en isoler un du groupe. Et ce n'était pas pour rien que les zèbres étaient rayés. En fait, un troupeau de zèbre devait donné drôlement mal à la tête aux lions !

-Oh, il ne s'agit pas d'espionner, ce serait justement très imprudent, mais de laisser traîner une oreille de temps à autre. De mon côté, je vais réfléchir à ce que je pourrais faire... Qui sait, précipiter la chute des Nyeusis ou leur apprentissage du respect avant qu'en effet, comme vous le dite, la terre soit irrémédiablement endommagée.

- Oh...

A vrai dire, Akhet était un peu déçu. Il aurait espérer un rôle un peu plus...un peu plus...Un peu plus important. Imposant. Quelque chose qui ferait de lui ce qu'il cherchait à être en quittant les siens. Un moyen de se démarquer des couards suricates qui se terraient tout le temps. Un moyen de prouver qu'un gringalet comme lui pouvait servir une cause. Et la bonne. Après un instant de silence, cependant, le visage empli de déception laissa rapidement place à un sourire, puis à un haussement d'épaule tandis que l'animal répondit :

- Bah ! Après tout, c'est un peu ce que je fais déjà ! Si je suis venu m'enfoncer dans Prideland, c'était surtout pour voir tout ça de plus près ! Ah...On se rend si peu compte des choses aux frontières !

Il est vrai que vu leur inclinaison à la violence, Pridelands pourrait être complètement détruite avant que la famine ne les atteigne, poursuivit le zèbre.

- Exact ! répliqua la mangouste qui semblait avoir récupéré sa fougue, et je doute que le grain de poussière qui leur sert aux commandes de leur boîte crânienne soit suffisamment développé pour leur permettre un jour de comprendre l'importance du Cycle de la Vie ! Après tout, ils se prennent pour des dieux, ils doivent avoir la sensation de tout contrôler ainsi que le Cycle de la Vie !

Akhet affichait sa satisfaction de voir le zèbre admettre qu'il pouvait avoir raison sur son raisonnement. Matsukan profita de la réponse du suricate pour brouter un peu d'herbe avant de lui demander :

-Qu'en pensez-vous ? Si vous êtes d'accord, nous pourrions nous revoir à la prochaine pleine lune, ici, devant ce petit lac. En attendant, je peux aussi vous ramener aux frontières de Pridelands.


- Oh eh bien...

Akhet s'avança vers le visage de l'équidé penché sur une touffe d'herbe.

- C'est d'accord Grand Rayé, vous pouvez compter sur moi ! lança-t-il, enthousiaste, et...Je ne suis pas contre une petite conduite accompagnée.

Il ne se voyait pas refaire tout le voyage, mais si en plus, à la pleine lune, il serait bien obligé de le faire, alors il n'y avait aucune raison pour laquelle il n'accepte pas la proposition du zèbre. Après tout, Akhet était un opportuniste dans l'âme et cherchera toujours à profiter des situations, dans la mesure du possible. Qui plus est, c'était moins dangereux pour lui d'agir ainsi et il n'était pas certain de pouvoir reconnaître la route à suivre pour retourner à Prideland.

-Avec ces ... Pattes ? Je suppose que vous pourriez monter sur mon dos et vous accrocher à ma crinière, non ?

- Oh oui, ça sera très bien comme ça ! répliqua Akhet d'un ton jovial.

Quelle expérience ça allait être ! C'était déjà la première fois qu'il voyait un zèbre d'aussi près, la première fois qu'il en voyait un avec des rayures pareilles, la première fois qu'il allait même monter sur son dos. En fait, depuis qu'il s'était enfoncé dans Prideland, tout était une première pour le jeune suricate. Depuis le matin de sa vie, il n'avait jusque là jamais abandonné sa plaine natale. A trois ans, il donnait encore l'impression de découvrir la vie. Tout compte fait, il ne faisait que découvrir de nouveaux territoires mais c'était tellement plus excitant que la noirceur d'un terrier et l'aridité d'une plaine. La mangouste longea le corps du zèbre de ses yeux ambrés comme une montagne qu'il s'apprêtait à escalader, fasciné et impatient. Il n'avait nullement peur. Il était au contraire très enthousiaste à l'idée d'essayer cette chevauchée. De plus, quelle nouvelle vue il aura sur le monde le temps d'une traversée ! Voir les choses en grand pour la première fois de sa vie, voir comment les autres animaux voyaient. Fantastique ! Il en trépignait d'avance. Pour en revenir aux Nyeusis, Matsukan répondit à la petite créature :

-Ne les sous-estimez pas trop non plus. Jugeons avec prudence qu'ils sont en réalité intelligents, très au courant du fonctionnement cycle de la vie mais assez orgueilleux pour penser pouvoir passer outre. Il faut toujours sur-valoriser ses adversaires pour éviter les mauvaises surprises.

- Justement, je pense que ceux qui prétendent pouvoir passer outre le Cycle de la Vie ne sont pas bien malins car au final, ils peuvent courir eux-même à leur perte !

Akhet prenait son petit air malin à rabaisser les Nyeusis mais c'était une chose qui ne faisait que lorsqu'il n'y en avait aucun pour l'entendre ! Le suricate faisait son beau parleur à l'abri des oreilles dangereuses, peut-être pour se rassurer sur l'avenir de Prideland et surtout pour se détendre sur la situation. Il préférait voir ses ennemis complètement dépourvu de faculté mentale afin de ne pas sans arrêt stresser sur leur présence au territoire. Mais il était certain que si un jour, il devait être confronté à eux, il ne les sous estimerait jamais. Rien qu'en en parlant, ces affreux lions lui hérissait l'échine de frayeur. Le zèbre lui sourit à nouveau avant de lui dire :

-Alors en route Petit Rayé.

Akhet afficha un large sourire et approuva d'un hochement de tête. Même si ce zèbre pouvait l'agacer au plus haut point avec ses belles paroles solennel de chef, il venait de découvrir en lui une nouvelle facette plus sympathique qu'il appréciait déjà. Soudain, l'équidé fouetta l'air de sa queue devant Akhet tout en lui disant :

-Si vous montez, je vous conseille de bien vous accrocher.

- Ah ! Voyons ça ! lança Akhet avant de bondir sur la queue de l'animal, s'y agrippant et jouant l'escalade, tirant sur ses maigres membres.

Il y grimpa très rapidement et une fois sur la croupe de l'équidé, il prit quelques secondes à contempler le paysage de cette toute nouvelle hauteur. C'était perturbant dans le bon sens du terme. Une toute nouvelle sensation d'être au dessus de quelque chose. Voir le zèbre de dos aussi c'était particulière, qui plus est, le voir d'au dessus de son dos, ce que devait voir les oiseaux de loin qui passaient au dessus de lui. Pour la première fois, Akhet parcourait cet animal à la robe rayée. Il s'avança sur son échine, tâtant avec ses pattes la peau plutôt épaisse de l'animal, ses poils si court qu'on les dirait inexistant, incapable de fournir la moindre prise, tellement aplati, ne formant qu'un tapis lisse et coloré sur le corps de l'équidé, sous lequel Akhet pouvait sentir rouler de puissants muscles. Le jeune suricate s'avança vers la crinière de Matsukan, le seul endroit avec la queue à posséder des touffes bien longues. Mais ces poils là étaient différents. Ils étaient longs, mais paraissait aussi plus raide, plus solides. La mangouste agrippa cette crinière entre ses doigts qu'il serra fort pour ne pas lâché prise, s'attendant au galop de l'animal à tout moment. Il dévia un peu sa tête pour pouvoir apercevoir de l'autre côté de la forte encolure de l'équidé, et par la même occasion, capter son regard. Les yeux du zèbre étaient posés sur les côtés de sa tête, ce qui devait être bien pratique pour regarder autour de lui. Il devait sans doute voir le suricate de là où il était et voir donc que ce dernier était prêt.

Matsukan détala alors. Prit au dépourvu, Akhet cependant ne lâcha pas sa prise. Au contraire la resserra. Le zèbre pourfendit la vallée sous le vacarme du martèlement de ses sabots. Akhet s'efforçait à maintenir les yeux ouverts malgré le vent qui s'engouffrait dans ses prunelles et les asséchaient rapidement. Il voyait ainsi le paysage de la lande défiler à toute vitesse autour de lui. Son petit coeur battait la chamade, mais pas de peur, d'une grande excitation, une joie particulière, un moment purement magistral.

- Wouaouh ! lâcha la créature dans le feu de l'action.

Il n'avait pas pu empêcher ce besoin de s'exprimer autrement qu'en gardant le silence et sentir cette adrénaline s’emmagasiner dans son corps. Bien accroché à la crinière très résistante et insensible du Chef des proies, sa queue traînait derrière lui. Il ne sentait même pas les chaos du sol, le zèbre donnait l'impression de voler à vitesse grand V au dessus de la lande. Seul le bruit de sa course trahissait son attachement à la terre.

Après un moment de folie dans cette traversée éprouvante, Matsukan finit par ralentir jusqu'à s'arrêter. Devant lui s'étendait déjà des terres aux allures bien meilleures. Enfin, pour l'instant. Akhet profita d'encore un moment pour regarder Prideland sous cet angle particulier. Il finit par se reculer de son poste et retourna vers la croupe du zèbre avant d'attraper les crins de sa queue et descendre en toute hâte. Une fois patte à terre, il rejoignit au petit trot l'avant main de l'équidé et se tourna vers lui, devant à nouveau lever son regard vers le ciel pour pouvoir le voir. Les meilleures choses ont une fin.

- Hey ! fit la mangouste, merci pour la balade ! J'ai été ravi de vous rencontrer !

Akhet se tourna vers les frontières de Prideland, territoire maudit par les Nyeusis, avant de faire volte face au zèbre et d'ajouter :

- Au plaisir de vous revoir ! Et ne vous en faites pas -il jeta un regard sur Prideland par dessus son épaule avant de regarder à nouveau Matsukan- je les tiendrais à l'oeil, ces satanés lions !

Akhet étira un sourire au zèbre puis soupira. Quelle journée en fin de compte ! Il finit par se détourner de l'équidé pour entamer sa marche de l'autre côté de la frontière, droit et satisfait. Après quelques pas de retour à Prideland, la mangouste envoya un dernier regard par dessus son épaule avant de se faufiler à quatre pattes dans les hautes herbes, disparaissant aux yeux de tous.