Une secousse délicate me sortie de mon sommeil pourtant profond par cette chaleur assommante. Accaparée par les bras de Morphée, je peinais à sortir de ma torpeur mais une voix devenue familière me poussa à ouvrir mes paupières endolories. Il était rare qu'une hyène vienne me tirer de mon sommeil de la sorte aussi me questionnais-je sur ses intentions : que me voulait Makeo ? S'éloignant aussi subitement qu'il s'était approché, l'adolescent parti rejoindre son jeune frère. Perplexe quant au comportement du mâle, je décida de ne pas y prêter trop d'attention et enroula avec douceur ma queue autours de mes flancs esquintés afin de retourner aux pays des songes. Dernièrement, il m'était difficile de trouver le sommeil aussi étais-je reconnaissante envers cette chaleur accablante qui régnait sur la savane et qui me guidait dans ma quête de repos mais alors que j'étais en bonne voie pour m'assoupir de nouveau, mes oreilles surprirent la conversation entre Makeo et son frère et je compris de suite qu'il en était fini de mon sommeil réparateur. L'adolescent avait un plan en tête... Un plan pour s'enfuir définitivement de cet grotte de malheur.

Presque trop subitement, je me redressa et des maux de têtes me frappèrent violemment m'obligeant alors à calmer mes ardeurs et revenir à ma position initiale. Nous ne pouvions pas fuir, nous ne devions pas... Les souvenirs de ma dernière tentative me nouaient encore le ventre et je me sentais fébrile. Non ce n'étaient pas que les souvenirs, c'était principalement la peur. C'était bien trop dangereux, les Nyeusis ne nous laisseraient pas cette chance... Mais plus que les Nyeusis, c'était l'image de Mopanga qui me faisait trembler de peur. Une lueur d'affolement parcourait mon regard. Je connaissais parfaitement notre sort si les Nyeusis nous attrapaient à nouveau. Ils ne pardonnaient jamais rien et ne feraient pas preuve de merci une seconde fois. Cette fois-ci, Mopanga me tuerait à coup sûr. Ma bravoure d'antan s'était effondré pour laisser la peur me dominer. Observant de loin Makeo et sa fratrie, mon regard se déposa finalement sur la reine qui dormait profondément et je me souvins de ma promesse faite à Kumpa. Il comptait sur moi, les Pridelanders comptaient sur moi... Et pourtant, la peur me clouait sur place. J'avais honte d'être devenue ce que j'étais mais sans mon honneur, je me sentais brisée. C'était là l’œuvre de Mopanga, il m'avait enlevé tout espoir et réduit à un état pire que la mort. L'éclat d'antan avait laissé place à une triste pâleur. Que devenait un Lion du Soleil lorsqu'on lui prenait son honneur ? Rien, il n'était plus que l'ombre de lui-même.

La tête enfouie dans mes pattes avants, je me faisais violence pour combattre cette peur qui m'animait. Pourquoi était-ce si dur ? Un frisson tout entier me parcourut lorsque je sentis un corps s'allonger aux côtés du mien. A la manière d'un enfant, je sortis lentement de ma cachet improvisée et observa d'un regard vide la hyène. Bien qu'étant une réalité connue de tous, il m'était encore difficile d'admettre les événements passés aussi fronçais-je les sourcils aux premiers mots de l'adolescent. Je ne voulais pas parler de cette chose, ni avec lui ni avec personne mais alors que je m'apprêtais à refermer ma coquille, une lueur oubliée fleuri dans ma poitrine. L'espoir. J'admirais sa détermination et son sens du sacrifice. Il était prêt à tout pour sauver sa fratrie... L'esprit du guerrier l'animait de tout son être. Avais-je déjà vue une hyène si brave ? Il était stupide que nos espèces soient continuellement en guerre... Nous avions bien cohabiter pacifiquement le temps de notre emprisonnement alors pourquoi nos congénères ne pourraient-ils pas faire de même ? Tous ici avions partager la même peine et il était peu probable que nous l'oublions. L'impact de ses mots fut grand et je sentis une force inespérée me parvenir. Je ne pouvais pas mourir ici, pas sans avoir revu Samekh, pas sans avoir tenu ma promesse... Le regard brillant de détermination, je plongeais mes pupilles dorées dans celle du mâle. Aujourd'hui, nous allions quitter cette prison et rejoindre les nôtres, qu'ils soient hyènes ou lions. Il suffisait de croire.

Sans même avoir eu le temps de lui répondre quoi que ce soit, Makeo s'échappa de la grotte aussi vite qu'une gazelle prise en chasse et emporta dans son sillage les deux gardes. La voie était libre... Comprenant que nous n'avions pas une minute à perdre, je me précipita au chevet de Malkia et posant ma tête contre la sienne, je la secoua à plusieurs reprises tout en prenant garde de ne pas la brusquer.

« Malkia, préparez-vous à partir... C'est notre dernière chance de nous enfuir d'ici. » murmurais-je à la lionne qui émergeait doucement de son sommeil puis je me retourna vers les deux hyènes. Djal semblait effrayé mais les mots de son frère devraient suffit à le tenir sous contrôle. « Kuruka, Djal, restez près de nous. » exigeais-je du reste de la fratrie avant de m'approcher de la femelle dont l'inquiétude tordait le visage. « Ton frère nous rejoindra plus tard alors ne t'inquiètes pas. » tentais-je de rassurer la hyène blanche mais moi-même étais incertaine quant à l'exactitude de mes propos.

Bien que fraîchement sortie de sa somnolence, Malkia avait les quatre pattes au sol, prête au départ. Je lui adressa un mince sourire avant de me diriger vers l'entrée de la grotte. Nous avions déjà perdu assez de temps... Vérifiant une dernière fois que les lieux soient bien désert, je fis signe au petit groupe de me suivre et très vite, nos pas prudents se mouvèrent en course effréné. La chaleur et les mauvais traitement faisaient de nous de piètre coureur mais l'espoir et la rage de vivre compensaient ce malus.

Il n'y avait plus de temps pour douter désormais, nous avions d'ores et déjà franchi la ligne rouge. Laissant le petit groupe prendre quelques mètres d'avance, je me retourna une dernière fois vers le rocher, le regard empli de haine. Mopanga... Quand bien même nos chemins se séparaient, je n'oublierai jamais ce lion. Il s'en était assuré... Grondant de colère, je me dépêcha de rejoindre et nous reprîmes notre course effrénée. Malgré son âge avancé, Malkia faisait elle aussi preuve de bravoure et tâchait de suivre notre pas de course et c'est ainsi que nous arrivâmes aux frontière du territoire, essoufflés mais vivants.

« Makeo n'est toujours pas revenu... » s'inquiétait Kuruka.

Levant le regard vers la jeune femelle, je partageais moi aussi son inquiétude. Tout cela avait été rendu possible par la bravoure de son frère, nous ne pouvions le laisser à son sort.

« Malkia écoutez-moi attentivement je vous prie. » interpellais-je la reine. « Les Pridelanders ont trouvés refuge plus au nord, au Grand Baobab aux côtés des Mositus. Kumpa, votre fils, vous y attend. Prenez les chiots avec vous et assurez-vous qu'ils rejoignant leur meute sain et sauf. »

Son regard exprima son opposition en comprenant mes intentions mais le mien ne lui laissait pas le choix. Il n'était pas question d'abandonner Makeo... Pas après ce qu'il avait fait pour nous. Alors que je m'apprêtais à rebrousser chemin, la lionne m'interpella et avant même que je puisse voir venir le coup, elle m'enlaça fermement. Elle savait tout comme moi combien il était dangereux d'y retourner ainsi que le traitement dont me gratifiaient les Nyeusis s'ils m'attrapaient. Pour mieux la rassurer, je passa sous silence ma propre peur. La Reine était saine et sauve et ma promesse honorée cependant, j'avais encore une dette envers Makeo. M'éloignant de la lionne, je lui accorda un bref sourire avant de rassurez les deux hyènes sur le retour de leur frère puis m'éloigna en direction du Rocher.

Le cœur tambourinant dans ma poitrine sous l'effet de l'anxiété, je fis donc chemin inverse dans l'espoir de pouvoir récupérer notre sauveur et ainsi le ramener aux côtés de sa fratrie. Néanmoins quelque chose clochait... Ma peur jouait-elle des tours ou bien le sol tremblait-il en prévision d'un cataclysme ? La réponse fut pire que je ne l'avais espéré. Accablant l'environnement par son aura meurtrière, Mopanga foulait rageusement la savane de ses pattes puissantes et sources de malheur. Mon cœur rata un battement et je m'aplatis instinctivement au sol, le souffle court. Il ne m'avait pas vu... Avec un peu de chance, je pouvais peut-être le contourner me disais-je mais à peine fus-je relever que se dressait face à moi une ombre menaçante.

« Tu ne pensais tout de même pas que j'allais oublier ton odeur, hmm ? » minaudait faussement le mâle.

La peur m'ôta la voix et je demeurais immobile, incapable d'esquisser le moindre mouvement. J'étais littéralement clouée au sol. En cet instant, je regretta amèrement de ne pas être partie avec Malkia... Une force incommensurable m'envoya valser au sol et des griffes se plantèrent furieusement dans ma chair. Un feulement fit vibrer ma gorge et alors que je tentais de m'extirper de son emprise, le mâle utilisa ses griffes solidement encrées dans ma chair pour me traîner jusqu'à lui, me lacérant les flancs de ses armes aiguisées. D'un geste violent mais précis, il me fit rouler sur le dos pour atteindre ma gorge de ses crocs. Esquivant de justesse son attaque, ses crocs se rabattirent sur mon épaule dont je sentais le sang s'écouler abondamment. Mes dernières blessures infligées par ce même bourreau n'avait pas encore cicatrisées et rapidement, elles se rouvraient une à une, m'arrachant des grimaces de douleurs infimes.

Puis semblable à ce jour où mon mentor m'avait sauvé de ce buffle, un éclair sembla frapper devant moi et Mopanga s'écarta vivement dans un grondement de colère. Samekh ? Non, ce n'était pas lui mais quelqu'un de bien plus inattendu : Makeo. Dans son éternel bravoure il fit barrière devant mon agresseur, faisant mine d'ignorer la différence quasi-écrasante du rapport de force. Était-il devenu fou... s'interposer face à Mopanga revenait à signer son arrêt de mort.

« Idiot, tu aurais dû t'enfuir ! » criais-je à l'intention de la hyène

Il m'adressa pourtant un sourire d'entêtement radieux. C'était la deuxième fois qu'il me portait secours... Quand bien même je lui reprochais de ne pas avoir fuit, je ne pouvais que lui en être reconnaissante mais lui comme moi nous savions que cela n'arrêterait pas le Nyeusis. Il perdrait simplement plus de temps... Mais fidèle à leur hobbies de briser tout espoir, Mopanga revint vite à la charge et d'un coup aussi puissant que ceux qu'il m'avait porté, il éjecta la jeune hyène sur une roche et dans un cri d'effroi, je vis le corps de Makeo retombait lourdement au sol, sans signe de vie. Ignorant à mon tours la menace qui planait, je me précipita aux côtés de l'adolescent pour constater avec soulagement qu'il n'était qu'inconscient. Pourtant, je doutais que cela avait été intentionnel... s'il avait pu, Mopanga n'aurait pas hésiter à le tuer. C'était un miracle que la hyène soit encore en vie.

« Maintenant que la chienne est hors-jeu, il ne reste plus que toi et moi... » murmurait le lion d'un ton glacial tout en s'approchant d'un air menaçant. « Cette fois-ci, je ne te laisserai pas t'en tirer sale traîtresse... »

Son regard brillait de haine et le mien de rancœur. Il m'avait déjà ôté mon honneur, il ne lui restait plus que ma vie à prendre. En réponse au rugissement du lion, je feula à mon tours, lui crachant au visage toute ma colère ainsi que mon mépris. Lequel de nous deux haïssait-il le plus l'autre ? Loin derrière nous étaient le temps des sentiments, la haine avait triomphé. Dans un dernier râlement, le lion de l'ombre se jeta sur mon corps doré et je subis le châtiment qui m'était dû.

Samekh a écrit:

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