Et voilà à force d'errer sans but j'étais une nouvelle arrivée sur ces terres. Pourtant je ne les affectionnais pas particulièrement, pire même elles ne m'attiraient absolument pas. Peu de lumière, végétation pourrissante, le gibier n'était même pas imaginable bref l'horreur. Comment les Outlanders pouvaient-ils vivre dans de tels conditions ? Voilà l'une des raisons pour lesquelles je ne les avais jamais rejoint, qui plus est j'en avais fini avec la vie en communauté surtout pour me retrouver une nouvelle fois sous les ordres d'un tyran.

Les branches craquées incessamment sous mon passage. Tout mourrait ici, même les branches et les feuilles ! Ce paysage était déprimant. Oui, non seulement il était déprimant mais il me mettait aussi de mauvaise humeur. Un sacrilège en soit. Soufflant par les naseaux de bouillonnement -oui je bouillonner à l'intérieure de moi- je me mis à foncer droit sur un arbre où je me cabra brutalement, lacérant le tronc d'arbre de coup de griffe répété. Non seulement cela me permettait de me défouler mais je faisais aussi mes griffes par la même occasion.

La colère finalement passée, je continua ma route les épaules un peu plus légères. Voilà seulement quelques jours que j'étais sur ces terres et j'éprouvais déjà l'envie de m'en enfuir. Ces terres avaient beau avoir été nommé « Terre des Exilés », je ne les considérais en aucun cas comme mon foyer. Il ne s'était pas creuser la tête pour nous filer des terres aussi pourries. Je les détestais eux et leur terre luxuriantes pendant que nous autres crevions la dalle. Je n'attendais qu'une chose, voir leur régime pourtant si parfait à leur yeux se faire renverser par des lions désireux de vengeance.

Lentement mes yeux s'ouvrent, au loin l'astre du jour entame à peinse sa course, la brise est encore fraîche et les animaux de la contrée somnolent encore, et pourtant il faut se mettre en route, en route vers des territoires inconnus qui me distrairont quelques temps, illusionnée d'un bonheur factice alors j'oublierais ce vide qui me tenaille impitoyablement le cœur,  j'oublierais ma solitude, mon ennuie, mes origines, j'oublierais tout pour ne plus être qu'un corps grimpant, bondissant, nageant sur des Terres pleines de mystères. Oh Ciel, que vite ce poids cesse même si il ne reviendra que plus lourd ...

Mes pas me guident, mes pas me poussent, mes pas m’emmènent vers cette sombre jungle à l'odeur pestilentielle, il s'échappe de ses arbres un concert de bruits étranges, le bois craquent, les insectes grouillent sous les souches moisies, d'un filet d'eau verdâtre s'élève le bruit si familier d'une source qui coule et s'écrase sur la roche; mais bien plus que tous ses bruitages presque sans intérêt j'entends une respiration, forte, énervée, le bruit de griffes s'abattant violemment sur un tronc. Par instinct je m’aplatis sur le sol humide et parviens à distinguer à travers les buissons une jeune lionne au pelage illuminée, une jeune lionne tout comme moi, une jeune lionne comme celles des histoires de mes mères où elles ne semblent être que des monstres sans cœur. Divisée, perplexe, je reste cachée d'elle, les lions étaient-ils véritablement des montres, alors pourquoi n'en serais-je pas un moi aussi ? Mes yeux ne se détachent pas de sa silhouette si semblable à la mienne, puis enfin je me décide, si je suis vraiment une lionne je dois apprendre à connaître ce que je suis; sans même réfléchir plus longtemps à cette future rencontre je sors de ce bosquet et me plante derrière la féline.

Face à mon impulsivité je ne sais que dire, difficilement je réussis à bredouiller quelques propos décousus d'une voix rauque, témoin de ma solitude:


- Euh bonjour ... enfin bon matin, ça dépend en fait si tu considère que c'est le matin où si ça compte vraiment comme le jour, logiquement c'est le matin mais personne ne dit vraiment bon matin pourtont les gens disent bonsoir, étrange ... non ?

Enfin j'arrive à stopper ce débit de sornettes qui semble couler hors de mes lèvres, quelle idiote je peux être, que de paroles stupides quand il aurait suffit de la saluer, je baisse les yeux, me rendant compte que pour la première fois je parle à une consœur de même espèce.

Soudainement, quelque chose s'extirpe des fourrés. La pauvre idiote que j'étais avait négligé ses sens... Réagissant au quart de tour, je fis volte face en grondant, toutes griffes sorties et montrant les crocs. Je calma ma colère dès lors que je remarqua l'air apeurée de la lionne. Et bien quoi, n'était-ce pas elle qui me suivait ? L'étonnement fit chuter ma colère pour finalement laisser place à l'incompréhension. Mais ma surprise ne s'arrêta pas là puisque d'une voix rauque, la lionne fit déferler de son gosier un tas de propos incohérent. Venait-elle réellement d'avoir un débat avec elle-même sur une façon de saluer ? « C'est surtout toi que je trouve étrange. » avouais-je incrédule et d'un ton moqueur.

Mais quelle était cette lionne ? En tout honnêteté, on aurait dit un alien venu d'encore plus loin que les Montagnes du Nord (ce qui faisait vraiment loin...). Me concentrant sur son odeur cette dernière me laissa perplexe, comme si elle ne venait pas d'ici. Cette lionne portait sur elle une odeur inconnue qui attisait ma curiosité et mon intérêt. Vu l'état de la petite chose, je ne fus guère effrayer à l'idée de m'approcher et rôda autours du félin, l'inspectant sous toutes les contours. Elle n'était pourtant pas si différente dans son physique, c'était une lionne ordinaire. Mais quelque chose me disait qu'il y avait plus.

Afin de mettre la lionne en confiance afin qu'elle me livre ces petits secrets, je pris place à elle tout en prenant soin d'enrouler ma queue autour de mes pattes et répondis bien que tardivement : « A vrai dire je ne me suis jamais poser cette question. Je pense que lorsque le matin se lève, nous disons bonjour car le soleil vient d'apparaître et annonce la fin de la nuit. Puis, le temps passe et le matin fait place à l'après-midi alors nous nous disons bon après-midi. Et lorsque vient le soir, c'est tout simplement bonsoir. Et je pense aussi que tu te poses trop de question. » terminais-je avec un sourire. Je me trouvais incroyable, lorsque je faisais de tels efforts je paraissais véritablement adorable.

Adressant une sorte de sourire -j'avais perdu l'habitude de sourire de manière aussi nonchalante- je tentais de mettre la lionne en confiance. « Je n'arrive pas à mettre de nom sur ton odeur, d'où viens-tu ? » Mon ton se voulait d'être doux et chaleureux mais j'ignorais si c'était vraiment le cas. Néanmoins je devais redoubler d'effort et jouer ce rôle à la perfection. Je voulais des réponses sur ce que je ne comprenais pas car depuis quelques instants, je venais de sentir une odeur de hyène sur son pelage, ces chiennes baveuses que je détestais au plus haut point. Je ne doutais pas du fait que l'histoire de cette lionne devait être palpitante... Car quelles hyènes laisseraient une lionne de cette âge s'en sortir sans aucune blessure ? C'était à n'y rien comprendre.

La lionne semble un instant sur la défensive, griffes sorties et babines retroussées,    fascinée j'ose lever les yeux pour mieux la déchiffrer, elle et ses attitudes semblables aux miennes, son physique si proche du mien, seule son odeur est bien différente de celle qui émane de mon être, la sienne, suave et douce, la mienne, amère et âcre, relent de fumée et de cendres. Bientôt la féline quitte son masque agressif pour afficher un air incrédule, ses yeux dénotant son incompréhension et sa curiosité, c'est pourtant d'un ton moqueur, que je ne connais que trop bien, qu'elle lance:

« C'est surtout toi que je trouve étrange. »

Sans même réagir je continue de l'observer, mes yeux ne quittent pas les siens, pour ma première conversation avec l'une de mon espèce la rencontre aurait pu être plus douce, mais, heureuse de ne plus être l'être à part je sens en moi bouillonner l'excitation. La féline me regarde elle aussi, chacune semblant intriguée par l'autre; alors que le silence se fait un peu plus pesant je vois son corps  se figer un instant avant que ses traits ne prennent des courbes plus douces, cachant les capacités de sa mâchoire impressionnante, rentrant ses lames de rasoirs qui lui servent de griffes , c'est un sourire qui illumine maintenant son faciès qui semble presque rieur, lentement elle s'assied et prend une attitude plus tranquille, même si ce calme sonne faux. J'attends, j'attends d'elle un je-ne-sais-quoi, une preuve, peut être, que ma race n'est pas si folle.

« A vrai dire je ne me suis jamais poser cette question. Je pense que lorsque le matin se lève, nous disons bonjour car le soleil vient d'apparaître et annonce la fin de la nuit. Puis, le temps passe et le matin fait place à l'après-midi alors nous nous disons bon après-midi. Et lorsque vient le soir, c'est tout simplement bonsoir. Et je pense aussi que tu te poses trop de question. »

J'écoute ses paroles, ses propos, sa voix à elle est douce, presque chantante, ses mots sont bien choisis, peut être trop, ou ce n'est qu'une impression après une vie au côté des hyènes, je la défigure encore un peu plus, sur son visage aucune mimique stupide, son pelage est propre, ses dents semblent des plus entretenues, son regard est vif et son torse se soulève à un rythme régulier. Face à mon mutisme la lionne parle encore, s'interroge:

« Je n'arrive pas à mettre de nom sur ton odeur, d'où viens-tu ? »


Enfin je pense à répondre à ces incessantes paroles auxquelles je ne suis pas habituée, mais bien plus que sa question ce sont les miennes qui m’intéressent, alors ignorant ses mots je parle, d'une voix plus claire, plus sûre:

« Tu vis seule ? »


Comme elle je m'assied, essayant de calquer ma position sur la sienne, respirant au même rythme qu'elle, me retenant de poser plus de questions sur elle et sur sa vie de lionne.Le soleil au dessus de nous, indifférent à nos mœurs, continue sa course folle pour bientôt atteindre son zénith.

Elle semblait presque venue d'ailleurs et la façon qu'elle avait de me regarder ne semblait pas... naturelle si je pouvais m'exprimer de la sorte. Elle m'observait sous toutes les coutures comme si elle découvrait un miroir pour la première fois, c'en était presque gênant. Finalement, après mes multiples questions, la lionne décide de rompre le silence mais... en ignorant mes questions ? Je fronça légèrement les sourcils. Pourquoi se permettait-elle de me poser une question alors qu'elle ignorait royalement les miennes ? L'air de rien, l'étrange lionne s'assit face à moi et enroula elle aussi sa queue autour de ses pattes. C'était quoi maintenant, un jeu d'imitation ? « Tu sais généralement avant de poser une question à quelqu'un, on répond d'abord à celles qui nous ont été posées. » affirmais-je à la lionne la voix calme.

Je n'aimais pas trop cela, je me sentais prise pour une idiote et autant dire que je détestais ça. Pourquoi ignorer mes questions si c'était pour m'en poser une ? Pourquoi être si excitée en premier lieu puis apparaître ensuite si réservée ? Quelle étrange lionne. « Si tu veux que je répondes à tes questions, réponds au moins au mienne. » ajoutais-je quelques instant plus tard d'un ton neutre. Oui c'était là une rencontre étrange dans un lieu qui l'était tout autant. Prenant finalement sur moi, je place mon égo de côté pour quelques instants et finis par répondre à la lionne dans l'espoir que cela l'incite à éclaircir ma lanterne : « Mais oui je vis seule. » Peut-être cela motiverait-il la lionne à me répondre.