Who are you ?
Sous le soleil de plomb ...

Kutoa fit quelques pas sur le sol craquelé de ce début de frontière et inspira un grand coup. L'air sec du désert lui fit froncer le museau. Hmm ... Comment les Jangowas faisaient pour vivre dans de telles conditions ? L'adolescent secoua la tête et reprit son chemin.

Il avait le coeur léger en cette après-midi de la saison sèche, et la chaleur ne le dérangeait qu'à peine. Le matin même, il s'était entraîné au combat, comme tout bon Kulisha qui se respecte, et avait battu tous ses opposants. Et devinez quoi ? Sharkan avait assisté à l'entraînement, et l'avait félicité ! Bon, bien sûr, cela ressemblait plus à un "tu te débrouilles bien" qu'à autre chose. Mais cela suffisait amplement. Kutoa avait donc eu droit à une récompense : avoir son après-midi de libre. Il n'avait pas à rester au camp à surveiller les lionceaux, à jouer avec eux, et faire toutes ces choses profondément ennuyantes. L'adolescent avait alors décidé d'explorer le territoire de Freeland, et d'approfondir ses connaissances sur son chez-soi. Ses pattes l'avait conduit jusqu'à la frontière du Grand Désert.

Kutoa plissa des yeux pour mieux observer le paysage, car le soleil l'aveuglait. Décidément, le Grand Désert était un lieu de désolation : il n'y avait rien que du sable. Le Kulishas félicita intérieurement ses parents pour avoir établi leur territoire à Freeland.
Comment font-ils pour boire quand les cours d'eau sont asséchés même chez nous ?
Songea Kutoa en continuant d'avancer sur le sol sec, encore bordé par les hautes-herbes de la savane. Soudain, une forme dorée apparut à l'horizon. Elle resta un moment immobile avant de s'approcher rapidement. Kutoa, dans le doute, préféra de ne pas bouger. On ne sait jamais. Une jeune lionne se présenta alors à lui. Son pelage semblait fait de rayons de soleil et de nuages. Kutoa sourit en pensant à la comparaison étrange qu'il venait de faire, car c'était absurde.



Kutoa posa son regard saphir sur la Jangowas, et l'observa plus en détails. Malgré son jeune âge, elle avait déjà un corps fin et agile, digne d'une excellente chasseresse, et des pattes postérieures particulièrement musclées. Sans doute savait-elle sauter à des hauteurs impressionnantes. Intéressant. Kutoa n'aurait jamais deviné qu'une telle caractéristique existait chez les Jangowas. Ce n'était pas comme s'ils avaient vraiment besoin de grimper sur des pentes escarpées. Puis son regard coula ensuite sur son visage. Elle était mignonne, mais sans plus. Par contre, elle avait de beaux yeux bleus.
Un point commun avec moi, eh.
Il s'arrêta finalement, voyant que la Jangowa commençait à perdre patience.



Répondit Kutoa sur un ton exagérément poli, et un peu insolent, tout en avançant de quelques pas pour se rapprocher de la jeune lionne ... et de la frontière.

Who are you, again ?
Et une rencontre unique.

Kutoa ne perdit pas son calme en voyant la jeune lionne froncer des sourcils pour ensuite lui gronder quelque chose à propos du fait qu'il ne connaissait pas les Jangowas - ce qui n'était pas tout à fait faux - et que si ceux-ci le trouvaient sur leur territoire, il pourrait dire adieu à son futur de guerrier d'élite. Mais il n'avait pas peur, du moins, pas encore.

Soudain, la Jangowa se tapit au sol et lui bondit dessus aussitôt.
Hmm ... Trop tard, je t'ai déjà vu venir, petite.
Songea Kutoa en se laissant tomber volontaire, histoire de mettre la jeune lionne en confiance. Il était assez doué pour jouer la comédie. N'allez pas croire qu'il se serait vraiment fait renversé par la petite en temps normal : rien qu'à cause de leur différence de morphologie - il était bien plus imposant qu'elle - ce n'aurait pas du être possible. Et puis, n'oublions pas qu'il était apprenti-guerrier sous la tutelle de Sharkan, et que cela faisait trois mois qu'il s'entraînant chaque jour au combat. La Jangowa le regarda avec dédain avant de sourire.



Kutoa se retint difficilement de répliquer en déclarant avoir vu clair dans le jeu de la petite, mais il préférait ne pas la vexer, au cas où les Jangowas seraient aussi terribles qu'elle le disait. D'un coup de patte, griffes rentrées, Kutoa l'écarta de lui et se releva sans problème.



L'adolescent avait décidé de ne pas continuer à la vouvoyer, car cela n'avait plus aucun intérêt à présent. Et puis ... Elle était plus jeune que lui, et ne semblait pas de sang royal.

Quelle relation auront-ils ?

Kutoa observa avec curiosité la Jangowa se lever, pour ensuite s'asseoir droitement face à lui, le poitrail bombé. Voulait-elle se faire imposante ? Si c'était réellement son but, eh bien c'était raté. Mais de manière générale, Kutoa ne trouvait aucun lion imposant, sauf Sharkan bien sûr. Le chef des Freelanders écrasait les autres par sa seule présence et son charisme ! La jeune lionne du soleil prit soudain une grande inspiration avant de se présenter, mettant court aux question que le Kulisha se posait sur son identité :



La fameuse petite s'appelait donc Niwata ? Ce n'était pas si mal, pour un nom. Enfin, tout est relatif, n'est-ce pas ? Kutoa resta cependant bloqué sur une chose : la petite venait de lui annoncer qu'elle séchait ses cours de combat ! Mais quelle folie ! Surtout venant de la part d'une Jangowa qui, comme elle venait de le dire, faisait partie d'un clan de guerriers ! Kutoa s'apprêtait à lui faire part de son désappointement lorsqu'elle reprit la parole :



Kutoa fronça des sourcils, surpris par la question. Il ne s'y attendait vraiment pas. Il s'assit à son tour, et réfléchit un instant, la mine soucieuse. Finalement, un sourire malicieux éclaira son visage. Il se sentait d'humeur taquine, comme toujours.



Déclara-t-il en secouant un peu la tête, écartant une mèche rousse qui lui tombait dans les yeux. Les nourrices Kulishas lui disaient souvent que sa coupe de crinière lui donnait un air rebelle. Peut-être qu'il en était un, finalement ?

Pour l'instant, ça reste assez vague.

Kutoa haussa un sourcil tandis que la jeune lionne du soleil le fixait avec insistance. Avait-il de si beaux yeux que cela ? Il ne put empêcher un nouveau sourire, encore plus grand que le précédent, dévorer son visage. Qu'il aimait se savoir admiré !



Kutoa perdit cependant bien vite son sourire. Que venait-elle de dire ? Que connaître des techniques de l'art du combat ne servait à rien ? Tss, jamais il n'avait entendu pareille sottise ! Savoir se défendre était un atout majeur pour la survis dans la savane. Les lions errants et les Exilés courraient de toute part, cherchant des proies à se mettre sous la dent, lionceaux y compris. Et elle, comme une petite fleur, espérait pouvoir quitter son clan, survivre seule dans un milieu hostile, et vivre sa vie sans aucun soucis, tout cela sans savoir se battre ? C'était complètement insensé ! Niwata bomba alors de nouveau le torse et déclara sur un air de défi :



Et elle se tapit au sol,. Alors là, s'en était trop ! Kutoa explosa littéralement de rire, à un tel point qu'il s'en tordit de douleur. Elle, petite lionne sans aucun entraînement martial qu'elle était, contre lui, adolescent baraqué s'entraînant depuis trois mois au combat ? Par tout les diables, voulait-elle quitter ce monde cruel si prématurément ? Kutoa inspira et expira profondément, plusieurs fois à la suite, afin de retrouver son calme. Puis il fit une révérence à la jeune Jangowa, tout en lui faisant un clin d’œil.



L'adolescent se redressa ensuite et balaya le sol poussiéreux et craquelé de la queue, tout en fixant le désert qui s'étendait devant lui.



Kutoa fit volte-face, tournant le dos à Niwata, et ajouta finalement, en la regardant en coin :

Et tout commença à partir de là

Les yeux rieurs, Kutoa observa la jeune lionne se redresser, laissant tomber le combat. Bien, au moins un conflit inutile d'évité. Le Freelander était d'un naturel belliqueux, mais qu'envers les autres mâles du groupe. Eh oui, on n'attaque pas une femelle ! Règle de base de la galanterie. Kutoa ne put s'empêcher de tirer légèrement la langue -ce qui consistait simplement à sortir le bout de celle-ci- en voyant le regard mauvais de la petite Niwata. Eh bien, pour une innocente petite lionne, elle savait déjà se montrer redoutable ! S'il était plus jeune qu'elle, il aurait sans doute été intimidé, or ce n'est pas le cas. D'un coup d’œil, il jugea qu'elle devait bientôt avoir deux ans : même si son visage était franchement enfantin, son corps commençait à montrer des caractéristiques de la puberté.
Elle pourrait devenir digne d'une reine plus tard ...
Songea Kutoa en la reluquant encore une fois. Enfin bon, "plus tard", c'était dans encore pas mal de temps. Soudain, Niwata s'assit dans le sable, et lâcha :



Kutoa en perdit la mâchoire, en resta bouche bée, comme si l'on venait de l'assommer. Il s'attendait à tout sauf à ça ! Les Jangowas étaient connus pour être têtus comme des buffles, alors le simple fait d'imaginer qu'un jour l'un d'eux puisse avouer qu'un autre ait raison était totalement absurde. Et pourtant vrai dans notre cas.



Bégaya Kutoa, incapable de trouver ses mots. Honteux d'avoir parlé de façon si ... "vulgaire", l'adolescent baissa la tête, rougissant sous ses poils. Lui qui, toujours, s'appliquait à bien parler venait de bégayer comme un lionceau se confrontant pour la première fois à Sharkan ! Il releva vite la tête, cherchant quelque chose à dire, n'importe quoi.



Il regretta de suite ce qu'il venait de dire. Premièrement, parce que c'était complètement stupide : il ne pouvait pas s'échapper des Kulishas. Deuxièmement, parce qu'il n'avait pas spécialement envie de passer du temps avec une Jangowa, surtout celle-ci.

Et un quiproquo, un !

Kutoa coucha les oreilles en voyant Niwata rire aux éclats. De quel droit se permettait-elle un tel comportement envers un aîné ? Et puis, c'était une femelle ! Elle lui devait le respect ! Oh. Était-il stupide ? C'était une Jangowa, alors son comportement était justifié, mais pas pardonné pour autant. Kutoa renifla de mépris. Il n'aimait décidément pas les Jangowas.

Soudain, la petite lionne pencha la tête de côté, confuse en entendant la question de la honte. Elle fronça les sourcils et le regarda comme si un serpent sifflait sur sa tête, coincé dans sa crinière de rebelle.



Cette fois-ci, ce fut au tour de Kutoa de ne pas comprendre. Il observa Niwata se relever, attendant plus amples explications.



Elle sourit pour la première fois depuis le début de leur rencontre. Même si ce qu'elle venait de dire avait eu l'effet d'une douche froide, Kutoa ne put s'empêcher de la trouver mignonne à ce moment-là. De plus, ce qu'elle venait d'ajouter lui permit de comprendre qu'ils s'étaient enlisés dans un quiproquo. L'adolescent ignora sa colère passagère et la dernière remarque de Niwata pour s'expliquer tout en abordant son plus beau sourire, ainsi qu'une voix douce :

Ce n'est qu'un au revoir

Kutoa sentit une boule se former dans sa gorge lorsque le regard de la jeune lionne se fit nostalgique, et même un peu triste. Comme si elle regrettait quelque chose, sans pour autant en pleurer. La curiosité de l'adolescent fut piquée, mais il préféra de ne pas la questionner. Vous voyez, c'était comme demander son âge à une femelle : cela ne se faisait pas. Ce qui est personnel le reste. Niwata releva alors la tête, et dit :



Très juste, ils pouvaient toujours se voir aux frontières ... Mais attendez, pour quelle raisons déjà ? Kutoa avait proposé de voyager avec elle sur un coup de tête, ce n'est pas comme s'il voulait partager du temps avec la lionne, loin de là. Un Jangowa reste un Jangowa. Et ces bestioles-là sont terribles ! Les pensées du jeune mâle furent interrompues par l'approche de Niwata, qui désigna ensuite Freeland de la tête.



Kutoa soupira. Ah, si seulement elle savait ! Enfin, ce n'était qu'une question de secondes, car il comptait bien l'informer. L'adolescent recula légèrement, histoire de capter l'attention de la lionne en la regardant dans les yeux, et déclara avec une voix morte, sans sentiment :



Il eut alors un grand sourire et fit une révérence à la jeune lionne, se montrant excessivement galant.



Il avait ajouté le dernier mot avec une touche d'humour, bien qu'il devinait que cela ne plairait sans doute pas à Niwata. Il rajouta alors un clin d’œil, afin de s'assurer qu'elle ne le prenne pas mal. Puis il se retourna, face à ses terres, et inspira une dernière fois l'air brûlant du désert avant de s'éloigner. Quel sera son entraînement du lendemain ?