En ce jour, et aussi étonnant que cela puisse paraître, j'avais décidé de faire quelques efforts de socialisation dans mon nouveau clan. Il fallait bien le faire un jour ou l'autre de toute façon, et le plus tôt possible était le mieux, puisqu'en plus, il fallait que je rencontre la princesse d'Outland. Et puis, je pouvais me permettre puisque, grâce à ma nouvelle connaissance, à savoir Killik, le liard, j'étais rétabli de ma blessure. Peut-être pas totalement, mais j'étais en bonne voie de guérison.

Ce jour-là, j'avais décidé de passer la nuit sur la Termitière, cela me permettrait de ne pas louper ma "cible". Et bien, vous le croirez ou non, mais c'est justement elle qui ne me rata pas.

J'avais passé une nuit agitée, rêvant de guerre, comme le beige aux cicatrices qui me tuait, le baroudeur qui mourrait sous mes yeux, incapable de le sauver parce que j'étais moi-même aux prises avec le beige. Depuis que j'avais ramené son corps sur Outlanders, je culpabilisais un peu sa mort, et du fait que j'ignorais son nom. Et, puisqu'il n'avait pas de famille, je ne pouvais pas honorer sa mémoire. Ce lion resterait donc un grand anonyme pour moi, mais un héros malgré tout.

Donc, ce jour-là, je fus debout de bonne heure. Pour m'occuper, je choisis d'aller chasser une jolie proie pour les lionceaux du clan. Oui, je devenais une bonne âme généreuse, hein ? En fait, je désirais m'occuper l'esprit, mais je n'avais pas faim. Or, la chasse occupe très bien l'esprit, surtout lorsque l'on est convalescent : il fallait réfléchir à nouveau tous nos réflexes, car nous devenons plus lent lorsqu'un blessure grave n'est pas totalement guérie. Et il était clair que j'étais moins rapide qu'avant face à mes proies. Mais, malgré quelques erreurs qui auraient put mal tourner, je m'en sortis indemne et à bon compte, ramenant une belle prise pour les lionceaux. Lorsque je les vis se jeter avec leurs parents, un sourire en coin de mes babines se manifesta. Quoi de plus beau qu'une famille ?

Oui, j'avais beaucoup changé depuis quelques jours, je commençais à me rendre compte de l'importance d'une communauté si nous voulons survivre en territoires hostiles. Et cela se confirma lorsque, à ma grande surprise, la princesse d'Outland vint me voir et m'accueillit dans le clan. Je lui répondit alors d'une voix toujours très rauque voire gutturale :

- Merci ma Dame, dis-je en inclinant un peu la tête pour la saluer avec respect, effectivement, je ne l'ignore point, grâce à un lion dont personne ne se souviendra. Quant à moi, je suis et fus bien des choses, mais à mes yeux ce qui compte, c'est ce que vous pouvez voir actuellement de moi. Mais puisqu'il faut bien que je réponde à votre question, enchaînai-je en souriant largement d'un air amusé, je suis effectivement Chombo Hiki, un lion exilé du Grand Désert des Jangowas. Si vous voulez en savoir un peu plus, je ne vis pas ici à temps plein. La plupart du temps je loge près des crocodiles de Sobek. Mais ce n'est pas ce qui vous intéresse n'est-ce pas ?

C'était délibéré, je voulais tout simplement attiser son intérêt en évoquant qui étaient mes amis. Après tout, et comme je le dis depuis plusieurs mois, avoir des amis crocodiles n'était pas déplaisant, alors si en plus je pouvais faire profiter un clan tout entier de tels alliés, c'était un bénéfice énorme. Et encore !! Je parlais des crocodiles, mais je ne mentionnais encore qu'eux dans ma liste d'alliés potentiels pour Outland...même si cette liste était davantage constituée d'alliés personnels plutôt que de véritables amis d'Outland. Mais je saurai bien en faire profiter Outland...après moi-même.

La voir ainsi me dévisager pour tenter de jauger ma valeur, tant physique que morale, avait quelque chose de relativement...embarrassant, voire gênant. Mais c'était son droit, et j'oserais même dire qu'il était son devoir de m'analyser comme elle le faisait, en tant que princesse d'Outland, elle n'avait droit à aucune erreur, et encore moins à de telles prises de risques. Après tout...je commençais à être habitué que l'on me dévisage de la sorte, même si cela était principalement dû à mon étonnante association de couleurs : jaune orangé pour mon pelage avec une crinière noire, cela n'était pas très courant, et encore moins lorsque, comme moi, on venait du Désert. Et même là-bas, la plupart des bâtards Jangowas-Mositus tendait plutôt vers une idée monochrome, et non pas comme moi à un mélange visible de ses deux origines.

Elle me parla. Elle avait beaucoup de choses à dire, ainsi ne pris-je pas la peine de répondre à chacune de ses demandes avant qu'elles ne soient toute formulées et que je fus bien certain qu'elle n'avait plus rien à y ajouter. Il me fallait ensuite y répondre une à une, et en essayant de ne pas paraître trop insolent. Il fallait trouver le juste mot pour paraître provocateur mais sans sombrer dans l'outrage à l'honneur de cette jeune lionne. Et sa première question était plutôt du style très direct, ce qui me surpris quelque peu. Mais ne nous laissons pas démonter par si peu : elle attendait des choses de cet entretient, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Elle attendait de l'honnêteté, mais pas seulement. Elle me jaugeait, elle m'évaluait, consciemment ou non, et il fallait donc que je me tienne à la hauteur de ses espérances.

- Ai-je véritablement l'air d'un misérable petit mercenaire ? Réfléchissez bien : vous m'avez vu au combat avec une certaine hargne, une rage de vaincre, sans vouloir vanter mes mérites. Un mercenaire aurait fuit au moment opportun, sans même vous porter assistance. De plus, si je suis bel et bien ce que vous dites que je suis, je ne serais pas sur Outland...il y a des contrées bien plus profitables à un mercenaire, et ces contrées ne sont certainement pas ces terres désolées...

Honnête. Peut-être un peu trop franc, mais honnête et juste. Ensuite, seconde étape...

- Une dette envers vous, en effet. Et sachez bien qu'il n'y a dans ma vie qu'une dette encore impayée...mais la personne à laquelle je la dois sait très bien que je vais la payer, et avec le taux d'intérêt bien surévalué. Car, effectivement, j'aime rendre plus que ce qu'on m'a donné. Alors cette nouvelle dette que vous m'imposez, n'ayez crainte, elle sera remboursée dans son intégralité, et si je puis en faire plus, sachez que j'en serai ravi.

Et hop-là, petite référence à demi-mot à mon sombre passé. Mais je n'en dirai pas plus. Pas maintenant. Si j'avais bien compris, nous aurons largement le temps d'apprendre à nous connaître, dans tout le respect qu'il était possible de mettre dans une relation de princesse à "serviteur" à Outland, c'est à dire le minimum syndical comme on dit. Mais c'était déjà cela. Elle en apprendrait plus long sur moi lorsque je sentirai que cela deviendra nécessaire, et en l'actualité de cette rencontre, la nécessité d'une telle confession était totalement absente, alors je n'en ferai rien. Je ne dirai rien concernant ma vie dans le Désert. Seuls les Grands Esprits savaient déjà quand ma langue se déliera.

Et enfin elle me parlait de la loi régnant sur Outland, celle du plus fort, et elle me fit une proposition que je jugeai sur l'instant insensée, et je ne pus retenir cette fois un regard complètement interloqué devant cette idée peut-être folle. Mais, aussi surprenant soit-il qu'elle me demande cela dès le premier jour, je n'avais pas le droit de lui refuser. Elle était princesse, après tout, et cela ne m'autorisait pas le refus. Certes, cela paraissait formulé comme une simple requête, voire une proposition, bien polie, aimable...mais là n'était que le camouflage habile que savait manier les politiciens pour formuler un ordre impossible à refuser. Je n'avais plus le choix désormais, mais je n'accordais pas de résignation à cette fatalité. Après tout, cette proposition finirait forcément par tourner en ma faveur.

- Je ne recherche pas le pouvoir, juste à me rendre utile envers quelqu'un en qui j'ai placé ma loyauté. Considérez cela comme les intérêts de ma dette, je n'estime pas cela comme un simple remboursement. La vie doit se payer de la vie, n'est-ce pas ?

Encore une référence à demi-mot sur mon sombre passé. Décidément, j'étais doué aujourd'hui. Une bonne langue, et cela, les rois et reines aiment en avoir à leur service. Un talent s'exploite, alors profitons-en. Le pouvoir m'intéressait de loin, mais je n'étais pas prêt de dire non à un poste important, ça, j'en étais sûr. Peut-être était-ce tout simplement dû à mon désir inconscient d'une reconnaissance de la part d'autrui ? Très certainement. On ne se construit pas sans autrui, et ce principe, je le mettais actuellement à l'oeuvre.

Une idée me vint alors...mais...non, peut-être fallait-il mieux attendre le prochain "tour". J'avais suffisamment parlé, et il fallait impérativement qu'elle réponde à mes précédentes répliques, plutôt que de la surprendre inutilement. Et puis, j'avais bien le temps pour mettre cette idée qui n'était encore qu'à l'état de germe en exécution...

Couurt. U_u

Tahani écouta le mâle et esquissa un léger sourire lorsqu'il eu terminé. Il savait comment parler aux lions pour se les mettre dans la poche. Tahani savait repérer ce genre de qualités car elle avait eu l'occasion de voir Samekh à l'œuvre face aux autres lions qu'elle. On n'aurait pas crut qu'il s'agissait du même mâle. Elle savait que l'exilé avait une face sombre, menteuse, mais elle ne la connaissaks pas vraiment. Et c'était surement mieux comme cela. La femelle reporta son attention sur Chombo Hiki. Il ne répondait pas vraiment aux questions, ce qu'il disait était plein de références, de sous-entendus. La lionne commenca par là : « Sache que pour le moment il n'y a que ce que tu es aujourd'hui qui compte pour moi. » A vrai dire, son passé éveillait la curiosité de l'héritière mais elle n'en faisait pas sa priorité pour le moment. Que cela soit bien clair. Il sembla cependant accepter sa proposition. Avec classe qui plus est. La princesse retint sa joie et lui adressa simplement un sourire complice. Il avait l'air quelqu'un de confiant et de confiance. Il semblait robuste, paré à toute les éventualités. Solide mentalement, et il savait jouer des mots, qualitée appreciée lorsqu'il s'agissait de discuter affaires avec les autres souverains. Il était un combattant hors-pair, et Tahani souhaitait qu'il lui apprenne à être de même. Pour régner il lui fallait savoir bien se battre. Elle ne se débrouillait pas trop mal, car à Outland on apprenait l'art de la guerre très tôt. Mais elle en voulait toujours plus. Toujours mieux. Pour son peuple, et pour son royaume. « Alors... Bienvenue ici, associé. » à ces mots elle s'inclina respectueusement et fit volte face. D'un signe de la queue elle lui intima l'ordre de la suivre. Elle l'entraina derrière la Termitière, à l'écart des autres. Et surtout loin des oreilles indiscrètes. De sa démarche chaloupée, elle se coula dans un renfoncement de la Termitière et s'assit. « Ici nous pourrons parler librement. elle continua. Tu prétens que le pouvoir ne t'attire pas. C'est rare. Qu'est-ce que tu souhaite alors ? Tu ne m'a pas l'air d'être de ces lions qui rende un service sans rien demander en retour. Mais.... Si tu es l'un d'eux... Alors bravo. elle soupira. Trop de lions jouent la comédie en espèrant arriver à leurs fins. et si cela était le cas de Chombo il le payerais cher. Ele se tourna vers lui. Mais tu n'est pas comme eux n'est ce pas ? » à ces mots, elle le gratifia d'un large sourire. [Diiiit ton idée ]

- Et sachez que cela m'arrange fortement.

Qu'elle ne s'intéresse qu'au lion que se présentait en face d'elle et non à celui qu'il a pu être dans son passé était un point totalement positif. Cela me prouvait que la valeur d'un lion ne se justifiait pas sur son simple curriculum, et ça, c'était une qualité que de reconnaître que ce qui comptait, c'était le présent. Une qualité digne d'une future reine à vrai dire. Les antécédents peuvent justifier un comportement, peuvent apprendre à connaître la personne, mais à vrai dire, on ne savait jamais si ces antécédents mèneraient la personne à refaire la même chose. Peut-être, et cela était le plus probable selon moi, que depuis notre jeunesse, nous avions appris de nos erreurs.

Puis, elle me souhaita la bienvenue dans ce nouveau binôme, en s'inclinant respectueusement. Ce n'était pas dans le territoire qu'elle me souhaitait ce bienvenue, car elle l'avait déjà fait. Et l'art de l'implicite était une fois de plus un art relevant de la politique, et des qualités d'un futur chef. En analysant un peu cela, je me dis qu'elle était faite pour le pouvoir, si ce n'était peut-être ses qualités guerrières, selon elle. Mais la force n'était pas le plus important, selon moi.

Puis, elle partit, en m'intimant de la queue de la suivre, ce que je fis sans discuter. Puis elle me parla franchement, et directement. Elle ne me faisait pas encore totalement confiance, et cela me fit sourire en coin. Pas vraiment un sourire chaleureux comme je pouvais très bien adresser à certaines personnes, mais plutôt un léger sourire jaune, un peu moqueur et provocateur, mais sans vouloir outrer ou outrager mon interlocutrice. Cela m'amusait, même si Outland n'était pas à proprement parler le terrain de jeu le plus idéal pour y miser sa vie. Mais en cela, le Désert était un terrain bien plus traître et ardu, alors j'étais habitué à cette difficulté, il me fallait juste m'adapter au terrain.

- Ce que je souhaite...est d'un ordre plus personnel. Et vous ne pouvez me le fournir, alors je ne vous en dirai pas plus, pour le moment. Je ne joue pas la comédie, je resterai honnête en vous disant simplement ceci : je ne fais pas parti de ceux qui font de la quête d'un grand pouvoir la Quête d'une vie entière. Néanmoins, soyons francs, si on me le propose, je ne serai pas non plus de ceux qui le refuseront. Je n'irai pas le quérir, mais si on me l'offre de manière justifiée, je l'accepterai. Alors donc si l'on m'en donne comme cela, sans justificatif, cela sera louche et je considérerai que c'est une façon d'acheter ma loyauté. Hors, il en faut plus pour cela. En vérité, ce que je veux, et que tout le monde est capable de me donner, est tout bêtement de la loyauté à double sens. Confiance mutuelle, respect mutuel. Je ne demande ni plus ni moins, mais les Grands Esprits savent à quel point peu de lions en sont capables. Me considérant comme un lion digne de parole, j'aime que l'on me rend la pareille. Et j'ose espérer que vous faites partie de ces rares personnes qui connaissent la définition complète du mot honneur, me trompé-je ?

Tout était dit dans la plus grande franchise. Et c'était cela qu'elle voulait, c'était évident. Et mon idée me revint à l'esprit, mais, était-ce le bon moment ? Non, je ne pensais pas. Il fallait attendre un petit peu..quoi que...Aller, soyons décidé ! Et cela montrait mon côté cavalier, qui n'était pas un des moindres traits de ma personnalité.

Je m'inclinais alors, baissant la tête de façon à ne plus voir que le sol, puis, pour l'humour, je lui fis ce que les lions bien élevés appellent le baise-pattes, puis je lui dis, persuadé que mes précédentes paroles ne tombaient certainement pas dans le faux :

- S'il faut que je jure que ma vie soit louée à votre service, alors je le fais. J'ai trouvé ici le dirigeant, ou devrais-je dire la future dirigeante, envers laquelle placer ma loyauté, mon honneur, et ma force, ainsi que les conseils que je pourrai lui prodiguer. Je fais le serment de vous accompagner dans votre quête d'une vie meilleure, peut-être glorieuse, pour le clan Outlander, et de vous aider au mieux à y parvenir.

C'était fait. Et maintenant que cela était fait, il ne manquait plus qu'à "mentionner" les moyens que je pouvais d'hors et déjà mettre à sa disposition. Car, mine de rien, mon allégeance envers elle signifiait un énorme soutient apporté à Outland, bien plus que ce qu'on pouvait imaginer venant d'un lion isolé. Enfin, pas si isolé que cela, en fin de compte...

[Beaucoup trop court. J'aimerais bien clore dans environ 2/3 posts ? :3]

Tahani sourit de plus en plus, au fur et à mesure que Chombo parlait. Il se montra franc, et parla en toute honnêteté et transparence. Il admit accepter le pouvoir si on lui en offrait mais se dit rechercher un but plus noble. Le respect, la confiance. La princesse, lui donnerait tout cela, si c'était ce qu'il voulait. Elle commencait à vraiment l'apprécier, de part son honnêteté et sa loyauté. La femelle admirait grandement ces qualités, et Chombo ne faisait ainsi que monter encore un peu plus dans son estime. Tahani hocha doucement la tête à son interrogation finale. « Hé bien. Tu es quelqu'un d'admirable Chombo Hiki, et travailler à tes côtés sera pour moi un honneur, et un privilège. » Soudain, il lui prit la patte et lui jura fidélité. Il lui promis de consacrer sa vie à servir Outland. Tahani, d'abord surprise, se sentit soudain très touchée. Savoir qu'il était et qu'il serait là pour la soutenir lui faisait un bien fou. Elle avait besoin de lions loyaux, puissants et dévoués pour l'entourer et l'assister dans son futur règne. Mais faire attention aux menteurs et aux beaux-parleurs également, car trop de lions auraient essayé de se rapprocher d'elle pour gagner ses valeurs ou celles de Massrmpo et espèraient ainsi devenir quelqu'un d'important pour Outland. Mais sur Outland, tout se mérite, il ne suffit pas d'être dans les petits papiers du Roi ou de la Reine. Il faut se battre, pour ses opinions, imposer ses idées. Il faut mériter le respect qu'on nous accorde, car la gloire n'est que passagère, un jour on est le lion le plus aimé du royaume, et le lendemain, plus personne. « J'en suis honorée. Ensemble, nous allons faire de grandes choses Chombo. » déclara-t-elle solennelement. Chombo semblait cependant cacher quelque chose, comme un dernier atout, qu'on garde dans la manche jusqu'au moment opportun. Tahani leva un sourcil amusé et siffla avec malice : « Et... Qu'est-ce que j'y gagne ? Car il y a quelque chose n'est-ce pas ? » Ses oreilles frémirent d'excitation et sa queue brune se mit à onduler doucement dans la poussière derrière.

Mon heure était enfin venue. L'heure où j'allais enfin pouvoir m'imposer, sortir de l'ombre, car malgré ma puissance et ce que j'ai pu commettre dans ma vie, ce n'était pas cela qui m'apporterait une reconnaissance. Car la reconnaissance, toujours méritée suite à un conflit, ne pouvait s'obtenir qu'en forçant le respect, et non tuant le moindre irrespectueux qui se présentait. La lutte pour la reconnaissance n'impliquait pas la mort, et pourtant je ne l'avais que par trop semée derrière moi, que ce soit de mes propres pattes ou par répercutions de mes actes indésirables. Je me mis d'un coup à penser que je n'étais pas un lion si honorable que ce que la princesse semblait croire. Mais mieux valait ne pas l'effrayer, et simplement conserver mon sourire en coin, mi-chaleureux, mi-carnassier, ce savant mélange sui cachait l'ambition de grandes choses à faire dans ce clan.

- Je ne suis pas aussi admirable que cela, ni honorable. Je veux être...meilleur, tout simplement. Meilleur et me sentir utile, si vous voyez. Mais là n'est pas la question.

En effet, elle n'y était pas. En réfléchissant à ce qu'elle me disait, sur nos grands actes, j'en vins à me dire que c'était plaisant de prévoir une telle vie où je n'aurai plus à m'exiler, à tuer pour un oui ou pour un non, et que je pourrai enfin servir dignement quelqu'un envers qui je serai le plus loyal au monde. Enfin, comme Killik le voulait, je n'avais plus à courir après un passé trop douloureux. Je n'avais plus qu'à faire ma vie ici, en laissant le passé me rattraper, s'il n'avait pas peur de ce que j'étais capable de lui infliger comme correction méritée. Et à ce propos...

- J'ai une petite faveur à vous demander. Que tous sachent que le moindre Jangowa, ces lions au pelage clair, jaune pâle la plupart du temps, me soit amené, ou qu'on me le signale. C'est la seule faveur que j'exige du clan, à ce jour. Mais disons que..comment dire, je ne dois pas me vendre, pas tout de suite...je sentais que si mon père voulait vérifier sa réussite, sa déception de ne m'avoir point encore revu l'encouragerait à se lancer à ma poursuite, et lui, on en entendrait vite parler...mon passé me court quelque fois après, et il y prend grand plaisir. J'ai besoin de le surveiller, vous voyez ? Un lion du Désert par ici, et c'est à moi de gérer ce problème.

J'espérais avoir été clair, sans être trop brutal. Mais si effectivement mon père se ramenait, il fallait éviter à Outland les dégâts qu'il est capable de réaliser. À ce type de crise, la gestion n'en revenait qu'à moi et à moi seul.

Et enfin, dernier petit détail...le plus plaisant, qui éveilla en mes yeux une lueur quasi-sournoise, malicieuse, mais désireuse de servir le plus fidèlement possible mon serment.

- Vous y gagnez...des centaines d'alliés, les crocodiles.

Je mourais de vie de laisser cette déclaration en suspens, seulement je ne le pouvais, sinon, il serait trop tard pour réparer mes bêtise, et seuls les Grands Esprits savaient ce que celle-ci aurait pu me coûter.

- Avec pour condition de laisser les crocodiles en paix. Aucun Outlander ne doit être vu en leurs territoires, ou je laisserai la justice de Sobek s'exercer. Et il n'est pas très tendre avec les fauteurs de trouble. Il y a par trop eu de problèmes récemment, peu avant la guerre, pour qu'il laisse passer n'importe qui. Donc voilà ce que vous avez : de nouveaux amis, les crocodiles, contre leur tranquillité. Je me présente comme leur porte-parole, protecteur de leurs droits, mais agissants dans les intérêts de chacun des deux partis.

J'avais été clair, on ne peut plus clair. Il fallait faire cesser les vagabondages trop libres des lions vers la rivières, les problèmes et escarmouches - rien que ça - se multipliaient et cela ne pouvait rester impuni. Le libre passage n'était pas encore acquis, et j'espérais secrètement qu'il ne le soit pas. Car j'avais moi aussi droit à ma petite tranquillité, quand je me rendais sur les lieux.

Il fallait s'en douter. Chacune de ses réponses étaient prévisibles, et pourtant je ne manquai pas d'être déçu voire désappointé à chaque nouvelle réponse qui résonnait chacune comme une sentence pour moi. La première réponse, celle concernant mon plan personnel, fut désastreuse. Je lui avais prêté serment et je lui devais obéissance, et je n'avais nullement envie de me détourner de cette allégeance nouvelle, mais il fallait admettre que cela m'aurait mit dans une colère folle si jamais je n'avais pas été dans mon bon jour. Après tout, ce qui concernait les Jangowas ne la concernait pas vraiment, si ? Ou bien elle voulait créer; pensai-je avec humour, la première politique des affaires étrangères de la Terre des Lions.

D'un autre côté, je ne pouvais manquer d'être relativement déçu du refus catégorique qu'elle opposait à ma demande du droit au peuple reptilien de disposer de lui-même. Il vit ici depuis des années et des années, mais nous devrions considérer leur territoire comme nôtre. Cela était déplaisant, en y pensant bien. Et Sobek avait vu juste : malgré le profond respect que je vouais à cette jeune princesse, je voyais là bien la plus flagrante preuve de cette cupidité que nous autres, lions, appelons droit d'invasion et de propriété. Nous n'avons aucun droit sur cette rivière, et malgré le fait que les crocos peuvent être amenés à sceller avec Outland une alliance, jamais ils n'accepteront pleinement d'héberger une partie du peuple Outlander. Mais il ne fallait pas être trop perturbateur et fauteur de trouble avec sa leader dès le début de notre relation.

- Je transmettrai cela aux crocodiles. Une avancée qui se rapproche le plus possible des revendications des deux partis, voilà qui est sage.

Faux-cul ? Non, c'était toutefois assez réel et je le pensais quelque peu. Mais les revendications étant ce qu'elles sont, Sobek ne sera pas pleinement satisfait de cela...

- Quant à ma demande avec les Jangowas, j'en attends un en particulier. S'il vous plaît, veuillez ne pas vous mêler de cette histoire personnelle...

Je le demandais presque sur un ton d'imploration, parce qu'un jugement, par définition, se devait de laisser en vie le coupable, en particulier si c'était elle qui supervisait cela. Elle ne semblait pas du genre à souhaiter la mort d'un accusé, et elle visait certainement le plus juste sans sombrer dans cette bassesse populaire que de prendre la vie de celui qui en a pris une autre. Seulement, il était certaines choses impardonnables qui n'appelaient que la mort...Pourrait-elle comprendre cela ? Les autres Jangowas, si d'autres il y avait, je les laisserai aller, je n'en avais que faire. Un seul retenait mon attention, les autres...si ceux dont je soupçonnais l'existence retrouvaient ma trace, alors je peux m'engager à les héberger. Lui en revanche n'y aurait pas droit...

- Au revoir, Princesse Tahani d'Outland. Que nos projets trouvent l'agrément des Grands Esprits afin d'être réalisés. Bonne nuit.

Ainsi je m'en allais, retrouver mon petit protégé espiègle et mes amis crocodiles. Une conférence allait avoir besoin d'être convoquée, Sobek et Notek à la table. Et une rencontre entre Tahani et eux, afin qu'elle comprenne tout. Car elle pouvait bien diriger avec le plus de justice possible, elle n'était pas elle-même sur le terrain pour constater. Ecouter les revendications de la totalité de son peuple et de ses alliés...voilà ce à quoi je consentais à m'engager pour la guider sur cette voie. Un royaume parfait...un beau rêve n'est-ce pas ? Mais je voulais y contribuer, malgré mes motivations parfois peu orthodoxe.

[A très bientôt ma Tahachoupinette ♥]