Depuis le temps que j'errai sur ces terres, j'avais appris que nous autres exilés n'étions guère accepter à chaque recoin de la Terre des Lions. Les clans régissant ces terres gardaient jalousement leurs territoires et malheur à celui qui osait s'y aventurer. Bien évidemment je me fichais pas mal de leurs lois, je partais du principe que ne faisant parti d'aucun de leur clan, je n'avais pas à respecter leurs règles. Logique, pas vrai ? Pour ce qu'il en était de ces derniers temps, je m'étais établie sur les terres exilés, là où ces autres rois arrogants pensaient notre place. Qui étaient-ils au juste pour décider que cela serait nos terres ? Personnellement je n'en voulais pas, ils pouvaient bien se les approprier je ne les en empêcherais pas ! Qui plus le voisinage avec les hyènes ne me plaisaient guère... Les terres riches et luxuriantes m'attiraient bien plus. Étant originaire des Terres du Soleil, je ne pouvais que me satisfaire de terres verdoyantes où mes besoins se verraient assouvis. C'était une honte de régir sur d'aussi grandes terres telles que Prideland ou Freeland et ne pas les ouvrir. Vraiment, qu'est-ce qu'ils avaient tous avec leurs frontières ? Qu'une sale bande d'égoïstes tout ça... Oui vous l'aurez compris, je n'aimais guère ces royaumes.

Après m'être établie quelques semaines sur Farland -le royaume derrière Outland- où j'avais sympathisé avec un guépard du nom de Bala, j'avais finalement repris la route pour me rapprocher du cœur de la Terre des Lions. Je n'étais pas de ceux qui s'octroyer une caverne qu'ils nommaient leur « chez-soi » et s’éternisaient sur des terres, non je préférais le mouvement, la découverte continuelle, c'était plus fun. Un petit tour du côté de Prideland me tentait bien... Ainsi j'avais repris la marche en direction Sud-Ouest mais bien évidemment, cela obligeait un passage par Outland... Cela ne m'enchantait guère mais c'était toujours mieux que le territoire des hyènes. Le trajet étant long et rude, j'avais fini par me poser à la Rivières aux Crocodiles, malgré son nom peu attrayant. Au moins ce lieu me permettait de me rassasier malgré le fait que certaines créatures se tapissaient dans l'ombre. Enfin, je supposais que la vie d'un exilé n'était pas censé être tous les jours radieuse.

Le bois sec craquelait sous mon passage et les rares oiseaux s'envolaient à mon approche. Au loin un corbeau se mit à  croasser, créant un écho sinistre qui résonna longuement. Oui, voilà l'atmosphère typique sur ces terres. J'avais connu plus gai. Me rapprochant finalement de la rivière, je franchis un pont constitué d'un vieux tronc abattu contenant quelques trous de termites puis décida de m'y allonger, une patte lâchée dans le vide. Heureusement, l'arbre se trouvait à une certaine hauteur et je n'avais pas à crainte une attaque surprise de reptile. Je lâcha un long soupir et observa mon reflet dans l'eau sale de la rivière. Dire qu'autrefois j'avais vécu une tout autre vie... mais ce n'était pas une bonne idée de ressasser le passé aussi je chassa rapidement ces terribles pensées et m'efforçais de vider mon esprit de toutes pensées bien que ceci était quasiment impossible. Pouvions-nous vraiment nous arrêter de penser une seule seconde ? Un craquement proche m'extirpa de mon débat intérieur sans fin. Quelqu'un approchait...

Vu l'endroit et ses environs peu accueillant je m'attendais à ce qu'il soit désert. Autrement dit à ce que personne ne vienne me dérangeait. Et pourtant des bruits de pas approchaient. On avait beau se poser tranquillement sur un tronc d'arbre et ne rien demander à qui que ce soit, on finissait toujours pas être dérangé. Le regard mauvais, j'observais les fourrés en attendant que l'inconnu daigne montrer le bout de son museau.

Une patte sortie brusquement entre deux arbres morts puis finalement un lion entier. Il n'était pas peu original celui-là... D'une teinte caramel ce qui me surprenait le plus chez ce lion était sa crinière frissonnante à souhait. C'était bien la première fois que je voyais une crinière de ce genre. A mes yeux on aurait dit l'un de ses singes fréquents sur mes terres natales du nom d'orang outant. Le mâle s'avança sur mon tronc -oui il m'appartenait vu que mon adorable arrière-train s'y reposait- sans une parole ni même un regard. Il pensait faire quoi celui-là ? Oh je vois il comptait faire comme si je n'existait pas et me marcher dessus ? Croyez-moi, ça n'allait pas se passer ainsi.

« Eh Bouclette ! » l'interpellais-je d'une voix forte alors qu'il commençait son ascension sur mon tronc. « Tu vois pas que ce tronc est pris ? Passe ailleurs. » Sèche, froide, méprisante toutes mes petites habitudes étaient présentes dans mon ton. Si avec cela il ne comprenait pas qu'il valait mieux pour lui de trouver se trouver une autre passerelle... Toujours confortablement installée sur l'écorce, je défiis l’intrus du regard.

Faisant la sourde oreille à mes propos, le mâle continua sa montée. « Sourd, qui plus est ? Mon pauvre tu n'es vraiment pas gâté par la vie. » lachaîs-je d'un ton cinglant. Bien sûr j'avais conscience qu'il ne l'était pas vu la tête qu'il avait tiré à mon appellation « bouclette » mais ce n'était ni plus ni moins un moyen de l'énerver davantage. Puis il leva son sourcil comme s'il me défiait. Vraiment ? Oh mais je n'allais pas me laisser faire mon petit père. Je suivais chacun de ses mouvements d'un œil attentif. Son pas était nonchalant, ce voyou prenait un certain plaisir à se pavaner de ce que je voyais.

Je fus agréablement surprise de constater que le lion était du genre à répliquer et qu'il ne faisait pas dans la seconde zone bien qu'il me qualifia de « grosse ». Fier de sa réplique, il me détailla de haut en bas pour terminer par une nouvelle pique. « Allons donc, tu ne me trouves pas à ton goût ? D'ordinaire on me trouve beaucoup de charme » répondis-je avec un air faussement angélique. S'il voulait jouer, nous allions jouer mais je perdais rarement ces parties. J'observai le mâle, un sourire mesquin aux babines alors que se dernier passait derrière moi et me redressa subitement afin de lui faire perdre l'équilibre.

« Attention de ne pas tomber, tu pourrais te noyer vu ta masse... » ajoutais-je avec un petit sourire vicieux. Qu'il le sache, il était inutile de m'attaquer sur mon physique. Comment une lionne aussi ravissante que moi pourrait être attaquable sur sa beauté ?

Mais c'est qu'il persistait sur mon arrière-train ce goujat. Je fronçais les sourcils d'animosité mais souriais aussi mais d'un rictus vicieux, celui-ci cherchait la bagarre à ce que je pouvais constater. Suite à ma petite remarque sur le paysage, il m'arrêta en déclarant que « la flatterie ne marchait pas avec lui ». Comment ? « Mais ma chère Bouclette, ce n'était pas un flatterie enfin ! Je peux reformuler ma phrase si vous le souhaitez : tout me semblait plus beau avant votre arrivée. » repris-je avec une voix faussement mielleuse tout en insistant sur le circonstanciel de temps et bien évidemment, ponctuant la tout avec un sourire faussement innocent. Que croyait-il que j'allais lui faire des compliments. Oui c'est cela, c'était mal me connaître.

Lui par contre ne se gênait pour me brosser dans le sens du poil. Au début c'était sympa certes mais n'en faisait-il pas trop désormais ? Un compliment était délicieux, deux était un nectar de plaisir mais trois, cela devenait lassant et perdait de son charme. A force de renouveler la chose, le plaisir n'était plus le même. Ce mâle avait encore tout à apprendre de l'art de la séduction des lionnes. « Oui, je le sais. » répondis-je simplement avec un petit sourire. Sans doute s'attendait-il à ce que je lui retourne le compliment mais non, ce serait trop facile.

Continuant son jeu de lion mystérieux et coureur de jupon, il ne se contenta pas de mon identité de « simple passante ». Donnez leur la patte et ils vous bouffaient toute l'épaule ! Je ne répondis pas tout de suite à cette nouvelle attaque, attendant que le mâle daigne me répondre en premier lieu. Gold, vraiment ? Alors pourquoi son sourire malicieux me laissait entendre son vilain mensonge ? Je lui rendis son sourire, complice de jeu. « En réalité cela m'importe peu comment tu te nommes, tu es Bouclette et c'est très bien comme ça. Ou alors préfères-tu Boucle d'Or ? Je suis gentille je t'offre le choix. » concluais-je sur un clin d’œil. Oui c'était la première que j'aimais autant un surnom.

La partie de jeu débutait seulement et pourtant, je la trouvais déjà fort intéressante. Lorsque vint mon tour, je me présenta sous le doux nom de :  « Nita. » Ce lion n'était pas un débutant dans cet art et je devais donc me méfier, j'avais affaire à un adversaire de taille. Ou du moins je l'espérais, cela m'ennuierait dans le cas contraire. « Alors Bouclette, on erre en solitaire dans l'espoir de croiser d'autre aussi barbu que toi ? » commençais-je par attaquer en douceur, sans hausser le ton de ma voix qui restait étrangement calme mais d'un calme teinté de malice irrésistible.

Comme s'il était au dessus de ma condition le mâle se permit d'ignorer mes piques ainsi que mes interrogations. En soit ce n'était pas un grand crime puisque mes questions n'en étaient pas vraiment, je ne disais cela que pour m'amuser mais tout de même je n'appréciais pas d'être ignorée de la sorte. Mettant un terme aux plaisanteries le mâle fit retentir sa voix calme et étala carte sur tables. Nous avions mentis tous deux et le savions. La question était désormais de savoir si une part de vérité sortirait de notre bouche. Ma véritable identité, voilà ce qu'il voulait. Pourquoi, en quoi cela l'avancerait-il ? Je n'étais rien et personne en particulier, mon identité n'était pas une chose nécessaire. Mon sourire malicieux quitta rapidement mon visage qui se referme dans un air sombre. Pourquoi avoir fait cesser le jeu de manière si brutale, pour une fois que j'amusai... A croire que lorsque l'on devenait adulte il ne nous étais plus permis de nous amuser et seul le sérieux comptait. « A quoi cela t'avancerait-il ? » finis-je par questionner en retour. Nous n'étions que deux inconnus et cela ne changerait probablement pas au cours de cette rencontre.

Certaines personnes semblait convaincue chaque personne rencontrée devait devenir un ami, elles voyaient le bien partout mais je n'étais pas de cet avis. Comment pouvoir considérer une connaissance comme de l'amitié ? Ces personnes n'avaient aucune valeur des vraies valeurs de l'amitié. De toute ma vie je n'avais eu que quatre amis : mon frère fut le premier, vint Absha et Lotha puis Sheru. Ma liste s'arrêtait ici. L'un était mort et les trois autres étaient désormais à milles lieux d'où je me trouvais et je ne pouvais les revoir. En y repensant, je n'avais même pas eu le temps de dire adieu à mes deux amies... Mais peut-être était-ce mieux ainsi, ces adieux auraient été trop difficiles. Mon attention se reporta sur le mâle, je doutais qu'il soit du genre à sauter sur le premier venu pour en faire son grand ami aussi pris-je finalement la peine de lui répondre. « Kuzali » révélais-je alors d'une voix neutre. Bien j'attendais le même retour d'honnêteté de sa part, c'était donnant-donnant.

Respectant le principe du donnant-donnant, le mâle me dévoila à son tour sa véritable identité et se présenta sous le nom de Rumple. Par un simple coup d’œil à son regard, je pouvais affirmer qu'il était sincère. Entre nous, se nommer Rumple était bien mieux que Gold. Il précisa aussi que nombreux étaient ceux l'appelant le Ténébreux. Voilà un sobriquet peu anodin et qui ne faisait qu'affirmer mes plus profondes pensées : je devais me méfier de ce mâle. Après ces révélations, lui-même semblait se morfondre dans ses pensées tandis que je voguais aux miennes. C'était une étrange rencontre mais au moins je me félicitais d'avoir mis la patte sur un autre exilé. J'étais désireuse de connaître ces autres lions dans des situations semblables à la mienne.

Puis il m'interrogea et à la simple entente des Outlanders, je froncis les sourcils. « Fort heureusement. » répondis-je alors dans un premier temps, vigoureusement. Bien évidemment que je n'étais pas une Outlander, il y aurait longtemps que je me serais jeté dans les gorges dans un tel cas. Vraiment, je n'avais que méprise pour ces lions...Cependant je m'interrogeais, n'avait-il donc pas remarquer que lui et moi portions cette même odeur ? Cette odeur si particulière... Tous deux n'avions pas réellement d'odeur sur laquelle il était possible de mettre un nom, un clan. Nous étions sauvages, seuls et indépendants. Aussi dans cette logique avais-je déduis que lui aussi était un exilé.

« Je suis née en dehors de la Terre des Lions, à des lieux d'ici dans une terre éloignée. » concédais-je finalement à répondre. J'aurais pu continué de jouer à ce petit jeu de mensonge et hypocrisie mais tout jeu avait une fin et nous avions conclus un peu d'honnêteté. « On la nomme la Terre du Soleil. » informais-je tandis qu'un léger sourire s'affichait sur mes babines. Malgré ces bons comme ces mauvais souvenirs qui étaient liés à mon passé, je ne pouvais oublier mon attachement pour mes terres natales. Elle me manquait et pas seulement elle, ma vie d'avant me manquait.

Redirigeant mon attention vers le mâle, je me surpris à m'être laissée aller de la sorte. J'avais laisser entrevoir une vulnérabilité et je n'aimais pas cela aussi décidais-je de me reprendre. « Dis-moi Rumple, pourquoi le Ténébreux ? » questionnais-je finalement. Peut-être allais-je regretter une pareille question mais la curiosité me tannait, j'étais désireuse de savoir. Un tel surnom ne venait pas sans une histoire...