DO YOU WANNA BUILD A SNOWMAN

La nouvelle avait été portée tel le souhait de Samekh et les troupes nordiques commençaient d'ores et déjà les préparations pour la guerre. Le Nord était derrière Prideland mais cela suffirait-il ? Mon esprit s'égarait à des songes imprécis sur ce futur proche mais fluctuant. Qu'allait-il nous arriver ? Quand bien même mon aversion pour Prideland, me voilà prête à me battre à leur côté. Quelle ironie... Sans doute Malkia serait-elle surprise de me voir venir aux côtés de ces guerriers. J'eus un petit rire à cette idée. Mais loin de me battre pour Prideland, mes actions n'étaient destinés qu'à mon mentor. Un père, un frère, mon pilier. Si je faisais tout cela, c'était uniquement pour lui. Mais j'appréciais également Kumpa, le futur roi de ces terres, et il représentait une raison supplémentaire de me battre. Après tout, sans conviction, une bataille était perdue d'avance. Je me laissa aller à un bref soupir tandis que j'errais dans le campement des Nordiques. Une lionne dorée au milieu de ces lions blancs... Autant dire que j'attirais l'attention malgré l'agitation qui régnait ici. C'était une toute autre culture qui régissait ces lieux et c'était un privilège que de pouvoir la découvrir.

Sous les conseils de Rono, je m'accorda un moment loin des préparatifs de la guerre et pris la route du mystérieux lac abreuvant les lions nordiques. Une source d'eau perdue au milieu de ces milliers de flocons de neige... cela devait être magnifique et je voulais avoir la chance de l'observer de mes propres yeux avant de quitter une nouvelle fois ces terres. Oui, il n'y avait pas à dire, cette contrée était pleine de merveille. La neige ne cessait de m'impressionner et je me sentais comme une enfant à son contact. Si seulement la température pouvait être plus clémente... Je tâchais de profiter de chaque parcelle de soleil mais malheureusement, cela ne suffisait pas à réchauffer mon corps. Je ne pouvais vraiment dire m'y être habituée car cela était faux mais j'avais appris à prendre sur moi. Il m'arrivait souvent de grelotter, de claquer des crocs et de temps à autre, j'éternuais violemment tout en étant prise de violentes secousses mais cela finissait toujours pas se calmer. Quand bien même le Grand Nord me subjuguait par sa beauté, je n'étais pas faite pour y vivre à mon plus grand désarroi.

Mon petit périple parmi les étendues blanches achevé, je mis enfin les pattes au Cristalac tel qu'il avait été surnommé par les habitants des montagnes et sans surprise, il portait incroyablement bien son nom. Ce paysage en total opposition avec ce que j'avais toujours connu me fascinait. Souffrante du froid, je fus heureuse de constater que le soleil brillait en cette belle après-midi. Suivant alors la couche de neige luisante sous les rayons de l'astre qui semblait me guider jusqu'au cœur du lac, je partis laper quelques gorgées d'eau aux abords de l'eau. Quelle ne fut pas ma surprise en sentant un liquide glacée couler dans ma gorge ! Aussi fraîche que la neige. Toussotant légèrement, je finis par me persuader que ma soif était rassasiée et tourna les pattes pour m'installer quelques mètres plus loin dans la neige.

Couchée sous les rayons d'un soleil réconfortant, je laissais peu à peu mon corps s'empreindre de sa chaleur. Je sentais mes sens qui s'éveillaient peu à peu, comme s'ils avaient été endoloris par le froid des montagnes. Une renaissance. Pourtant d'aspect si calme, la montagne grondait d'agitation. Bientôt les guerriers du Nord seraient fin prêt à partir sur le front... Il me tardait de retrouver Prideland et Samekh.

Affaiblie par ce froid mordant, je me laissais aller à des souvenirs réconfortants de ma terre natale. C'était dur de le reconnaître et pourtant... qu'est-ce qu'elles pouvaient me manquer. L'air chaud qui caressait mon visage comme une douce brise d'été, ce soleil régnant en maître et nous protégeant de ses beaux rayons de lumière... Oui, tout cela me manquait terriblement. Mais bien même d'aussi beaux souvenirs y étaient rattachés, venaient toujours les moins reluisants pour assombrir ce tableau pourtant si beau. J'étais toujours aussi perdue quand à mon frère et les souvenirs de Sheru me peinaient comme au premier jour. Mais alors que mon visage s'assombrissait de ces douloureux souvenirs, une certaine agitation non loin de là m'arracha brutalement à mes pensées.

Un petit lion blanc avait fait son apparition et s'approchait de la surface de l'eau tout en se dandinant maladroitement. Malgré la distance, l'écho dans le silence m'indiquait que le lionceau poussait de la chansonnette. Je ne pus m'empêcher d'esquisser un léger sourire. Qu'on le veuille ou non et quand bien même notre cœur pouvait être fragilisé, on ne pouvait que s'attendrir face à une telle scène. Mais alors que je m'amusais de ce beau spectacle, le petit lion s'immobilisa brusquement et devins pierre. Oh, il m'avait remarqué... Un petit silence s'installa puis je me redressa finalement, prête à aller à la rencontre de ce petit clown.

« N'aie pas peur, je ne vais pas te manger. » déclarais-je d'un ton doux tandis que je m'approchais.

C'était la première fois que je voyais un enfant du nord. Habituée depuis toujours aux couleurs chaudes des lionceaux de la Terre du Soleil, celui-ci aussi blanc que la neige m'intriguait. N'avait-il pas froid ? Oh... avais-je vraiment pensé ça ? C'était probablement la question la plus débile à laquelle j'avais pu pensé. Reportant mon attention sur le petit lion, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il était craquant. Après tout, qui irait contre cet avis ? M'asseyant non loin de lui, je m'abaissa légèrement pour lui dire dans un petit rire doux loin d'être mal attentionné ;

« Et ne te sens pas gêné non plus, ton spectacle était plutôt bon. »

Ce lionceau pourrait sûrement m'apporter un peu de réconfort et de joie par ces temps de guerre... Rono n'avait pas menti, le Cristal Lac était de toute beauté mais il s'avérait aussi fort distrayant.

Sautillant de part et d'autre, le petit lion blanc s'approcha de moi sans paraître effrayé par l'inconnu que j'étais. D'un ton joyeux propre à l'enfance, il me rétorqua que les lions ne mangeaient les lions et qu'il n'avait donc pas à me craindre. Cette bonne humeur semblait contagieuse puisque je me mis aussi à rire.

« Oui tu as raison et de toute manière, tu n'es plus assez petit pour que je puisse te manger ! »

Je savais combien les lionceaux aimaient qu'on leur dise qu'ils n'étaient plus des bébés et j'avais envie de faire plaisir à ce petit lion. Fier que son spectacle ait plu, le lionceau me raconta qu'il aimait en faire pour sa mère ainsi que sa grand-mère et qu'elles-même appréciaient beaucoup le spectacle ce dont je ne doutais pas. N'évoquant pas son père, j'en déduisis qu'il n'était plus présent mais ne m'attardais guère sur cette triste pensée, préférant profiter de l'instant présent et de cette joie que propageait le petit lion tout autours de lui.

« Elles doivent être très heureuse de voir tes petits tours. » lui répondis-je, un large sourire aux babines.

Sa voix était enfantine et ses propos très naïfs mais dans de telles circonstances où mon esprit était sans cesse préoccupé par la guerre et le chagrin, une telle rencontre ne pouvait qu'être bénéfique. Se rapprochant davantage, il m'examina longuement sans pour autant que cela me gêne. La curiosité des lionceaux était bien connue et j'en étais même amusée. Quand bien je pouvais me montrer froide envers les adultes, la présence de lionceau m'apaisait miraculeusement. Peut-être même qu'en leur compagnie, la lionne blessée laissait place à la princesse du soleil qui sommeillait en mon fort intérieur.

Une fois son contrôle terminé, le lionceau s'assit face à moi. J'avais passé l'examen ! D'une sincérité déroutante mais touchante, il me confiait être presque aussi belle que sa mère avec mes jolies couleurs du soleil. Je souriais tendrement au lionceau dont les propos ne m'avaient pas laissé indifférente. Était-ce possible d'être aussi mignon ?

« Les mamans sont les plus belles lionnes du monde alors ton compliment me va droit au cœur. »

Je me souvenais également de combien enfant j'admirais la beauté de ma mère que je trouvais sans égale. La mère de ce lionceau devait être très fier de son fils tant par sa gentillesse que sa bonté. Je me surpris à penser aimer avoir un enfant tel que lui. Son pelage immaculé n'avait d'égal que son innocence.

« Dis-moi, comment tu t'appelles mon grand ? »

Le regard bienveillant, je lui adressais un sourire encourageant. Sans doute allais-je passer un bon moment en sa compagnie alors autant en savoir plus sur lui.

Cette boule de poil blanche était vraiment attachante et il fallait sûrement être fou pour ne pas craquer devant sa bouille de lionceau. D'un air enjoué, il me disait se prénommer Macha puis me retournait la question, sourire aux babines. Il m'avait auparavant confier aimer faire rigoler ceux qui l'entouraient et les rendre heureux et je réalisais qu'il ne devait avoir aucun mal à accomplir cette volonté. Il était l'incarnation même de l'innocence et son sourire était dangereusement contagieux.

« Enchantée Macha, moi c'est Kuzali. » répondis-je au lionceau tandis qu'un large sourire fendait mes babines.

Fidèle à la réputation de tous les lionceaux du monde, celui-ci laissa bientôt sa curiosité et m'assaillait de questions sur mes origines. Il fallait le comprendre, il n'avait jamais vu autre chose que la neige aussi ce monde au-delà des montagnes blanches devait fortement l'intriguer. Sa curiosité débordante me rappeler celle de Fleck et me souvenir m'arracha un nouveau sourire. Ils se ressemblaient beaucoup.

« Je viens de terres lointaines prénommées les Terres du Soleil. C'est très beau là-bas... la légende raconte que ce sont les premières terres à être touchées par les rayons du soleil. » racontais-je, le regard nostalgique.

C'était toujours la même émotion lorsqu'il m'arrivait d'évoquer mes terres natales. Le temps passait mais les souvenirs restaient toujours aussi précieux. L'amertume avait laissé place à la nostalgie. Me pliant volontiers à la demandes du lionceau, j'entrepris de partager avec lui mes souvenirs d'une terre chaleureuse où la neige ne tombait pas et où il faisait si bon d'y vivre.

« Oui c'est vrai. » commençais-je d'une voix douce tout en couvant le lionceau du regard. « Je n'avais encore jamais vu de neige avant de venir ici... Là d'où je viens, on ne connaît ni la glace ni les flocons, seulement la chaleur débordante du soleil. L'herbe est grasse et la végétation luxuriante mais le plus génial, c'est notre lieu de vie : une grande cascade d'eau fraîche entourée de caverne creusées dans la roche. C'est vraiment magnifique, je suis sûr que cela te plairait à toi aussi. »

Ce lionceau voulait que je lui vende du rêve et j'espérais couvrir ses critères. Encore trop jeune pour voyager, ses rêves devaient être alimentés par des rumeurs et son imagination aussi j'espérais lui donner de la matière pour élargir ses voyages nocturnes. Puis une idée surgit dans mon esprit et un sourire vint éclairer mon visage.

« Je ne peux malheureusement plus retourner sur mes terres natales mais si tu le souhaites et lorsque que tu seras un peu plus grand, je pourrais t'emmener au-delà des frontières du royaume Nordique et te faire voir le monde. Ce serait une chouette expédition non ? » proposais-je sur un ton de confidence.

J'ignorais de quoi demain serait fait et l'issue de la prochaine bataille mais, j'avais envie de tenir cette promesse et l'emmener voir un monde sans neige où la chaleur était maîtresse des lieux. Bien sûr, je ne lui proposais là qu'un court voyage de quelques jours, sa condition de lion polaire ne lui permettant guère de supporter trop longuement la chaleur mais, cela serait tout de même amusant non ? Enfin je m'emballais peut-être un peu trop, Macha ne m'avait pas encore donner de réponse. Nous venions à peine de nous rencontrés et nos différences étaient grandes et pourtant, cela ne m'empêchait d'être indéniablement attendri par ce lionceau et vouloir lui offrir mon aide. Le courant passait visiblement à merveille et j'espérais que les choses continuent d'aller dans ce sens.

J'étais comblée par les rêveries qui animaient ses prunelles suite à mon récit. Mon amour pour mes terres natales avaient été partagé dans la curiosité et la merveille. Bien évidemment à évoquer mes origines si lointaines, je m'attendais à ce que le lionceau me pose cette question qui lui brûlait les babines. Ce n'était pas l'envie qui me manquait pour retourner sur mes terres mais cela me semblait désormais si lointain... Les années avaient passé et bien que ma rancune s'apaisait, j'ignorais s'il en était de même pour ma famille. Mon père était-il toujours à la tête du royaume ou bien Hasire lui avait-il succéder ? Et ma mère dans tout ça, était-elle heureuse ? J'aurais aimé savoir mais j'étais réduite à cette ignorance blessante. Ma vie était désormais sur ces terres et il y avait des lions que je ne pouvais me résoudre à quitter. La guerre approchait et l'on avait besoin de moi.

« Je me suis fâché avec mon père et mon frère... C'est pour cette raison que je suis parti. » Macha était encore un enfant aussi préférais-je lui éviter les détails pénibles et simplifier cette histoire pour qu'elle soit comprise par un lionceau. « C'était une très grosse dispute, bien pire que celle que ta maman te réserves si tu t'absentes trop longtemps. » ajoutais-je dans un petit sourire complice.

L'enthousiasme qui l'animait suite à ma proposition me faisait chaud au cœur. J'étais heureuse que cette idée lui plaise autant qu'à moi.

« Oui je connais de très chouette endroit que tu vas adorer découvrir. Tu verras, ce sera vraiment super ! »

Bien que je pouvais paraître froide pour certaines personnes, le contact de lionceau m'apaisait toujours et plus encore lorsqu'ils étaient aussi attachants que l'était Macha. Un rugissement lointain résonna dans les montagnes : Theluji. Les troupes étaient-elles déjà prêtes ? L'organisation des lions du Nord était bluffante. Je coulais un regard doux en direction du lionceau. L'heure de nous quitter venait de sonner, peut-être trop rapidement à mon goût.

« Hum... je ferais d'y aller, je dois être aux côtés de ton Roi. » dis-je d'un ton calme, souriante face au lionceau. « Prends soin de toi Macha et n'oublies pas notre promesse. Le temps venu je viendrais te trouver et nous partirons ensemble explorer les terres de la savane. »

Cette courte pause prenait fin et il était temps de retourner aux problèmes d'adultes et à la guerre. Si j'avais pu, je serais volontiers restée en compagnie du lionceau mais la guerre n'attendait pas. Quoique Theluji ait à nous dire, je ne remettais pas en doute l'importance de ses mots. D'un geste élégant, je me redressa et ébroua mon pelage afin d'en enlever les particules de neige. D'humeur joviale après cette rencontre, je posa doucement mon front contre celui du lionceau d'un geste tendre. Une promesse avait été faite et étant une lionne d'honneur, je les honorais toujours.

Après un dernier sourire en coin, je pris la route du Mont Blanc, retournant ainsi aux côtés de mon précieux ami et de son roi.