Zeke était dans l'un de ses bons jours, maugréant et pestant contre tout ce qu'il pouvait croiser... Comme toujours, il trouvait les frontières mal surveillées et les dominants trop effacés. Il avait l'impression de devoir tout faire lui-même ! Après avoir rapidement englouti le restant de la carcasse d'un animal malchanceux venu mourir dans le cimetière, il décida de s'adonner à son passe-temps préféré : une ballade le long de la frontière ! Mais cette fois, ce ne serait pas dans le cimetière mais sur un territoire voisin : les montagnes fumantes !

On retrouvait donc le balafré qui déambulait dans ce décor apocalyptique, entre deux fumerolles qui vomissaient une odeur de souffre. Au loin, quelques ricanements de hyènes résonnaient, indiquant que le territoire n'était pas si désert qu'il en avait l'air.
Pourquoi les siens devaient-ils moisir dans ce genre d'endroit ? Pourquoi le clan n'avait-il pas droit à une autre vie ? Avoir un autre avenir que celui de la poussière et du sang... Voilà que peu à peu, Zeke transformait un simple désir de vengeance personnelle en une lutte acharnée pour le bonheur des siens. Mais par où commencer ?

Le balafré imaginait que si les frontières étaient mieux surveillées, les accidents seraient moins nombreux. Puis sa rencontre avec ce phacochère lui avait donné des idées nouvelles... Peut-être que les hyènes avaient tout intérêt à se liguer avec d'autres animaux afin de faire front face aux lions. Mais comment ? Zeke se rapprocha d'une fumerolle et s'immobilisa devant la fumée qui en sortait. Il sembla l'observer avec tellement d'insistance, comme s'il pensait pouvoir y distinguer quelque chose... Comme s'il attendait qu'un événement se produise... Mais il n'y avait rien ! Et il restait là, à contempler la fumée, se chuchotant à lui-même :

Tobrouk, mon frère, j'aimerais tellement que tu sois encore là... J'espère que tu me vois, je lutte chaque jour pour laver notre honneur dans le sang...

Le charognard était convaincu que ses actions étaient bonnes, que c'était ce que son frère aurait voulu... Durant tout son temps de réflexion, il avait partiellement oublié tout ce qui l’entourait. Un bruit étrange le ramena brusquement dans la réalité ! Il ne daigna pas tourner la tête mais se contenta d'un grondement sourd et rauque, en guise de menace. Qui que ce soit, ce n'était ni le moment ni l'endroit pour venir le déranger !

De retour de son excursion dans le désert et les plaines d’émeraude, Kuzimu n'était pas encore retourné auprès de ses compagnons, car il avait quelque chose en tête. Et quand l'Enfer avait une idée, il valait que seuls ceux concernés soient en sa présence, il n'aurait pas toléré la moindre nuisance... Il ne considérait pas ses compagnons comme des boulets mais il savait qu'ils ne seraient pas forcément d'accord avec sa philosophie... Il avait confiance en sa soeur pour garder la tribu en bonne entente, elle avait cette qualité particulière d'une aura apaisante, on avait l'impression d'être dans un monde ou le danger n'existait pas.

Bref, son idée bien ancrée en tête, le grand lion brun se dirigea vers les terres des hyènes sans état d'âme apparent... Il traversa la frontière d'un pas décidé, évitant les simples charognards surveillant car il visait des hyènes mieux placées que des sbires ridicules. Il progressa dans ce décor de cendre et de fumée, quel beau paysage pour un félin qu'on appelait Enfer... Il arriva enfin à une place qu'il considéra comme parfaite. Il faisait toujours attention à l'endroit où il mettait à l'oeuvre ses idées. Il se mit à attendre de voir une hyène bien placée, couché dans la cendre, dissimulé par une petite formation rocheuse, il se prit d'ailleurs à l'observer avec passion, ces couleurs vertes et enflammées attiraient ses yeux glaçant, formant dans ses iris une danse malsaine digne de l'enfer.

Puis, il s'extirpa de sa contemplation lorsqu'il entendit un grognement caractéristique et observa le charognard qui venait d'atterrir dans les filets de ses manigances... Kuzimu considéra, d'après les cicatrices et l'état psychologique qu'il semblait dégager que la hyène en face de lui serait l'idéale pour lancer ses projets. Il se dévoila donc, s'approchant de quelques mètres du charognard. Ce dernier gronda à son encontre mais ne l'avait pas encore calculé. Soit, il allait parler en premier, sa voix résonna, froide et sèche :

"Et bien, et bien... Quel accueil alors que tu ne regarde même pas ton interlocuteur... Il me semblait pourtant que les hyène avaient un précaution légendaire en se qui concernait les autres espèces, surtout lorsqu'elles pénétraient votre si précieux territoire éculé..."

Zeke n'avait pas eu besoin de bouger la tête, l'odeur qui lui parvenait suffisait déjà. Mais lorsqu'une voix résonna entre les rochers, elle ne fit que confirmer la présence d'un lion sur ce territoire. Cette constatation força le balafré a se tourner dans la direction de l'intrus afin de lui faire face. Il eut tout le loisir de le détailler physiquement. C'était un mâle avec un pelage camouflé dans différents tons de brun et un air peu engageant. Son corps était couvert de différentes cicatrices qui témoignaient de blessures anciennes plus ou moins importantes. Fallait-il reculer ou même fuir ? Certaines jeunes hyènes l'auraient peut-être déjà fait !
Pour Zeke, ce n'était pas le premier lion qu'il rencontrait et ce ne serait clairement pas le dernier... Il sembla même sourire légèrement ! Était-ce à cause des cicatrices qui donnait un point commun entre l'intrus et la hyène ? Ou était-ce juste un rictus stressé ? Peu importe, le balafré devait répondre à ce lion à l'allure si particulière...

Les autres espèces ? Ceux de ton espèce s'accaparent déjà la majorité des territoires environnants et malgré cela, je croise encore un lion sur MES terres ? Deux hypothèses : ou bien tu t'es perdu ou bien tu cherches les ennuis... Je crois deviner laquelle est la bonne mais pour le moment, on va dire que tu t'es perdu...

Zeke ricana un court instant et se déplaça lentement sur le côté, gardant toujours la même distance entre lui et l'intrus. Pourquoi fallait-il que ces imbéciles de lions viennent toujours jouer la provocation chez les hyènes ? Le balafré supportait de moins en moins ces incursions à répétition... Pour tout dire, il ne l'avait jamais supporté...

Et tu croyais trouver quoi ici ? Au cas où tu ne le savais pas, les autres espèces ne dérangent personne ici mais les lions ne sont PAS les bienvenus ! En particulier ceux dans ton genre... Alors tu ferais mieux de rebrousser chemin et retourner d'où tu viens au lieu de jouer la provocation ! Ce serait bien mieux pour tout le monde et cela éviterait de nouveaux « accidents »...

Le charognard s'immobilisa à nouveau. Sa haine commençait à reprendre le dessus et sa gorge le démangeait peu à peu. L'autre pouvait représenter un danger pour les siens, Zeke ne le savait que trop bien... Et de plus, il détestait cette manière qu'avaient les lions de se croire au-dessus de tous le monde ! A croire que tous les membres de leur espèce sans exception arboraient cette attitude supérieure...
Pourquoi le balafré n'agissait pas comme avec la lionne dans le cimetière ? Disons qu'il n'avait pas l'effet de surprise et que l'écart de force était nettement plus faible que la dernière fois. Et puis, dans le cimetière, il aurait déjà commencé à brailler et ricaner afin d'attirer du monde. Ici c'était différent... Il voulait déjà savoir ce que l'autre fichait là ! Et il préférait éviter d'en venir aux griffes même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait...

Finalement, la hyène daigna le regarder et sourit même à sa vue, le lion répondit à son rictus, d'un sourire satisfait, le plan était engagé.

"Les autres espèces ? Ceux de ton espèce s'accaparent déjà la majorité des territoires environnants et malgré cela, je croise encore un lion sur MES terres ? Deux hypothèses : ou bien tu t'es perdu ou bien tu cherches les ennuis... Je crois deviner laquelle est la bonne mais pour le moment, on va dire que tu t'es perdu..."

Lança le charognard, un ricanement s'ensuivit alors qu'il se déplaçait en arc de cercle, gardant une distance respectable entre eux. Le lion brun ne se départageait pas de son sourire mystérieux, observant la hyène d'un air entendu. Il était très bien tombé et le charognard lui plaisait même, un bon point pour lui.

"Et tu croyais trouver quoi ici ? Au cas où tu ne le savais pas, les autres espèces ne dérangent personne ici mais les lions ne sont PAS les bienvenus ! En particulier ceux dans ton genre... Alors tu ferais mieux de rebrousser chemin et retourner d'où tu viens au lieu de jouer la provocation ! Ce serait bien mieux pour tout le monde et cela éviterait de nouveaux « accidents »..."

Alors que la hyène s’arrêtait de nouveau, Kuzimu put voir sans heurt la haine qui animait l'âme du charognard, il voulait combattre mais ne trouvait la folie de se jeter sur lui, comme un éclat de conscience qui lui disait 'non, tu ne peux pas forcément gagner contre celui-là!' Kuzimu connaissait cet éclat et il comprenait la rancœur de la hyène. En effet, il n'était pas une faible lionne en fin de vie, un lionceau sans défense à l'aube même de sa vie ou encore une mère sur le devenir imminent... Ses yeux de glace perçaient les colères les plus sourdes et même si le démon ignorait les crimes du charognard, les imaginer n'était pas difficile.

Le lion resta debout, confiant et stable, il regarda la hyène avec un sourire plein de sous-entendu et déclara, d'une voix insondable :

"Ce que j'espérais trouver ici ? Mais c'est déjà fait, mon cher. Je te cherchais, toi. Tu as envie de sang, n'est-ce-pas ? Tu es comme moi, chasseur et non chassé..."

Il fit une pause, perdant son sourire pour une émotion bien plus dure et cruelle. Il reprit :

"Tu parles des autres lions comme des miens... Ne te méprends pas, ils me haïssent autant qu'ils te haïssent, je suis un paria, un maudit. La peur et la méfiance les hantent lorsqu'ils me croisent, je ne suis pas de bonne compagnie. Alors je vais voir ailleurs pour leur en faire voir de toutes les couleurs. Qu'ils aient une bonne raison de m'en vouloir, une bonne raison de me haïr et de me craindre."

Encore une pause, il marqua le sol de ses griffes tendues et finit, ayant repris son mystérieux sourire :

"Que dirais-tu de mordre du félin à crinière sans trop risquer ta peau déjà entamée ? J'ai cru comprendre que les choses bougeaient dans la savane. Et si ton peuple pouvait récupérer une bien meilleure terre que celle qui n'est en aucun cas à votre mérite ?"

Décidément, ce lion était des plus flippant ! Il avait une allure, un sourire et surtout un regard... Ce dernier semblait si perçant qu'il donnait l'impression de pouvoir observer l'âme de celui sur lequel il se posait... Zeke n'était pas rassuré mais pourtant, il ne craignait pas le lion pour le danger qu'il pouvait représenter. Étrangement, il n'avait pas peur d'être attaqué, il avait juste peur d'être mis à nu, comme si ces deux prunelles bleues pouvaient percer tous ses secrets et ses faiblesses.
Lorsque le lion prit la parole, il n'arrangea pas les choses, bien au contraire... « Je te cherchais toi ! » « Tu es comme moi... » Que voulait-il dire ? Et qui était-il ? Le balafré sembla presque choqué, fouillant désespérément sa mémoire à la recherche d'un souvenir évoquant ce sombre félin. Non, il en était sûr, il ne l'avait jamais croisé auparavant.

Je ne suis pas comme toi, je ne suis pas un lion...

Le charognard avait baissé d'un ton, comme s'il cherchait surtout à se convaincre lui-même. Non, il n'avait rien en commun avec ce lion ! Il n'était pas l'un de ces félins orgueilleux et cupide ! Qu'ils crèvent tous comme des rats ces sales assassins ! Zeke sentit à nouveau la haine monter en lui mais son élan fut interrompu par de nouvelles paroles prononcées par l'étranger.
Ainsi donc, il se présentait comme un paria et comme l'ennemi de ses pairs. Disait-il vrai ? Vu son allure, c'était plausible, mais la hyène avait appris à se méfier des apparences... Les Outlanders, par exemple, avaient tous l'air d'être des parias et pour autant, leur mentalité n'était pas différente de celle des autres lions...

Zeke sembla hésitant, indécis, comme si cet ennemi naturel perdait pour un temps ce statut d'ennemi... Il resta muré dans son silence, observant son interlocuteur jouer avec ses griffes. Ce dernier parla à nouveau et la hyène sembla tout aussi captivée qu'auparavant.
Le lion évoqua une éventuelle attaque sur ses pairs et mentionna aussi une conquête de terres fertiles. De quoi se mêlait-il ? Zeke était tiraillé entre le besoin de l'étriper et l'envie d'en savoir plus. Il finit par sortir de son silence :

Les terres c'est notre problème ! Je fais entièrement confiance à nos chefs pour cela, je suis sûr que nous aurons bientôt ce qui nous reviens de droit ! Et par la même occasion, nous aurons notre vengeance... D'ailleurs, estime-toi heureux que ta présence ici ne leur vienne pas aux oreilles, paria...

En réalité, le balafré n'était guère convaincu par ses propres mots... Il savait que les hyènes prendraient un jour leur revanche mais il n'avait pas vraiment confiance dans le couple de dominants actuel... Ces derniers semblaient trop timorés et trop influençables. La hyène disait cela par principe, afin de donner l'image d'une meute soudée derrière ses chefs. Il n'était qu'un guerrier, après tout... Il déclara, bizarrement enjoué :

Ainsi donc tu viens ici pour me proposer de, permets-moi de reprendre tes mots, mordre du félin à crinière ? Et en plus, tu me cherchais ? Bien tu as attisé ma curiosité, vas-y continue, ça m'intéresse ! Zeke marqua une courte pause et enchaîna rapidement, reprenant un ton plus dur : Néanmoins, pas de méprise, je ne te fais nullement confiance ! Tu dis être un paria mais tu restes avant tout un lion. Pour moi, ceux de ton espèce se montrent tous pédants et orgueilleux, comme s'ils étaient supérieurs aux autres animaux...

Le charognard se contrôlait sinon il aurait déjà déversé un tombereau de haine et d'insultes... Il fit quelques pas en avant, se rapprochant dangereusement de son interlocuteur. Excès de confiance ? Courage ? Il cherchait juste à montrer qu'il n'avait pas peur et qu'il voulait bien discuter face à face. Cependant, il y avait toujours ce regard, perçant et glacial... La hyène lança, ironique :

Quand à ma peau, permets-moi de te signaler que la tienne n'est guère mieux... On dirait que tes précédentes rencontres n'étaient pas de tout repos...

Un nouveau ricanement sinistre se fit entendre ! Ce lion aussi semblait avoir essuyé quelques bagarres assez violentes si l'on en croyait ses nombreuses cicatrices. Cela pouvait confirmer la thèse du paria mais ce n'était pas la première fois que Zeke croisait des animaux avec autant de marques. Certains herbivores pouvaient se vanter d'avoir les corps les plus marqués de toute la savane...

"Je ne suis pas comme toi, je ne suis pas un lion..."

"Bien sur, je te crois... Là n'est pas la question, charognard..." Si il le pensait, Kuzimu n'en dit rien, son plan semblait fonctionner, il aurait été mal joué que de vexer son interlocuteur. La hyène continua, visiblement contrariée par les informations détenues par le lion :

"Les terres c'est notre problème ! Je fais entièrement confiance à nos chefs pour cela, je suis sûr que nous aurons bientôt ce qui nous reviens de droit ! Et par la même occasion, nous aurons notre vengeance... D'ailleurs, estime-toi heureux que ta présence ici ne leur vienne pas aux oreilles, paria..."

"Tss... Tes menaces sont vides, mon pauvre..." Encore une fois, le lion garda pour lui ses paroles trop agressives pour un entretien d'égal à égal qu'il voulait simplement tenir. Il sentait une envie montante de sang... De sang de chasseur, les hyènes n'étaient ses proies de choix. Mais celle qui lui faisait face lui aurait plu, si il ne l'avait pas choisie personnellement comme cible de manigance. Il se contint donc et laissa la hyène continuer :

"Ainsi donc tu viens ici pour me proposer de, permets-moi de reprendre tes mots, mordre du félin à crinière ? Et en plus, tu me cherchais ? Bien tu as attisé ma curiosité, vas-y continue, ça m'intéresse ! ... Néanmoins, pas de méprise, je ne te fais nullement confiance ! Tu dis être un paria mais tu restes avant tout un lion. Pour moi, ceux de ton espèce se montrent tous pédants et orgueilleux, comme s'ils étaient supérieurs aux autres animaux..."

"Gagné!" La première manche était remportée, le lion brun avait attirée l'envie du charognard. Il le vit se rapprocher de quelques pas, voulant renverser la dominance de cet entretien. Kuzimu se mit à sourire, d'un air malsain, l'excitation le gagnait. Il aimait quand ses manigances se passaient comme prévus, c'est-à-dire avec un minimum de défi. Cette hyène était, aux yeux du lion, l'interlocuteur parfait. Il l'écouter terminer son échange, le sourire aux babines :

"Quand à ma peau, permets-moi de te signaler que la tienne n'est guère mieux... On dirait que tes précédentes rencontres n'étaient pas de tout repos..."

Un rire sinistre s'éleva, de la gorge du charognard, alors que celui du lion s'y mêla, glacial et cynique. Il regarda la hyène de ses yeux perçants et répondit, d'un voix froide et amusée :

"Autant que toi, mon cher... Tu dois ses marques à des lions, j'imagine ?" Il marqua une pause et continua, sur le même ton : "Sache que de toutes mes rencontres sanglantes, seule une n'est pas issue d'un lion."

Il s'arrêta, indiquant d'un coup sec de museau les cicatrices qui lacéraient ses flancs, larges et monstrueuses. Puis il regarda la hyène de nouveau, reprenant la parole d'un ton plus sérieux tout en restant glacial :

"Enfin, je ne suis pas venu 't'envahir' pour te parler de nos passé, n'est-ce-pas ? Ce qui t'intéresse, c'est ton futur et ta vengeance. Une vengeance personne, il me semble deviner. Tu n'aurais pas autant d'ardeur si cette vengeance n'avait été que celle de ton clan. Crois-moi, je sais reconnaître cette différence."

En effet, le lion brun avait de l'expertise dans le domaine, portant en lui deux genres de vengeance : En son âme et son cœur, dansait une haine que les Mositus préféraient garder secrète, pas lui. Mais brûlait avec bien plus de rancœur, dansait avec bien plus de ferveur, sa propre haine, envers les lions et les autres animaux, ceux qui pensaient de lui comme d'un monstre. Si quelqu'un était à blâmer pour l'existence du démon de la savane, c'était eux...

"Tu pourras demander à tes chefs, mais déjà la savane sait qu'une chose se prépare. Les troupes de guerriers se rassemblent, la guerre est aux portes des clans félins. Les lions que vous avez chassés vont lancer une offensive sur les terres de Pridelands. En profitant de cette diversion, vous pourriez attaque par surprise les anciens et les malades tentant de se mettre à l'abri. N'est-ce-pas délectable ?"

Le lion brun souriait presque de façon psychotique, il se régalait du plan qu'il exposait. Il n'avait cure d'être en partie responsable de la mort d'innocents, pour lui, les vieillards et les malades étaient destinés à mourir. Qu'importes les jeunes qui pouvaient les accompagner, ce n'étaient que des dommages collatéraux. S'il devait être le démon qu'ils pensaient de lui, alors il le serait. Alors enfin ces cloportes auraient une raison de le haïr ou de le craindre !

La remarque sur les cicatrices sembla faire mouche au vu du rire qui accompagna bientôt celui de Zeke. Ainsi donc, ce lion devait ses cicatrices à ses propres congénères ? C'était tout du moins ce qu'il affirmait, sauf pour les plus larges qui lui déchiraient les flancs... Quel animal pouvait donc laisser de pareilles blessures ? La hyène s'interrogea mais n'osa poser la question. Il préférait ne pas savoir...

Oui, il n'y a que les lions pour blesser une hyène aussi vilement...

Peu importe, le charognard avait rendu coup pour coup et il continuerait ainsi jusqu'à sa mort. L'intrus prit à nouveau la parole et prononça un mot qui était déterminant dans la vie de la hyène : la vengeance ! Encore une fois, il avait vu juste, à croire que ce lion était plus intelligent que tous ses congénères... Car oui, la haine de Zeke dépassait largement la simple rivalité qui opposait les lions et les hyènes. C'était un sentiment que même le sang ne semblait pouvoir apaiser ! Pourtant, le balafré décida de rester succinct, peu enclin pour le moment à évoquer son passé...

En effet, j'ai quelques comptes à régler avec les lions comme c'est le cas pour beaucoup de hyènes... Pour le reste, ma vengeance ne regarde que moi !

Zeke voulait mettre les choses au clair : il n'avait pas besoin d'aide pour régler ses comptes ! Par contre, il pouvait tolérer un petit coup de patte si cela servait l'intérêt des siens. Lorsque la voix du lion résonna à nouveau, le balafré se mit à littéralement boire ses paroles ! Il était question d'une guerre entre les clans de félins et celle-ci opposera vraisemblablement les sans-terre d'Outlander aux affameurs de Prideland. Quelle nouvelle ! Le charognard aurait tout donné dans l'espoir d'assister à ce massacre entre lions ! Mais l'inconnu lui proposa une alternative tout aussi intéressante : attaquer les plus faibles, ceux qui ne participeront pas aux combats. Un sourire malsain se dessina sur le visage de la hyène.

Hum... Attaquer les faibles, en voilà une idée digne des techniques de chasse de tes congénères ! Ça me fait mal mais, tes paroles me plaisent, lion ! Ce serait l'occasion pour les miens de se venger de ces rats de Pridelanders. Ils nous ont chassé, ils nous laisse mourir de faim... Et malgré cela, ils ont encore l'audace de venir sur nos terres, comme s'ils voulaient admirer le spectacle !

La voix de Zeke devenait plus dure et s'accélérait à mesure qu'il évoquait les Pridelanders. Il semblait en transe, comme s'il voyait déjà ses crocs plantés dans la gorge de ses adversaires. Il comptait bien être de la partie et espérait de tout cœur que son frère puisse le voir sur le champ de bataille...

Ils vont en voir une de vengeance... Parfait paria, je parlerai de ton plan aux chefs de la meute ! Enfin, il est évident que ce sera MON plan !

Un nouveau ricanement caractéristique ponctua la fin de la phrase. Oui, Zeke ne mentionnera pas l'existence du lion à ses chefs ! Déjà, discuter avec un lion était mal vu chez les hyènes... Et puis, c'était peut-être l'occasion d'être bien vu et de se faire un nom au sein de la meute.

Tu viens jusqu'ici pour me chanter d'aussi belles paroles... Pourquoi ? Qu'espères-tu en échange, paria ? J'espère que tu ne joues pas un double jeu...

Un grondement résonna entre les rochers ! Même si celui-ci lui plaisait bien, Zeke se méfiait toujours. Il ne pouvait faire confiance à un lion, c'était impossible ! Tout le répugnait chez cette espèce. Il était déjà mort à cause d'eux, il ne supporterait pas de se faire doubler pour l'un de ses félins...

"Hum... Attaquer les faibles, en voilà une idée digne des techniques de chasse de tes congénères ! Ça me fait mal mais, tes paroles me plaisent, lion ! Ce serait l'occasion pour les miens de se venger de ces rats de Pridelanders. Ils nous ont chassé, ils nous laisse mourir de faim... Et malgré cela, ils ont encore l'audace de venir sur nos terres, comme s'ils voulaient admirer le spectacle !"

Le démon se mit à sourire à mesure où la hyène s'engrenait toute seule dans la machine infernal de ses manigances. Il la regarda déversa sa haine et son impatience, satisfait. Lorsque le charognard indiqua qu'il en parlerait à ses chefs comme de son propre plan, il ne broncha pas, gardant son parfait sourire. Bien sûr que la hyène tairait l'origine de l'idée, c'était mieux pour eux deux de toute façon. Il émit un léger rire pour ponctuer celui du charognard. Puis lorsqu'il demanda :

"Tu viens jusqu'ici pour me chanter d'aussi belles paroles... Pourquoi ? Qu'espères-tu en échange, paria ? J'espère que tu ne joues pas un double jeu..."

Kuzimu se doutait bien que la hyène ne lui ferait pas confiance par une simple proposition, il garda un sourire aux babines et déclara :

"Aucun, sois en certain... Et je ne réclame rien, car le simple fait que mon information t'intéresse me convient. Je t'ai déjà expliqué ce que je voulais et si ton clan est partant, alors mon envie est complète."

Un sourire malsain passa à travers son visage et il poursuivit :

"La mort et la souffrance de ceux qui pensaient d'un infernal monstre de moi me suffit. Si ton clan est avantagé par mes envies, alors il est logique pour moi de l'aider. Je ne suis pas dirigé par des instincts primaires de haines entre espèces."

Ce lion était décidément plein de mystères... Il affirma que sa proposition n'était pas un piège et qu'il ne désirait rien en échange. Disait-il vrai ? En tout cas, il semblait aussi sincère que malsain... Le charognard se disait que Prideland semblait avoir bien plus d'ennemis qu'il ne l'aurait imaginé. A croire que lorsqu'on cherchait les ennuis, on finissait par les trouver ! Les lions du rocher étaient trop imbus de leur propre personne pour voir la réalité en face. Si ce lion aux cicatrices disait vrai, ils allaient bientôt avoir une petite surprise. Et le réveil sera rude...

Le lion sombre eut à nouveau un sourire malsain en reprenant la parole. Il expliqua vouloir se venger de ceux qui le considéraient comme un monstre et affirma ne pas être soumis à une haine primaire entre deux espèces, pourtant ennemies depuis des lunes...

Ahah, tiens donc...

Zeke semblait sceptique. Bien des lions se présentaient ainsi et pourtant, ils n'hésitaient à venir s'en prendre aux hyènes. Le balafré se remit en marche et recommença son petit manège en tournoyant doucement autour du lion. Sauf qu'à chaque cercle, il se rapprochait un peu plus du centre et une fois qu'il estima être assez proche, il vint s'immobiliser juste devant le museau du félin. Là il pouvait sentir son souffle et voir tous les détails de ses pupilles de glace. Risqué ? Sans aucun doute mais il était prêt à toute éventualité, persuadé que l'autre passerait à l'attaque.

Un monstre hein ? Non, je ne crois pas. Pour moi, tu es juste un lion avec des envies de vengeance... D'habitude, je ne fais guère les présentations avec les intrus mais là, je dois avouer que je serais curieux de connaître ton nom, paria !

Zeke restait de marbre, quelque peu stressé d'être aussi près d'un félin qui pourrait attaquer à tout instant. En temps normal, il se fichait bien des noms des lions qu'il croisait puisque bien souvent, il espérait ne pas être amener à les revoir... Mais là, c'était différent, il était curieux de mettre un nom sur ce mâle aux multiples cicatrices. A moins bien sûr que ce dernier préfère le surnom de paria que la hyène semblait avoir adopté.

Kuzimu gardait son sourire aux babines, observant le charognard lui tourner autour, il restait immobile, aucune aura d'agression ne paraissaient dans la lueur de ses yeux. Lorsqu'il se posta face à lui, presque museau à museau, leur souffles se croisèrent, Kuzimu resta implacable, stoïque... Il sentait la tension de la hyène, elle voulait jouer avec le feu, mais soit, Kuzimu ne la brûlera pas...

"Un monstre hein ? Non, je ne crois pas. Pour moi, tu es juste un lion avec des envies de vengeance... D'habitude, je ne fais guère les présentations avec les intrus mais là, je dois avouer que je serais curieux de connaître ton nom, paria !"

Kuzimu souffla, un sourire amusé aux babines, fermant les yeux le temps d'un instant. Il n'avait aucune envie d'attaquer la hyène mais s'amusait de la voir si tendue. Il se savait impressionnant mais n'arrivait toujours pas à faire totalement abstraction de son aura si violente parée d'un voile de sombres mystères.

"Tu peux m'appeler comme bon te semble. Mais si tu tiens à le savoir -et je prends ta curiosité comme un compliment- dans la savane et ailleurs, on me nomme Kuzimu, l'Enfer sur Terre... Charmant, n'est-ce-pas ?"

La fin de sa phrase sonnait ironique, mais pourtant, il aimait ce nom qu'il voulait porter avec raison auprès de ceux qui l'appelaient ainsi. Il fixa les yeux jaunes de la hyène, esquissa un sourire sous-entendu et recula d'un pas, redonnant une distance confortable entre eux. Il secoua son épaisse crinière et s'assit, face à la hyène, l'air presque amical si ce n'avait pas été lui et lança :

"Et toi, puis-je t'appeler par ton nom ou bien celui-ci est secret ? Je n'ai pas l'utilité de le savoir mais c'est pure politesse que de s'échanger des appellations, n'est-ce-pas ?"

Il avait été direct, il n'avait cure de comment la hyène s'appelait, mais c'était courtoisie, un maniérisme où il se devait d'exceller, beau parleur qu'il était, il fallait entretenir la pureté de l'argent dont était fait sa langue.

Hrp:

Quel sentiment étrange... Zeke était presque convaincu que le lion passerait à l'attaque et pourtant rien ne vint ! Il était à la fois déçu et soulagé, c'était vraiment étonnant comme sensation. Son souffle se fit moins saccadé, revenant à la normale. Dans le même temps, le lion répondit à la curiosité de la hyène et lui dévoila son nom : Kuzimu ! Il évoqua également un surnom : l'Enfer sur Terre ! Les lions, toujours prompts à se donner des surnoms... Le charognard eut un léger rictus, n'imaginant pas une seule seconde ce qui pouvait bien ce cacher derrière ce pseudonyme...

Charmant en effet...

Le ton était tout aussi ironique que celui du félin. D'ailleurs, ce dernier fit un pas en arrière, rétablissant ainsi une distance plus « convenable » entre les deux interlocuteurs. Lui-aussi voulait connaître le nom de la hyène mais il ne s'en cachait pas, c'était par simple politesse. Visiblement, il se fichait pas mal de la réponse... Parfait, le balafré ne s'en offusquerait pas. Par contre, il allait en profiter pour évoquer un peu son passé.

Tu dis être l'enfer mais tu ne connais pas mon nom ? Je suis déçu car j'ai déjà eut un petit aperçu de l'enfer par le passé...

L'enfer... Pour certains, le manque de nourriture qui régnait chez les hyènes était déjà un enfer. Pour d'autres, c'était le désert aride et brûlant qui prenait le nom d'enfer. Chacun avait sa propre image selon ses craintes et ses doutes... Pour Zeke, l'enfer avait commencé le jour où il avait perdu son frère...

Mais avant de connaître l'enfer, j'ai d'abord rencontré la mort ! Le charognard redevenait peu à peu dément avec un regard vide et des mots vifs et hachés. Oui, la mort, la vraie ! Celle qui t'enlace dans une étreinte froide, implacable et pourtant si douce... La peur, le vide, le néant... Mais quand la mort fait celle qui ne t'a pas vu tu te réveille alors, avec la gorge déchirée, baignant dans ton propre sang et dans celui de ton frère. La mort avait fait son choix...

Zeke marqua une pause et sembla revenir à lui-même. Il exhiba sa large cicatrice au cou et poursuivit :

Tu vois Kuzimu, pour moi l'enfer a commencé ce jour là. Je m'appelle Zeke et j'ai juré de laver mon honneur dans le sang. Si un jour le lion responsable de ça se retrouve à ma merci, alors il me suppliera pour que la mort vienne le prendre rapidement...

En temps normal, quand il était avec les siens, le charognard parvenait à calmer tant bien que mal ses excès de démence. Mais se retrouver là, à discuter avec un lion en étant aussi proche, il fallait croire que cela réveillait d'anciens démons... Après tant d'émotions, Zeke avait presque envie de pleurer. Pourtant, il ne montra rien, il attendrait que ce lion ne retourne d'où il vient pour s'isoler un moment... Nul doute que ses cauchemars seraient plus forts ce soir...

Kuzimu gardait un sourire ironique durant son observation de la hyène, l'excitation lui tournait la tête tant la tension du charognard était intense à ses yeux. Il voyait bien qu'il n'aimait pas que le lion se nomme par un surnom mais Kuzimu n'avait pas à s'excuser, le surnom n'était même pas de lui... Puis la hyène se décida à se présenter, ou du moins de présenter son passé, d'un ton de plus en plus saccadé et vif :

"Tu dis être l'enfer mais tu ne connais pas mon nom ? Je suis déçu car j'ai déjà eut un petit aperçu de l'enfer par le passé... Mais avant de connaître l'enfer, j'ai d'abord rencontré la mort ! Oui, la mort, la vraie ! Celle qui t'enlace dans une étreinte froide, implacable et pourtant si douce... La peur, le vide, le néant... Mais quand la mort fait celle qui ne t'a pas vu tu te réveille alors, avec la gorge déchirée, baignant dans ton propre sang et dans celui de ton frère. La mort avait fait son choix..."

Le sourire du lion brun sembla s'effacer le temps du discours sanglant et ses yeux de glace s'ouvrirent plus grand, les pupilles semblant danser dans les flammes de ses sclérotiques. Il parlait de l'Enfer, de celui qu'il avait vécu, de la Mort, celle qui l'avait ignoré... Tant de similitudes le rendait frénétique. Il pensait en transparence à ce que lui avait vécu et expirait par à-coup, tant il se forçait à respirer, ce n'était plus un réflexe dans son état. Il regarda les cicatrices du charognard, sans paraître un instant troublé, juste psychotique.

"Tu vois Kuzimu, pour moi l'enfer a commencé ce jour là. Je m'appelle Zeke et j'ai juré de laver mon honneur dans le sang. Si un jour le lion responsable de ça se retrouve à ma merci, alors il me suppliera pour que la mort vienne le prendre rapidement..."

Le sourire qui avait disparu se redessina avec lenteur sur les babines du lion, la gueule ouverte, dévoilant ses crocs blanc comme neige, étrangement. La respiration sifflante, Kuzimu parvenait à peine à calmer ses ardeurs de démon, il avait faim de sang et les 'péripéties' de ce fameux Zeke l'avait rendu presque névrotique, son regard fixa la gorge que la hyène lui montrait si bien puis se dirigea vers ses yeux ambrés, un tic nerveux aux pupilles qui les faisait trembler fébrilement.

Il retrouva cependant rapidement ses sens et une contenance moins infernale, bien que ses babines affichaient toujours ce sourire psychotique, mais sa respiration se fit moins sifflante et il prit même la parole. Sa voix tremblait, incapable de se stabiliser sur un ton neutre, elle dansait entre un amusement frénétique et une violence névrosée :

"L'Enfer est tellement vaste qu'il ne peut connaitre tous les supplices qu'il inflige et je n'en suis qu'un infime suppôt... Ce surnom est bien trop important pour moi. Mais je m'attache au mieux à le rendre vrai..."

Un temps, Kuzimu reprit ses esprits, ses yeux ne dansaient plus, fixer sur la hyène dont il épiait les moindres tressaillements, se délectant de n'importe quelle réaction tendue de son interlocuteur, il reprit, une voix plus stable, loin d'être neutre, il restait dans son ton un timbre névrotique, acerbe et acéré :

"... La Mort... Cynique joueuse es-tu..." Le lion brun ne parlait même plus à Zeke, le fixant toujours, mais ses yeux semblaient percer la chair du charognard et se perdait dans le vague d'un point derrière Zeke. "Je ne rêve que d'une chose, maudite Faucheuse... As-tu déjà dansé avec le diable au clair de lune ? ..."

Un nouveau temps, le lion brun dissipa la brume de ses yeux de glace et regarda de nouveau Zeke dans les siens. Il reprit, toujours acerbe :

"Ne crois être le seul que la Mort ait oublié... Crois-tu réellement qu'un lion puisse survivre à une telle morsure ?" Il désigna ses flancs d'un coup sec. "Même adulte, ce qui n'était pas encore mon cas, les mâchoires d'un crocodile lâchent rarement leur proie..."

Kuzimu n'était pas à cacher l'origine de cette cicatrice, mais il n'aimait pas en parler, elle était, pire que physique, un véritable supplice pour son âme, son châtiment de l'enfer, qui était censé être. Qui a dit que le diable était serein d'esprit ? Kuzimu savait qu'il devait vivre avec ses fouets mais la douleur qui le lançait à présent le faisait regretter amèrement d'avoir évoqué le crocodile de ses hantises.

"Si tu as perdu un frère, qu'ai-je perdu moi-même... Que sommes-nous, pauvres démons perdus dans un fleuve de sang, cherchant la rive de la mort ou de la vengeance. Et quand bien même, cette vengeance s'accomplissait, que nous apporterait-elle ? Serons-nous vraiment comblé par cette mare de sang tant souhaitée ? J'en doute... Mais le chemin semble si doux, il se confond avec l'espoir, sans doute..."

Une longue tirade, un dialecte que Kuzimu excellait mais le ton avait baissé, devenu plus subtil, plus mélancolique, il avait le visage de son aimé, terrifié, les mortelles mâchoires du saurien se refermant sur sa délicate peau brune, la crinière encore ruisselante d'eau rougie par le sang si pur de son coeur, Kuzimu avait du mal à s'échapper, il regardait Zeke pour faire disparaître la peine tant éprouvée mais voir les infimes variations de détresse du charognard ne l'aidait qu'à moitié. Que s'était-il passé pour qu'ils en arrive là ? Tout deux, hantés par un passé sanguinolent, le lion comme la hyène semblaient amorphes aux yeux glaçant de l'Enfer. C'en était assez, il gronda, et lança, presque agressivement :

"Ah non, j'avais dit que je n'étais pas venu pour parler de nos passés! Il suffit à présent, reprenons nos affaires. L'idée est claire et acceptée, je n'ai donc plus rien à faire ici, il est temps pour moi de partir..."

Hrp:

Si Zeke passait souvent pour un fou, nul doute que ce lion semblait comprendre, ou tout du moins partager sa folie ! Le récit de la hyène semblait avoir plongé son interlocuteur dans un état second, trahi par sa respiration sifflante et sa voix tressaillante. Ce dernier évoqua a nouveau l'enfer puis son regard sembla se perdre dans le vide à l'instant où il posa une question, qui visiblement, n'était pas destinée au charognard...

Que...

Zeke ne put finir sa phrase. Ce lion pouvait presque lui donner envi de déguerpir mais ce n'était pas comme d'habitude. Ce n'était pas la peur de mourir qui pouvait se manifester à chaque mauvaise rencontre ! Non, c'était plus fort que ça... C'était la peur de l'inconnu, de la folie ! De sa propre folie !
Kuzimu désigna ses cicatrices les plus imposantes, celles qu'il présentait comme n'étant pas l’œuvre de l'un des siens. Une morsure de... Crocodile ! Le mot était lâché ! Zeke frissonna à cette idée, peu de hyènes osaient réellement s'approcher de leurs voisins à écailles. Malgré l'existence d'une sorte de statu quo, pouvait-on réellement faire confiance à ces monstres ? Ils étaient effectivement connus pour ne pas lâcher prise et leur mâchoires étaient implacables ! Les malchanceux disparaissaient sous la surface de l'eau, dans un bouillonnement sanglant...

Mais Kuzimu disait avoir survécu ! Et ce, avant même d'arriver à l'âge adulte... Pourtant, le crocodile semblait l'avoir également privé de quelque chose ou plutôt quelqu'un... Une autre similitude déroutante avec l'histoire de la hyène. « La mort et la vengeance. » Là encore, les mots résonnaient dans l'esprit du balafré. Et le lion souleva une question cruciale : la vengeance et le sang soigneraient-ils leurs blessures ? Zeke serait-il plus heureux avec la tête de l'assassin entre ses pattes ? Il en était persuadé mais sa haine lui emprisonnait le cœur et c'était sans doute elle qui l'empêchait de vivre heureux, qui lui envoyait ses vieux démons...

Le grondement du lion ramena brusquement le charognard à la dure réalité ! Le passé, oui, il fallait arrêter d'en parler ! Les deux « ennemis » avaient fait affaire, restait à voir les conséquences de leur accord...

Il est temps en effet ! Un lion n'a pas sa place ici et les miens ne doivent pas te voir ! Va, je suis sûr que nos chemins se croiseront à nouveau...

Il y a avait tant de similitudes entres eux qu'ils sauraient sans doute se retrouver le moment venu. Zeke était partagé toujours partager entre curiosité, peur et méfiance. Il ne pouvait se résoudre à faire confiance à un lion... Il fit un pas en arrière mais restait face à Kuzimu. C'était à ce dernier de quitter les lieux en premier ! Le balafré l'imiterait, mais seulement après s'être assuré que l'étranger avait bien quitté son territoire.

Hrp:

"Il est temps en effet ! Un lion n'a pas sa place ici et les miens ne doivent pas te voir ! Va, je suis sûr que nos chemins se croiseront à nouveau..."

Kuzimu acquiesça sombrement, il était aussi persuadé que leur chemins se recroiseraient un jour... Le charognard fit un pas en arrière, c'était à Kuzimu de partir du territoire. Il se leva, inclina très légèrement la tête par pure politesse et tourna le dos à Zeke, il prit non pas le chemin des terres libres, mais la sortie de territoire la plus proche, celle qui le menait aux anciennes terres Outlanders.

"Je sais que quelques lions traînent encore dans les parages, je m'occuperais de les déloger et arranger au mieux votre attaque. Plus il y aura de guerriers Outlanders contre les terres de Prideland, plus vous aurez le champs libre pour vos affaires. A la revoyure, démon Zeke..."

Fit-il, tournant la tête une dernière fois vers la hyène, justifiant sa direction et continuant sa marche. Il disparut bientôt dans la brume verdâtre des fumées. Marchant avec conviction, il se dirigeait droit vers les terres Outlanders, sans état d'âme autre que ses pensées dansantes et mortellement douloureuses, il tentait d'en faire abstraction, sa rencontre en ces terres n'avait pas été exactement comme il l'avait imaginé, mais il avait atteint son but... Pourtant, il n'était pas satisfait, il y avait un goût d'étrangeté, un goût de doute... Mais il criait intérieurement son argument habituel : C'est trop tard... La route de l'enfer est devant moi et derrière moi, je ne plus reculer...Aucune chance qu'il oublie ce charognard qui lui ressemble tant... Démon Zeke, tu reste dans la mémoire du démon Kuzimu...

Il continua sa route...