Le soleil déclinait tranquillement à l’horizon. Une brise agréable commençait à souffler dans la crinière de Vassago, ce qui lui arracha un léger soupir. La fraîcheur des montagnes du Nord commençait à lui manquer, si bien qu’il appréciait le moindre courant d’air. L’étang était loin d’être aussi animé qu’en journée – la plupart des morveux étaient retournés se vautrer dans l’opulence que leur prodiguait les pattes de leur parent et tout ce royaume avec.

Qu’ils étaient pitoyables. Pour Vassago, le royaume de Prideland n’avait décidément rien appris – ils se complaisaient tous dans le semblant de paix qu’ils pensaient avoir instauré et espéraient naïvement garder. Pas de méfiance, très peu de véritables guerriers, quelques sentinelles – pour la plupart, selon l’opinion du lion blanc, il manquait tout de rigueur, de discipline, d’entraînement. Des lions gros et lents, des bons à rien, des incapables – si un jour ce royaume venait à se faire envahir, ils se feraient tous massacrer jusqu’au dernier. S’il fallait leur accorder quelque chose, c’était le poids du nombre – mais cent incapables valent toujours moins que dix experts.

Bien que l’étang avait retrouvé son calme, quelques animaux traînaient encore dans le coin. Des hippopotames profitaient encore du confort que leur prodiguait l’eau, des hippotragues vagabondaient ici et là, quelques zèbres, deux trois gnous et … Un dernier lionceau. Ce petit mouflet était d’ailleurs particulièrement agaçant et riait de sa propre bêtise. Il s’amusait à plonger sa tête sous l’eau et expirer tout son oxygène afin de provoquer un amas de bulles autour de lui. Aussitôt ce petit manège terminé, il sortait la tête de l’eau et ricanait – et cela recommençait encore de plus bel, un cercle sans fin. Bulles et rires, bulles et rires… Bon sang que ce gosse était fatiguant.

Les oreilles de Vassago tressaillirent en entendant des pas se rapprocher de lui – il n’eût même pas besoin de tourner la tête pour savoir qui venait de le rejoindre, il avait reconnu son odeur.

« Ma très chère sœur, j’ai une question pour toi. Combien de temps penses-tu qu’il lui faudra pour perdre connaissance si un individu quelconque lui maintenait la tête sous l’eau ? » demanda-t-il avec un air détaché tandis qu’un sourire mauvais se dessinait sur ses babines. Il continua - « La panique de voir sa propre vie lui échapper lui raccourcirait sans aucun doute sa misérable existence. Mais je suppose que je n’aurai jamais le loisir d’avoir la réponse à cette question. Dommage ! »

Il savait parfaitement que l’étang était une zone de non-agression, mais Vassago rêvait de voir cette paix se briser. Contrairement à sa sœur, le maintien des alliances et de la bonne politique ne l’intéressait que très peu. Il ne rêvait que de chaos, de conquête, de guerre et de pouvoir par la peur. En un sens, il admirait Rukkia – il n’aurait jamais sa patience et sa magnanimité envers ces gueux de Prideland.

« Que me vaut le plaisir de ta visite ce soir ? J’ai l’impression que cela fait une éternité. »

Enfin ! Cette journée interminable touchait à sa fin ! Rukkia allait pouvoir profiter d'un peu de calme sans que personne ne vienne l'interrompre avec des inquiétudes, des questions ou des demandes plus stupides les une que les autres. Urgh... Par moment ce n'était pas un clan qu'elle avait l'impression de gérer mais une bande de lionceaux incapables de se débrouiller seuls ! Mais bon, c'était un problème pour la Rukkia du futur, celle du présent se dirigeait déjà vers sa famille d'un pas rapide après avoir saluer Kutupwa. Heureuse de profiter du couché de soleil en leur compagnie. Elle aurait probablement continuer sa route jusqu'à eux si une silhouette massive n'avait pas capturé son regard.

Vassago ?

Son cher jumeau semblait d'humeur solitaire... A moins qu'il ne s'éloignait que pour un instant ? Rukkia n'avait pas envie de prendre le risque qu'il s'absente toute la soirée. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu leur petit moment rien qu'à eux... Bien sur, ils se voyaient toujours, mais leurs aventures insouciantes en duo était loin derrière eux. Un sourire nostalgique s'afficha sur les babines de la lionne alors qu'elle emboitait le pas de son frère.

Elle le suivit silencieusement jusqu'à l'Etang. Là, elle le retrouva, son regard sang posé sur un lionceau. Rukkia l'avait à peine rejoint qu'il posa une question qui en aurait mit mal à l'aise plus d'un. Mais la lionne blanche ne bougea pas d'un pouce. Rien. Pas un frisson. Il fallait dire qu'elle connaissait bien le caractère parfois macabre de Vassago. Elle ne le partageait pas tout le temps, mais trouvait néanmoins que cela faisait parti intégrante de son charme. Alors que le grand lion monologuait, elle observa l'enfant en question. Jamais de sa vie elle ne penserait à lever une patte sur un lionceau. Ne serait-ce que pour leur utilité... Mais cela n'empêcha en aucun cas Rukkia de répondre :

- Avec la panique ? Quelques secondes suffiraient certainement.

La lionne plongea son regard cyan dans celui de son frère. Puis, avec un ronronnement, elle s'autorisa le genre de geste d'affection que seule elle osait faire. Enfin. Elle et ses parents. Rukkia vint frotter sa joue contre la crinière fournie de Vassago.

- Tu l'as dit toi même... Cela fait affreusement longtemps que nous n'avons pas eu un petit moment à nous. Entre tes entrainements avec nos futurs gardes du Nord et mes nouvelles responsabilités... Ça devient presque compliqué de prendre un instant pour souffler.

Toujours collée à son frère, la lionne porta son regard vers l'horizon, tachant de ne pas se laisser envahir par la nostalgie. Ce n'était pas une si mauvaise chose. Ils avaient beaucoup perdu en grandissant, oui, mais beaucoup gagné également. Du pouvoir, de la force, de l'élégance... Atteindre leurs objectifs de domination n'était plus un simple rêve de lionceaux à présent.

- En parlant de tes entrainements, comment se portent tes disciples ? Penses-tu réussir à en faire quelque chose ?

Pas qu'elle doutait des capacité de Vassago. Son frère était un guerrier, fort et discipliné. Mais même lui ne pouvait pas faire des miracle et transformer des suricates en lions. Il fallait espérer qu'au moins un se démarque assez pour être nommer "chef" de cette mascarade... Ce n'était pas comme si la Dame du Nord et son Chevalier lui laisseraient un vrai pouvoir de décision de toute manière.

Prepare for trouble, make it double !


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Anciennement - Papy Fleck

« Je me demande si un adulte tiendrait plus longtemps. Un corps plus lourd, une panique plus grande, la mort a plus d’impact lorsque l’on prend de l’âge. Il est possible qu’un enfant soit plus résistant. Enfin, au moins pour ces mollassons de Prideland. »

Les occasions pour dénigrer ce clan qui se vautrait dans le luxe de ses terres ne manquaient pas. Vassago aimait bien tirer sur l’ambulance. De toute façon ils ne méritaient ni égards ni compassion de sa part. Surtout quand on s’attardait sur les petits détails de l’histoire. Il lança néanmoins un regard concerné à sa sœur, lorsqu’elle évoqua le manque de temps dont ils bénéficiaient pour profiter de la présence de l’autre. Vassago savait qu’il lui incombait de subir tout ce manège politique, elle était faite pour danser au milieu de ces idiots.

« Un lourd fardeau pèse sur tes épaules ma chère sœur et je dois dire que tu t’en sors merveilleusement bien. Malgré tout, je ne peux m’empêcher d’être jaloux de tout ces rats qui profitent de ta compagnie. Ils ne te méritent pas. »

Les compliments venant de la bouche de Vassago se faisait rare, il savait qu’elle saurait l’apprécier. Lorsque sa sœur évoqua l’entraînement des nouvelles recrues, Vassago ne put réprimer un grognement et se mit à geindre, tout en laissant sa tête retomber sur le sol, tel un enfant s’apprêtant à bouder.

« Rukkia, sommes-nous obligés d’évoquer seulement les sujets fâcheux ? Ils sont lents, ils se plaignent la plupart du temps que les entraînements sont trop difficiles. »

Il ne s’attendait pas à avoir des vétérans en face de lui dès le premier jour, il était loin d’être aussi naïf mais cela le désolait particulièrement de voir qu’ils n’atteignaient même pas les bas-fonds de la médiocrité. Ils étaient aussi mous que les Pridelanders, à croire qu’ils ne voyaient pas l’intérêt de se battre. Vassago serait vraiment curieux de voir comment l’un d’entre eux s’en sortirait face à un ennemi quel qu’il soit.

Le lion blanc se demandait même si certains étaient ne serait-ce que dotés d’un instinct de survie. Sur les quelques recrues qu’il avait déjà, il pouvait dire que la moitié servirait de bouclier s’ils ne se décidaient pas à admettre que tout ceci n’avait rien d’un jeu. Il se devait de tenir un discours réaliste auprès de sa sœur, ils n’étaient plus des enfants et si la situation venait à se détériorer pour une raison ou une autre, elle se devait de savoir qu’ils étaient loin d’être prêts.

« Néanmoins, je peux au moins admettre qu’ils ne sont pas tous des cas désespérés, mais je suis loin d’avoir des guerriers en face de moi. De la chair à canon, ni plus ni moins. » il enchaîna rapidement sur un ton particulièrement dédaigneux : « Ils ne comprennent pas les enjeux de ces entraînements. Un clan sans une armée digne de ce nom ne représente aucune menace sérieuse. Si les autres ne nous prennent pas au sérieux, un jour viendra où le Nord ne sera plus qu’un lointain souvenir. Ils marcheront sur nos ossements sans même se souvenir de qui nous étions. »

Sa fierté le lui interdisait. Ils ne devaient pas en arriver là et pourtant il ne voyait que cet avenir-ci pour sa race. Des lions qui dominait sur le plan de la force physique allaient se faire écraser par négligence. Ils étaient presque vu comme une attraction.

« Je refuse de me laisser dominer par des lions paresseux et gras. »

En réalité, ce que le lion du Nord ne disait pas, c’est qu’il doutait. Il doutait de sa capacité à pouvoir faire de ces lions là de véritables guerriers. Il se devait de leur donner une raison, une bonne raison, de se dépasser mais pour le moment il se retrouvait dans une impasse.