Les accords convenus entre les freelanders et les nordiques remontaient déjà à quelques jours. Pourtant, l'arrivée des grands félins blancs non loin du repère était encore toute fraîche dans l'esprit du vieux léopon. Contrairement à sa nièce, Minei s'était montré très optimiste quant à l'issue des négociations tenus entre Ysera et Chakam.

Pour lui, les lions blancs ne représentaient aucun danger significatif pour le royaume de Freeland et ses habitants. Par conséquent, faire de ce groupe de lions un allié, restait la meilleure chose à faire. Connaissant sa reine mieux que quiconque, le vieux félin ne doutait pas une seule seconde de la capacité de Ysera à gagner la confiance de Chakam. Une mission tout naturellement accomplie avec brio.

Maintenant, la question qui se posait était de savoir si le nordique moyen, accepterai le fait de devoir maintenir des liens avec d'autres lions de savane dont les interactions, étaient quasi inexistante dix ans plus tôt. Une question pour laquelle, Minei n'avait aucune inquiétude particulière. Le groupe de lion nomade semblait soudé.

Après plusieurs minutes de discussions avec un nordique, le félin au regard pêche pris congé de ce dernier, avant de se lancer dans une petite marche en solitaire. La présence des grands félins blanc sur Freeland était une aubaine, dans la mesure où grâce à eux, Minei avait toujours cette impression de vivre des jours marquées par un accroissements de ses connaissances sur le groupe de lion le plus mystérieux de l'histoire de la terre des lions.

Soudain, après une petite heure de marche marquée par plusieurs pauses régulières, le descendant de Kuzali rencontra Chakam pour la troisième fois. La première, remontait à son passage dans la jungle après plusieurs années d'absence du secteur. La deuxième, correspondait au jour des négociations en face à face avec Ysera et sa délégation.

- Bonjour Chakam ! Ah ! Ah ! Non, vous ne me dérangez pas ! Vous savez à mon âge, cette notion de "Mission" ne fait plus partie de mon vocabulaire depuis bien longtemps. Comment allez-vous ? 


S'assurer du bien-être d'un invité était la moindre des choses. Même si le vieux félin tacheté avait pas mal de choses à dire, il était prêt à mettre sa propre curiosité de côté pour le bien du chef nomade et ses camarades.

Minei était tout naturellement très heureux d'apprendre que le grand lion blanc allait bien. Sa relation entretenue avec Chakam était bonne. Même si le vieux léopon ne pouvait se vanter de le connaître aussi bien que ses congénères, cette première rencontre dans la jungle, avait suffit à le convaincre sur une chose : Chakam était un lion très sérieux et courtois.

Dans un tout premier temps, le grand félin à crinière repris la parole en révélant qu'il allait bien, avant de le remercier pour son implication dans le rapprochement entre les deux clans. Un rôle sans grande importance, dans la mesure où Minei s'était simplement contenté de transmettre un message à la reine.

- Ah ! Ah ! Ce n'était pas grand chose mon cher Chakam. Mon rôle ne s'est résumé qu'à la transmission d'un message, rien de plus. D'ailleurs, c'est plutôt moi qui devrait vous remercier. Votre délégation a été exemplaire. Négocier dans ces conditions était beaucoup simple.


En tant que nomade, il était clair que le renforcement des liens entre les clans freelanders et nordiques, n'avait pas la même importance stratégique que l'alliance maintenue avec les pridelanders. Cependant, cela ne voulait pas dire que les normades étaient soudainement moins importants que les alliés traditionnels.

Minei avait cru comprendre que certains nordiques avaient des compétences similaires aux guérisseurs communs à la plupart des clans de lions sédentaires. Par conséquent, avoir les lions blancs parmi les alliés restait un atout majeur. Si l'on ajoutait à cela la taille et la musculature impressionnante de ces derniers, la perspective d'entrainements en commun était envisageable.

- Je suis très satisfait de l'issue des dernières négociations. Sans votre respect des règles régissant les rapports entre citoyens freelanders, je pense que nous n'en serions pas là aujourd'hui. D'ailleurs, maintenant que j'y pense...Que comptez-vous faire ? Récupérer quelques informations supplémentaires avant de poursuivre votre voyage ?

Une hypothèse probable. Après tous, les grands lions blancs retaient les "petits nouveaux" de la savane d'une certaine manière. Un phénomène, expliqué par leur longue histoire d'isolement dans les montagnes avant la crise climatique.

Chakam revint brièvement sur la réussite des négociations entre lui et son homologue freelander, en mettant l'accent sur le fait que les lions des terres libres s'étaient montrés très accueillant dès le départ. Par conséquent, il était tout-à-fait possible de voir dans cet accueil chaleureux, une sorte de mise en confiance. 

Bien sûr, rien n'était gagné d'avance. Néanmoins, il était tout-à-fait possible de voir cet élément comme un facteur positif dans le développement des relations diplomatiques entre les deux groupes. Chose pour laquelle, le vieux léopon ne pouvait être que d'accord. Chasser des étrangers sans motifs sérieux n'avait aucun sens.

Le chef nomade enchaîna sur les objectifs de son groupe. D'après lui, Ysera avait fait part de son désir d'expliquer un peu plus en détail la stratégie dont le succès, avait permit au clan de survivre à la chaleur. Une fois leur pèche aux infos terminée, les lions blancs repartiraient vers le nord en direction des montagnes dans le cadre d'un rite particulier.

Le grand félin blanc termina sur une interrogation portant sur les traditions propres au clan freelander. Une très bonne question, si l'on prenait en compte le caractère mouvementé de l'histoire du royaume.

- Oui...Enfin, c'est un peu compliqué, dans la mesure où beaucoup de choses ont changés au fil des décennies. Pour faire simple, depuis la réunification sous l'ancien roi Tangawi, nous sommes revenus à des traditions similaires à ce que l'on retrouve sur le royaume de Prideland. Le seul élément notable, réside dans la désignation du souverain. Contrairement à nos voisins, nous avons opté pour un système de désignation indépendante d'une quelconque appartenance à la famille du souverain. Tout est une simple question de confiance accordé au potentiel successeur. Une sorte de choix au mérite.


Un système que Minei approuvait. Il ne voyait aucun intérêt à voir une famille garder le monopole du pouvoir sur le fondement d'une filiation particulière. Le système adopté sur Prideland, n'était pas adapté au contexte général du vaste royaume de Freeland.

Par ce système, le royaume de Freeland se distinguait de son voisin. La monarchie héréditaire avait été abandonnée, au profit de l'établissement d'un système monarchique au mérite. Un système unique dont la particularité, s'incrivait parfaitement dans la cohérence du contexte politique et social du territoire dans son ensemble. 

Visiblement satisfait de la réponse de son interlocuteur, Chakam avoua qu'il venait d'apprendre quelque chose d'intéressant. L'idée de choisir son souverain de la sorte, était une lourde responsabilité. L'avantage, reposait essentiellement sur cette idée selon laquelle, le peuple disposait d'un pouvoir plus important.

La désignation du nouveau souverain découlait d'un consensus au sein du peuple. Il était hors de question d'imposer quelqu'un sur la base d'une filiation particulière. Une fois de plus, Freeland était trop différent de Prideland pour maintenir des traditions similaires.

Le chef des nomades termina par une nouvelle question. Cette question, était tout simplement celle de savoir si ce système marchait bien pour le clan. Pour Minei, la réponse était évidente. 

- En effet. Ysera est très populaire. Son règne s'inscrit parfaitement dans ce qui avait été initié par ses prédécesseurs. Elle mène une politique fondée sur une volonté claire d'unité entre les membres, afin d'éviter une répétition des erreurs du passé, avec l'apparition de plusieurs clans indépendants.


L'air pensif, le vieux félin tacheté laissa son regard parcourir le paysage des terres du sud pendant un court instant, avant de reporter toute son attention sur Chakam.

- Ce système de monarchie au mérite marche très bien. Je peux même dire qu'il s'agit du système le plus adapté si l'on prend en compte l'histoire de Freeland et ses habitants. Vous constaterez que malgré une courte période de fragilisation de la monarchie sur Prideland, son système héréditaire tiens toujours en raison de son histoire unique et tout aussi intéressante.


Sur le coup, Minei ne pu s'empêcher de sourire. Sans cette fameuse fragilisation découlant du crime de haute trahison d'Awena, il n'aurait jamais vu le jour sur Freeland. Il aurait probablement rencontré Chakam non pas en temps que simple guerrier à la retraite, mais en tant que roi de Prideland.

Visiblement satisfait de la réponse, Chakam remercia son interlocuteur, avant de marquer un temps d'arrêt l'air pensif. Minei quant à lui, garda les yeux fixés sur le chef des nordiques, estimant qu'une question de sa part était sur le point de venir. Une hypothèse largement confirmée dans la suite des propos du grand lion.

La question posée, était tout simplement celle de savoir comment les freelanders avaient réussi à gérer cette période de crise climatique particulièrement rude. Les pridelanders s'étaient alliés aux jangowas, dans le but d'apprendre à survivre dans un contexte de grande chaleur quasi permanente. Les nordiques quant à eux, avaient été contraint de quitter leurs terres natales pour mener une vie de nomade dans la savane. Mais quant était-il des freelanders ?

-Votre question est très intéressante mon cher Chakam. Sur Freeland, nous avons opté pour un rassemblement de tous les clans indépendants au repère. Un espace dont la fraîcheur peut être maintenue sur une très longue durée.

Il était important rappeler que ce rassemblement, constituait un avantage pour des raisons très pratique en matière d'exercice du pouvoir du souverain.

-Le regroupement des différents clans indépendants au repère, a permis au souverain de superviser la consommation des ressources dans des conditions optimales.

À la prohibition de tout acte de gaspillage, s'ajoutait aussi un contrôle dans la distribution des vivres, avec les lionceaux, les jeunes mères ainsi que les lions et lionnes âgés, parmi les membres prioritaires.

Une fois de plus, Chakam était satisfait de la réponse de son aîné. C'était une très bonne chose. Au-delà de cette relation de confiance entretenue entre les deux félins, Minei était encore très heureux de constater que son âge ne constituait pas un facteur de détérioration de ses capacités cognitives. 

Silencieux, le retraité laissa son regard pêche parcourir les terres du sud une nouvelle fois, avant de reporter toute son attention sur le grand lion blanc. Au-delà des nouveaux plans de trajet du groupe nomade, le vieil hybride était très curieux de connaître les impressions de Chakam sur les territoires traversés, à commencer par le royaume de Prideland lui-même.

- Mais dites-moi Chakam. Qu'avez-vous pensé du royaume de Prideland ? Quelles sont vos impressions ? 

La question qui se posait ici, était de savoir si Prideland avait suscité une certaine fascination, de la surprise ou peut-être même une certaine crainte. Après plusieurs décennies de vie dans les montagnes, se retrouver dans le monde d'en bas n'avait probablement rien de rassurant dans un tout premier temps. Si l'on prenait en compte les différences en matières d'environnement, il était tout-à-fait possible d'envisager un certain malaise chez les lions des montagnes.

Contre toutes attentes, le bout de chemin des nordiques sur Prideland, n'incluait pas la savane. Ces derniers avaient suivi un trajet couvrant la Lande des sans terres, avant de poursuivre en passant par d'anciens territoires outlanders. Néanmoins, dans la perspective d'un retour vers les montagnes, Chakam envisageait un nouveau passage sur Prideland.

Tout naturellement, le chef des nordiques interrogea son ainé, en lui demandant s'il souhaitait faire passer un message à quelqu'un en particulier. Une question pour laquelle, Minei répondrai par la négative. Depuis la mort de Sahaas, ce dernier ne pouvait se vanter d'avoir un lien de famille fort sur place. La seule famille qui lui restait, était le roi de Prideland lui-même.

Cependant, malgré l'existence d'un ancêtre commun, les deux félins ne se connaissaient pas vraiment. Sur cette base, il était évident que Kupendwa n'aurait aucun intérêt à recevoir les salutations d'un cousin inconnu.

- Non, je n'ai aucun message particulier à faire passer ! Bonne chance pour votre voyage !

Sourire aux babines, l'ancien chef des guerriers s'inclina, avant de terminer en disant :

- À très bientôt mon cher Chakam ! J'espère que nous aurons l'occasion de discuter plus longuement la prochaine fois !

Lentement, le vieux léopon se retourna, avant de prendre congé de son interlocuteur. Parler de "prochaine fois" était un bien grand mot, compte tenu de son âge avancé. Pourtant, ce dernier préférait faire preuve d'optimisme dans l'idée de revoir le chef nomade avant de mourir.

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